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VANNES — Les Ducs de la Maison de Dreux-Montfort.

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Le 1er décembre 1366, Jean IV vint à Paris, à l'Hôtel Saint-Paul, pour la cérémonie de l'hommage : les conseillers dn roi Voulaient que cet hommage fut lige et citaient, à l'appui de leur thèse, celui jadis prêté par Arthur Ier ; Jean répondait à cela, avec une fausse bonhomie, qu'au moment de son serment, Arthur possédait la Touraine, le Maine, l'Anjou, la Normandie et l'Aquitaine et que si l'on voulait remettre la Bretagne dans le même état qu'à cette époque, il ne ferait aucune difficulté pour prêter l'hommage qu'on voudrait. Le roi n'insista pas et se contenta de l'hommage simple ; cette discussion se reproduisit, du reste, à l'avènement de tous les succcesseurs de Jean IV.

Celui-ci, élevé en Angleterre, veuf d'une princesse anglaise, n'ayant eu, jusqu'ici, guère à se louer des procédés des rois de France, devant sa couronne au secours que lui avaient prêté Jean Chandos et son armée, était anglophile. Edouard III, pour le maintenir dans cette disposition, lui offrit une nouvelle alliance en lui faisant épouser la belle-fille du Prince Noir, Jeanne Holland, et en lui suggérant un traité signé à Westminster, le 19 juillet 1372, et mettant la Bretagne à la remorque de l'Angleterre. Le duc entouré d'Anglais les comblait de faveurs que ses compatriotes ne voyaient pas sans jalousie ; la Bretagne servait de port de débarquement et de place de sûreté pour les troupes anglaises qui allaient en Poitou et en Aquitaine combattre les soldats du roi de France ; les seigneurs bretons indignés vinrent trouver le duc et le mirent, à la bretonne, en demeure de chasser les Anglais ou de s'en aller. Devant cette injonction, appuyée d'un appel au roi de France et de la présence, sur les frontières de Bretagne, d'une armée commandée par Duguesclin, Jean s'embarqua à Concarneau, le 28 avril 1373, et reprit le chemin de l'exil.

Encouragé par ce succès, le roi Charles V, croyant voir dans ce mouvement purement anglophobe une marque de sympathie pour la France, confisqua la Bretagne d'un trait de plume, le 18 décembre 1378, mais fut fort étonné de voir Jeanne de Penthièvre elle-même protester contre cette hardie prétention et une ligue nationale se former à Rennes à l'instigation du sire de Lohéac et rappeler l'exilé.

Lorsque, le 3 août 1379, Jean débarque à Dinard, les plus enthousiastes se jettent à l'eau pour l'acclamer plus tôt ; les plus irréductibles de ses ennemis, le Vicomte de Rohan en tête, s'agenouillent devant le libérateur de la patrie ; Jeanne de Penthièvre vient à Dinan, le 6 août, accoler le meurtrier de son mari et mettre à sa disposition toute la force armée de son apanage. Le vieux connétable Duguesclin qualifié de ar traitour, — le traître — par ses compatriotes et abandonné par ses plus proches, renvoie son épée au roi pour n'avoir pas à s'en servir contre son pays ; il ne la reprit que pour aller maurir outre-Loire, le 13 juillet 1380.

Jean IV donna rendez-vous à ses vassaux, à Vannes, où le rejoignit le comte de Buckingham venu de Calais par voie de terre pour lui prêter éventuellement secours. Au cours des fêtes données en son honneur, cinq Français et cinq Anglais luttèrent à outrance sur la place des Lices : les Anglais furent vaincus.

Cependant les Etats de Bretagne négociaient un arrangement avec le fils et successeur de Charles V, et le 15 janvier 1381, un traité d'alliance franco-bretonne était signé à Vincennes par le roi et ratifié à Sucinio par le duc qui revint ensuite à Vannes hater le réembarquement de Buckingham. Avant d'aller sceller, le 27 septembre, à Compiègne, sa réconciliation avec le roi, Jean IV, en réponse aux démarches faites par Charles V en vue de la canonisation de Charles de Blois, institua l'Ordre de l'Hermine et en installa le siège à la chapelle de Saint Michel du Champ, au point même où le futur saint avait été battu et tué.

A Compiègne, après que le duc eut présenté ses excuses pour son alliance avec les Anglais, la petite comédie habituelle de l'hommage lige ou non se déroula et l'on se quitta bons amis, au moins en apparence. Jean IV avait conservé cependant une profonde rancune contre son ami d'enfance et son frère d'armes, Olivier de Clisson, qu'il accusait, peut-être à tort, d'avoir montré trop d'empressement auprès de la duchesse Jeanne Holland et à qui il reprochait de l'avoir abandonné pour servir le roi ; il finit pourtant, en 1382, par s'accorder avec lui, mais ce ne fut pas pour longtemps, Clisson, devenu le boucher des Anglais, avait offert de payer la rançon de Jean de Penthièvre retenu en Angleterre et il lui avait donné, en 1386, la main de safille Marguerite ou Margot ; en 1387, il causait aux Anglais les plus grandes inquiétudes en recrutant dans ses domaines, pour le roi de France, des hommes d'armes et des marins et les Anglais s'en plaignirent bien haut auprès du duc.

En juin 1387, l'occasion de se défaire d'Olivier se présenta : les Etats de Bretagne se réunirent à Vannes ; Clisson reçut une invitation spéciale conçue dans les termes les plus amicaux.

Jean IV, grand bâtisseur, après avoir entouré de murailles le faubourg Sud de la ville, de la tour Poudrière à la porte Saint-Salomon, en passant par la porte actuelle de Saint-Vincent, faisait, en ce moment, construire, pour remplacer son ancien logis cédé à l'évêque, le château de l'Hermine adossé à la nouvelle muraille, dans une île artificielle de la rivière de Vannes, hors des murs de la vieille ville ; le dernier jour de la session des Etats, à la suite d'un grand dîner à la Motte, il invita le connétable et quelques-uns de ses parents et amis à venir voir son nouveau château et, au cours de cette visite, prétextant avoir à parler affaires avec le sire de Laval, il pria Clisson d'aller seul examiner une des deux grosses tours qui défendaient la sortie de l'Hermine vers Calmont et la Garenne. Sans méfiance, Olivier y pénétra et se vit aussitôt chargé de chaines et emprisonné. Ses amis supplièrent le duc de lui faire grâce, mais celui-ci, vert comme feuille dit le chroniqueur, ne voulut rien entendre et ordonna au gouverneur du château de mettre à mort son prisonnier. Jean de Bazvalan, sachant que la nuit porte conseil, feignit de prendre ses dispositions pour exécuter cet ordre.

Il ne se trompait pas, car, le lendemain matin, le duc, inquiet des suites probables de sa vilaine action, le fit venir et lui demanda si tout était fini ; sur la réponse qu'au petit jour, le connétable avait été jeté à l'eau, le duc fondit en larmes et dit qu'il était déshonoré. Devant son repentir, Bazvalan lui avoua que Clisson vivait encore ; Jean loua son intelligent dévouement et l'en récompensa. La tradition, propagée par la plupart des guides, situe, bien à tort, ce drame à la Tour du Connétable qui ne fut construite qu'à la fin du siècle suivant et qui doit son nom au souvenir du connétable de Richemont.

Malgré ses remords, Jean n'oublia pas de mettre son ennemi à forte rançon : 100.000 francs — et une dizaine de places, dont Josselin ; pour sortir de prison, le connétable souscrivit à tout ce qu'on voulut, mais, une fois en liberté, il courut se plaindre au roi, voulut lui remettre l'épée qu'il ne pouvait plus conserver tant que l'affront qu'il avait reçu ne serait pas lavé, puis, ne trouvant pas à la Cour l'appui qu'il en espérait, il revint en Bretagne et commença les hostilités. Le roi intervint alors, mais le duc, pas commode, voulut faire emprisonner ses envoyés et l'eut fait sans les supplications de Jeanne de Navarre, sa troisième femme. Enfin, en janvier 1392, les deux adversaires finirent par signer un accord, ce qui n'empêcha pas le duc, lorsqu'il apprit la nouvelle de la tentative de meurtre commise, le 13 juin 1392, par Pierre de Craon, de donner asile au meurtrier et de lui faire ce singulier reproche : Vous estes ung chestif, quand vous n'avez sceu occire ung homme duquel vous estiez quarante au-dessus.

C'est en voulant venger son connétable que le roi Charles VI qui, les années précédentes, avait déjà donné des signes de démence, eut, dans la forêt du Mans, l'accès de folie furieuse qui écarta la guerre des frontières de la Bretagne.

Jean réconcilié, en 1395, avec les Clissons et les Penthièvres, rentré, en 1398, en possession de Brest, la dernière ville que les Anglais possédassent en Bretagne, mourut, le 2 novembre 1399, à cinq heures du matin, dans son château de la Tour Neuve, à Nantes.

Son fils aîné, Jean V, né au château de l'Hermine, le 18 février 1389, lui succéda ; fiancé à six ans et marié à huit avec Jeanne de France, fille de Charles VI et d'Ysabeau de Bavière, il fut, peu après son couronnement, emmené avec ses frères à la Cour de France, par son tuteur le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, à la suite du remariage de sa mère avec le roi d'Angleterre, Henri IV, le 3 avril 1402. Il ne resta guère à Paris qu'une année : ayant atteint l'âge de quinze ans, il prêta au roi un hommage, non lige naturellement, et reprit le chemin de la Bretagne, sous la conduite de son curateur, Guy XII de Laval.

C'est au début de son règne que l'archidiacre de la cathédrale de Vannes, Jean de Malestroit, de la branche cadette de cette grande famille, plus tard évêque de Saint-Brieuc et de Nantes et chancelier de Bretagne, un grand bâtisseur, lui aussi, fit élever, sur l'emplacement jadis occupé par les Templiers, l'édifice connu successivement sous les noms de : Meson neufve, Présidenterie et Chateau-Gaillard. Ce logis, construit en forme de trapèze, tout au commencement du XVème siècle, — en 1400, s'il faut en croire l'inscription : M 400, qu'on peut lire sur une des tourelles, — fut racheté aux héritiers de Jean de Malestroit par le duc Pierre II pour y installer le siège de la Cour de justice et le logement du président du parlement et plus tard celui des présidents du présidial de Vannes. Acquis, en 1675, par la famille de Francheville, il passa entre les mains de divers propriétaires avant d'être acheté, le 20 juillet 1912, par la Société Polymathique du Morbihan fondée en 1826, qui y installa ses merveilleuses collections de préhistoire, d'histoire et d'histoire naturelle.

Déclaré majeur, en 1405, Jean V vint à Vannes, trois ans après, avec la duchesse Jeanne de France et y fit sa principale résidence. Pendant tout son règne qui dura quarante deux ans, tiraillé constamment par la France et l'Angleterre, par les Armagnacs et les Bourguignons, en hutte aux complots et aux tentatives des Penthièvres pour s'assurer de sa personne et peut être le supprimer, son unique souci fut de procurer à son pays une ère de tranquillité et de prospérité qui faisait dire à Alain Bouchart qu'au milieu des guerres de ses voisins, le pays de Bretaingne fut ung droict paradis terrestre, alors que le royaulme de France estait en telle misère que personne n'y pouvait trouver refuge de seureté ; aussi ses sujets lui donnèrent-ils le surnom de Bon.

Un des évènements les plus marquants de ce règne fut la venue en Bretagne du célèbre prédicateur et thaumaturge espagnol Vincent Ferrier, du souvenir duquel Vannes est encore rempli. Jean V dépêcha, par trois fois, à l'instigation de sa femme, un de ses conseillers le prier de venir dans le duché y rétablir la foi et la morale ébranlées au cours de la longue guerre de Succesion. Le saint homme y consentit et, descendant la Loire, vint aborder, le 8 février 1418, à Nantes où toute la Cour assista à ses prédications. Le duc ordonna à toutes les villes par lesquelles il passerait de lui faire la plus honorable réception dont on se pourrait adviser, et, lorsque, le 8 mars, Saint Vincent arriva à Vannes par la route de Theix, il trouva à la chapelle Saint Laurent, une foule impatiente de le voir et de l'entendre, aux premiers rangs de laquelle se pressaient le duc, la duchesse, les prélats, les barons, les seigneurs de la Cour. Sous cette brillante escorte, le saint monté sur son ânesse fit son entrée en ville, alla tout d'abord prier à la cathédrale, puis, bien que le duc lui eut offert l'hospitalité du logis de la Motte, il préFéra descendre chez un simple bourgeois de Vannes, Robin le Scarb qui demeurait près des Cordeliers. Le lendemain et jours suivants, faute d'église assez vaste, il prêcha, en plein air, sur un échafaud adossé à Notre Dame des Lices alors en construction : Les fenestres, nous dit l'auteur de la vie des Saints de Bretagne, les créneaux, tours et guérites du chasteau de l'Hermine, estoient remplis de peuple, aussi bien que les places et rues environnantes nouvellement remblayées et conquises sur la mer.

Au cours de l'un des entretiens qu'eut la duchesse, avec saint Vincent, elle le supplia de prier Dieu à ce que l'enfant qu'elle portoit veint à baptesme ; alors le Sainct, imprimant du pouce sur le busque de son corset, luy dist par esprit prophéticque : « Ma fille sçachez que l'enfant que vous portez recevra le sainct baptesme ». Certains auteurs lui font ajouter : « et de plus sera martyr ». Ce dernier membre de phrase a certainement été composé après coup : l'enfant que portait Jeanne de France en 1418, fut Pierre qui, s'il fut baptisé, ne fut certainement pas aussi martyr que sa femme qu'il battait comme plâtre ; ce ne pouvait être Gilles qui ne naquit qu'en 1424 et ne fut martyr que de son ambition, de son zèle coupable pour les ennemis de son pays et de l'imagination excessive des romanciers.

Saint Vincent quitta Vannes, pour parcourir la Bretagne : il n'y revint qu'an carême 1419, pour mourir ; il y tomba malade au logis Dreulin, au coin de la rue des Halles et de la rue des Orfèvres dès le lendemain de son arrivée ; averti de sa fin prochaine, il s'embarqua afin d'aller mourir dans son pays, mais le flot le repoussa, après une nuit d'efforts, près de l'Hermine, à la place du Féty. Il comprit alors que Vannes devait abriter son tombeau. Son état empira rapidement malgré les soins des médecins du duc : Merven, Jacques Ferré et Guillaume du Pou et de son apothicaire Bonabes Daniel. La duchesse quitta son palais, vint s'installer à son chevet et l'assista jusqu'à son dernier moment qui survint le 5 avril. Ses obsèques attirèrent une telle foule qu'il fallut requérir des archers pour empêcher les Ordres religieux de se disputer le corps et frayer un passage jusqu'à la cathédrale où il fut inhumé. Les Duchesses Jeanne de France et Ysabeau d'Ecosse demandèrent à être enterrées près de lui.

Moins d'un an après la mort de saint Vincent, le duc Jean fut enlevé par trahison par les Penthièvres qui l'emmenèrent à Chantoceaux, sur la Loire, où résidait leur mère, la vieille Margot de Clisson. Jeanne de France convoqua assitôt les Etats, le 23 février 1420, au logis de la Motte, leur présenta ses fils et leur demanda leur aide pour délivrer leur souverain ; elle fit appel à son peuple et aux rois de France et d'Angleterre, leva des troupes, rappela les Bretons qui servaient en France, recruta des Poitevins, des Aragonais et des Ecossais. Tous, même les plus proches parents des Penthièvres, jurèrent de ne déposer les armes que lorsque le duc serait en liberté et son injure lavée. Chantoceaux et les autres forteresses des rebelles sont assiégés et forcés d'ouvrir leurs portes ; Margot de Clisson et ses fils sont obligés d'élargir leur prisonnier et de fuir dans leurs possessions éloignées pour éviter des représailles et se soustraire au sévère verdict des Etats de Bretagne.

Jean délivré combla les divers sanctuaires de cadeaux pour acquitter les voeux qu'il avait faits, pendant sa captivité, à tous les saints du Paradis ; c'est ainsi qu'il avait promis à Notre Dame des Carmes de Nantes son poids en or, à saint Yves de Tréguier son poids en argent, à saint Pierre de Vannes son poids en cire, et pour être bien sûr de ne pas être accusé de lésinerie envers les bienheureux, il se fit peser avec une partie de son armure : la balance marquait 186 livres. Albert le Grand nous apprend qu'en 1424, le duc offrit aux Carmes une maison près de Vannes pour y établir un couvent de leur ordre, et la duchesse consultée aurait reconnu que c'était un bon don, d'où le nom du nouveau monastère : Les Carmes du Bondon.

Sous Jean V, la vieille cathédrale du XIIème siècle tombait en ruines : l'évêque Amaury de la Motte avait décidé, dès 1419, qu'une partie des offrandes faites au tombeau de saint Vincent Ferrier serait affectée à sa reconstruction ; son successeur, Jean de Validire ou de saint Léon, fit refaire la voûte du choeur ; il appartenait à Yves de Pontsal de refaire, en 1454, la voûte lambrissée de la nef. Yves, mort, le 7 janvier 1476, fut enterré devant l'entrée donnant sur la rue Saint Guenhaël.

C'est à Vannes que fut élevée, à l'école de la duchesse Jeanne, Françoise d'Amboise destinée à épouser le futur Pierre II.

Jean V mourut à Nantes, au logis de la Touche, le 28 août 1442 ; son corps fut, neuf ans plus tard, inhumé définitivement à Tréguier, à côté du tombeau de saint Yves. Du règne de ce prince datent les débuts de l'art dramatique en Bretagne : le mystère de la Passion et Résurrection de Nostre Seigneure fut joué, pour la première fois, à Rennes, le 25 mai 1430 ; les comptes du miseur de Rennes nous apprennent, sans nous dire à quel usage, qu'il y fut dépensé 14 livres de poudre à canon : l'anachronisme ne faisait pas peur à nos ancêtres ; neuf ans après, on jouait, dans la même ville, la moralité du bien advisé et du mal advisé.

Deux mois après la mort de Jean V, son fils François Ier, déjà veuf d'Yolande d'Anjou, épousait, à Auray, Ysabeau d'Ecosse, fille du roi-poète Jacques Ier ; le 8 décembre de la même année, il se faisait couronner à Rennes, avec le cérémonial accoutumé.

Son règne, au cours duquel il ne séjourna guère à Vannes que d'une façon intermittente, est illustré par trois faits d'ordre bien différent que je ne puis cependant pas passer sous silence : la réconciliation avec les Penthièvres, la lugubre aventure de Gilles de Bretagne et la mise des Anglais hors de France par le plus glorieux des enfants du pays de Vannes, Artus de Bretagne, comte de Richemont et de Partenay, connétable de France.

Gilles, prince jaloux, mécontent, avide et ambitieux, n'était, en dépit des romanciers pour lesquels la vérité historique n'est qu'un accessoire négligeable, pas un personnage intéressant : élevé, en partie, en Angleterre, auprès de sa grand'mère, Jeanne de Navarre, camarade d'enfance du roi Henri VI, il ne cessa de comploter, avec l'aide des capitaines anglais dont il faisait sa compagnie habituelle, contre son souverain et son pays. Compromis par les largesses du roi Henri et par les menaces qu'il ne cessait de proférer en public contre son frère, il finit d'une façon tragique une existence qui ne fut qu'une longue trahison contre la France et contre la Bretagne. La violation des trèves par les Anglais et la surprise de Fougères par Surienne l'Aragonais, présentées comme des représailles contre le traitement infligé à l'homme lige et subgect du roi d'Angleterre, hâtèrent sa fin : exploitant quelques paroles irréfléchies échappées au duc dans un moment d'impatience, de mauvais serviteurs, ennemis de Gilles depuis son mariage avec l'héritière de Dinan et escomptant la possibilité de mettre la main sur la femme et sur sa riche dot, l'empoisonnèrent et l'étranglèrent à la Hardouinaye, le 25 avril 1450. Les assasins eux-mêmes avouèrent que jamais le duc ne commanda, ni par lettres, ni aultrement, de faire mourir M. Gilles. Françoise de Dinan que les romanciers représentent comme inconsolable de la mort de son mari s'empressa d'épouser Guy de Laval dès 1450 et mourut en 148G, trente ans après le trépas de Gilles.

Le duc prit une part active et brillante à la campagne de Normandie en assiégeant et en prenant Fougères, Avranches et Tombelaine, tandis que son oncle Artus s'immortalisait par la victoire de Formigny, le 15 avril 1450, et la prise de Caen, Falaise et Cherbourg.

François qui avait passé sa jeunesse au manoir de Plaisance près de Vannes, spécialement construit pour lui, revint y mourir, le 18 juillet 1450, ayant dépassé de plus d'un mois et demi le terme de la célèbre mais peu authentique assignation de son frère Gilles à le rejoindre dans la tombe sous quarante jours.

Sa veuve Ysabeau d'Ecosse lui survécut jusqu'en 1495, s'adonna, dans son hôtel de la rue de la Bienfaisance, aux oeuvres de charité et mérita de la reconnaissance des Bretons le surnom de la bonne petite duchesse.

Le règne assez court de Pierre II peut être considéré comme le plus pacifique de l'histoire de Bretagne, au moins à l'intérieur du pays où quelques débarquement peu importants des Anglais furent facilement repoussés ; à l'extérieur, les Bretons manifestèrent leur caractère combatif en prenant part à toutes les expéditions du roi de France contre les Anglais : en Guyenne, à Castillon, à Bordeaux et à Sandwich avec le maréchal de Brezé.

Pierre s'occupa d'abord du châtiment des meurtriers de son frère Gilles ; comme toujours, les plus gros passèrent entre les mailles du filet pendant que les petits y étaient pris. Il eut ensuite à régler le sort de la duchesse Ysabeau que le roi d'Ecosse voulait ramener et remarier dans son royaume, mais qui se trouvait bien à Vannes et se refusait à quitter ses chers Bretons. Quelques difficultés eurent lieu avec le clergé à cause de l'interdiction de l'abus des bulles romaines, introduites et publiées en Bretagne sans la connaissance et l'aveu du duc et de la suppression de la plus grande partie des minihis ou lieux d'asile qui entravaient le cours de la justice criminelle.

Les Etats réunis à Vannes, le 24 mai 1451, traitèrent principalement de l'érection de nouvelles baronnies et de questions de préséance qui peuvent nous sembler bien futiles mais qui, à cette époque, avaient une énorme importance.

Vannes fut ravagée par la peste qui y sévit, du 29 juin 1452 au 1er novembre 1453. Le 10 février 1455, des joutes splendides y eurent lieu, en présence du connétable, à l'occasion du mariage d'Alain IX de Rohan avec Pétronille de Maillé, sur la place du Marché, là où s'élèvent actuellement l'Hôtel de Ville et la statue de Richemont.

Les Etats s'assemblèrent de nouveau, aux halles de Vannes, le 13 novembre 1455, pour l'examen des articles du testament de François Ier réglant la succession au trône de Bretagne ; deux jours après, la séance se tint aux Cordeliers et s'occupa du mariage de François d'Estampes, héritier présomptif de la couronne, avec Marguerite de Bretagne, fille de François Ier. Cette union fut bénie, le lendemain, à la chapelle de Notre Dame des Lices, avec l'accompagnement obligé de festins et de bals à l'Hermine et de joutes sur le Marché ; les fêtes durèrent quatre jours.

L'année suivante, le 5 avril 1459, eurent lieu, à saint Pierre, les fêtes de la canonisation de saint Vincent Ferrier mis au nombre des Saints, le 26 juin précédent. Le duc et la duchesse Françoise d'Amboise assistèrent aux cérémonies, avec toute leur Cour, le Cardinal Légat a latere, Alain de Coëtivy, quinze évêques et une foule considérable que les contemporains évaluent à 50.000 personnes.

Pierre II mourut à Nantes, le 22 septembre 1457, d'une maladie assez bizarre qu'on appelait alors la maladie des bras : à ceux qui lui conseillaient d'avoir recours aux soins des sorciers pour obtenir sa guérison, il répondait qu'il aimoit mieulx mourir de par Dieu que vivre de par le Diable. Il fut enterré à Notre-Dame de Naples ; sa tombe a disparu dans la tourmente révolutionnaire.

Son oncle Artus de Richemont lui succéda sous le nom d'Arthur III ; ce grand homme de guerre, ce compagnon de Jeanne d'Arc, ce libérateur du royaume de France avait vieilli sous le harnois : aux observations de ses conseillers qui lui représentaient que l'épée de connétable était incompatible avec sa dignité de prince souverain, il répondait qu'il vouloit honorer en sa vieillesse ce qui l'avoit honoré en sa jeunesse, et, de fait, il ne paraissait devant le roi que précédé d'un écuyer porteur de deux épées : celle de connétable au fourreau et en écharpe et celle de duc nue et la pointe en haut.

Malgré sa grande affection pour Vannes si proche de son berceau de Sucinio, il ne put résider souvent dans cette ville au cours de son règne éphémère.

Ulcéré de l'ingratitude du roi et de son entourage, mécontent des prétentions de son vieux compagnon d'armes, Dunois, à son héritage de Partenay avant même qu'il ne fut ouvert, impatienté par les agissements du turbulent évêque de Nantes, Guillaume de Malestroit, fatigué par les démarches qu'il avait dû faire en faveur de son neveu, Jean d'Alençon accusé, non sans raison, de haute trahison, il mourut debout, à Nantes, le 26 décembre 1458. Son tombeau élevé aux Chartreux qu'il avait fondés, fut violé pendant la Révolution, et bien qu'une étiquette apposée sur le célèbre Tombeau des Carmes prétende que ses cendres y ont été déposées, il est malheureusement bien prouvé que les ossements apportés en grande pompe à la cathédrale, en 1817, au bruit du canon et des fanfares, sont ceux d'un inconnu et que nul ne sait où repose le héros d'Azincourt, de Patay, de Paris et de Formigny Il a dû, dans notre pays de facile statuomanie, attendre jusqu'en 1905, pour voir son effigie se dresser en bronze sur une des places de Vannes, le chef-lieu de sa terre natale.

Malgré ses trois mariages, Arthur III était mort sans enfants ; François II, fils de son frère Richard d'Estampes, lui succéda. Bien que d'un caractère léger et inconstant, il sembla, au début de son règne, vouloir prendre au sérieux son rôle de souverain ; il préside,à Vannes, les États, en juillet 1459 et en septembre 1460, y réforme les monnaies et règle le douaire des trois duchesses : Ysabeau d'Ecosse, Françoise d'Amboise et Catherine de Luxembourg qui habitent à Vannes l'hôtel qui a longtemps porté le nom d'hôtel des trois duchesses ; il fonde une Université à Nantes, y transforme le château et construit le Logis Neuf qui subsiste encore comme un des plus beaux monuments de l'architecture bretonne.

A la mort du roi Charles VII, le 22 juillet 1461, François II hérite d'une de ses maîtresses, Antoinette de Magnelais, dame de Villequier, nièce d'Agnès Sorel ; à partir de ce moment, sous l'influence de cette femme et de son trésorier Pierre Landais, il cède à son caractère indolent, vit dans les fêtes et laisse à ces favoris le souci des affaires. Louis Xl qui venait de succéder à son père était un terrible adversaire pour un prince fainéant : au cours de sa jeunesse agitée et besogneuse, il avait dû avoir recours à la générosité de son cousin de Bretagne et n'oublia jamais le refus qu'il avait essuyé ; devenu roi, il se trouva pris entre deux puissants voisins ; les ducs de Bretagne et de Bourgogne, et la plus grande partie de sa vie se passa à les réduire.

Tous les moyens lui furent bons : sous le prétexte d'un pieux pélérinage, il passa par Nantes où il essaya d'enlever Françoise d'Amboise qu'il voulait marier à son féal le duc de Savoie, il excita l'évêque Amaury d'Acigné a lui faire appel contre le duc à propos d'une mince affaire de régale ; il mit son hôte en garde contre le duc de Bourgogne et, la graine de discorde étant semée, il alla à Redon où il négocia la démission de l'abbé en faveur d'Arthur de Montauban, le principal auteur de la mort de Gilles de Bretagne. Rentré chez lui, il fit état de l'appel d'Amaury d'Acigné pour reprocher à François II une foule de griefs ; sa prétention de s'intituler duc par la grâce de Dieu, de porter une couronne fermée, de battre monnaie, de lever des impôts, toutes les franchises de Bretagne, en résumé.

Le duc qui, le 14 juin 1462, venait de paraître à Vannes drills un appareil vraiment royal pour prononcer, devant les Etats, des sanctions contre les blasphémateurs, les faussaires, les avocats plaidant indistinctement le vrai et le faux et les notaires qui multiplient fructueusement le nombre de feuillets de leurs rôles, se fâche, se rapproche du duc de Bourgogne et entre dans la ligue du Bien Public ; il assiste, le 15 juillet 1465, à la bataille de Montlhéry, a la suite de laquelle, Louis, à Saint-Maur des Fossés, cède sur tous les points quitte à revenir à la charge.

Après sa mésaventure de Péronne, Louis XI fonde l'ordre de Saint Michel et s'empresse d'offrir au duc de Bretagne le collier qui doit l'enchaîner à sa disposition ; François refuse cette distinction et s'en excuse : il a déjà ses deux ordres de l'Hermine et de l'Épi, en outre, les statuts de Saint Michel ne sont pas d'accord avec les lois bretonnes ; il donne, du reste, asile, à Vannes en ce moment, au frère du roi, Charles de Guyenne, en faveur de qui se noue une nouvelle intrigue.

Louis XI écarte ce dernier obstacle comme il fait supprimer Charles le Téméraire, en 1477 ; le duc de Bretagne reste donc isolé : pour l'achever, le roi achète à Nicole de Brosse, la dernière héritière des Penthièvres, ses droits éventuels à la couronne de Bretagne et exploite le mécontentement des seigneurs bretons contre Pierre Landais pour appuyer sa candidature. François, en échange, s'allie au roi d'Angleterre et à Maximilien d'Autriche à qui il offre la main de sa fille aînée, Anne. Le roi meurt, le 30 août 1483, laissant à sa fille, Anne de Beaujeu, le soin de terminer son oeuvre en Bretagne.

François, ayant, pour un temps, les coudées franches, et débarrassé de Landais par un coup de force des seigneurs bretons, se reprend à s'occuper des affaires de son pays : par ordonnance du 22 septembre 1485, il établit un Parlement sédentaire au Château-Gaillard de Vannes, avec l'obligation de siéger, tous les ans, du 15 juillet au 15 septembre, pour assurer la juridiction suprême de la Bretagne, en remplacement de la Commission permanente des Etats. Il perd, le 15 mai 1486, sa seconde femme, Marguerite de Foix, qui lui laisse deux filles, Anne et Ysabeau : aux Etats de Rennes, le 2 février, il avait eu soin de faire reconnaître leur aptitude à lui succéder; à défaut d'héritiers mâles.

Le duc étant tombé malade, en mai 1487, la régente de France, à l'instigation d'un transfuge, le maréchal de Rieux, jugea le moment favorable pour intervenir dans les affaires de Bretagne : une armée pénétra dans ce pays, et commença par assiéger Ploërmel. Le duc accourut au secours de la place, mais, abandonné par ses miliciens chez qui des traîtres avaient semé la panique, il dut se réfugier à Vannes et de là à Nantes. Ploërmel tombé, les Français marchent sur Vannes qui, faute d'une garnison suffisante, dut ouvrir ses portes, le 5 juin 1487. L'armée française assiège ensuite le duc dans Nantes, mais, devant l'arrivée en masse des Bas-Bretons, est obligée de lever le siège, le 6 août. Le maréchal de Rieux réconcilié avec le duc, arrive, le 25 février 1488, sous les murs de Vannes et, sous le feu intense de la puissante artillerie bretonne, le gouverneur pour le roi, Gilbert de Grassay, sire de Champeroux, est obligé de capituler, le 3 mars.

A cette nouvelle, La Tremouille prend le commandement d'une nouvelle armée, détruit Ancenis, prend Fougères et écrase les forces bretonnes à Saint Aubin du Cormier, le 28 juillet 1488 ; le roi accorde la paix, le 28 août, au Verger, près de Baugé : il persiste dans ses prétentions de succéder à la couronne de Bretagne à défaut d'héritier mâle et prend en nantissement les places de Fougères, Dinan, Saint Malo et Saint Aubin du Cormier ; le duc, de son côté, s'engage à renvoyer ses auxiliaires étrangers, à ne plus jamais en recruter et à ne pas marier ses filles sans le consentement du roi de France. Cette déchéane accomplie, il meurt de chagrin et de honte, le 9 septembre 1488, à Couéron près de Nantes, laissant la couronne à sa fille aînée, Anne.

(E. Fonssagrives).

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