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PERSONNEL DES PAROISSES DU DIOCÈSE DE VANNES : LE VICAIRE PERPÉTUEL |
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Passons maintenant à la classe des vicaires perpétuels. Les notions concernant les recteurs permettront de saisir aisément leur condition. Leur origine était multiple. Un seigneur, riche et puissant, fondait-il une paroisse, outre les autres prééminences, il se reservait ordinairement, pour lui et ses successeurs, la désignation de l'ecclésiastique qui devait la desservir. Par un sentiment de gratitude bien naturel, les sacrés canons autorisaient volontiers ces réserves. Le plus souvent, ce fondateur ne se dépouillait point des gros revenus du bénéfice et se chargeait de prélever sur les dîmes la pension qu’il fournissait au titulaire. On donnait à ce seigneur le titre de patron de la paroisse, et à son droit de présentation du titulaire le nom de patronage laïque. Il est évident que ce fut là l'origine d'un très grand nombre de nos paroisses. Avec le temps, les familles des fondateurs disparurent ou cédèrent aux Évêques leur droit de patronage. Aussi, à l'époque que nous étudions, ces paroisses ne sont-elles plus ici qu'en tout petit nombre. D'autres fois, c'était à quelque abbaye ou prieuré que les paroisses devaient leur création, et les religieux s'y réservaient les mêmes prérogatives que les fondateurs précédents. Mais la plupart de nos vicariats des derniers siècles avaient une autre origine. A un moment donné, les Évêques se virent contraints de confier de nombreuses paroisses à l'administration des religieux. Dans ce genre de vie, les moines se relâchèrent, et force fut, vers la fin du XIIème siècle, de les renvoyer à leurs monastères. En quittant la place, ils ne lâchèrent pas entièrement prise ; ils traitèrent les paroisses en fondateurs et s'en réservèrent et les dîmes et la présentation des titulaires. Certains corps religieux, dont les constitutions étaient moins rigoureuses, furent autorisés à continuer la desserte des paroisses qui leur étaient confiées. Tels étaient les chanoines réguliers de Saint-Augustin. Dans ce dernier cas, c'étaient l'abbaye qui présentait de ses religieux pour régir les paroisses relevant d'elle. Toute paroisse de cette condition portait le nom de prieuré-cure, et son titulaire celui de prieur-recteur. Le diocèse de Vannes en avait plusieurs desservies par les chanoines réguliers de l'abbaye de Saint-Jean-des-Prés [Note : Non-seulement ces chanoines réguliers furent autorisés par Innocent III à administrer les paroisses qui relevaient d'eux, ils furent même contraints par une ordonnance royale de 1770 à les desservir en personne. Les catalogues de ces prieurs-recteurs contiennent sur ce point des renseignements assez curieux]. Enfin, et c'était ici la grande source, des paroisses nombreuses tombèrent en patronage par leur annexion à des établissements ou à des fonctions ecclésiastiques. Il est cependant à remarquer que ces annexions ne conféraient pas toujours le privilège du patronage. A cet effet, cette prérogative devait être formellement spécifiée dans les décrets d'union. La perception des revenus de la paroisse et le droit d'en présenter le titulaire n'étaient pas essentiellement unis. Aussi, avons-nous déjà rencontré une quarantaine de ces bénéfices à collation libre et dont les titulaires n'étaient pas gros décimateurs.
Le catalogue qui sera dressé plus bas nous montrera que, dans ce diocèse, il y avait seulement des paroisses à patronage laïque et des paroisses à patronage ecclésiastique, mais qu'il ne s'y trouvait aucune à patronage mixte, c'est-à-dire présentée de concert par des ecclésiastiques et des laïcs. Il nous permettra même de remarquer que ces paroisses de patronage ecclésiastique étaient toutes annexées ou à des établissements religieux, au Chapitre, à des dignités ou à des canonicats. Cette observation est nécessaire à cause du mode de collation. C'est qu'en effet, les canons et les règlements de l'Église dispensaient du concours les paroisses à patronage laïque et celles à patronage ecclésiastique, lorsque ces dernières étaient dans la condition des nôtres. Ces vicariats pouvaient vaquer comme les paroisses libres, sauf la résignation en faveur et la permutation qui nécessitaient le consentement du patron, entre les mains duquel devaient d'ailleurs se faire toutes les résignations. Si ces dernières avaient lieu entre celles de l'Évêque, ce prélat pouvait néanmoins les accepter, mais sans préjudice toutefois du droit de présentation qui demeurait toujours réservé au patron. Lorsqu'un vicariat tombait en vacance, de quelque manière que ce fût, même par mort, n'importe en quel mois de l'année, pourvu que ce ne fût pas in Curia Romana, le patron, au moyen d'un écrit, présentait son candidat à l'Évêque, qui l'examinait uniquement sur la science ou le faisait examiner par des prêtres de son choix, sans être tenu de recourir aux examinateurs synodaux, et lui délivrait des provisions, si la note d'examen le permettait et si, par ailleurs, il ne le savait pas indigne.
Pendant de longues années, plusieurs de ces vicaires perpétuels portèrent un nom contredit par leur position ; ils n'étaient nullement perpétuels, bien que les canons leur assurassent la perpétuité. Il paraît que les patrons trouvaient quelque avantage à les réduire et à les tenir dans cette position précaire ; ils allèrent même plus loin et jusqu'à supprimer le titre et la fonction. Nous pouvons citer dans ce dernier cas les paroisses de Saint-Allouestre et Buléon, de Treffléan, de Noyalo, à la présentation du Chapitre et dépourvues de titulaires pendant presque toute la durée du XVIIème siècle. On serait même tenté de croire que, depuis son-annexion à la psalette, Noyalo n'eut aucun titulaire jusqu'à la fin de ce XVIIème siècle. Le Chapitre se contentait de faire desservir ces paroisses par des prêtres qu'aucun lien n'y attachait et qui les abandonnaient dès que la fortune leur offrait mieux. Cette triste position émut l'Évêque qui, vers, 1680, somma le Chapitre de lui présenter des titulaires. Il paraît que vers cette époque aussi, les plaintes des vicaires devinrent générales, puisque nous trouvons une déclaration royale du 29 janvier 1686 prescrivant d'attribuer à tous ceux du royaume la perpétuité, conformément aux canons de l'Église. Jusque-là, quoique munis de tous les pouvoirs rectoriaux, il leur était interdit de prendre la qualité de recteurs ; les patrons s'y opposaient, pour se réserver à eux-mêmes le titre de recteurs-primitifs. Par cette même déclaration de 1686, il leur fut permis de s'intituler recteurs, mais sans tirer à conséquence contre les droits des patrons.
Ces droits des recteurs-primitifs furent réduits par les déclarations du 30 juin 1690, 5 octobre 1726 et 15 janvier 1731, sans toucher ni à la présentation des vicaires, ni à la perception des dîmes, au pouvoir de faire, dans leurs églises paroissiales, le service divin aux quatre fêtes solennelles et le jour du patron, à la double condition d'en aviser les vicaires la surveille de la fête et de célébrer aux-mêmes. Par ces déclarations, il furent autorisés à percevoir la moitié des offrandes, tant en argent qu'en cire, lorsqu'ils officiaient en personne, l'autre moitié demeurant aux vicaires perpétuels. Je passe sous silence deux anciens privilèges qui leur furent alors conservées : 1° d'obliger le clergé et le peuple de s'assembler dans leurs églises particulières, s'ils en avaient sur la paroisse, comme bien souvent les abbayes et les prieurés, pour les Te Deum, procession du Saint-Sacrement, du 15 août, du patron et autres processions générales, conformément à la possession ; 2° d'exiger que les paroisses assistassent, à la fête patronale ou autres fêtes solennelles, aux offices dans ces églises et y fissent le service divin, selon l'usage.
Quant au temporel de ces vicaires eux-mêmes, comme de tout titulaire non décimateur, il consistait surtout dans la portion congrue ou la pension annuelle qui leur était fournie par les recteurs-primitifs ou les gros décimateurs. Cette pension, fixée par la déclaration du 29 janvier 1686 à 300 livres pour les vicaires perpétuels et les recteurs portionnaires, et à 150 livres pour leurs curés, fut élevée par l'édit du mois de mai 1768 à la somme de 500 livres pour les premiers, et à celle de 200 pour les seconds. L'article 4 de cet édit accorde, en outre, aux titulaires la jouissance des presbytères et de leurs dépendances, les oblations et le casuel ; mais, d'un autre côté, les articles 10 et 14 imposent à ceux qui avaient opté pour la portion congrue, l'obligation d'abandonner toutes les dîmes qu'ils levaient précédemment, même les novales concédées par les déclarations de 1686 et 1690, sur les terres défrichées depuis leur option [Note : Les titulaires qui préférèrent s'en tenir aux anciens arrangements furent aussi atteints par cet édit. Il déclara que les terres défrichées à partir de son émission ne leur produiraient plus de navales, ces dernières devant désormais appartenir aux décimateurs]. Pour s'expliquer cette option, il faut se rappeler ce qui a été mentionné plus haut. Par concordat entre les décimateurs et les titulaires des paroisses, ces derniers avaient, en certaines localités, accepté tantôt des traits de dîmes, tantôt les novales, pour leur tenir lieu de portion congrue. Or, cet édit de 1768, en élevant la valeur de la portion, la rendit presque partout supérieure aux revenus concédés par les susdits concordats. Il y avait donc avantage à faire cette option. Ainsi le comprirent les recteurs de Guern, Brain Arradon, Locmariaquer, Saint-Allouestre et Buléon, Guéhenno, Noyalo, Plougoumelen, Saint-Avé, Silfiac, Naizin, Saint-Caradec-Hennebont, Treffléan Arzon, Saint-Gilles-Hennebont, Saint-Laurent de Grée-Neuve, et plusieurs autres qui, de 1768 à 1770, se hâtèrent de déclarer qu'ils abandonnaient leurs dîmes et leurs novales. Une fois faite en vertu de cet édit de 1768, l'option était irrévocable et engageait les successeurs. Si elle surchargeait les décimateurs, ils avaient un moyen hien facile de s'en exonérer, en renonçant eux-mêmes à leurs dîmes.
Si maintenant, parmi toutes les paroisses du diocèse, nous cherchons celles qui avaient des patrons, il nous sera permis d'en dresser le catalogue suivant :
Saint-Caradec-Hennebont, présentée par l'archidiacre de Vannes.
Le Mené, Noyalo, Plaudren, Saint-Allouestre et Buléon, Saint-Patern aux temps anciens, Saint-Pierre, Saint-Salomon et Treffléan, présentées par le Chapitre.
Ambon, Baud anciennement, l'Ile-d'Arz, Locminé jadis, Quiberon, Saint-Gildas d'Auray, Saint-Goustan de Rhuys, Saint-Goustan d'Auray autrefois, présentées par l'abbé de Saint-Gildas de Rhuys.
Arzon, Bains, Brain, Langon Locoal, Redon, Renac et Ruffiac anciennement, Sainte-Croix de Josselin, présentées par l'abbé de Redon.
Les prieurés-cures de Coëtbugat, La Croix-Helléan et Mohon, présentées par l'abbé de Saint-Jean-des-Prés, et desservies jusqu'à la Révolution par les chanoines de ce monastère.
Locmariaquer toujours, et autrefois Bangor, Groix, Locmaria en Belle-île, Le Palais et Sauzon, présentées par l'abbé de Sainte-Croix de Quimperlé.
Locmalo, présentée par le seigneur de Guémené.
Lorient, érigée en 1709 et présentée par le roi de France.
Quistinic et Saint-Avé, présentées par les administrateurs du collége réputé établissement ecclésiastique comme appartenant au Chapitre. La découverte de la fraude et le bon vouloir des Évêques remirent bientôt ces paroisses à l'alternative.
Saint-Gilles-Hennebont, présentée par l'abbesse de La Joie, après l'avoir été par l'abbé de Saint-Gildas avant le démembrement du prieuré de Lochrist pour être uni à La Joie.
Saint-Laurent de Grée-Neuve, présentée par le seigneur de Beaumont jusqu'en 1790.
Le Temple, présentée par le commandeur du Temple de Carentoir.
Ce tableau fournit plusieurs exemples de vicariats tombés à l'alternative. Ces variations n'avaient rien de nature à étonner. Elles s'expliquent par la négligence des patrons, d'une part, et, de l'autre, par les tendances continuelles des Évêques à supprimer le patronage qui était une brèche à leur droit naturel, l'Évêque étant le collateur ordinaire de tous les bénéfices de son diocèse.
Aux siècles passés, comme de nos jours, les titulaires des paroisses ne pouvaient suffire seuls à les administrer, vu surtout que plusieurs d’entre elles étaient alors plus populeuses et plus étendues qu'aujourd'hui. Aussi les recteurs et les vicaires perpétuels avaient-ils autant d'auxiliaires que le réclamaient les besoins spirituels des paroissiens. Parmi ces auxiliaires, les uns étaient officiels, les autres supplémentaires. Les premiers se nommaient curés, recevaient des gros décimateurs un traitement appelé pension, remplissaient les fonctions curiales, tenaient bien souvent les registres des baptêmes, mariages et sépultures, étaient reconnus par le pouvoir civil et avaient un certain rang. Les grandes paroisses en possédaient parfois jusqu'à trois et quatre. Dans ce cas, le premier seul portait ordinairement le titre de curé, tandis que les autres se bornaient à s'appeler sub-curés ou sous-curés. Il a fallu des années à nos campagnes pour oublier cette classe d'ecclésiastiques. La langue bretonne n'a jamais connu les vicaires dans le sens attaché aujourd'hui à ce titre. Pour nos pères, il n'y avait dans les paroisses que des recteurs (person), des curés, des chapelains et de simples prêtres. Dans mon enfance, j'ai encore entendu donner au premier vicaire de ma paraisse natale le titre de grand curé (curé bras), au second, celui de petit curé (curé bihan) ; chacun des autres n'était qu'un bélêg, un simple prêtre, que l'on se gardait bien d'appeler en Eutru curé, Monsieur le curé. Chaque recteur choisissait lui-même ses curés et les présentait à l'Évêque, qui leur octroyait des pouvoirs, non des provisions, car à leur titre ne correspondait aucun bénéfice. Comme ils pouvaient les prendre, les recteurs avaient également la faculté de s'en défaire, quand bon leur semblait. Ce n'était pas seulement dans les églises paroissiales que l'on trouvait ces curés, ils se rencontraient aussi dans les trêves où se faisaient les fonctions curiales ; mais, dans cette condition même, ils relevaient toujours du recteur de la paroisse. Ainsi, le recteur de Grand-Champ avait, outre ses deux curés du bourg, un troisième qui desservait la trêve de Locmaria et un quatrième pour desservir celle de Brandivy. Certaines paroisses possédaient jusqu'à quatre trèves. Comme l'église paroissiale, la trève avait généralement ses fonds baptismaux, son cimetière, son presbytère et ses registres de l'état civil.
Les autres auxiliaires, que j'ai appelés supplémentaires, n'avaient dans les paroisses ni rang, ni revenus fixes. Ils faisaient ordinairement partie des communautés de prêtres, créées généralement dans toutes les paroisses d'une certaine importance, et participaient au casuel et aux fondations devenues nombreuses dans chaque église, parfois même tellement nombreuses que, pour les desservir, il fallait un clergé nombreux lui-même. Le plus souvent, ils étaient titulaires de quelques petits bénéfices, prieurés ou chapellenies. Le nombre de ces chapellenies était vraiment considérable. Il était rare qu'une paroisse ordinaire n'en possédât au moins une demi-douzaine. Chacun de ces bénéfices était ordinairement doté d'une maison assez convenable, d'un jardin, d'un pré, d'un champ ou de quelques parcelles de terre. Moyennant une messe ou deux à célébrer par semaine, le titulaire jouissait du tout. A défaut de patrimoine, c'était la première et la plus essentielle partie de ses moyens d'existence. Il en demandait le supplément au casuel de la paroisse, aux leçons qu'il donnait aux enfants de son voisinage, et enfin, si besoin était, aux œuvres de ses mains. Qui de nous n'a pas entendu parler de ces anciens prêtres qui, vêtus de toile teinte en noir, se livraient, celui-ci au métier de tisserand, celui-là à la fabrication de la chaussure, tandis que d'autres faisaient des ruches ou élevaient de nombreux essaims d'abeilles, etc. ? Malgré leur pauvreté, ils trouvaient encore les moyens de se procurer de nombreux et gros volumes in-folio qui, avec leurs noms modestes, sont parvenus jusqu'à nous. Malgré les travaux auxquels ils devaient parfois demander le pain de chaque jour, ils trouvaient encore le temps d'étudier ces gros livres, d'acquérir, dans les sciences ecclésiastiques, des connaissances qui n'auraient guère à envier de nos jours, et de conquérir des grades plus que rares parmi nous [Note : On demeure surpris en présence, aux XVIème siècle, XVIIème siècle et XVIIIème siècles, d'une foule, vraiment considérable, d'ecclésiastiques dotés des titres de bachelier, licencié, docteur en théologie, en droit canonique et en droit civil ; mais ce qui met le comble à l'étonnement, c'est de rencontrer ces hommes dans les positions les plus humbles, recteurs ou vicaires perpétuels de nos plus petites paroisses, parfois même régents dans nos campagnes et avec des appointements qui d'ordinaire ne dépassaient pas 200 livres]. Ces détails expliquent la présence simultanée d'un assez grand nombre de prêtres dans chaque paroisse, et rendent compte de leurs moyens d'existence.
(abbé Luco).
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