|
Bienvenue ! |
LES DAMES DE LA RETRAITE DE VANNES |
Retour page d'accueil Retour Ville de Vannes
L’usage des retraites spirituelles a toujours existé dans l'Eglise, sous une forme ou sous une autre. Mais l’établissement d’une maison, exclusivement réservée aux retraitants ou retraitantes, est une institution qui a pris naissance dans la ville. de Vannes. M. Louis Eudo de Kerlivio, qu’on trouve mêlé à toutes les bonnes oeuvres de son temps, avait largement contribué à la construction d’un grand bâtiment, situé à l’ouest du collège de Vannes, et destiné à loger les étudiants ecclésiastiques. Le synode diocésain ayant refusé, en 1663, de prendre à sa charge l’entretien de cette maison, M. de Kerlivio, avec le consentement de l’évêque, la convertit en maison de Retraite pour les hommes, et y accueillit des retraitants dès la fin de cette année. L’oeuvre prospéra et produisit un bien immense. |
ORIGINE
Peu après,
Mlle Jeanne de Quélen, dame de Monteville, voulut essayer le même moyen de
sanctification pour les femmes, et loua une maison spacieuse, non loin du collège
des Jésuites, la garnit de meubles et de livres et y fit donner quelques
retraites. Mme Catherine de Francheville, qui de son côté avait commencé la même
oeuvre chez elle, rue de la Vieille-Psallette, lui demanda de lui céder sa
maison, comme plus convenable pour ces pieux exercices. Mlle de Monteville,
aussi détachée de tout que zélée pour le salut des âmes, fit généreusement
ce sacrifice, après s’être assurée que les retraites continueraient à être
données aux femmes.
Cependant
beaucoup de gens désapprouvèrent ces réunions de femmes ; et l’un des
grands vicaires, après avoir prêché contre cette nouveauté, défendit de
continuer les retraites dans cette maison (1669). Mgr Charles de Rosmadec, qui
était alors à Paris, informé de ce qui se passait, et voulant favoriser
l’oeuvre des retraites, sans désavouer son vicaire général, permit de
construire, sur le terrain des Ursulines et au ras de la clôture, une maison
destinée aux retraitantes. La première pierre en fut posée le 20 mars 1671,
et Mlle de Francheville contribua généreusement à la construction. Cette
maison a servi plus tard aux classes des Frères, rue de l'Unité ; elle abrite
à la fin du XIXème siècle un pensionnat d’élèves externes du collège
Saint-François-Xavier. Les retraites y furent inaugurées au mois d’avril
1672, et elles continuèrent pendant neuf mois, à la satisfaction de tout le
monde.
Mais à
la fin de cette année, un second orage vint arrêter l'oeuvre : M. de Kerlivio
fut disgracié par le nouvel évêque, Mgr de Vautorte, et la maison de retraite
fermée. Peu à peu cependant, les préventions tombèrent ; bientôt M. de
Kerlivio fut réintégré, et les retraites furent autorisées le 5 août 1674.
En attendant la construction d’une maison spéciale pour l'oeuvre, Mlle de
Francheville prit à bail, pour cinq ans, le séminaire destiné aux clercs, à
condition de le mettre en état d’être habité. Elle appela de Rennes Mme du
Houx, pour diriger les femmes, et pria le P. Fulgence, carme du Bondon, de prêcher
et de confesser. Au commencement de 1675, elle quitta sa maison particulière de
la rue de la Vieille-Psallette, et vint habiter le séminaire avec Mme du Houx,
pour se former à la direction de l'oeuvre. Elle y fut rejointe par Mme Marquer
de Kerderf, d'Hennebont, qui devait lui succéder plus tard.
Cependant
le séminaire n’était qu’une demeure provisoire, et il fallait songer à
acquérir des terrains, pour y bâtir une maison définitive. Les vues de Mlle
de Francheville se portèrent sur des jardins situés près de l’église de
Saint-Salomon. Dès le 15 septembre 1674, elle acheta de Marie Berrolles, femme
de l’avocat Jean Hello, au prix de 400 livres, un petit jardin donnant sur la
rue Blanche ou de la Salle-d’Asile, occupé à la fin du XIXème siècle par
M. Lamy, greffier du tribunal civil. Le 19 février 1675, elle acquit de M.
Olivier de Broel et de sa femme, pour la somme de 2,100 livres, un grand jardin
appelé vulgairement le jardin de Radenac, avec deux petits logements contigus,
le tout situé au sud-ouest de l’église de Saint-Salomon, et contenant, avec
le jardinet Berrolles, 102 cordes environ.
Cette
acquisition faite, Mlle de Francheville fit dresser, le 21 octobre 1675, un acte
notarié, contenant les conditions de la fondation projetée par elle.
« ...
Bien informée, dit-elle, qu’il n’y a pas de moyen plus efficace, pour
procurer la conversion des âmes et leur avancement dans la vertu, que l'establissement
des maisons de retraites..., elle s’oblige de bastir et meubler une maison de
retraites à Vannes, la cédant et transportant avec tous ses meubles, issues et
appartenances, pour servir perpétuellement à celles de son sexe de maison de
retraite et d’exercice ; elle s’oblige de se pourvoir vers Sa Majesté, pour
obtenir de sa pure grâce et de sa piété les lettres d’amortissement et la
permission d’acquérir jusqu’à la somme de 500 livres de rente en fonds de
terre, pour estre employée à l’entretien de la dite maison et des personnes
qui se dévoueront à son service ;
«
Elle veut et entend ladite maison estre régie et administrée, mesme les biens
temporels qu’elle pourra avoir cy après, par d'honnestes et dévottes filles
ou veufves, sous la jurisdiction de Mgr l’illustrissime évesque da diocèse
et ses successeurs ; des quelles filles ou veufves la dite dame de Francheville
se réserve le choix et la nomination pendant sa vie, et mesme le droit de
nommer celle qui lui succédera après sa mort, la quelle aura aussi la conduite
entière pendant toute sa vie ; passé de quoy, tant celle qui aura la dite
conduite, que celles qui entreront dans la dite communauté, seront d’eues et
admises par les suffrages de toutes celles qui composeront la dite communauté,
en présence du dit seigneur évesque, ou de celui qui sera par lui commis ;
«
Pour reconnoissance de laquelle fondation et bienfait cy-dessus, la dite de
Francheville prie les filles, qui auront la conduite de la dite maison, de
demander à toutes les personnes, qui y entreront pour y faire les exercices,
qu’elles disent, à la fin de leur retraite et en la chapelle de la maison,
chacune un Pater et un Ave, à l’intention de la fondatrice et pour le repos
des âmes de tous ses parents décédés ; enfin elle supplie très humblement
Mgr l’illustrissime évesque de ce diocèse de vouloir agréer la présente
fondation aux conditions cy-dessus, et de vouloir bénir ce dessein et de
l’affermir de son autorité... ».
Mgr de
Vautorte ne se fit pas prier, et le jour même du contrat, il donna
l’approbation suivante : « Nous, évesque de Vennes, ayant veu et considéré
au long la teneur du contrat de fondation de l’autre part, nous consentons
qu’il sorte son plein et entier effet, avecq ses circonstances et dépendances,
agréant que la dite damoiselle de Francheville acquière le fonds nécessaire
pour le sujet de la dite fondation, aux environs de cette ville, au lieu où
elle le trouvera le plus commode, et à la charge que la dite maison et les
filles et femmes qui composeront la dite communauté demeurent soubs la pleine
et entière jurisdiction de nous évesque et de nos successeurs. A Vennes, à
nostre chasteau épiscopal, le 21 octobre 1675. Louis, Evesque de Vennes »
(Registre de l’Officialité. G).
CONSTRUCTION
L’acquisition
des jardins Berrolles et Radenac ayant été réglée avec les vendeurs, il
restait à payer les droits de mutation et d’amortissement au chapitre de la
cathédrale, seigneur féodal de la paroisse de Saint-Salomon. Voici le texte de
l’arrangement intervenu entre les députés du chapitre et Mlle de
Francheville.
« Ce
jour 3 juillet 1676, avant midy, devant nous nottaires royaux..., s’est fait
et ensuy le présent acte, par lequel les sieurs Le Doulx et Henry, chanoines et
députés du chapitre du 26 juin dernier, ont accordé et consenty à la
damoiselle de Francheville l’indemnité du fieff du chapitre, deub à cause
des acquests et de l’amortissement, en faveur de la somme de cinq cents
livres, que la dite damoiselle a promis payer et faire avoir aux dits sieurs
gents du chapitre dans trois mois prochains, sans intérests, pour icelle somme
estre par eux placée en fonds d’héritage, six mois après le dit payement,
pour tenir place et servir de dédomagement que pouroit souffrir leur fieff par
l’occupation que feront la dite damoiselle et communauté des susdits jardins,
pour perte des loddes et ventes et diminution d’autres droits et revenus
casuels, ausquels les gents de main morte ne sont tenus ;
«
Comme aussy consentent les dits sieurs Le Doulx et Henry, ès dits noms, que la
dite damoiselle et communauté jouissent d’un petit chemin, qui conduist du
bas du cimetière de Saint-Salomon vers Poulho et passe entre le jardin do
Radenac et celui de Pierre Refuveil, cloustier, avecq pouvoir d’enfermer de
murailles le dit chemin et d’en disposer comme de leur chose, et ce en considération
de la somme de cent livres une fois payée..., et outre à la charge de payer,
ausdits sieurs gents du chapitre cinq sols tournois de rente annuelle et perpétuelle,
payable par chacun an et à chacun 3e juillet ;
«
Pourront la dite damoiselle de Francheville et communauté faire construire dans
l’enclos et maison un four à cuire pain pour leur commodité, parce
qu’elles seront tenues, avant la construction du dit four, de faire cuire leur
pain au four du dit chapitre, et de payer aussy ausdits gents du chapitre
pareille somme de cinq sols de rente par chacun an et à chacun 3e de juillet ;
« De
plus consentent les dits sieurs Le Doulx et Henry, ès dits noms, que la
damoiselle et communauté jouissent et disposent d’un reste et vestige d’un
petit chemin ou venelle, qui ne sert plus maintenant, et est bouché par le bout
qui donne vers le cimetière de Saint-Salomon, lequel reste de chemin est entre
le dit jardin de Radenac et celui que travaille. Janine Saillart, et ne paroit
plus du tout vers le milieu dudit jardin de Radenac.
«
Seront aussy la dite damoiselle de Francheville et communauté obligées de
suivre la cour et juridiction du chapitre, et à la suilte des moulins de Rohan
et dépendances... Faic et gréé au dit Vennes, en l’étude de Me René Rio,
notaire royal, soubs les seignes des dites parties et les nostres, les dits jour
et an. Signé : Le Doulx. — F. Henry. — Catherine de Francheville. Le
Vaillant, not. roy. — René Rio, not. roy. ». (Chapitre. —
Saint-Salomon. G).
Ces préliminaires
terminés, on entreprit la construction de la maison de Retraite des femmes dans
le grand jardin de Radenac.
« On
jeta d’abord, dit Dom Lobineau (Vies des Saints, p. 567), les fondemens
de la maison, en suivant un premier plan qui avoit été dressé, qui ne donnoit
au bâtiment que six-vingt pieds de longueur sur vingt-et-un de large, huit
pieds à chaque chambre, et mettoit les offices en dehors, en appentis apposés
le long du corps de logis. A peine eut-on élevé les murailles à la hauteur de
dix pieds, que Mademoiselle de Francheville reconnut que ce plan qu’on lui
avoit conseillé de suivre comme le moins cher, ne répondoit point à son zèle
et à la grandeur de ses desseins. Ses deux frères (Claude et Thomas), ses
uniques héritiers, furent assez désintéressés pour blâmer son épargne ;
mais pour ne pas perdre ce qui étoit déjà fait, ils suggérèrent à leur
soeur de le faire entrer dans le plan nouveau qui fut dressé, en faisant un
double corps de logis, séparé par un mur de refend.
«
Pendant qu’on bâtissoit cette maison, où plus de 400 femmes peuvent être
logées en même temps, Mlle de Francheville ne cessoit d’encourager les
ouvriers par sa présence et ses largesses, et par la facilité avec laquelle
elle s’en rapportait à la bonne foi des entrepreneurs, pour les dédommager
des marchez où ils prétendoient avoir perdu. La charpente étoit presque posée,
lorsqu’un violent orage en enleva neuf fermes, avec un fracas horrible ; et ce
qu’il y a de surprenant, c’est que les pièces de bois, au lieu d’être
brisées, comme cela devoit arriver naturellement, étoient torses et pliées
comme des liens de fagot. M. de Kerlivio, qui porta cette nouvelle à Mlle de
Francheville, voulut la consoler de cette perte ; il n’en étoit pas besoin ;
elle se contenta de lui demander si personne n’avoit été tué ou blessé. M.
de Kerlivio lui dit que les ouvriers s’étoient retirez une heure auparavant.
— Dieu soit béni, repliqua-t-elle, je suis la fermière de Notre-Seigneur, il
m’a donné du bien ; quand tout le bâtiment seroit renversé, j’aurois
confiance en lui.
«
Elle avoit déjà fait connoitre jusqu’où alloit sa générosité là-dessus,
lorsqu’elle avoit répondu à Mme du Houx, qui lui demandoit combien elle se
proposoit de donner, soit pour bâtir cette maison, soit pour en amortir le
fonds : " Je ne me borne à rien en particulier, je donnerai tout ce
qu’il faudra ". - En effet elle n’épargna rien pour mettre son ouvrage
dans sa dernière perfection, et ses soins eurent de si prompts succès, que la
Retraite fut établie dans cette maison le 5 mai de l’an 1679 ».
Les
retraites étaient au nombre de vingt par an, réduites plus tard à seize ;
chacune durait huit jours pleins ; elles commençaient le mardi soir pour finir
le mercredi de la semaine suivante. La clôture était rigoureuse et le silence
absolu. En 1680, à la retraite de la Pentecôte, il y eut 412 retraitantes ;
souvent même on en a compté davantage aux fêtes de Pâques. Un y voyait
accourir les dames de la noblesse et de la bourgeoisie, tout aussi bien que les
simples femmes de la campagne. Pour s’accommoder à toutes les ressources, et
tenir compte des rangs de la société, il y avait deux pensions, l’une de six
livres et l’autre de trois livres, pour les huit jours. Tel était le désintéressement
de Mlle de Francheville, que lorsque certaines dames offraient deux ou trois
louis d’or pour leur pension et leur chambre, elle refusait toujours et
n’acceptait que le prix ordinaire de six livres. Elle ne se contenta pas
d’avoir bâti et meublé la maison de la Retraite, elle engagea son neveu
Daniel de Francheville, avocat général et futur évêque de Périgueux, à
doter un chapelain et un prédicateur pour la maison. Le bien spirituel, produit
par les retraites était si manifeste, qu’on fonda bientôt des maisons
pareilles à Quimper, à Rennes, à Paris et ailleurs. Aussi Louis XII
approuva-t-il cette première fondation par lettres patentes du mois de mai
1683.
PROGRES
Outre les
immeubles acquis par Mlle Francheville en 1674 et 1675, la fondatrice acheta, le
14 février 1680, des époux Lorans, pour une rente censive de neuf livres et un
capital de 123 livres, un petit jardin et une maisonnette, situés à l’ouest
de son établissement. Le 25 février 1681, elle acheta de Renée Choumin et
consorts, pour 1,930 livres, les deux tiers d’un jardin, situé à l’est de
la Retraite, et au midi du cimetière de Saint-Salomon, dont il n’était séparé
que par un chemin de ronde ; l’autre tiers, appartenant à M. Le Doulx, fut
acquis quelque temps après. De toutes ces propriétés, Mlle de Francheville
fournit un aveu détaillé au chapitre, le 8 juillet 1681.
Plus
tard, Mlle de Kerderf acquit, pour la Retraite, et au prix de 1,000 livres, la
maison et le jardin des époux Reffuveil, situés au nord de l’établissement
(1699) ; puis le jardin des époux Pasco, situé au sud-ouest, moyennant la
somme de 300 livres aux vendeurs, et une rente censive de 13 livres 10 sols à
M. Gibon (1704) ; de plus le jardin, dit de Kerfranc, faisant suite au précédent,
occupé aujourd’hui par le tribunal civil ; et peut-être aussi le jardin de
Kerampoul, situé au sud-est de la maison.
En dehors
de Vannes, la Retraite des femmes acquit le pourpris et la métairie de Moréac,
en Arradon, et de plus une métairie à Keravelo et une autre à Cadouarn, en Séné
: le tout d’un revenu approximatif de 1,300 livres. Quant au personnel, Mlle
de Francheville avait groupé autour d’elle quelques personnes de bonne volonté,
pour l’aider dans l’oeuvre des retraites. Elle avait depuis 1675 Mlle
Marguerite Marquer de Kerderf, venue d'Hennebont ; elle eut, peu après, Mlle
Claudine Douillard et sa soeur, également d'Hennebont, et en 1683 Mlle
Etiennette Even.
Les
demoiselles de la Retraite (c’est ainsi qu’on les appelait), étaient habillées
en laine noire, comme elles l’étaient dans le monde, mais sans dentelles.
Elles s’occupaient des retraitantes en dehors de la chapelle, leur donnaient
des conférences spirituelles, leur expliquaient les tableaux symboliques, et
leur prodiguaient les avis les plus charitables.
Mlle de Francheville était heureuse de voir son oeuvre capitale solidement établie. « Malgré une fièvre intermittente qui la consuma insensiblement pendant les quatre dernières années de sa vie, elle continua toujours ses exercices de piété avec la même ferveur. Son neveu Daniel pria le P. Huby de lui défendre de continuer ses austérités. Ce Père, aussi zélé que sa pénitente, répondit : " Laissons-la courir à pas de géant à l’éternité ".
«
Plus consumée enfin du feu de sa charité que de l’ardeur de sa fièvre, elle
arriva au terme de sa vie. Le P. Huby l’assista dans ces derniers moments.
Elle rendit le dernier soupir le 23 mars 1689, en prononçant pour la troisième
fois le nom de Jésus, à qui elle avait consacré ses biens, son coeur et sa
vie. Au même instant son visage devint si beau et si vermeil, qu’il attiroit
les regards et l’admiration de tous ceux qui la venoient voir de tous costez.
Les enfants même s’approchoient de son corps sans crainte ; et comme on
vouloit intimider un enfant de cinq ans, qui lui baisoit les pieds et les mains,
il répondit qu’une sainte ne lui faisoit point de peur.
« Le
corps fut exposé quatre jours dans la chapelle, où il accourut une foule
infinie de peuple ; puis il fut mis dans un cercueil de plomb et enterré dans
un caveau sous la chapelle de la Retraite. On donna son coeur aux RR. PP. Jésuites
du collège ».
(D. Lobineau. Vies des S.S. p. 570).
Les
ossements de Mlle de Francheville, exhumés en 1864 ; ont été transportés
dans l’église Notre-Dame du Mené, propriété des Dames de la Retraite à la
fin du XIXème siècle. La pierre tombale, transportée en même temps, offre
l’inscription suivante ; en majuscules romaines : Cy gist le corps de
Demoiselle Catherine de Francheville, fondatrice de cette maison de Retraite.
Elle mourut le 23 mars 1689, âgée de 68 ans et six mois, qu’elle a passés
dans l’exercice de toutes les vertus. Priez Dieu pour elle.
Mgr d'Argouges,
évêque nommé de Vannes, ayant appris cette mort, écrivit à M Mlle Marquer
de Kerderf, le 6 avril 1689. « J’ai un extrême déplaisir de la
perte que vous avez faite de Mlle de Francheville ; elle regarde tout le diocèse
aussi bien que vous, et l’on ne sauroit assez la regretter pour tous les biens
qu’elle y faisoit tous les jours. — J’espère que Dieu nous fera la grâce
de pouvoir soutenir son principal ouvrage, et la retraite qu’elle a commencé
d’établir. Je l’espère du moins par les soins que vous voulez bien
continuer d’y donner et pour mon particulier vous devez vous assurer que j’y
contribuerai volontiers, et que j’y apporterai tout ce qui dépendra de moi :
c’est de quoy je vous prie d’être persuadée. — Je suis ravy de ce que
vous me mandez de M. l’abbé de Francheville. Il est d’un coeur aussi bon,
aussi généreux que le sien, d’entrer comme il le fait dans les sentiments de
Mlle sa tante et de vouloir seconder ses bonnes intentions : je ne doute pas
qu’il n’exécute ce qu’il a promis là-dessus. Fr. d’Argouges , nommé
à l’évêché de Vannes ».
Mlle
DE KERDERF
Il n’y
avait dans la maison de Retraite, au temps de la mort de Mlle de Francheville,
que Mlle de Kerderf, Mlle Even, et deux ou trois autres demoiselles, qui
sortirent peu de temps après, pour cause de santé.
« La
fondatrice, lisons-nous dans la Vie de Mlle de Kerderf, n’avoit jamais
voulu prendre le nom de supérieure, quoiqu’elle en eut toute l’autorité et
qu’elle en exerçât toutes les fonctions ; elle n’avoit nommé en mourant
personne en particulier, pour lui succéder dans le gouvernement spirituel et
temporel de la Retraite. Mlle de Kerderf, comme la plus ancienne, écrivit à
Mgr d’Argouges, pour lui demander la permission d’élire une d’entre
elles, qui eût le nom et l’autorité de supérieure. Le prélat répondit
qu’étant en aussi petit nombre qu’elles étoient, il n’étoit pas nécessaire
de procéder à une élection, et qu’il nommoit lui-même Mlle Marquer de
Kerderf pour première et perpétuelle supérieure pendant sa vie.
« Sa Grandeur, par ce choix, ne fit qu’exécuter les desseins de la divine Providence sur cette demoiselle, dont il connoissoit l’esprit, la prudence et la vertu. D’ailleurs la fondatrice l’avoit destinée à lui succéder, dès le temps qu’elle s’étoit entièrement dévouée à la Retraite, car en lui écrivant pour l’engager à quitter enfin Hennebont et à se rendre incessamment à Vannes : " Venez, lui dit-elle, ma chère fille, c’est assurément ici que Dieu vous veut ; je vous regarde comme ma coadjutrice, comme celle qui maintiendra la Retraite après ma mort ".
« La
qualité de supérieure, jointe à la grande réputation de Mlle de Kerderf,
augmenta considérablement l’estime et la vénération que l’on avoit pour
elle, et rendit les retraites beaucoup plus nombreuses qu’elles n’avoient été
jusqu’alors. Pendant qu’elle a vécu, ou en a toujours fait seize chaque année,
et depuis sa mort on a continué d’en faire tous les ans le même nombre. Elle
fit confirmer la dotation de la Retraite, le 29 avril 1695, par Mgr Daniel de
Francheville, évêque de Périgueux et chef de sa famille. Elle maintint et
compléta les règlements ébauchés par la fondatrice.
«
Convaincue par sa propre expérience que les jeunes demoiselles qu’elle
recevoit, avoient besoin d’une vertu solide, pour s’acquitter dignement des
pénibles emplois attachés à leur état, elle les éprouvoit pendant deux années
de noviciat, et s’appliquoit de tout son pouvoir, pendant tout ce temps, à
les former par ses exemples et par ses instructions à toutes les vertus de leur
vocation.
« A
mesure que quelqu’une d’entre elles avoit fini son noviciat, elle faisoit
les voeux simples de chasteté, d’obéissance et de stabilité dans la maison
de Retraite. (Pas de voeu de pauvreté). La cérémonie se faisoit dans la
chapelle, sans témoins du dehors, et seulement en présence de la communauté.
Le prestre qui disoit la messe, après avoir pris le précieux sang de
Notre-Seigneur, se tournoit vers la novice, et tenant en main la sainte hostie,
recevoit ses voeux qu’elle prononçoit distinctement, selon la formule de la
profession, et la communioit.
«
C’est ainsi que Mlle de Kerderf reçut successivement Mlle Marguerite-Françoise
Aumont de Kerloret en 1694, Mlle Anne-Thérèse de Baubes et Mlle Jeanne de la
Sauldraye en 1697, Mlle Jeanne-Marie Le Gouvello de Kersivien. en 1700, puis
Mlle Catherine Frogier et quelques autres. Leur nombre était fixé à huit ;
afin de remplir facilement tous les emplois de la maison.
«
Mlle de Kerderf améliora les logements des retraitantes, agrandit l’enclos
par l’acquisition de trois jardins, et fit bâtir un bucher, une buanderie,
une boulangerie et d’autres logements de basse-cour. Elle renouvela aussi les
meubles des chambres, et acheta beaucoup de linge et de vaisselle d’argent et
d’étain. Elle avoit grand soin que rien ne manquât dans les diverses
pensions, elle se rendoit exactement au réfectoire de la troisième pension, établie
par elle, et veilloit à placer chacune à son rang, à porter les plats et à
les servir à table ».
Le 21
avril 1704, Mlle de Kerderf fit un contrat avec le P. Recteur du collège de
Vannes, pour avoir deux jésuites, spécialement chargés des instructions et
des confessions des retraitantes, et s’engagea en retour à payer la pension
des deux Pères au collège, à raison de 300 livres pour chacun d’eux.
Sa
sollicitude ne se renfermait pas seulement dans sa maison, elle s’étendait
aussi à diverses bonnes oeuvres de la ville. C’est ainsi qu’elle offrit un
asile dans son établissement à l’association des Dames charitables, qui
s’occupaient de recueillir des aumônes pour les pauvres et de les distribuer
ensuite. Elle leur ouvrit sa chapelle, pour y recevoir la bénédiction du
Saint-Sacrement, après chaque réunion mensuelle, et accepta même d’être la
trésorière de l'oeuvre. Il y avait près de 40 ans que Mlle Marquer de Kerderf
travaillait au salut des âmes, lorsque le délabrement de sa santé l’avertit
qu’elle touchait au terme de sa carrière. Elle eut à supporter les
souffrances d’une longue maladie et sut les sanctifier par sa patience. Se
voyant près de sa fin, elle réunit autour d’elle ses compagnes, et leur
adressa ses derniers conseils, qui avaient surtout pour objet la fidélité à
leur vocation, le zèle du salut des âmes, et la conservation de la maison.
Elle reçut bientôt après le saint viatique, et tomba ensuite dans une sorte
de léthargie, qui dura trois jours, au bout desquels elle eut l’extrême-onction
; puis elle rendit paisiblement son âme entre les mains de son Créateur, le 4
janvier 1713, à l’âge de 68 ans et 4 mois. Les Jésuites, ayant obtenu sort
coeur, le placèrent dans l’église de leur collège.
Son corps
fut inhumé dans un caveau, sous la chapelle de la Retraite, à côté de celui
de Mlle de Francheville, et on y mit l’inscription suivante : Ci-git
Mademoiselle Marguerite Marquer de Kerderf, première supérieure de cette
maison de Retraite après la fondatrice ; elle mourut saintement le 4 janvier
1713, âgée de 68 ans. Priez Dieu pour elle.
Mgr d’Argouges
se trouvait alors à Paris, et dès le 11 janvier il écrivit à Mlle Even : «...
Sa mort n’a pas laissé de me toucher sensiblement et de me pénétrer de la
plus vive-douleur. Tout ce que je puis dans cette triste occasion, c’est de
mesler mes larmes avec les vostres... La consolation qui nous reste, après
l’avoir perdue sur la terre, c’est d’être assurés que nous l’avons
pour protectrice dans le ciel, où je ne doute pas que l’on puisse sûrement
et avec confiance réclamer sou intercession, comme d’une véritable sainte ».
En 1864,
ses restes, avec l’épitaphe ci-dessus, ont été transférés dans l’église
du Mené, devenue la chapelle de la Retraite.
Mlle
EVEN, etc.
«
Mademoiselle Etiennette Even, deuxième supérieure de la maison de Retraite
pour les femmes, avoit receu de Dieu un de ces beaux et heureux naturels, qui préviennent
le monde en leur faveur. Receue à la Retraite par Mlle de Francheville, qui la
regarda toujours comme un excellent sujet, elle fut nommée, en 1693, par Mlle
de Kerderf, à l’important et pénible emploi de portière, dont elle
s’acquitta pendant vingt ans, avec toute l’exactitude et la fidélité
possibles.
Aussi
en 1713, en présence de M. l’abbé de Langle, vicaire général, toutes les
Demoiselles de la Retraite la choisirent unanimement pour succéder à Mlle de
Kerderf.
Pendant
les quatorze ans qu’elle fut supérieure, elle entretint par ses soins et par
son zèle la régularité, l’union et la ferveur dans la Retraite... Les
demoiselles de Baubes et Frogier, qui vécurent avec elle et qui moururent
pendant son gouvernement, furent remplacées par Mlle Angélique Poitevin de la
Vallée et Mlle Tiphoche du Henlis, receues en 1718, Mlle Catherine Le Sieur en
1725, et Mlle Marquise du Guesclin en 1726.
«
Enfin Mlle Even, après avoir donné, tout le temps que dura sa supériorité,
de rares exemples de vertu, et avoir supporté une maladie de cinq mois avec une
patience admirable et une résignation parfaite à la volonté de Dieu, mourut
de la précieuse mort des prédestinés, le 26 octobre 1726, âgée de 65 ans,
dont elle en avoit passé 43 dans la Retraite » (Vie de Mlle de Kerderf).
Dix-huit
jours après, à savoir le 13 novembre 1726, eut lieu l’élection d’une
nouvelle supérieure. Mgr Fagon, évêque de Vannes, se rendit à la maison de
Retraite, accompagné de son premier grand vicaire, de son secrétaire, du
recteur de Saint-Salomon, et du chapelain de la maison. Après la messe et les
prières marquées pour la circonstance, on procéda à l’élection ; les
suffrages se portèrent sur Mlle Marguerite-Françoise Aumont de Kerloret, qui
fut proclamée supérieure.
Elle
avait été reçue en 1694 par Mlle Marquer, et était la doyenne de la maison.
Son zèle infatigable dans tous les exercices de la Retraite, et sa conduite
remplie de douceur, de prudence et d’humilité, justifiaient pleinement le
choix qu’on avait fait d’elle pour gouverner la communauté. Elle reçut
dans la maison en 1729 Perrine de Trévegat de Limoges, fille de René-François
et de Françoise-Ursule de Francheville, petite-nièce de la fondatrice de la
Retraite, et veuve de M. du Timeur ; c’était un sujet plein d’espérance,
qui fut enlevé par une mort prématurée le 5 janvier 1731.
Son corps
fut inhumé auprès du celui de Mlle de Francheville, sa grand'tante, et son
coeur déposé dans la chapelle des Capucins de Vannes, lieu de sépulture des
Trévegat. Elle fut remplacée à la retraite, dès 1731, par Mlle Geneviève-Françoise
Chanu de Kerhédin.
C’est
du temps de Mlle Aumont de Kerloret, en 1731, que fut composée par un auteur
anonyme la Vie de Mlle de Kerderf. Cet ouvrage, encore inédit, nous a fourni
divers renseignements dans les pages qui précèdent.
«
L’an de grâce 1743, et le 15e jour du mois de décembre, Demoiselle
Marguerite-Françoise Aumont de Kerloret, supérieure de la maison de la
Retraite, âgée de 77 ans, après avoir receu tous ses sacrements... et décédée
le jour d’hyer, a été inhumée dans le lieu ordinaire de la sépulture ; ont
été présentes à l’enterrement Mlles de Kersivien, du Henlis, de Kerhédin
et Le Sieur, demoiselles de la Retraite, et plusieurs autres personnes de la
ville, qui se sont retirées sans signer. J. DESFOUSSE-DAUZO, recteur de
Saint-Salomon ».
Mademoiselle
Jeanne Le Gouvello de Kersivien fut élue pour succéder à la défunte. Née
vers 1679, elle avait été reçue à la Retraite par Mlle Marquer de Kerderf en
1700. Il y avait donc 43 ans qu’elle était dans la maison, quand elle en
devint supérieure. Elle vécut encore 17 ans ; mais avant d’atteindre ce
chiffre, elle donna sa démission de supérieure, à cause de son âge et de ses
infirmités, comme le prouve l’acte suivant : « L’an de grâce 1760, et
le 2ème jour du mois de janvier, Demoiselle Jeanne Le Gouvello de Kersivien,
ancienne supérieure de la Retraite, âgée de 8O ans, après avoir été
confessée par le R. P. Recteur du collège et avoir receu les autres sacrements
par moy soussigné recteur, décédée le jour d’hyer, a esté inhumée dans
le lieu ordinaire de la sépulture ; ont été présentes à l’enterrement
Mlles de Kerhedin, supérieure, du Henlis, Le Sieur, de Lantivy, du Pallevar,
demoiselles de la Retraite, et plusieurs autres personnes de la ville, qui se
sont retirées sans signer. J. DUFOUSSE-DAUZON, recteur de Saint-Salomon ».
Mademoiselle
Geneviève-Françoise Chanu de Kerhédin, la nouvelle supérieure, avait été
reçue en 1731 à la Retraite par Mlle Aumont de Kerloret. Elle vit avec une
peine extrême, en 1762, la suppression des Jésuites et leur expulsion du collège
de Vannes ; cette mesure la frappait par contre-coup, en lui enlevant les deux
prédicateurs et confesseurs que la Compagnie de Jésus fournissait à la maison
depuis 1704. Elle dut s’adresser à l’évêque, pour obtenir le concours des
prêtres séculiers ; Mgr de Bertin, qui savait le bien spirituel que
produisaient les deux maisons de retraites, les prit sous sa protection spéciale,
et publia une lettre pastorale, pour les recommander à son diocèse. « Il y
aura, comme par le passé, disait-il, quinze retraites par an, dans chacune des
maisons destinées à ces pieux exercices, pour les hommes et pour les
femmes.... ».
Mlle
Chanu de Kerhédin mourut en 1766, et fut remplacée par Mlle Marie-Anne-Josèphe-Thérèse
de Lantivy. La nouvelle supérieure, la sixième depuis Mlle de Francheville, était
née à Ménéac le 24 septembre 1728 de Jean-Baptiste de Lantivy, seigneur de
Bernac, de Kerdreux, de la Ville-Durand, etc.., et de Christine-Thérèse-Céleste
de Miniac. Elle avait été reçue à la Retraite par Mlle Le Gouvello de
Kersivien. Son zèle pour l’oeuvre et sou entente des affaires la firent
choisir pour le gouvernement de la maison. La Providence lui ménageait de
terribles épreuves.
REVOLUTION
L’orage
révolutionnaire menaçait tous les établissements religieux. La maison de
Retraite des femmes eut sa part des épreuves. La première mesure prise contre
elle fut la visite des agents du district, pour dresser l’inventaire de ses
biens. Voici le procès-verbal qui fut rédigé à cette occasion.
<<
Nous soussignés, Jacques Glais, Pierre-Nicolas Serres, fils, et Jean Guilmé
Brulon, membres du directoire, et Antoine Rollin, procureur-syndic, du district
de Vannes, certifions que ce jour 27 août 1790, sur les huit heures du matin,
nous nous sommes, aux fins de lettres patentes du Roi, rendues le 26 mars
dernier sur les décrêts de l’Assemblée nationale du 20 février, 19 et 20
mars,... transportés à la Retraite des femmes de cette ville, paroisse de
Saint-Salomon, où étant rendus et parlant à Madame la Supérieure et aux
autres Demoiselles de la dite maison, nous leur avons déclaré que l’objet de
notre mission était de remplir les formalités prescrites par les lettres
patentes ci-dessus, desquelles nous leur avons donné lecture ; les avons en
conséquence requises de nous représenter tous les registres et comptes de régie
de la dite maison, l’argenterie, l’argent monnayé, les effets de la
sacristie, les livres, manuscrits, médailles, bibliothèque et le mobilier le
plus précieux, de nous déclarer l’état actuel de la maison, ainsi que les
dettes mobilières et immobilières et les titres qui les constatent, pour que
nous puissions du tout dresser état et description, en présence de toutes les
dites Demoiselles, conformément aux dites lettres patentes.
« Se sont en conséquences présentées toutes les Demoiselles de la dite Retraite, lesquelles au nombre de sept nous ont déclaré ce qui suit : " Nous Demoiselles séculières, habitant actuellement la maison dite la Retraite des femmes de la ville de Vannes, déclarons que cette maison, n’est point communauté, maison religieuse, ou congrégation quelconque, mais un établissement purement séculier ; que Mlle Catherine de Francheville, qui l’a fondé, a formellement déclaré qu’elle ne voulait pas que la dite maison fût jamais gouvernée par des religieuses de quelque institut que ce pût être, mais par des filles séculières. En conséquence, nous sommes simplement sept demoiselles, vivant ensemble dans une douce société, travaillant au salut des personnes de notre sexe, et en outre jouissant de notre patrimoine, et pouvant en disposer chacune à sa volonté. On nous rendra la justice de convenir que nous n’en faisons d’autre usage que le soulagement des pauvres et le soutien de notre maison, qui n’étant pas riche et ne possédant aucun bien ecclésiastique, a vraiment besoin de nous ; que cette maison est avantageuse à la ville pour le temporel, par le nombre des personnes étrangères qu’elle y attire, et que par toutes ces raisons nous ne sommes en aucune manière dans le cas des maisons religieuses, et devons être spécialement conservées telles que nous sommes, sous la protection des lois " ».
Suit la déclaration
que les dites demoiselles ont faite de leurs biens.
I.
Biens fonds.
1° La
maison et les jardins de la Retraite.
2°
Une petite prairie prés Vannes, affermée : 60 livres.
3° La
métairie de Moréac, en Arradon, affermée : 606 livres 10 sols.
4° Le
pourpris de Moréac, affermé : 240 livres.
5° La
métairie de Keravelo, en Arradon, affermée : 427 livres 7 sols.
6°
Une petite métairie à Cadouarn, en Séné, affermée : 90 livres.
Total :
1,423 livres 17 sols.
II.
Rentes constituées :
1° Un
contrat de 18,000 livres, rapportant : 400 livres.
2° Un
contrat de 3,500 livres, produisant : 100 livres.
3° Un
contrat de 14,000 livres sur le Clergé du diocèse : 280 livres.
4° Un
contrat de 15,000 livres sur les Etats de Bretagne : 599 livres 6
sols.
5° Un
contrat de 2,000 livres sur le Chapitre de Vannes : 80 livres.
6° Un
contrat de 4,000 livres sur les Dlles Verger d'Auray : 114 livres 5 sols.
7° Un
contrat de 5,000 livres sur les Ursulines de Vannes : 200 livres.
8°
Contrats de 8,000 livres sur le Petit-Couvent : 360 livres.
9°
Contrats de 24,000 livres sur le Clergé de France : 960 livres.
10°
Un contrat de 1,300 sur les Tailles : 24 livres 12 sols.
Total :
3,118 livres 3 sols.
III.
Charges foncières.
Rente
au Chapitre sur la maison de la Retraite : 7 livres 10 sols 4 deniers.
Rente
aux Soeurs de la Garenne : 3 livres.
Rente
sur la propriété de Moréac : 50 livres 6 sols.
Contributions
pour les décimes : 157 livres 8 sols.
Réparations,
retraites et culte : 3,564 livres 4 sols.
Total :
3,782 livres 8 sols 4 deniers.
IV.
Argenterie.
Trois
calices en ville et un à la campagne, — Un soleil, — Deux ciboires, — Un
encensoir, — Une lampe, — Deux petits flambeaux, — Une croix, — Une
petite statue de la sainte Vierge, — Deux burettes, — Une écuelle, — Et
cinquante couverts : le tout pesant 80 marcs.
V.
Dettes.
« Et
en l’endroit, Mlle de Lantivy nous a déclaré qu’il lui était dû par la
maison pour avances faites en différents temps : 5,406 livres 9 sols 7
deniers.
De
plus, pour avoir prêté en argent à la dite maison : 4,000 livres.
Plus,
avoir employé pour frais de réparations : 3,000 livres.
Total
: 12,404 livres 9 sols 7 deniers.
Et ont
les dites Demoiselles signé avec nous le présent procès-verbal, les dits jour
et an que dessus.
Signé
: Marie-Anne-Josèphe-Thérèse de Lantivy.
Marie-Louise
Merlin.
Marie-Guillemette-Thérèse
Le Gall du Pallevar.
Marie-Célestine
de Mathezon.
Pélagie-Emilie
de Lanoë de Couetpeur.
Jeanne-Françoise-Scolastique
Mauduit (de Kerleau).
Marie-Mathurine-Félicité
Rado.
Rollin,
pr. sy.— Brulon. — Serres, fils.—Jacq. Glais ».
(Q. 299).
RECLAMATIONS
Les
demoiselles de la Retraite ne restèrent pas longtemps en paix. Dès le mois de
février 1791, elles durent loger les soldats volontaires, venus de Lorient,
pour comprimer les troubles du Bondon, et se retirèrent dans une partie de leur
bâtiment. En 1792, le directoire leur notifia l’ordre de sortir de leur
maison le 1er octobre, leur établissement étant destiné à loger les prêtres
sexagénaires du département.
C’est
alors que ces demoiselles dressèrent la réclamation suivante, sous la date du
15 septembre 1792.
«
Messieurs, nous avons recours à votre justice dans la cruelle circonstance où
nous nous trouvons... Nous vous supplions de considérer ce que nous avons déjà
eu l’honneur de vous dire : que nous ne sommes ni religieuses ni congrégation
; que presque tous les meubles de la maison de Retraite ont été renouvelés
par nous et de nos propres deniers ; que les meubles de nos chambres, à la
ville et à la campagne, sont venus de chez nos parents, dont nous sommes héritières,
et qu’il y en a de répandus dans les autres endroits de la maison ; qu’il
n’y a rien de commun entre nous, et que chacune jouit de son bien et en fait
tel employ qu’elle juge à propos. Les augmentations de bâtiments et les défrichements
ont été faits à nos frais, chacune faisant de concert les travaux qu’elle a
cru utiles pour une maison qu’elle a toujours regardée comme la sienne. Les
vaches, qui existent actuellement pour le profit de la maison, sont venues de
chez moi, dit la Supérieure, et sont à moi ; il m’est dû en outre 12,000
francs, tant prêtés qu’avancés, depuis plus de vingt ans que je suis chargée
de la régie de la maison, et cela est aisé à concevoir, puisqu’alors les
charges surpassaient les revenus. Plusieurs des demoiselles ont aussi des crédits
légitimes sur les biens de la dite maison ; et quand nous en sortons, même de
notre plein gré, ce que nous pouvons faire, tout nous est exactement rendu et
remboursé.
«
Vous voyez donc, Messieurs, qu’il s’agit de nos propriétés ; vous
promettez à tous de les protéger, nous espérons que vous ne nous excluerez
pas de la protection générale. — Vous pouvez, Messieurs, sans aucun inconvénient,
nous laisser dans la partie de notre maison, que nous habitions, lorsque vous
nous fîtes loger les volontaires de Lorient. Les ecclésiastiques, que vous
voulez y mettre, n’auront pas plus de rapport avec nous que ces Messieurs. Il
nous est d’ailleurs comme impossible de trouver, dans le court délai qu’on
nous a prescrit, des logements convenables pour chacune de nous, et y faire
transporter nos meubles. Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles
et très obéissantes servantes. — De Lantivy. — De Mathezon. — De
Couetpeur. — Merlin. — Du Pallevar. — Rado ».
(L. 785).
Quatre
jours plus tard, savoir le 19 septembre 1792, les demoiselles de la Retraite
complétèrent leurs réclamations dans les termes suivants : « … Nous déclarons
aussi que les contrats de constitution de rente à différents deniers, que nous
possédons sur le clergé, les communautés religieuses, les Etats de Bretagne
et les particuliers de la province, étant le produit des ménagements et économies
de celles qui nous ont précédées et des nôtres, ils nous appartiennent en
propre, et qu’il nous doit être permis d’en toucher les arrérages échus
et à échoir : nous ne pouvons nous persuader qu’on nous en prive.
«
Nous réclamons encore en faveur de nos domestiques la justice et l'équité,
tant pour leurs gages de l’année dernière, qui ne leur ont pas été payés,
que pour les dédommagements, qui leur sont dus à raison de leur renvoi.
«
Enfin, nous devons à la maison de Francheville et à nous-mêmes de protester
contre la force, qui nous ravit notre maison, ses biens et notre état.
N’ayant, pour le présent, d’autres moyens de constater nos oppositions et réclamations
que par cet écrit, nous le faisons de la manière la plus authentique qu’il
nous est possible, en l’adressant à Messieurs du département et du
district. Signé : De Lantivy. — De Couetpeur. — De Mathezon. — Merlin.
— Du Pellevar, — Rado » (L. 787).
Malgré
leurs réclamations, les demoiselles de la Retraite furent traitées comme de
simples religieuses, et mises à la porte de leur maison le 1er octobre 1792,
n’emportant que le chétif mobilier de leurs chambres.
Toutefois
une nouvelle pétition fut soumise à l’administration du district de Vannes,
comme le prouve cette pièce du 6 floréal an III (25 avril 1795) :
« Séance
publique où étaient les citoyens Aubry, viceprésident, Duperron, Blanchet, Le
Goaesbe, administrateurs, et le citoyen Glais, agent national.
«
Vu par nous, administrateurs du district de Vannes, la pétition des citoyennes
Lantivy, Merlin, Pellevar, Mathezon, Rado, se disant faire tant pour elles que
pour les citoyennes Lanoë et Mauduit, par laquelle elles demandent qu’on leur
rembourse les sommes qu’elles ont fournies pour leur entrée et pour les
ameublements et améliorations de toute nature, qu’elles disent avoir faits à
la maison de la Retraite des femmes et à celle nommée Moréac en dépendant ;
« Vu,
etc...
« Le
directoire, ouï le procureur syndic,
«
Considérant que les particulières, qui s’étaient réunies pour tenir la
Retraite des femmes, formaient une association ou congrégation laïque, de la
nature de celles qui ont été supprimées par la loi du 18 août 1792 ;
qu’elles doivent être en conséquence traitées, quant à leurs personnes et
aux propriétés qui dépendaient de leur établissement, de la même manière
que tous les autres individus qui composaient les congrégations de cette nature
;
«
Considérant que les biens qui composaient cet établissement, et les sommes qui
ont été fournies par chacune d’elles, ont été donnés sans espoir de
reprise, et doivent conséquemment tourner au profit de la République ; que les
dites particulières ont été déjà traitées comme les individus des autres
congrégations supprimées, puisqu’à leur sortie de la maison de la Retraite
on leur a délivré les effets à leur usage, qui se trouvaient dans leurs
chambres ;
«
Considérant qu’il est de notorité publique et suffisamment justifié que les
dites particulières apportaient une dot en entrant dans cette maison, et
qu’il est de toute justice qu’en les assimilant aux religieuses pour leurs
propriétés communes, elles soient traitées comme elles pour leurs pensions ;
« Est d’avis qu’en ce qui concerne les réclamations des pétitionnaires, relativement aux biens et aux meubles qui composaient leur établissement, et aux créances qu’elles prétendent porter sur le même établissement, tant pour leurs dots, que pour les sommes par elles déboursées pour l’ameublement, réparation et amélioration, il n’y a lieu à délibérer ; mais qu’il leur soit accordé un traitement comme aux autres individus, qui composaient les communautés et congrégations supprimées ».
Cet avis
fut adopté, et les biens meubles et immeubles de la Retraite des femmes restèrent
définitivement confisqués : la raison du plus fort est toujours la meilleure.
ALIENATIONS
Dès le
24 août 1794, M. du Pontavice avait acheté le pourpris de Moréac en Arradon
pour 39,000 francs, la métairie du même lieu, pour 40,600 francs, et la métairie
de Keravelo dans la même commune, pour 32,300 francs. Il était sans doute
d’accord avec les demoiselles de la Retraite, pour leur rendre ces terres
contre remboursement du prix. Ce prix, montant à 111,900 francs, paraît exagéré,
mais il faut se souvenir qu’au mois d’août 1794, l’assignat de 100 francs
ne valait que 39 fr. 50.
La petite
métairie de Cadouarn en Séné fut vendue le 12 juillet 1796 au citoyen Le Fée
pour 2,544 francs.
Le
mobilier de la maison de la Retraite fut vendu le 6 juin 1795, et jours
suivants, et produisit une somme brute de 123,470 fr., dont il fallut déduire
3,850 fr. pour frais divers.
Quant à
la maison elle-même, elle fut affectée, dès la fin de septembre 1792, à
l’internement des prêtres sexagénaires insermentés. Le département, dans
sa générosité, leur assigna à chacun 20 sous par jour en été, et 25 sous
en hiver, pour leur subsistance. Au 12 décembre de cette année on y comptait
46 prêtres. Ces malheureux ne furent remis en liberté qu’au mois d’avril
1795.
Le
tribunal criminel du Morbihan, ramené de Lorient à Vannes au commencement de
1795, et logé dans l’ancien séminaire, jeta bientôt les yeux sur la maison
de la Retraite, pour s’y installer plus commodément. Une lettre du citoyen
Pichot, ingénieur en chef, datée du 14 février 1796, et adressée aux
administrateurs du département, donne les détails suivants :
«
D’après une nouvelle visite, que je viens de faire à la maison ci-devant de
la Retraite, avec les citoyens président, juges et greffier du tribunal
criminel, à l’effet de convenir des appartements pour l’établissement
provisoire du dit tribunal, la ci-devant chapelle a été choisie pour les séances
publiques ; les petits parloirs à gauche pour les chambres des jurés, en démolissant
les cloisons actuelles et en en construisant de nouvelles ; la chambre ci-devant
de communauté pour chambre du conseil des juges ; et pour le greffe trois
chambres au premier étage, au-dessus de la partie à droite de la salle des séances
publiques. — Je vous prie, citoyens, de vouloir bien donner vos ordres, pour
que les citoyens Houdiart et Pelletier, qui ont des effets et des foins dans
plusieurs de ces appartements, les fassent enlever et placer en d’autres
appartements de la dite maison ; on pourrait commencer dès demain le travail
pour les dispositions ». (Q. 299).
Ce projet
fut accepté et mis à exécution. C’est dans la salle de ce tribunal criminel
que furent condamnés à mort M. Robin, vicaire à Inzinzac, et M. Rogue,
professeur au séminaire, le 3 mars 1796, M. Le Bécre, vicaire à Pontivy, M.
Le Floch, prêtre de Cléguer, Hémery, prêtre de Saint-Servan, Le Verger, prêtre
de Lanouée, le 22 mars 1796. Beaucoup d’autres prêtres y furent condamnés
à la réclusion.
Plus tard
le tribunal criminel fut remplacé par la Cour d’assises, et le Tribunal civil
fut installé dans le même immeuble. Par suite de cette destination, la maison
de Retraite devint propriété départementale, en vertu de l’article 1er du décret
du 9 avril 1811. Bientôt un Tribunal de commerce fut bâti tout près des deux
autres sur le même terrain.
Cependant
les tribunaux n’occupaient pas toute l’ancienne Retraite : il restait
d’abord une partie du bâtiment et une basse-cour, qui servirent pendant
quelques années de caserne à un détachement de cavalerie ; il restait ensuite
une remise et deux jardins, qui étaient affermés 192 francs par an au profit
du domaine de l'Etat.
A l’époque
de la Restauration, Mlle de Lantivy, l’ancienne supérieure de la Retraite,
qui vivait encore, fit de nombreuses démarches pour rentrer en possession de
ces divers immeubles. Le Conseil d’arrondissement accueillit favorablement sa
demande ; le Conseil général fut d’avis de restituer, au moins les bâtiments
inutiles aux tribunaux, les basses-cours et les jardins. En conséquence, le préfet
du Morbihan prit, le 15 février 1817, un arrêté en forme d’avis, qui
tendait à remettre les demoiselles de la Retraite en possession de l’ancienne
maison qu’elles occupaient, même de la partie abandonnée aux tribunaux.
Malheureusement cet arrêté ne fut point soumis à la sanction de l’autorité
supérieure, et ne reçut par suite aucune exécution.
Sur ces
entrefaites, le 23 juin 1821, Mlle de Lantivy mourut à Vannes, rue de Trussac,
à l’âge de 93 ans. Avec elle disparaissait l’héritière directe de l'oeuvre
fondée par Mlle de Francheville, la seule qui pût revendiquer, avec quelques
chances de succès, la propriété de la Retraite.
Quelques
années plus tard, en 1827, M. Gabriel de Francheville, colonel au 3° régiment
d’infanterie légère, reprit l'oeuvre de revendication, sous une autre forme,
et réclama la restitution de la maison de la Retraite, comme héritier de Mlle
Catherine de Francheville. Mais l’administration des Domaines n’eut pas de
peine à lui prouver que la fondatrice n’avait fait aucune réserve en faveur
de sa famille, qu’elle avait donné son établissement à Dieu et à l'Eglise,
représentés par l’évêque de Vannes acceptant, et cela d’une façon
absolue et sans retour, et que c’était comme bien ecclésiastique que le dit
établissement avait été confisqué. M. de Francheville n’insista pas, et
renonça définitivement à ses prétentions en 1835.
Le
tribunal continua donc à rendre la justice dans une maison confisquée.
Toutefois ce local était un peu trop isolé de la circulation ; les réparations
devenaient onéreuses pour le département ; c’est pourquoi le Conseil général
décida la construction d’un nouveau tribunal à côté de l’ancien, à
l’angle de la nouvelle place des Halles. Les travaux, commencés en 1863, ne
furent complètement achevés qu’en 1869. Enfin en 1870 l’ancienne
maison de la Retraite fut entièrement démolie, et le sol lui-même fut coupé
en pente jusqu’aux bases du nouveau tribunal ; il ne reste sur la hauteur que
l’édifice moderne affecté au tribunal de Commerce.
RESURRECTION
Comme on
l’a vu, les demoiselles de la Retraite de Vannes n’avaient pas pu se
reconstituer en communauté après la Révolution. Plus heureuses, quelques
membres de la maison de Quimper avaient pu se réunir en 1805, et recommencer l'oeuvre
des retraites en Bretagne, en y joignant l’instruction des enfants. Elles se
fixèrent à Quimperlé en 1808 et eurent bientôt des maisons à Quimper, à
Lesneven et à Brest.
Elles ne
formaient pas encore une communauté strictement religieuse, avec les voeux de
pauvreté, de chasteté et d’obéissance ; elles n’avaient d’autre lien
qu’une simple consécration à Dieu. Mais Mlle Jeanne de Kertanguy, originaire
de Saint-Pol-de-Léon, ayant été élue supérieure générale de la congrégation
en 1832, et ayant pris connaissance du règlement de l’ancienne Retraite de
Vannes, où l’on faisait les voeux simples de chasteté et d’obéissance,
songea sérieusement à rétablir cet usage.
Sur ces
entrefaites, M. de La Mennais, le vénérable fondateur des Frères de l'Instruction
chrétienne, proposa à la congrégation de la Retraite de Quimperlé de s’établir
à Lannion, sur la demande de Mlle Marie de la Fruglaye, qui donnait un terrain,
à la condition de joindre l’oeuvre de l’éducation des enfants à celle des
retraites. Après quelques hésitations, à cause des dépenses que cette
fondation allait entraîner, l’offre fut acceptée, et en 1836 quelques
religieuses partirent de Quimperlé avec Mme de Kertanguy pour établir la
maison de Lannion. C’est alors que la supérieure générale proposa l’émission
des voeux dans la congrégation. Beaucoup d’associées acceptèrent ; mais
beaucoup d’autres et surtout les anciennes s’y refusèrent. Pour tout
concilier, il fut résolu d’un commun accord, avec l’autorisation des évêques
de Quimper et de Saint-Brieuc, que celles qui voulaient faire des voeux se
grouperaient à Lannion, autour de Mme de Kertanguy, et que les autres
garderaient leur liberté et choisiraient une autre supérieure générale.
Outre les
voeux, la maison de Lannion admit deux séries de professes : les religieuses de
choeur et les soeurs converses. L’institution primitive de Mlle de
Francheville se transforma de cette manière en une congrégation strictement
religieuse. Cette amélioration attira de nombreux sujets dans la maison, et
bientôt l’on songea à faire une nouvelle fondation.
La ville
de Vannes, qui avait été le berceau de l'oeuvre des retraites et qui gardait
les tombeaux des fondateurs, attira tout d’abord l’attention, puis les voeux
de la communauté. Au mois d’août 1845, on acquit la propriété du Grador,
voisine de la ville, et peu après, avec l’autorisation de l’évêque, on y
reprit l'oeuvre des retraites, en y adjoignant un pensionnat de jeunes filles.
L’ouverture du collège Saint-François-Xavier en 1850 favorisa cet établissement,
en offrant aux familles les mêmes ressources pour l’éducation des filles que
le collège des Jésuites pour les garçons.
Ce qui
montre bien l’importance que les Dames de la Retraite attachaient à leur
fondation de Vannes, c’est qu’en demandant l’autorisation du gouvernement,
elles la firent reconnaître comme maison-mère de la congrégation, et siège légal
de la supérieure générale.
Si le
Grador offrait une solitude agréable pour les retraites, il était un peu trop
éloigné du centre de la ville pour la fréquentation des écoles. Le grand séminaire
ayant été légèrement mutilé dans ses dépendances par l’avenue de la
gare, et l’architecte parlant de grosses réparations à faire à la maison,
les religieuses de la Retraite proposèrent en 1862 à l’évêque l’échange
de leur propriété contre celle du vieux séminaire. Mgr Dubreil accepta
l’offre et la soumit à la sanction du gouvernement ; une loi du 4 juin 1864
autorisa l’échange et accorda aux religieuses une soulte de 74,000 fr., pour
équilibrer la différence des deux propriétés. Avec cette somme, les Dames de
la Retraite ont pu remettre en parfait état une maison qu’on disait menacer
ruine, tandis que l'Etat a dû bâtir un nouveau séminaire, qui lui a déjà coûté
plusieurs centaines de mille francs, et qui n’est pas encore terminé.
Les
religieuses trouvèrent dans leur nouvelle acquisition une chapelle spacieuse,
très propre pour les retraites, et une maison habitée jadis pendant cinq ans
par Mlle de Francheville. Pour avoir un lien de plus avec la fondatrice de la
Retraite, elles obtinrent, en 1864, l’exhumation des restes mortels de Mlle de
Francheville et de Mlle de Kerderf, et leur transport du caveau du tribunal
civil dans leur nouvelle chapelle.
Depuis
cette époque la congrégation de la Retraite de Vannes a prospéré, et, vers
la fin du XIXème siècle, elle possède, outre les maisons de Vannes et de
Lannion, celles de Lorient, de Nantes, de Pontplancoet, de Saint-Jacques, de
Rostrenen, et de Saint-Anastase.
La congrégation de la Retraite de Vannes a reçu de Sa Sainteté Pie IX, en 1866, un bref laudatif, et de Léon XIII en 1887 un décret approbatif. Le règlement, approuvé par l’évêque de Vannes en 1703, a été sanctionné à Rome, avec les développements nécessités par les oeuvres actuelles. Le nom de Filles de la sainte Vierge, donné aux associées dès l’origine, a été maintenu, mais le nom de Dames de la Retraite est le seul connu du peuple.
J.M. Le Mené
© Copyright - Tous droits réservés.