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LA FONCTION RELIGIEUSE DE TRÉGUIER DANS LE PASSÉ

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L'évêché de Tréguier apparaît dans l'Histoire vers le milieu du IXème siècle, en même temps que ceux de Dol et de Saint-Brieuc. Sur les ruines du monastère de Saint Tudual, détruit par les Normands, Nominoë élève alors une église autour de laquelle vint s'agglomérer une petite cité épiscopale. Le roi de Bretagne consacrait en effet le pouvoir de quelques-uns des évêques venus avec les émigrants et qui étaient restés sans sièges. Certains d'entre eux, placés à la tête de grands monastères, avaient pris de l'autorité sur les populations qui les entouraient. Le diocèse de Tréguier s'étendait depuis le Leff et le Trieux jusqu'à la rivière de Morlaix. Il était limité au Nord par la mer, au Sud par la Cornouaille. Sur le territoire du « minihy », aux lisières méridionales de la ville, s'exerçait l'antique droit d'asile de saint Tudual.

Cité aux ressources précaires, Lantreguer ne pouvait qu'à peine achever la construction de sa cathédrale [Note : La cathédrale est construite presque entièrement en granit de Perros. Pour effectuer des réparations à cet édifice au XVIIIème siècle, on fit venir des pierres appareillées des carrières de l'Ille-Grande en Pleumeur-Bodou (A. M. : Registre des délibérations de la Communauté de Ville, XVIIIème siècle)]. Commencée par saint Yves en 1296, interrompue et reprise seulement vers le milieu du XIVème siècle, elle n'était terminée que cent ans plus tard. Mais la dévotion à saint Yves, qui s'établit au XIVème siècle, va donner à la ville une animation jusqu'alors inconnue et devenir pour elle une source de revenus et une cause d'extension [Note : Saint Yves fut canonisé en 1347, mais avant cette date un pèlerinage existait déjà au lieu de sa sépulture]. La renommée de Lantreguer s'accrut alors considérablement et, dès le milieu du XIVème siècle, des pèlerins nombreux y affluaient. Ces étrangers restaient plusieurs jours dans la ville. Leurs libéralités étaient suffisantes pour que l'église - cathédrale fut « soutenue, maintenue et gouvernée en édiffices, luminaire et aultres choses nécessaires à l'office divin » [Note : Charte du duc François II, donnée à Nantes le 20 juillet 1463, publiée par A. Barthélemy (II), p. 243]. Le chapitre et les bourgeois s'enrichissaient.

En mai, lors du grand pardon, la ville s'emplissait pendant quelques semaines d'une foule de pèlerins normands, malouins, espagnols, portugais, venus par mer, et qui se pressaient dans les rues étroites. Précieuse ressource, dont l'on s'efforçait de protéger les dispensateurs en sollicitant en leur faveur l'intervention de François II, duc de Bretagne, et du pape Sixte IV [Note : A. Barthélemy (II), Sur la présence des Portugais à Tréguier, cf. Jourjou (XIV), p. 243]. Le caractère demi-sacré qui s'attachait à la cité gardienne du tombeau de saint Yves en faisait un îlot de paix dans les temps troublés. Favorisée par ses immunités, elle souffrit relativement peu de la guerre de Cent ans. Malgré les sauf-conduits ducaux et la protection pontificale, les pélerins furent sans doute moins nombreux pendant ces années où les routes n'étaient pas sûres et où il était imprudent de s'aventurer au large des côtes bretonnes. Le commerce souffrit aussi des attaques des corsaires [Note : Le 10 mai 1483, le « Nicolas » de Tréguier, qui revenait de La Rochelle avec une cargaison de vin, fut capturé par son homonyme, le « Nicolas » de Fowey. Telle était l'autorité que tirait l'évêque des précieuses reliques dont il avait la garde que le secrétaire même du duc François II, Gilles de Crésolle, fit le voyage d'Angleterre sur un bâtiment trégorrois nommé le « Christophe », pour régler la question des pirates de Fowey (cf. Pocquet du Haut Jussé. (XXV)]. Et la lenteur des travaux effectués en vue de reconstruire la cathédrale doit sans doute être imputée à la rigueur des temps.

Pourtant, sous l'impulsion de l'évêque et de son entourage, la ville s'embellit au XVIIème siècle. On construisit un nouvel évêché, plus proche de la cathédrale que l'ancien. Les Ursulines arrivent en 1625 et s'installent au bout de la rue Neuve, sur le chemin qui conduit à Saint-Yves. Un nouvel hôpital général est fondé en 1654, remplaçant celui qui existait auparavant. On fit appel, pour le diriger, à des religieuses de Quimper, et de 1662 à 1667, on construisit les nouveaux bâtiments que nécessitaient les services de cet hôpital. La ville avait aussi un Hôtel-Dieu situé sur la route de La Roche. Un grand séminaire s'élève en bordure da la rue des Perdrix, en face de l'emplacement occupé naguère par l'ancien évêché. Les soeurs de la Croix arrivent en 1666. Puis, en 1699, les soeurs Paulines s'installent dans un couvent construit entre la rue Colvestre, la rue Kersco et la venelle transversale. Le XVIIIème siècle vit encore de nouveaux édifices religieux remplacer de vieux bâtiments, mais les établissements nouveaux sont plus rares. On ne peut guère signaler que la construction des Paulines Neuves sur route de Lannion, en 1760. Dès 1702, la Communauté de Ville avait fait reconstruire l'ancienne église Notre-Dame de Coatcolvézou, à l'emplacement occupé de nos jours par la place Renan ; et le collège s'installait en 1782 dans les bâtiments neufs élevés sur la pente qui descend vers le confluent, là même où se dressaient les anciens qui, menaçant ruine, avaient été abandonnés en 1771 [Note : Emplacement occupé aujourd'hui par l'institution Notre-Dame, entre la rue de la Poissonnerie et la nouvelle route de Plouguiel].

Tréguier avait toutefois vu mourir avec le XVIème siècle la période la plus heureuse de son histoire. Le sac de la ville, en août 1592, avait été suivi du transfert à Lannion du siège royal et à Morlaix de la juridiction des traites et de celle de l'Amirauté. Ces deux villes commencèrent alors à gagner en importance ce que perdait Tréguier. La cité déchue, comprenant que la présence d'institutions administratives, ecclésiastiques ou civiles, était seule capable de lui donner un peu d'activité en même temps qu'un cachet urbain, s'efforcera d'obtenir le rétablissement des juridictions qu'on lui avait enlevées. Dans une supplique adressée à l'Assemblée Nationale, les Trégorrois demanderont qu'on leur rende le siège transféré à Lannion. Ils donneront comme raison que leur ville est une cité épiscopale, occupant une position centrale, « au carrefour de trois grandes routes » et qu'elle possédait un siège royal avant 1589. Ils rappelleront avec douleur que les Espagnols firent un désert d'une ville « célèbre et opulente ». Ils montreront le commerce languissant, l'industrie presque nulle, l'émulation disparue. Ils comptaient que le rétablissement des anciens tribunaux rendrait à la ville son « ancienne splendeur ». [Note : A. M. : Registre des délibérations de la Communauté de Ville, de 1777 à 1790, f° 161, recto, et suivants].

Mais, comble de disgrâce, Tréguier perdait son évêque en 1790. Ce fut pour elle un coup mortel. La réorganisation administrative révolutionnaire trompa de plus son attente. Les habitants de la ville attendaient une compensation : malgré leurs efforts, il n'obtinrent pas que leur cité devint un chef-lieu d'arrondissement. Elle perdit sa prison, la garnison qui l'avait tenue pendant quelques années et elle tomba dans le ressort du tribunal de commerce de Lannion.

Or, avec sa principale source d'activité, Tréguier avait perdu la partie la plus riche de sa population. Les fondations religieuses y entretenaient tout un peuple de miséreux qui vivaient des secours des pélerins, de l'évêque et du haut clergé [Note : A. M. : Registre des délibérations de la Communauté de Ville]. La Communauté de Ville avait aussi coutume de faire périodiquement des quêtes en vue de stimuler la charité des habitants les plus aisés. Par suite de l'émigration et après la suppression de l'évêché, il fallut faire vivre autrement les sans-travail. En 1791, on leur fit caillouter le nouveau chemin des Buttes, aplanir les Halles, dégager les abords du quai des pierres qui les encombraient. Sur 2.891 habitants que comptait Tréguier en 1778 [Note : A. M. : Registre des délibérations de la Communauté de Ville, de 1777 à 790], il y avait 731 chefs de famille indigents à la charge de la ville. Le nombre des contribuables astreints à la capitation n'était que de 561. En outre, il y avait 623 privilégiés dont 56 ecclésiastiques et suppôts, 180 élèves du séminaire et des collèges, 127 membres des communautés religieuses. On imagine la perte que représentait, pour la foule des indigents, cet amoindrissement de la dignité de la cité. Il y avait encore de nombreux indigents dans la ville au XIXème siècle. En 1841, 800 à 1000 pauvres — le tiers de la population — étaient sans ressources et beaucoup d'entre eux se livraient à la mendicité, quelques uns à la débauche. Des femmes de moeurs faciles se réunissaient le soir dans les ruines de Saint-Michel, alors en dehors de la commune de Tréguier, pour échapper à la police de la ville. De nombreuses familles riches disparurent entre 1862 et 1882 : armateurs malheureux, industriels dans le marasme. Par une sorte de survivance de sa fonction épiscopale perdue, Tréguier resta une cité studieuse. Elle obtint une école secondaire en l'an XI, qui fera place ensuite à un collège dépendant de l'Université, avant de redevenir un établissement ecclésiastique. L'émoi fut grand lorsqu'il fut question de supprimer ce collège en juin 1828. On réussit cependant à le conserver ; mais on ne put empêcher une école maritime qui existait alors de suivre, en 1841, son professeur à Paimpol, où cette école restera désormais.

Singulière fortune, que celle qui avait associé, pour le bien de Tréguier, la popularité de saint Yves à l'antique renom de saint Tudual ! Mais fortune fugitive. La fonction religieuse avait du moins assuré pendant un temps la prospérité de la ville en lui procurant la meilleure de ses sources de revenus. Elle avait également été pour une bonne part dans l'activité du port.

(M. Gautier).

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