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Le document ci-dessous est le procès-verbal d'une « assemblée des bourgeois et habitants de la ville de Lantreguier en leur maison de ville », en date du 10 octobre 1617, dont l'objet était de nommer un député pour les représenter aux Etats de Bretagne qui devaient s'ouvrir à Rennes le 26 du même mois. Cette assemblée est présidée par Vincent de Rosmar, juge-prévôt de Tréguer.

Le procureur des bourgeois, que l’on appelait à cette époque « procureur-syndic de la communauté de ville » était alors maitre Vincent Le Guenel. Il prétendait qu'il n'y avait pas lieu d'élire un député pour représenter la ville aux Etats de la province, parce que, selon lui, cette députation était un des droits de sa charge de procureur-syndic. Cette prétention ne fut point admise par la communauté de ville, qui, malgré l'opposition de Le Guenel, procéda à l'élection et nomma pour député Vincent de Rosmar, en lui adjoignant comme suppléant ou agrégé un autre de ses membres, Pierre Feger, sieur de Kerhamon. Ces deux députés n'avaient qu'une voix dans l'assemblée des Etats, l'agrégé étant simplement le conseil du premier député et son suppléant s'il y avait lieu.

ÉLECTION D'UN DÉPUTÉ AUX ÉTATS DE BRETAGNE - 10 OCTOBRE 1617

En la convocation et assemblée faicte des nobles bourgeoix et habitantz de ceste ville de Lantreguier en leur maison de ville, à la manière accoustumée, pour tretter, deliberer et conclure sur et touchant les affaires du general et corps politique de leur communaulté, devant monsieur maistre Vincent de Romar [Note : La meilleure et plus habituelle forme de ce nom est Rosmar. Quant aux fonctions de juge-prévôt exercées à Tréguer par ce Vincent de Romar ou de Rosmar, une note du subdélégué de Tréguer, de l'an 1717, les définit ainsi : « Il y a dans cette ville un juge prevost de la juridiction de la prevosté, qui connoit des affaires civiles seulement entre les habitans, les matières criminelles appartenant aux juges des régaires (c'est-à-dire de la seigneurie épiscopale) comme hauts-justiciers, le juge prevost n'ayant que moyenne et basse-justice »], escuier, sieur de Runauldren, juge prevost de ladicte ville, commissaire en ceste partye [Note : C'est-à-dire commis par le seigneur évêque de Tréguer pour présider cette assemblée], a esté, par maistre Vincent Le Guenel, procureur sindic à present de ladicte communaulté de Lantreguier, apparu et faict lire une lettre missive servante de mandement, de la part de Monseigneur de Vendosme [Note : A cette époque gouverneur de Bretagne ; il était fils du roi Henri IV et de Gabrielle d'Estrées], dattée du dix neuffieme jour de septembre dernier, signée CEZAR DE VENDOSME, à ce que lesdictz habitantz eussent à depputer quelques uns d'entr'eulx pour se trouver, pour le general de leur communaulté, en l'assemblée generalle des Estatz de Bretaigne, assignée en la ville de Renes au vingtieme jour de ce moys ; requerant qu'il plaise à l'assemblée adviser ce touchant, declarant qu'il prétend y aller à cause de sa dicte charge, sauff à se faire payer des fraiz ainsy qu’il voira.

Lecture faicte desdictes lettres, a esté par lesdictz habitantz dict que ledict sindic n'est depputé nay [Note : C'est-à-dire « n'est pas député-né » en vertu de sa charge, comme il le prétendait] pour aller ausdictz Estatz, et que la depputation se doibt prendre à la maire voix [Note : Ad majorem vocem, c'est-à-dire à la majorité des voix des habitants, qui choisiront ceux qu'ils jugeront les plus capables. On entend ici par habitants les notables ayant entrée dans l'assemblée municipale représentant « la communauté de ville »] des habitantz et de ceux quy seront trouvés les plus capables.

Sur quoy, prins l'advis desditz habitantz, a esté par eulx advisé qu'il sera procedé à la nomination dudict sindic ou autres pour aller ausdictz Estatz, suivant la pluralité des voix. Et a ledit Le Guenel audict nom protesté que, neanmoigntz lesdictes voix, il yra, au desir de ce quy appartient à sa charge, à ladicte assemblée des Estatz.

Et ayantz lesdictz habitantz deliberé, ilz ont nomé et deputté mondict sieur prevost pour aller aux Estatz, par ce qu'il sera satisfaict ainsy qu'il est advisé en ladicte assemblée ; et pour l'assister à la tenue desdictz Estaz a esté en pareill deputté noble Pierre Feger sieur de Keramon [Note : Celui-ci était ce qu'on appelait un agrégé ; il servait de conseil, au besoin de suppléant au député ; mais tous deux dans l'assemblée des Etats, n'avaient qu'une voix], avecques tout pouvoir au cas requis.

De tout quoy a esté decerné acte, et mesme audict Le Guenel de ses protestations, de l'ordonnance de mondict sieur prevost, soubz son signe et ceulx des sachantz signer, de ladicte assemblée, le dixiesme jour d'octobre mil six centz et dix sept.

Ainsy signé : VINCENT DE ROMAR, prevost. FRANCOYS DE KEROURGUY. P. GAULTIER. Y. NICOLLAS LE BIGOT ; JEAN LE COURT. PIERRE FEGER. JACQUES LE GOFF. Y. GUILLEMOT. L. MERIENNE. GUY CORP. JAN RIOU et H. BERRE. Au rapport de maistre Jan Le Bigot. (Copie contemporaine collationnée). (A. de la Borderie).