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LE VIEUX TREGUIER |
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Le périmètre de la ville de Tréguier à l'époque de sa splendeur devait avoir incontestablement pour limite, au nord la rivière du Guindi du pont St-François à l'extrémité nord des quais, au levant la rivière du Jaudi de cette extrémité nord des quais au bac actuel de St-Yves, au sud une ligne partant de ce bac et allant à la tour St-Michel passant par l'église de St-Yves au Minihy et au couchant une autre ligne allant de la tour St-Michel au pont St-François.
Nous voulons, dans ce chapitre, parler des anciens établissements, monuments et maisons contenus dans cette enceinte et, pour ne rien omettre, le meilleur moyen est de suivre l'itinéraire ci-après tracé ; mais auparavant, nous devons nous arrêter à 3 sujets principaux qui forment pour ainsi dire la base de l'histoire de Tréguier, son évêché, sa communauté de ville et sa cathédrale.
Evêché. — L'évêché de Tréguier comprenait tout le territoire sis entre la rivière de Morlaix et celle de Lézardrieux, limité au nord par la mer et au sud par la Cornouaille. Il comprenait 2 archidiaconés, celui de Plougastel entre la rivière de Morlaix et celle de Lannion et celui de Tréguier entre la rivière de Lannion et celle de Lézardrieux.
Les évêques de Tréguier étaient de hauts et puissants seigneurs et portaient le titre de comtes de Tréguier ; ils avaient pouvoir de basse et haute justice et leurs sentences prononcées en Cour des Regaires relevaient directement du parlement de Bretagne sans passer par aucune juridiction intermédiaire. Le siège de Tréguier fut souvent occupé par des prélats, appartenant aux familles les plus illustres, tels que le cardinal de Bourbon, les de Bruc, Tournemine, Malestroit, de Plœuc, du Chastel, d'Est, Juvénal des Ursins, d'Amboise, etc.
Le chapitre de la cathédrale était composé de 5 dignitaires, le grand chantre, les archidiacres de Plougastel et de Tréguier, le trésorier et le scholastique et de 14 chanoines.
La ville de Tréguier avait 3 paroisses : 1° la Rive ou St-Sébastien, comprenant toute la partie Est à partir de la cathédrale ; 2° l'Hôpital ou St-Vincent, comprenant la partie Ouest et 3° le Minihy comprenant la partie Sud occupée aujourd'hui par la paroisse de ce nom. Trois cimetières dépendaient de ces paroisses, celui du Minihy toujours situé au même endroit, celui de St-Fiacre qui est le cimetière actuel de Tréguier et celui de Coatcolvézou dépendant de l'église de ce nom dont nous parlerons plus loin.
Plusieurs des évêques de Tréguier furent de grands bienfaiteurs de leur ville épiscopale et leurs noms méritent à tous égards de rester gravés dans la mémoire des Trécorrois ; nous avons pensé qu'il serait intéressant d'attirer l'attention du lecteur sur ces noms en rapportant en fin de cette étude le catalogue des évêques de Tréguier, par Albert Le Grand, et en annotant en marge les faits mémorables passés sous leur épiscopat, résumant ainsi en peu de mots l'histoire de Tréguier à travers les siècles.
Communauté de ville. — Avant la Révolution de 1789, la ville de Tréguier était régie par la communauté de ville qui n'était autre que le conseil des bourgeois, lesquels élisaient un magistrat municipal chargé de représenter et de défendre en toute occasion les intérêts de l'ensemble des habitants. Ce magistrat s'appelait procureur des bourgeois (plus tard procureur syndic de la communauté de ville). Il fallait être bourgeois pour faire partie de la communauté de ville et ce droit de bourgeoisie était conféré par l'assemblée municipale ; pour l'obtenir, on s'adressait au procureur des bourgeois qui transmettait la demande au corps de ville et en cas d'opposition faisait une enquête sur laquelle l'assemblée statuait.
On ne sait trop à quelle époque remontait cette institution à Tréguier. Au tome XXXII du Recueil de la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord, M. de la Borderie relate un procès-verbal de l'assemblée municipale de Tréguier du 22 avril 1539. Nous avons encore un document bien autrement précieux, c'est un registre (série E, archives départementales d'Ille-et-Vilaine) contenant outre divers actes émanant du procureur des bourgeois, quantité de délibérations de la communauté de ville de Tréguier. Le premier de ces actes et délibérations porte la date du 1er août 1507 et le dernier celle du 24 janvier 1540.
Nous trouvons, par ailleurs, dans les archives municipales de Tréguier, un document excessivement intéressant à ce sujet ; c'est une délibération de ladite communauté de ville en date du 11 août 1783 que nous tenons à reproduire in extenso, car il nous indique la composition des membres de cette communauté.
« Usages de la
communauté :
Les commissaires intermédiaires du bureau de Tréguier demandent
l'état de formation de la communauté de cette ville, l'Assemblée répond :
Qu'elle ignore l'époque de sa formation, que le titre n'en paraît plus, qu'on sait seulement par tradition que les archives de la communauté furent brûlées dans le temps de la Ligue, lorsque le duc de Mercœur et les Espagnols cantonnés dans l'île de Bréhat, incendièrent la ville le 17 août 1592 pour la punir d'avoir toujours resté fidèle au roy ;
Qu'en ce qui regarde la formation
actuelle, elle est composée de :
1° Quatorze membres, compris 2 chanoines du
chapitre de l'église cathédrale ;
2° Deux gentilhommes ;
Que la manière d'entrer dans ce corps a été dans tous les temps de passer par l'Administration de l'hôpital des pauvres malades et par le gouvernement temporel de la chapelle de N.-D. de Coatcolvezou, qui est domestique de la communauté ;
Que la nomination de deux sujets se fait tous les deux ans ou tous les quatre, à la Madeleine et à la Saint-Michel par un usage ancien et qu'ils acquièrent dès ce moment entrée dans l'Hôtel de Ville ;
Que les affaires s'y traitent par la pluralité des voix et conformément aux arrêts et règlements donnés par sa Majesté sur l'administration de communauté, dont M. l'Intendant juge en première instance et le Conseil en dernier ressort ».
La communauté de ville siégeait dans le cloître de Notre-Dame de Coatcolvézou considéré comme établissement municipal et députait aux Etats, Tréguier étant considéré comme une des villes importantes de Bretagne.
Cathédrale. — Pour mieux comprendre la description de la cathédrale, nous reproduisons le plan communiqué à M. Chardin par M. Devrez, architecte de la cathédrale et inséré au Bulletin monumental, année 1886, p. 97.
Comme on le voit, le monument forme une croix latine qui a 75 mètres de longueur sur une largeur de 17 m. 45 comprenant 3 nefs. La longueur des transepts est de 39 m. 50 et leur largeur aux 2 bras de la croix de 7 mètres. La hauteur sous voûte est de 18 mètres.
La tour qui se trouve à l'extrémité du transept méridional a 30 mètres d'élévation et la flèche à jour qui la surmonte 33 mètres, ce qui donne au clocher tout entier une hauteur de 63 mètres.
Une autre tour dite la tour du Sanctus s'élève au point d'intersection des transepts, de la nef et du chœur, a la même hauteur que la précédente, est terminée comme elle par une galerie en quatre feuilles et surmontée d'un toit à huit pans.
Enfin à l'extrémité du transept septentrional se trouve une 3ème tour carrée, dite tour d'Hastings, à 2 étages auxquels on monte par un escalier pratiqué dans une tourelle cylindrique engagée à l'un des angles.
4 portes donnent accès à l'intérieur de la cathédrale.
Le portail occidental a 7 marches à l'extérieur et 5 marches à l'intérieur pour descendre dans l'église ; il est précédé d'un porche dont la voûte est recouverte d'une terrasse en partie masquée par 2 frontons triangulaires ; au-dessus de cette terrasse et en retrait, une grande fenêtre rayonnante occupe toute la largeur du pignon.
Le portail ouvert à la base de la tour méridionale et élevé sur des degrés extérieurs est précédé d'un porche avec voûte en berceau. Cette voûte, dit M. Pol de Courcy, est composée d'une suite d'arceaux treillissés ou entrelacés en losanges ; chacun de ces losanges encadre, en outre, un quatre feuilles profondément refouillé et qui fait de cette dentelle de pierre un des ouvrages de sculpture les plus délicats qu'on puisse imaginer.
LÉGENDE.
1. Chapelle
Saint-Yves ou Chœur du Duc.
2. Chapelle Saint Jean (aujourd'hui de
l'Archiconfrérie).
3. Chapelle Sainte-Anne.
4. Chapelle Saint-Nicolas
(aujourd'hui du Mont-Carmel).
5. Chapelle Saint-Martin (aujourd'hui
Saint-Joseph.
6. Chapelle Saint-Jérôme (aujourd'hui Sainte-Philomène)
7.
Chapelle de la Sainte-Croix.
8. Chapelle Saint-André.
9. Chapelle
Saint-François d'Assise.
10. Chapelle Saint-Tudual (aujourd'hui N.-D. de
Bon-Secours).
11. Chapelle du Sacré-Cœur.
12. Chapelle du Rosaire et des
Trépassés.
13. Chapelle des Fonds.
14. Enfeu d'un grand chantre de la
cathédrale.
15. Enfeu d'un chevalier
16. Enfeu d'un chevalier.
17.
Enfeu du chanoine Jean de Lantillac.
18. Tour dite d'Hasting.
19. Porte
dite de Saint-Jean.
20. Porte dite de Saint-Jérôme.
21. Transept
septentrional.
22. Transept méridional.
23. Porche occidental.
24.
Porche méridional.
25. Mausolée de Saint-Yves.
PLAN DE LA
CATHÉDRALE DE TRÉGUIER.
Au-dessus de ce portail, s'ouvre, sur la largeur entière de la façade de la tour, une immense fenêtre à meneaux flamboyants, laquelle fut vitrée en 1468 par Olivier Lecoq et Jean Lavenan, peintres-verriers de Tréguier, dont nous parlerons ci-après.
Entre ces 2 portails existe le long du collatéral sud un porche, muré à l'extérieur, qui sert vers 1913 de chapelle des fonds baptismaux, lequel était désigné sous le nom de porte du peuple et devait être l'entrée principale de l'église au XIVème siècle, c'est-à-dire avant la construction du porche flamboyant du transept.
Ces 2 portails occidental et méridional et le porche des fonds baptismaux rappellent dans leur ensemble la disposition des 3 portails de la cathédrale du Mans.
La 3ème porte dite porte St-Jean, près de la chapelle de l'archiconfrérie, ouvre sur le cloître. Cette porte à l'extérieur est surmontée des armes de l'évêque Christophe du Chatel.
La 4ème porte dite porte St-Jérôme, située dans la grande chapelle absidale du fond du chœur, appelée chapelle de Sainte-Philomène, masquée vers 1913 par l'autel, donne également sur le cloître. A l'angle extérieur de cette porte, sont sculptées 3 bannières surmontées de mitres et de crosses et soutenues par 2 anges debout ; ces écussons représentent les armes des évêques Jean de Plœuc (1442-1453), Jean de Coëtquis (1453-1464) et Christophe du Chatel (1465-1479).
La cathédrale est éclairée par 68 fenêtres qui autrefois étaient toutes garnies de verrières.
Enfin des contreforts terminés en pignon et des arcs boutants ceignent tout l'extérieur de l'édifice ; les chapelles du pourtour du chœur en ont un double rang.
Après avoir décrit bien sommairement l'extérieur de la cathédrale et renvoyé le lecteur au point de vue architectural à la remarquable monographie de M. Pol de Courcy sur ce monument, pénétrons dans l'intérieur par la porte occidentale. Pour notre visite descriptive, nous commencerons en prenant à droite par le collatéral sud jusqu'aux chapelles absidiales, nous reviendrons ensuite à notre point de départ par le collatéral nord et nous terminerons en suivant la nef centrale jusqu'au chœur.
Au-dessus du portail occidental se trouvent les orgues. Ces orgues ont remplacé celles détruites à la Révolution et proviennent de l'abbaye de Bégard ; on y accède par un escalier pratiqué à l'angle sud-ouest du collatéral sud.
Entre le portail et la chapelle des fonds existent à droite 3 enfeux qui nous montrent les 2 premiers 2 chevaliers revêtus de l'armure du XIVème siècle et le 3ème une statue d'ecclésiastique qu'à son bâton on reconnaît pour un grand chantre ; rien n'indique à quels personnages ces enfeux doivent être attribués. On voit à gauche sur le 5ème pilier de la nef une fresque représentant saint Corentin mitré, assis sur un trône et tenant d'une main la crose et de l'autre bénissant; deux anges agenouillés tiennent des phylactées portant cette inscription gothique : Sancte Corintine, ara pro nobis. Cette fresque est un reste des peintures dont Jean de Plœuc, évêque de Tréguier (1442-1453) fit orner les murailles et remonte, en conséquence, au XVème siècle. A gauche également, non loin de la chapelle des fonds, on voit enchassé dans l'un des piliers de la nef un petit bénitier portant cette inscription : A. M. PRVEN P 1581.
Au pilier qui fait l'angle du transep et du collatéral sud, se trouve adossé un large bénitier de marbre rouge qui, par son style, doit dater du XIVème sicle.
Dans le transept méridional, entre le portail et la chapelle des trépassés, s'ouvre une petite porte qui donne accès à l'escalier conduisant aux galeries intérieures entourant le chœur et à la plate- forme sur laquelle repose la flèche. De cette plate-forme entourée d'un parapet en 4 feuilles, on jouit d'un superbe panorama.
Suivons maintenant les chapelles qui entourent le chœur en commençant par la chapelle des trépassés.
Chapelle du Rosaire et des Trépassés. — Ces 2 chapelles sont réunies et n'en forment qu'une seule à deux autels sous des vocables différents.
Une labbe funéraire du XVIème siècle forme le fond à droite de cette double chapelle ; son écu est martelé et indéchiffrable. M. Paul Chardin (Recueil de peintures et sculptures héraldiques) pense que cet enfeu appartenait à la famille Gautier de Kerflaqua, en se basant sur les archives du chapitre qui signalent à la date de 1593 Pierre Gautier, sieur de Kerflaqua, inhumé près la chapelle du Rosaire.
Chapelle du Sacré Cœur. — Rien à signaler.
Chapelle de Notre-Dame de Bon Secours. — L'enfeu qui se trouve dans cette chapelle autrefois sous le vocable de saint Tudual, est celui de Christophe du Chatel, évêque de Tréguier, mort en 1479. La labbe funéraire qui lui fut consacrée porte à son claveau une bannière aux armes de l'évêque, répétée sur l'intrados avec la crosse et la mitre et soutenue par deux anges.
C'est en face de cette chapelle que furent inhumées en 1793 les reliques de saint Yves, saint Tudual et saint Maudez pour les soustraire à la destruction dont elles étaient menacées.
Chapelle de Saint-François d'Assise. — A l'entrée de cette chapelle, se trouve une dalle funéraire armoriée portant la date de 1636 et ornée de deux écussons ; autour du premier on lit ce fragment d'inscription : Marie - le - bvgalle - sa - compagne ; l'autre écusson fruste est accompagné de ces mots : Sievr-Thomas-Roger. M. Paul Chardin attribue le premier parti de ces armes à la famille Le Lagadec et le second à Thomas Le Roger, sieur de Pratalan. Dans l'épaisseur du mur s'ouvre une labbe ornée de 3 mascarons, mais sans armoiries.
Chapelle Saint-André. — Dans cette chapelle et à droite s'ouvre une porte donnant accès à un escalier montant aux galeries extérieures.
Chapelle de la Sainte-Croix. — Rien à signaler.
Chapelle Sainte-Philomène, autrefois sous le vocable de saint Jérôme. — Deux portes basses donnent dans cette chapelle qui n'a pas d'enfeux, la 1ère dite porte St-Jérôme dont nous avons parlé plus haut s'ouvre sur le cloître et la seconde donne accès à l'escalier conduisant aux galeries extérieures.
Chapelle Saint-Joseph, autrefois Saint-Martin. — Cette chapelle contenait plusieux enfeux, il n'y reste plus qu'une labbe funéraire sans armoiries avec un fragment de sculpture placé dans sa cavité et deux pierres tombales armoriées du XVIIème siècle, l'une écartelée aux armes de Begaignon et de Loz et l'autre aux armes pleines de Begaignon. L'évêque Richard du Perrier, qui posa la 1ère pierre de la cathédrale en 1339 et présida à la canonisation de saint Yves et à la translation de ses reliques, fut inhumé, d'après les actes du chapitre, dans cette chapelle qui renferma aussi plus tard le cœur de l'évêque Adrien d'Amboise, mort en 1616. D'après MM. Chardin et Pol de Courcy, cette chapelle contenait encore la tombe de l'évêque Jean de Plœuc, mort en 1456.
Chapelle du Mont-Carmel, antérieurement sous le vocable de saint Nicolas. — C'était autrefois une chappellenie fondée par les sieurs de Troguindy et par acte de 1450 cette fondation fut reconnue par Catherine de Troguindy, veuve d'Alain du Parc, sieur de la Roche-Jagu, de concert avec son fils Henri. Les droits de prééminences dans cette chapelle donnèrent lieu à plusieurs procès au commencement du XVIème siècle entre les Arrel de Kermarquer et les sieurs de la Roche-Jagu. On remarque dans le dallage de cette chapelle une large pierre tombale portant 5 bannières armoriées. Cet enfeu, d'après M. Chardin, appartenait à Jean de Budes, dont l'écusson central reproduit les armes : les deux écussons du haut seraient ceux de Marie du Houlle, sa femme et d'Anne de Callac, sa mère.
L'une des marches d'entrée est faite d'une pierre tombale retaillée, sur laquelle on voit les traces d'une femme en costume du XVème siècle et que M. Chardin croit pouvoir attribuer à Isabeau Allain, épouse de Rolland Le Bris, tous deux signalés dans les archives du chapitre à la date de 1456 entre le chœur et la chapelle St-Nicolas.
Chapelle Sainte-Anne. — Une labbe funéraire, placée au-dessous de la fenêtre de cette chapelle en forme d'accolade, porte du côté gauche un écusson aux armes des Troguindy. Cet enfeu doit être attribué au chanoine Rolland de Troguindy, autorisé par acte capitulaire du 25 août 1483, à construire une tombe élevée dans la chapelle Sainte-Anne au centre de cette labbe se trouve une sculpture représentant deux anges qui soutiennent une bannière surmontée d'une banderolle avec cette inscription : Si plet à Dieu. Cette devise était celle des du Chastel et ce morceau de sculpture doit provenir de l'enfeu de Christophe du Chastel, décrit plus haut chapelle St.Tudual.
Dans le dallage de la chapelle au-dessous de cette labbe, on voit une pierre tombale, sur laquelle un personnage sculpté en ronde-bosse porte l'armure du XVème siècle et à la base de cette dalle sont figurés 2 écus triangulaires ; cette tombe, d'après une note manuscrite tirée des archives et communiquée par M. de Barthélemy, doit être celle de Jean de Troguindy, sieur de Launay, autorisé par le chapitre en 1490 à se faire inhumer dans cette chapelle.
Une autre pierre tombale armoriée sert de marche à la chapelle Sainte-Anne et porte une bannière sculptée aux armes des Begaignon et du Parc-Locmaria.
Chapelle Saint-Jean, vers 1913 de l'archiconfrérie. — Dans l'épaisseur de la muraille de cette chapelle, au-dessous de la fenêtre, existe un enfeu dont l'architecture accuse le XVème siècle, qui ne peut être que celui du chanoine Jean Jeannin, recteur de Louargat, auquel un acte capitulaire du 25 août 1483 accordait le droit de se faire enterrer dans la chapelle St-Jean l'Evangéliste, voisine de Sainte-Anne et qui, par son testament du 20 mai 1488, demandait à être enterré à côté du grand autel du choeur en la chapelle de Saint-Jean-l'Evangéliste vers le cloître.
On remarque aussi dans cette chapelle un très beau retable en bois sculpté.
Dans le transept septentrional, près de la porte Saint-Jean qui donne sur le cloître, se trouve un joli bénitier du XVème siècle dont l'écusson est entouré d'une accolade.
A droite de la sacristie s'ouvrent la porte dite autrefois porte du chapitre et l'escalier qui conduit aux étages de la tour d'Hastings ; une autre porte à gauche donne dans la sacristie ou l'on peut vénérer les reliques de saint Yves, saint Tudual et saint Maudez.
A remarquer dans la sacristie au haut de la fenêtre donnant sur le cloître, un fragment de vitrail représentant les armes de l'évêque Jean de Plœuc ; c'est tout ce qui reste aujourd'hui des verrières qui garnissaient autrefois les 68 fenêtres de la cathédrale, mais ce petit fragment très délicat peut donner une idée du talent des peintres-verriers trécorrois dont nous parlerons au chapitre suivant.
Tombeau de Saint-Yves. — En sortant de la sacristie, on voit sur la muraille qui la sépare de la chapelle du Duc, une plaque de marbre rappelant l'inauguration du nouveau tombeau de saint Yves en septembre 1890. Ce tombeau, que nous trouvons en entrant dans la nef collatérale nord, a été construit de 1886 à 1889 et, d'après M. de la Borderie, reproduit dans son plan général, dans son style artistique et architectonique, le monument élevé à saint Yves de 1420 à 1430 par Jean V, duc de Bretagne, Ce magnifique mausolée paraît jurer un peu avec le style sombre de la cathédrale de granit, mais il était, paraît-il, impossible d'employer d'autre matière que la pierre blanche, le granit se prêtant mal à la sculpture fine ; on voulait, en outre, reproduire autant que possible, l'ancien tombeau et, d'après le témoignage d'Albert Le Grand, ce tombeau était tout entier de pierre blanche. Le temps, d'ailleurs, ne tardera pas à atténuer cette couleur tranchante et le monument s'harmonisera mieux avec l'édifice qui le contient.
Le cénotaphe comprend 2 parties distinctes, le sarcophage et l'édicule qui l'entoure et le surmonte.
Sarcophage. — Sur la table supérieure du sarcophage en granit poli est couchée la statue de saint Yves soutenue par 2 anges.
Quatorze statues décorent les quatre faces latérales de ce sarcophage et représentent, en allant de gauche à droite :
Sur la face sud, Catel Autret, une miraculée de saint Yves, Guiomar Morel, l'un de ses meilleurs amis, Charles de Blois au centre, couvert d'une armure complète avec le manteau ducal, Maurice, archidiacre de Rennes qui fit de saint Yves son official, Catherine Heloury, sœur de saint Yves, mariée à Yves Alain.
Sur la face est, le pape Clément VI qui décréta et proclama la canonisation de saint Yves et Philippe VI de Valois, roi de France, qui sollicita cette canonisation.
Sur la face nord, Heloury, seigneur de Kermartin, père de saint Yves, Azou, sa mère, Alain de Bruc au centre, qui lui conféra le sacrement de la prêtrise et en fit son official, Pathovada ou Cathovada et Riwalon, le jongleur, époux qui dans la plus grande détresse, furent recueillis par saint Yves avec leurs 4 enfants.
Enfin sur la face ouest, Mgr Bouché, évêque de St-Brieuc et Tréguier (1882-1888) auquel est dû le rétablissement du tombeau, dont il porte l'image dans sa main droite et Jean V, duc de Bretagne, qui édifia le premier tombeau détruit lors de la Révolution.
Edicule. — Les 14 personnages figurés par les statues placées au droit des pilastres qui soutiennent les arcades de l'édicule représentent les fondateurs des 9 anciens évêchés de Bretagne, St-Samson, St-Pol, St-Corentin, St-Tudual, St-Clair, St-Melaine, St-Patern, St-Malo et St-Brieuc, les 2 rois de Bretagne, Judicaël et Salomon, les 2 protomartyrs de la péninsule armoricaine, St-Donatien et St-Rogatien et enfin St-Gildas, le plus ancien historien de la race bretonne.
« Dans le tombeau de saint Yves, dit M. de la Borderie, la statuaire est tout à fait hors ligne : la statue du saint, les 14 statuettes du sarcophage et les 14 autres placées au droit des pilastres (sans parler du reste), ont toutes un style élevé, un relief puissant, une saillie, un charme, une originalité peu commune. La sculpture d'ornement est digne de la statuaire. L'ensemble constitue un des monuments des plus nobles, des plus attrayants, des plus originaux qu'on puisse voir ».
Le plan du nouveau tombeau de saint Yves a été dressé sur les indications de M. Arthur de la Borderie par M. Désiré Devrez, architecte du gouvernement, chargé des travaux de Notre-Dame de Paris.
La statue de saint Yves (qui obtint une mention honorable au salon de 1888) et celles des 2 anges en marbre blanc ainsi que les 7 statuettes qui garnissent les faces ouest et nord du sarcophage sont dues au ciseau du sculpteur breton Valentin.
Les autres statues et statuettes sont l'œuvre de M. Hiolin, professeur de sculpture aux Ecoles municipales de Paris.
La sculpture d'ornement eut pour entrepreneur et directeur M. Tournier, directeur de la sculpture d'ornement de l'église du Sacré-Cœur de Paris et pour exécutants MM. Tachet et Lahaye.
M. Yves Hernot, sculpteur à Lannion, a exécuté les degrés en granit du monument, le socle et la table supérieure du sarcophage en granit poli.
Pour le reste de la maçonnerie, les entrepreneurs ont été MM. Mozet et Delalande et les exécutants MM. Rouyère et Frétaud.
M. Anatole Le Bras, dans son Pays des Pardons, p. 32, reproduit les termes d'une causerie de Renan, évoquant devant un groupe d'intimes, à propos de l'inauguration alors prochaine du nouveau tombeau de saint Yves, les souvenirs de son enfance qui se rattachaient à l'ancien monument. J'en extrais ce qui suit :
« Je déplore que dans la galerie des personnages qui font cortège à la statue de saint Yves, on ait omis ce bon Jehan de Kergoz qui fut son mentor, le plus vigilant de ses amis. J'ai visité autrefois, dans un vieux manoir de Kerbors, la salle où ils étudièrent ensemble, Jehan faisant l'office de répétiteur, etc. Jehan s'obstina à vivre jusqu'à ce qu'il lui eut été donné d'assister à la canonisation de son élève. Il vint déposer à l'enquête et ce dut être, j'imagine, un très beau spectacle. Il avait plus de 90 ans ; néanmoins, il parla avec un enthousiasme si juvénile que non content de convaincre son auditoire, il le fit pleurer. C'est dans cette attitude qu'il eût fallu le représenter sur une des faces du tombeau. Je l'y ai cherché en vain. C'est une lacune fort regrettable. ».
Je suis absolument de cet avis et trouve qu'après les père et mère de saint Yves, Jehan de Kergoz devait occuper la première place.
Chapelle St-Yves ou du Duc. — Au nord et longeant le monument de saint Yves s'ouvre la belle et vaste chapelle appelée St-Yves ou chœur du Duc. C'est cette chapelle que le duc de Bretagne Jean V fonda le 7 octobre 1420 en exécution du vœu qu'il avait fait à saint Yves pendant que les Penthièvre le retenaient prisonnier à Châteauceaux et c'est dans cette chapelle qu'il fut inhumé en 1451 à côté du tombeau de saint Yves qu'il avait fait édifier ; une plaque de marbre indique l'emplacement occupé autrefois par le tombeau de Jean V.
Au bas de cette chapelle se trouve le mausolée élevé en 1868 à la mémoire du dernier évêque de Tréguier, Mgr Le Mintier qui émigra pendant la Révolution et mourut à Londres le 21 mai 1801. Ses restes qui reposaient depuis 66 ans dans le cimetière St-Pancrace à Londres furent exhumés le 3 mai 1867 et leur translation dans ce mausolée eut lieu en grande solennité le 7 juillet 1868.
A la seconde travée du collatéral nord, en sortant de la chapelle du Duc, nous trouvons une labbe funéraire du plus beau style, c'est l'enfeu de Jean de Lantillac, archidiacre de Plougastel et chanoine de Tréguier en 1461 ; il est représenté couché, les pieds appuyés sur un lion accroupi ; son blason intact orne la clef de voûte de la niche sépulcrale et les 2 côtés du monument.
Le pavage dans l'axe de la nef centrale se compose en grande partie de pierres tombales provenant des sépultures. qui existaient dans la cathédrale et y étaient fort nombreuses ; sur cinq de ces pierres, on relève encore des inscriptions aujourd'hui indéchiffrables.
Dans
son Recueil de Peintures et Sculptures héraldiques, M. Chardin cite comme
inhumés dans le choeur, les évêques dont les noms suivent :
Jean de Plœuc,
l’an 1453
Jean de Coetquis. — 1464
Hugues de Coatredrez, — 1468
Jean
Calloët, — 1504
Adrien d'Amboise, — 1616
Champion de Cicé, — 1635
Balthazar Grangier, — 1659
Jégou de Kerlivio, — 1731
François de la
Fruglaye, — 1745
Le Borgne de Kermorvan, — 1761.
De toutes ces tombes de prélats, il n'en subsiste pas une seule, bien que le bataillon d'Etampes, qui mit à sac la ville et la cathédrale, les eut épargnées ; il a suffi d'une simple délibération du conseil de fabrique prise en avril 1826 pour faire disparaître ces monuments funéraires et les remplacer par un parquet en bois de châtaignier !
Dans le même Recueil, M. Chardin donne des indications et des détails très intéressants sur les emblèmes héraldiques par lui relevés dans l'église et dans le cloître, notamment sur les clefs de voûte de la cathédrale, y compris celles des chapelles. Ces clefs de voûte représentent pour la plupart les écussons et blasons des ecclésiastiques et des familles qui y avaient droit d'enfeu.
Dans le chœur, il n'y a de remarquable que ses 46 stalles de chêne artistement sculptées, ainsi que leurs accoudoirs et leurs miséricordes ; les 2 premières en entrant représentent l'une saint Tudual liant avec son étole un dragon qui désolait le val Trécor et le précipitant dans la mer, l'autre saint Yves se préparant à traverser un ruisseau à la voix d'un ange qui divise les eaux pour lui donner passage. Les archives du chapitre donnent à ces stalles la date de 1512. Ces stalles échappèrent au vandalisme du triste bataillon d'Etampes, grâce au dévouement d'un habitant de Tréguier qui les cacha pendant la Révolution.
A remarquer avant de quitter l'intérieur de cette belle cathédrale, le triforium, c'est-à-dire la galerie qui, au-dessus des arcades réunissant les travées, en orne tout le pourtour. La partie du triforium entourant le chœur garnie de parapets est accessible au public et comme nous l'avons dit plus haut, on y accède par l'escalier conduisant à la plate-forme de la tour méridionale.
Le cloître. — En sortant de la cathédrale par la porte Saint-Jean près de la sacristie, on pénètre dans le cloître situé au nord de la basilique entre le transept et le chœur. Ce cloître remarquable, de forme quadrilatérale, se compose sur 3 de ses côtés d'un soubassement continu supportant une arcature ogivale offrant pour chaque ogive un faisceau de 4 colonnettes encadrées dans une moulure rectangulaire ; chaque arc principal est, en outre, divisé par une colonnette seule. De 3 en 3 arcades, des contreforts élégants s'élèvent dans le préau et se relient par un petit arc-boutant à l'arcature principale recouverte par un toit en appentis. Ces 3 côtés renferment 42 arcades, c'est-à-dire 14 sur chaque face ; le 4ème côté est fermé par les chapelles du pourtour de la cathédrale.
D'après les comptes de la fabrique et du chapitre, ce cloître fut construit en 1461 et béni en 1468 par l'évêque de Synople, de passage à Tréguier ; il y a donc plus de 4 siècles que cette dentelle de pierre se tient debout bien qu'elle ait été soumise à de rudes épreuves. De temps immémorial, en effet, chaque année, pendant la durée de la foire de Tréguier, le cloître était loué aux marchands à raison de 2 c. le pied, par les fabriciens qui trouvaient dans cette location le meilleur revenu de leur pauvre église. Dans ma jeunesse, j'y allais bien souvent, c'était la grande attraction de la foire et tous, curieux et acheteurs, Trécorrois et étrangers, se donnaient rendez-vous aux magnifiques étalages qui s'y trouvaient. Cette coutume n'existe plus et la cathédrale ainsi que le cloître sont aujourd'hui classés comme monuments historiques.
Dans sa monographie de la cathédrale de Tréguier, M. Pol de Courcy, en comparant les documents historiques qu'il possédait avec les principes de la critique archéologique tels qu'ils sont maintenant établis, en arrive à la conclusion suivante par laquelle nous ne pouvons mieux terminer la description de ce beau monument :
« La reconstruction de la cathédrale, commencée en 1296 par saint Yves, en remplacement de la cathédrale romane dont il n'est resté qu'un clocher (la tour d'Hastings), s'est arrêtée à la nef seule. Les fondements des transepts et du chœur actuels ont été jetés en 1339 et leur achèvement a été fort lent. De 1420 à 1432, on a modifié les dernières travées du collatéral nord pour élever la chapelle du Duc, et on a aussi bâti la tour centrale, la tour méridionale et la flèche de plomb [Note : Cette flèche de plomb a été remplacée en 1785 par la flèche à jour actuelle]. On a la date certaine du cloître construit en 1461 et retouché en 1507, et c'est à cette dernière époque que doit être attribué le travail de filigrane du porche méridional ».
Suivons maintenant l'itinéraire que nous nous sommes tracé en partant de la place du Martray ou de la cathédrale et en parcourant les diverses rues de Tréguier et faisons remarquer au sujet de ces rues que le nom de plusieurs d'entr'elles remonte à une haute antiquité.
Dans une délibération de la communauté de ville, du 6 novembre 1507 contenue au registre dont nous avons parlé se trouvant aux archives départementales d'Ille-et-Vilaine, on mentionne, en effet, les rues Colvestre, Guillaume, Poul-Raoul, de la Perdrix et rue neuve.
Place du Martray. — Sur la partie de cette place entourée de murs appelée la levée, à l'extrémité occidentale de laquelle s'élève le monument de M. Ernest Renan, se trouvaient autrefois des halles couvertes avec corps de garde au levant et bâtiments servant de poids publics au couchant. Ces halles, qui dépendaient de l'évêché furent vendues le 7 avril 1792 et rachetées par la municipalité le 13 décembre 1824 pour être démolies et agrandir ainsi la place publique.
Au bas de cette place existait il y a fort peu de temps une fontaine monumentale, où se déversait une eau excellente captée sur la commune de Plouguiel au lieu dit Crewen, dans les premières années du XVIIème siècle. On voit encore à St-Marc sur le Guindi un vieil aqueduc construit à cette époque pour l'adduction de ces eaux à Tréguier, et aux archives municipales existe un plan donnant le tracé de cette conduite fait en 1610 par Charles Symons, maître-peintre.
Avant de quitter la place du Martrait, pour prendre la venelle du Collège ou rue Kersco, à remarquer la 2ème maison à droite touchant à celle qui forme l'encoignure droite de cette venelle ; cette maison était habitée lors de la Révolution par madame Taupin, femme du maître d'hôtel de Mgr Le Mintier, laquelle monta sur l'échafaud à Tréguier même, pour avoir donné asile à 2 prêtres non assermentés.
Rue Kersco ou venelle du Collège. — A peu près au centre de cette rue et à gauche dans l'ancienne maison Peyron, remplacée vers 1913 par !a maison de M. Gratiet, habita de 1775 à 1780 l'abbé Sieyès, chanoine de Tréguier, si connu dans l'histoire de la Révolution comme successeur de Rewbel au Directoire le 18 juin 1789 et surtout comme l'un des 3 consuls, qui remplacèrent, le 9 novembre suivant, le gouvernement directorial.
Faisant suite à cette maison, on aperçoit le vieux manoir habité par madame de la Baronnais. Cette propriété, avant la Révolution, était une des prébendes du chapitre et s'appelait prébende du But ; elle fut vendue comme bien national le 10 juillet 1796, moyennant 5.220 fr.
C'est le chanoine du But qui présida à l'inhumation des reliques de saint Yves en 1793 près de la chapelle St-Tudual.
Vieilles Paulines. — Dans la même venelle et en face des maisons ci-dessus désignées, se trouvait l'entrée d'une vaste propriété s'étendant jusqu'à la rue des Perdrix et connue sous le nom de Vieilles Paulines. C'était avant la Révolution le couvent des filles de St-Paul fondé par madame du Parc de Kerverzault, amie de madame de Maintenon ; elles étaient appelées Paulines, parce que tous les articles de leur constitution commençaient par un verset des épitres de saint Paul. Cet ordre prit naissance à Tréguier en 1699 et s'y éteignit en 1792 ; il ne paraît pas, en effet, qu'il ait existé ailleurs de religieuses de cet ordre. Le but de leur constitution était de visiter les malades, d'instruire les petites filles pauvres et de tenir des bureaux de charité.
Cette propriété fut vendue en 3 lots le 21 avril 1795 (2 floréal III), savoir : les 2 premiers lots comprenant notamment les bâtiments claustraux, à Julien -Louis Maufray, moyennant 5,950 fr. et le 3ème lot à une veuve Le Bourdonnec, née Catherine Blaise, moyennant 8,550 fr.
Lorsque, sous le premier Empire, l'administration diocésaine voulut rétablir son collège ecclésiastique, ce fut dans ce local loué provisoirement que se réunirent pendant un laps de temps assez court, quelques élèves, sous la direction de M. l'abbé Quéré, recteur de Landebaeron.
Petit Séminaire. — à l'extrémité occidentale de cette ruelle s'ouvre vers 1913 une place publique et à droite une chapelle et un grand établissement servant d'école supérieure de garçons. Cette place, la chapelle, le grand établissement et, à part quelques maisons en bordure sur la route de Lannion, tout le terrain s'étendant jusqu'au petit chemin allant de la route de Lannion à la route du Bilo, étaient occupés lors de la loi de séparation de 1904 par le petit séminaire, un des établissements d'instruction les plus importants et les plus florissants de Bretagne.
L'origine de cet établissement qui, avant la suppression de l'évêché de Tréguier, servait de grand séminaire diocésain et était dirigé par les Lazaristes, remonte au XVIIème siècle et ses fondateurs furent M. Thépaut de Rumelin, chanoine de Tréguier et pénitencier du diocèse et sa nièce, Mademoiselle de Trezel. En effet, par acte du 16 mars 1654, Messire Michel Thépaut de Rumelin fit donation au Père Vincent de Paul d'un hôtel avec cours, jardins et clos, d'une autre maison avec deux autres clos, de rentes éparses dans tout le pays et d'une somme de 7,700 livres pour être construit sur ledit emplacement un séminaire dont les prêtres de la mission auraient la conduite. Cet acte de donation, visé le 23 mai 1654 par Mgr Grangier, alors évêque de Tréguier, fut définitivement accepté et ratifié par St-Vincent de Paul le 25 juillet suivant (Arch. départ.).
Le grand séminaire et ses dépendances qui ne contenaient alors que 1 hectare 20 ares furent vendus le 17 juillet 1799 (29 messidor 7) à Pierre Caro et Elizabeth Le Lay, sa femme ; mais suivant procès-verbal du 8 août suivant (21 thermidor 7), l'aile droite, sur la demande de l'administration centrale, fut distraite de cette vente pour être affectée à la gendarmerie comme caserne.
En 1819, l'administration diocésaine racheta cet immeuble, y installa son collège ecclésiastique ou petit séminaire et mit à sa tête M. l'abbé Auffret comme supérieur. Sous l'administration sage et intelligente des supérieurs qui s'y sont succédés depuis M. Auffret jusqu'au dernier supérieur, le distingué M. Hamon, le collège de Tréguier devint un établissement de premier ordre et était arrivé à son apogée lors de sa dernière distribution de prix en 1906.
Cet établissement devenu bien communal par suite de la dévolution qui en fut faite à la ville de Tréguier en 1907 n'est plus reconnaissable.
Les vieux bâtiments qui, pour la plupart remontaient à la fin du XVIIème siècle et qui menaçaient ruine ou du moins pour la conservation desquels il eut fallu faire de grandes dépenses, ont été démolis en 1911 ; leur emplacement avec la cour d'honneur et le jardin sis au midi de ces bâtiments forment aujourd'hui la place dont nous venons de parler.
Les bâtiments qui subsistent encore sont modernes ainsi que la chapelle et pour la majeure partie ont été construits sous l'administration du regretté supérieur M. l'abbé Duchêne, mort curé de la cathédrale de Saint-Brieuc, en 1905.
Qu'il me soit permis, comme ancien élève et comme trécorrois, d'adresser ici un souvenir ému et attristé à mon cher et ancien collège et de déplorer sa disparition qui a fait tarir en Tréguier une belle source de gloire et de bien-être.
Ce collège
a donné à l'épiscopat français nombre de prélats distingués, entr'autres, pour
ne citer que des contemporains :
Mgr Carmené, archevêque d'Hiéropolis ;
Mgr
Laouenan, archevêque de Pondichéry ;
Mgr Mando, évêque d'Angoulême ;
Et
mon illustre ami et condisciple, le métropolitain actuel de la Bretagne, Mgr
Dubourg, archevêque de Rennes.
C'est aussi dans ce collège, dont il garda toujours un souvenir reconnaissant, que l'académicien Renan fit ses études.
Rue du Collège. — En descendant cette rue, nous laissons à droite une propriété entourée de murs et formant l'encoignure de cette rue et de la rue des Perdrix. Cette propriété appartenant vers 1913 à M. de St-Père était autrefois la demeure du chanoine scholastique et fut vendue comme bien national le 27 juillet 1795 (9 thermidor III) à un nommé Stéphan, de la Roche-Derrien.
Rue des Perdrix. — A l'extrémité de la rue du Collège et faisant face à cette rue, on voit une vieille maison avec un portail sculpté assez bien conservé, que l'on appelle encore l'ancien évêché. C'était, en effet, à cet endroit que se trouvait le palais épiscopal construit par l'évêque Pierre Piedru en 1432 et détruit en 1592 pendant les guerres de la Ligue lors de l'invasion espagnole.
Faisant suite à l'ancien évêché se trouve l'hôtel de la Tour [Note : Cet hôtel était habité par le comte Gustave de la Tour, député sous le second Empire et depuis maire de Tréguier, homme de grande valeur et écrivain distingué. Il appartient vers 1913 à sa fille Madame de la Ruée], de construction moderne, élevé sur les dépendances de l'ancien palais épiscopal. L'emplacement de cet hôte! et l'ancien évêché avec leurs dépendances ne formaient lors de la Révolution qu'une seule propriété dite la Théologale, d'une contenance de 22 ares 54, laquelle fut vendue le 19 juin 1795, à un sieur Le Bouder, moyennant 6,000 fr.
A la suite de cet hôtel, une maison assez ancienne qui appartenait à la famille de Coëtivy et que l'on appelle encore hôtel de Coëtivy.
A l'encoignure de la rue des Perdrix et de la rue St-François, une vieille demeure en granit appelée l'hôtel de Kermorvan ou Vieille Mission ; cet hôtel, avant la désaffectation du Grand Séminaire, appartenait aux Lazaristes dirigeant cet établissement et leur avait été légué par l'évêque de Tréguier, Mgr Grangier.
Rue St-François. — Descendons cette rue et quittons un instant la ville pour aller au couvent de St-François ; la promenade n'est ni longue ni difficile et le plaisir de la faire en vaut la peine. Au bas de la rue St-François, continuant le chemin des plus pittoresques qui en fait suite, laissant à notre gauche les jardins de la Tour et le nouveau lavoir et admirant à notre droite la belle vue sur les collines de Plouguiel et la rivière du Guindi (à marée pleine), nous aboutissons à un charmant pont suspendu sur cette rivière ; traversons-le et dirigeons-nous vers une propriété cachée dans les bois, sise à gauche, appelée encore le couvent de St-François. C'était, en effet, le monastère des disciples de St-François ou Cordeliers qui vinrent s'y établir en 1483 grâce à la générosité du seigneur de Kerdeozer, Jean de Kerousy et Jeanne de Barch' ou Barkle, sa femme et à la donation que leur firent ces derniers de tout le terrain nécessaire à leur établissement.
De ce monastère, il reste quelques cellules, une grande cuisine, une salle spacieuse, un escalier en pierre ; dans les jardins aux murs très élevés, on retrouve l'emplacement de la chapelle et du cimetière ; dans une des murailles existe encore un vieux bénitier ; près des jardins, des traces de caves et buchers et au-dessous de la maison un petit sentier qui conduisait au passage à gué dont se servaient les moines pour aller à Tréguier à marée basse.
Rue Colvestre. — Au retour de cette petite excursion, nous reprenons notre itinéraire au haut de la rue St-François et nous descendons la rue Colvestre. En arrivant au bas de cette rue, après avoir laissé à notre droite l'hôtel de ville de construction moderne et sans style, nous nous trouvons en face d'une grande porte cochère qui donne accès au presbytère. Ce presbytère n'est autre que le palais épiscopal construit par l'évêque Adrien d'Amboise (1604-1616) ; ce palais avec ses dépendances formait un vaste domaine qui comprenait tous les bâtiments encore existants, les cours et jardins et le bois appelé bois de l'évêché longeant dans toute sa longueur au nord la rivière du Guindi. Une grande partie de ce domaine sert vers 1913 de presbytère et le bois de l'évêché est devenu une promenade publique. Ce bois servait autrefois, pendant les grandes chaleurs de l'été, de but de promenade aux élèves du collège qui y venaient musique en tête au grand contentement des habitants de la rue des Perdrix et de la rue Colvestre.
Cimetière. — Revenons sur nos pas et pour écourter notre chemin, traversons la cathédrale et le cloître et sortons par la porte nord de ce cloître. Devant nous se trouve le vieux cimetière St-Fiacre. Ce cimetière a été tout dernièrement agrandi d'une partie du jardin de l'évêché, ce qui exclut toute idée de transfert dans un autre lieu, à la grande satisfaction du peuple trécorrois ; c'est, en effet, pour les trécorrois une véritable terre sacrée, car depuis des siècles, de générations en générations, toute leur race y a été inhumée et pour eux si attachés au culte des morts avec lesquels ils se complaisent à vivre par la pensée, le déplacement de ce cimetière eut été un véritable sacrilège.
Dans ce cimetière, vers le nord, existait une très belle chapelle sous le vocable de St-Fiacre, détruite pendant la Révolution, sauf le campanier ou la tour ; ce campanier qui, d'après l'auteur anonyme d'un manuscrit rédigé en 1839 qui l'avait vu, était fort beau, fut démoli en 1816.
N.-D. de Coatcolvezou. — A la sortie de ce cimetière, se trouvent les halles qu'il serait, paraît-il, question de démolir prochainement et qui doivent retenir un instant notre attention, car c'est sur l'emplacement de ces halles qu'existait autrefois une des églises les plus anciennes et les plus renommées de Tréguier, appelée N.-D. de Quoitcolvezou ou Coatcolvezou.
Cette église, qui datait du VIIIème siècle [Note : Dans une requête de la communauté de ville adressée aux Etats tenus à St-Brieuc en 1709, il est dit que N.-D. de Coatcolvezou avait alors 9 siècles d'existence], fut démolie et reconstruite en 1702 aux frais de la communauté de ville et des habitants ; elle était le siège d'une vieille et importante confrérie qui comptait parmi ses membres à peu près tous les marchands et les maîtres de navires. La communauté de ville, propriétaire de cette église, en touchait le revenu, avait la charge de toutes les réparations et y tenait ses assemblées ; elle jouissait, en outre, du droit de fournir les tentures funèbres aux enterrements et services qui se faisaient dans la cathédrale et en percevait seule la totalité des profits ; cette prérogative donna même lieu, sous l'épiscopat de Mgr de la Royère (1767-1773), à un procès qui se termina sous l'épiscopat de Mgr de Lubersac, le 2 décembre 1777, par une transaction dont l'original se trouve aux archives municipales.
Jusqu'au XVIIème siècle, les évêques de Tréguier se rendaient à N.-D. de Coatcolvezou avant de faire leur entrée solennelle à la cathédrale et y revêtaient leurs habits pontificaux. Pour entrer dans l'administration de la ville, comme nous l'avons vu plus haut, il fallait avoir été prévôt des hospices ou administrateur temporel de N.-D. de Coatcolvezou ; cette église était l'église paroissiale du Minihy avant que la chapelle du Minihy ne fut elle-même érigée en église paroissiale.
N.-D. de Coatcolvezou avec le Cloître qui y attenait et le cimetière qui en dépendait, furent vendus le 3 février 1799 (15 pluviôse vu), à un nommé Le Saux, de la Roche-Derrien, rétrocédés par l'acquéreur en 1820 à la Fabrique, puis à la ville, et ensuite démolis et rasés ; c'est avec les matériaux provenant de cette démolition et de celle de la chapelle St-Fiacre qu'en 1821 la ville fit édifier les halles actuelles.
Ancien collège. — Des halles descendons la rue Charles Le Gac et arrêtons-nous à l'Institution actuelle de Notre-Dame qui rappelle à notre mémoire un des points les plus intéressants de l'histoire de Tréguier, l'histoire de son collège ecclésiastique ou petit séminaire, que nous voulons retracer aussi succinctement que possible.
Le collège de Tréguier n'existait pas au temps de saint Yves qui, certes, y eut été élevé s'il eut existé, mais doit remonter aux premières années du XIVème siècle, car la fondation à Paris en 1319 du collège de Tréguier [Note : Ce collège de Tréguier à Paris, enrichi par l'évêque de Tréguier, Christian de Hauterive (1408-1417) fut plus tard annexé au collège de Léon fondé en 1577 par les seigneurs de Kergroadès et ensuite à celui dit « de Cambray » et c'est sur son emplacement que se trouve actuellement le collège de France] par Guillaume de Coatmohan, grand chantre de la cathédrale de Tréguier, ne se comprendrait pas si Tréguier lui-même n'avait déjà possédé le sien, d'autant plus qu'un certain nombre de places était réservé dans ce collège aux étudiants venus de Tréguier.
Ce qu'il y a de certain, le collège de Tréguier existait en 1365 car, au cours d'une visite qu'y fit cette année Jean IV, duc de Bretagne, ce prince, par acte authentique, exempta le collège de toute contribution. Si l'on en juge même par l'écusson qui se voit encore à la porte d'entrée (d'azur fretté de gueules) qui est celui des Begaignon, l'établissement du collège sur l'emplacement actuel de l'Institution Notre-Dame est dû à Mgr Even de Begaignon, évêque de Tréguier à cette époque (1362-1371).
En 1771, les bâtiments tombant en ruines et leur reconstruction jugée nécessaire, l'administration diocésaine s'entendit avec les sœurs Paulines, pour transférer provisoirement le collège dans l'établissement qu'elles venaient de faire élever rue Poul-Raoul, sur la route de Lannion, et dont elles n'avaient pas encore pris possession.
En 1782, la reconstruction des bâtiments étant achevée, le collège revint à son ancien emplacement, c'est-à-dire à l'Institution actuelle de Notre-Dame et y resta jusqu'à sa dissolution. La dernière distribution des prix eut lieu le 12 août 1791 et la maison fut dévolue à la commune qui fit les plus grands efforts pour lui maintenir sa destination et conserver ainsi son collège. Nous croyons intéressant de reproduire ici une délibération prise à cet effet, le 9 septembre 1791 par l'assemblée municipale :
« L'Assemblée est réunie pour délibérer définitivement sur le remplacement des professeurs du collège de Tréguier. Le procureur de la commune est d'avis que pour faire la recherche des sujets instruits, honnêtes et patriotes pour remplir les places de professeurs aux collèges de Dinan et de Tréguier, il soit fait une bannie par le herault, avec affiche, pour prévenir tout citoyen ayant les qualités ci-dessus requises et qui voudraient remplir les dites places, de se présenter dans un court délai au bureau municipal. Ensuite, l'Assemblée a arrêté que :
Provisoirement, ayant régenté aux Jésuites et à Tréguier, les noms de MM. Duval, ci-devant sénéchal de Tréguier ; Le Vat, ci-devant répétiteur de philosophie ; Le Guével, ci-devant précepteur ; Mathurin Auffray, maître d'école et ayant régenté au collège de Morlaix ; Blouin, F. ; Isaac Le Gorrec, ayant fait leurs études, les tous patriotes et, bons citoyens et demeurant en cette ville, à l'exception de Mathurin Auffray, qui demeure au Pontou, seront adressés à MM. les Administrateurs du district. Pour assurer davantage la conservation de notre collège et avoir des hommes capables d'instruire les sujets qui doivent y venir, il sera fait une, bannie par le hérault, à l'effet d'avertir les bons patriotes instruits et qui se croiraient capables de remplir une chaire, de se présenter au bureau municipal pour s'y faire inscrire, pour d'après cette inscription, les noms des aspirants être envoyés au Directoire du district. Et pour que les paroisses voisines soient aussi instruites de nos vues patriotiques, il sera adressé demain aux différentes municipalités des affiches pareilles à celle qui sera publiée en cette ville ».
Les efforts faits par la municipalité ne furent pas couronnés de succès et la maison dont il s'agit resta inoccupée pendant 12 ans. Le 10 vendémiaire XII (1er octobre 1803), la municipalité fut autorisée à y établir une école communale secondaire qui, malgré l'excellent choix du personnel enseignant, notamment de M. Le Gal, maître ès-arts de l'université de Paris, traîna plus qu'elle ne vécut et fut dissoute en 1815.
En 1816, M. de Lamennais, vicaire capitulaire, spécialement chargé de la direction des écoles diocésaines, s'entendit avec l'administration de la ville pour l'achat du mobilier scolaire et pour la location de l'immeuble et y installa la nouvelle école ecclésiastique ou petit séminaire qui y resta jusqu'à son transfert en 1821 dans l'ancien grand séminaire.
Le même de Lamennais profita de ce transfert pour installer dans les immeubles devenus vacants une école des frères de la doctrine chrétienne de Ploërmel, dont il était le fondateur. Ces frères y restèrent jusqu'à leur dissolution et en 1892 leur école fut transformée en école communale de garçons.
Enfin, vers 1913, l'ancien collège, vendu le 17 septembre 1909 à M. le docteur Le Gueult, est occupé par l'Institution Notre-Dame.
Maison Renan. — Revenons sur nos pas et repassant devant les Halles, prenons à gauche la rue Renan qui doit nous conduire à la rue Stanco. Avant de pénétrer dans cette dernière rue et à notre droite, nous apercevons une vieille maison avec une plaque de marbre commémorative. C'est dans cette maison que naquit le 27 septembre 1823 M. Ernest Renan, de l'Académie française, administrateur du collège de France, mort en 1892.
Nous n'avons pas à faire ici la biographie de notre compatriote et cependant il nous paraît impossible de faire une étude sur Tréguier sans parler de Renan.
Il faut distinguer en Renan deux hommes, le philosophe et l'écrivain.
Renan, philosophe ; à ce sujet les avis sont bien tranchés. Ses partisans trouvent « Qu'il a fait trop de bien pour en dire du mal ».
Et l'on conçoit aisément qu'aidés par ses admirateurs comme écrivain, ils aient songé à lui ériger une statue dans sa ville natale au centre même de cette ville.
Les catholiques, au contraire, trouvent « Qu'il a fait trop de mal pour en dire du bien ».
Et l'on conçoit aussi aisément qu'à la suite de l'érection de sa statue, ils aient songé à ériger le calvaire dit de protestation que l'on voit sur les quais.
Renan, écrivain ; là, la critique reste muette pour tous, car il fut incontestablement l'un des écrivains les plus remarquables du XIXème siècle. Je ne peux mieux comparer le style de Renan qu'à un ruisseau charmant venant d'une source abondante, coulant clair et limpide sur un fond solide, pour les uns, sans consistance, pour les autres, et dans ses capricieux méandres, caressant sur son passage toujours tranquille, les fleurs nombreuses épandues sur ses berges.
Il fut l'une des gloires littéraires de la France et cette gloire a rejailli sur Tréguier, sa ville natale, qu'il a si bien chantée dans ses « souvenirs de jeunesse ».
Continuons notre promenade par la rue Stanco. Dans cette rue se trouvaient plusieurs propriétés ecclésiastiques, notamment la chappellenie de Bliez, la maison du chapitre et une maison au nord dépendant de l'église de Notre-Dame de Coatcolvezou.
Ancien Archidiaconé. — En débouchant de la rue Stanco, nous nous trouvons dans la rue St-André en face d'une grande propriété appartenant vers 1913 à Mlle Berthe Villeneufve.
Cette propriété, d'une contenance de 32 ares 70, était une des prébendes du chapitre et servait de demeure au grand archidiacre de Tréguier ; elle fut vendue le 27 juillet 1795 à un nommé Aimé Chrétien. Dans l'enceinte de cette prébende, existait une chapelle avec clocher, placée sous le vocable de St-André qui était le patron de l'église construite primitivement par saint Tudual sur l'emplacement de la cathédrale. Cette chapelle, ainsi que le manoir de la prébende, l'un des plus anciens de la ville, ont été démolis dans la 1ère moitié du dernier siècle et c'est pour en commémorer le souvenir que dans le mur d'enceinte on voit une statuette de saint André.
Sœurs de la Croix. — En remontant la rue St-André et faisant suite à l'ancien archidiaconé, nous trouvons un grand établissement occupé par les Sœurs de la Croix.
Les religieuses de cet ordre, demandées par Mgr Grangier, évêque de Tréguier à leur fondateur, M. Chauvel, grand vicaire de St-Flour, pour instruire les petites filles et surtout pour donner des retraites, arrivèrent à Tréguier en mars 1666.
Leur propriété, d'abord peu étendue, fut considérablement augmentée dans la suite, par l'adjonction d'un enclos qui leur fut donné ou vendu par une dame du Parc-Brétidy.
Le 20 août 1796, la maison et l'enclos contenant en totalité 2 h. 01 a. 88 c., furent vendus pour le prix de 30, 636 fr. comme bien national.
En 1800, les sœurs qui s'étaient retirées dans leurs familles pendant l'orage révolutionnaire, louèrent des acquéreurs la maison principale, reprirent leur pensionnat et y restèrent jusqu'en 1820. A cette époque, n'ayant pu s'accorder avec les propriétaires pour le rachat de leur ancienne maison, elles se retirèrent à Guingamp et les bâtiments, déjà en fort mauvais état, faute de réparation, tombèrent en ruines.
Enfin, les Sœurs de la Croix achetèrent en 1833 la communauté proprement dite pour 34,000 fr. et en 1839 le surplus de la propriété, y compris l'enclos, pour 31,000 fr.
Les bâtiments actuels ainsi que la chapelle ont été édifiés depuis.
La Trésorerie. — A la suite de l'établissement des Sœurs de la Croix et séparé de cet établissement par la rue de la Chantrerie, se trouve un vieil hôtel appartenant vers 1913 à M. Guézenec, appelé encore la Trésorerie ; ce nom lui vient de ce qu'il était habité avant la Révolution par le chanoine trésorier, l'un des dignitaires du chapitre.
Le 7 avril 1792 cette propriété fut vendue comme bien national moyennant un prix de 10,050 fr. à M. Jean-Joseph Daniel de Kerbriand.
La Chantrerie. — En remontant la rue de la Chantrerie, nous trouvons, à l'intersection de cette rue et du chemin des Buttes, une grande propriété s'étendant jusqu'à ces Buttes et dont la maison principale est située dans la rue de la Chantrerie à gauche ; cette propriété s'appelle elle-même la Chantrerie et servait de demeure au grand chantre de la cathédrale, le 1er dignitaire du chapitre. Elle fut vendue le 7 avril 1792 à un nommé Pillas, Pierre-Mathurin, et appartient vers 1913 à Madame de Kerpoisson.
Au haut de la rue de la Chantrerie, et formant l'encoignure de cette rue et de celle de la Croix de la Mission, on voit une vieille habitation occupée vers 1913 par M. de Coëtlogon ; c'était autrefois l'hôtel de Trogoff qui fut vendu comme bien d'émigré le 27 décembre 1794, moyennant 18, 150 fr.
Ursulines. — Tournant à gauche, nous apercevons bientôt derrière la Croix de la Mission une porte monumentale donnant accès à une vaste propriété ceinte de murs élevés et appartenant vers 1913 à M. Scolan. Dans cette enceinte, avant la Révolution, existaient une avant-cour, une chapelle, un cimetière, de nombreux édifices et des jardins, le tout d'une contenance de 2 h. 86 a. 41 c., provenant en grande partie de donations faites par M. L'hostis, trésorier du chapitre et Bertrand de Begaignon, seigneur du Rumeri.
C'était la communauté des Ursulines, la première installée à Tréguier. Ces religieuses, mandées par l'évêque Guy Champion, arrivèrent à Tréguier le 20 janvier 1625 et conservèrent leur établissement jusqu'à la nationalisation des biens ecclésiastiques.
Le 3 février 1799 (15 pluviôse an VIII), ce couvent avec ses dépendances fut vendu à Louis-Marie Cabanac, moyennant un prix de 445,000 fr. en assignats, ce qui, en raison de la dépréciation énorme des assignats à cette époque, ne représentait en numéraire qu'un prix de 8,455 fr. L'acquéreur, aussitôt mis en possession de cet immeuble, fit démolir tous les bâtiments sauf un petit corps de logis du côté des Buttes, qui sert vers 1913 de logement au fermier.
La Psalette. — Revenons sur nos pas et descendons la rue Neuve. Au centre de cette rue, à droite, sur l'emplacement occupé par la maison de M. Raymond Villeneufve se trouvait la Psalette qui comprenait 2 maisons avec cour et jardin, le tout d'une contenance de 21 ares 46. A son extrémité qui sert en 1913 de jardin à la maison dite du Grand Lion d'or occupée par M. Le Mouhaer, notaire, existait autrefois la vieille chapelle dédiée à saint Ruellin, successeur immédiat de saint Tudual.
La Psalette de Tréguier fut fondée en 1443 par l'évêque Jean de Plœuc, à l'aide des revenus de la chapellenie Saint-Nicolas, provenant de la famille de Troguindy et dont il est parlé plus haut. En 1444, l'évêque y annexa un canonicat et plaça l'institution sous la direction du chapitre. Les papes Eugène IV, Nicolas V et Calixte III confirmèrent et augmentèrent ses privilèges. La Psalette fut donc une institution ecclésiastique dont le but était de relever l'éclat des cérémonies religieuses en initiant des enfants à la connaissance et à la pratique de la musique sacrée.
M. Lamare a relevé, dans les registres capitulaires de Tréguier, les noms de tous les maîtres de la Psalette depuis l'année 1488. Il résulte de ses recherches que, depuis la fondation jusqu'à l'an 1600 environ, c'est au maître de musique que l'économat était confié. De 1600 à 1709, il fut remis à des membres du chapitre, à une exception près. On nomma alors le sieur Ouin, maître de musique et économe à la fois ; mais après lui et jusqu'à la Révolution, la direction de la Psalette fut rendue à des prêtres, dont plusieurs furent vicaires de la cathédrale.
La propriété de la Psalette a été vendue le 18 juin 1791 à Marc-Victor Boissin, moyennant un prix de 4,475 fr.
Nous venons de parler de l'ancien hôtel du Lion d'or ; c'est dans cet hôtel que se réfugia le collège ecclésiastique ou petit séminaire, obligé de quitter la maison des vieilles Paulines, avant sa réinstallation en 1816, dans son ancien local de la rue Charles-Le-Gac.
L'Hôpital. — Descendons la rue Neuve et arrivés sur la place du Martray, tournons à gauche pour remonter la rue St-Guillaume. Au haut de cette rue et à notre droite, nous trouvons une vieille construction, dont la porte d'entrée est surmontée d'une statue de Marie-Madeleine et qui sert vers 1913 de parloir et de sacristie à l'Hôtel-Dieu, et faisant suite à cette construction, la chapelle de l'hôpital.
D'après les archéologues, ces bâtiments, statue et chapelle remonteraient au XIIIème siècle, sinon au XIIème. Avant son annexion à l'hôpital actuel, la salle des parloirs s'appelait salle des malades et par tradition « salle des passants ». Cette salle n'était autre que l'hôpital primitif dont il est parlé dans le procès de canonisation de saint Yves. Dans les témoignages recueillis lors de ce procès, Hamon Nicolas affirme « qu'à l'hôpital de la bienheureuse Marie de Tréguier, saint Yves ensevelissait les morts de ses propres mains, les portait lui-même au cimetière et leur donnait des suaires, ce qu'il a vu plusieurs fois ».
L'hôpital dans lequel se trouvent enclavées la vieille salle des passants et la chapelle est une vaste propriété qui s'étend de la rue St Guillaume à la nouvelle place du Collège.
Cet établissement fut fondé en 1654 par M. et Mad. de Kergouanton, de Trélévern, avec l'approbation de Mgr Balthazar Grangier, évêque de Tréguier, qui pour le diriger, fit appel aux religieuses du monastère de Quimper ; ces religieuses arrivèrent à Tréguier le 28 septembre 1654 et pour les loger provisoirement René de Rosmar, seigneur de Coatreven, obtint l'usage et la propriété de la salle des passants. En mars 1662 fut commencée la construction du grand corps de logis des Dames hospitalières qui existe encore et en 1667 on bâtit l'infirmerie, la pharmacie et les cuisines. Les bâtiments qui se trouvent sur la rue Poul-Raoul face à la rue Clos-Houarn sont modernes et ont été construits au siècle dernier.
L'hôpital conserva sa destination pendant la Révolution, mais le 8 août 1794, les religieuses hospitalières furent arrêtées et incarcérées au séminaire et remplacées par des infirmières laïques. Dès le 22 du même mois, les officiers municipaux et M. Dieuleveult, médecin de l'hôpital, en raison de l'ignorance et de l'incapacité des nouvelles infirmières, demandèrent à l'administration la rentrée des hospitalières ; cette demande fut rejetée. Revenant à la charge, l'assemblée municipale, par délibération en date du 4 fructidor an II (21 avril 1794) « arrête d'adresser un mémoire aux administrateurs du département, afin de leur demander l'incarcération des ex-religieuses hospitalières dans la maison de l'hospice, d'où elles sont sorties et récluses au séminaire, pour administrer les secours dus à l'humanité ».
Le 8 frimaire an III (28 novembre 1794) l'assemblée municipale prend encore la délibération suivante :
« L'assemblée
accorde unanimement que l'on est dans l'impossibité de remplacer avantageusement
les ci-devant nones.
Considérant que les soigneuses infirmières actuelles
dont la moralité nous est connue, malgré leur bonne volonté et les soins assidus
qu'elles donnent aux malades ne peuvent rendre tous les services connus à des
hospitalières consommées dans l'art.
Considérant que la commune n'a jamais
reproché aux nones que le délit d'opinion religieuse, qu'elles ont été d'une
grande utilité par leur économie tant dans la distribution alimentaire que
médicamentaire, qu'elles ont fait même du sacrifice du leur pour secourir
l'humanité.
Arrête qu'une expédition du présent sera délivrée au citoyen
Seran, commissaire pour être par lui présenté au citoyen Boursaut, représentant
du peuple auquel il appartiendra de statuer ».
Au mois d'avril 1795, la municipalité fut autorisée à transférer les dites religeuses dans leur maison de l'hôpital, où l'on continuerait à les regarder comme détenues, ce qui leur importait peu puisqu'elles étaient cloîtrées et ce qui satisfaisait la municipalité qui réclamait leurs soins.
Elles y sont restées depuis.
Les Paulines neuves. — Arrivés à la nouvelle place du Collège, le long de la rue Poul-Raoul, nous voyons à notre gauche l'école supérieure des filles établie dans une partie d'un ancien établissement très important.
Cet établissement, bien qu'habité en dernier lieu par les Ursulines, s'appelait toujours les Paulines (en breton ar Baulinezet) ; il appartenait, en effet, avant la Révolution, aux religieuses Paulines qui avaient fait construire la majeure partie des bâtiments actuels en 1760 sur un terrain assez vaste qu'elles avaient acquis (1 h. 82 a. 40 c.); et pour le distinguer de leur ancienne maison de la venelle dont nous avons parlé, on l'appela les Paulines neuves. Avant d'en prendre possession, les Paulines consentirent à ce que le collège ecclésiastique ou petit séminaire s'y installa provisoirement comme nous l'avons vu plus haut ; ce collège l'occupa de 1771 à 1782.
Lorsque survint la Révolution, cet établissement fut seulement l'objet d'une estimation faite le 27 novembre 1792 ; il ne fut pas vendu, mais attribué aux hospices et c'est l'administration des hospices qui le vendit aux Ursulines lorsqu'elles vinrent se rétablir à Tréguier.
Par suite de la loi de dessaisissement de 1904, cette propriété fut dévolue à la ville de Tréguier ; la municipalité s'est servi des bâtiments pour y installer une école supérieure de filles, a fait creuser des rues dans les jardins et converti le surplus de ces jardins en terrain à bâtir.
Pour clore notre itinéraire et le finir par une charmante promenade, nous n'avons qu'à remonter la rue Poul-Raoul jusqu'à la propriété de M. Charles Villeneufve et prendre à gauche le chemin ombragé qui nous conduit à la vieille tour St-Michel, reste de l'église construite en 1474 par l'évêque Christophe du Chastel. De Saint-Michel, nous poursuivons jusqu'à l'église de St-Yves en passant par le manoir de Kermartin, décrit au chapitre précédent et nous rentrons à Tréguier par le chemin de St-Yves si fréquenté le jour de sa fête, les buttes et les quais.
(Adolphe Guillou - 1913).
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