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Revenus du diocèse de Vannes |
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REVENUS DE L'EVECHE DE VANNES
Lorsque le diocèse de Vannes prit naissance (465), les ressources de l'évêque et du clergé étaient variées.
Il y avait d'abord les Oblations des fidèles, consistant en pain, en vin, en cire, en huile et en argent.
Il y avait ensuite les Prémices des grains, des fruits, des légumes et autres productions du sol, propres à la nourriture.
Il y avait de plus les Dîmes, extension des prémices, fixée à la dixième partie de la récolte, suivant la loi juive.
Toutes ces oblations, prémices et dîmes étaient entièrement volontaires à l'origine ; mais au Vème siècle les dîmes prirent un caractère obligatoire, le peuple chrétien ayant senti la nécessité de fournir à l'Eglise un moyen d'existence fixe et assuré.
Il y avait aussi le revenu des Immeubles, donnés ou légués à l'Eglise par des bienfaiteurs, avec ou sans charges religieuses. La loi civile reconnaissait elle-même le droit naturel de l'Eglise de posséder des maisons et des terres.
Les revenus ecclésiastiques se partageaient alors généralement en quatre parts : la première attribuée à l'évêque, la seconde au clergé, la troisième aux pauvres et aux hospices, la quatrième à la fabrique de l'église.
Au fur et à mesure de la création des paroisses rurales, le partage des revenus en quatre lots y fut établi, comme à la cathédrale, en sorte que l'évêque eut son quart ou sa quarte dans chaque paroisse : c'était là un revenu considérable pour le prélat. Ce revenu épiscopal s'est maintenu pendant tout le moyen âge ; il se conserve encore dans quelques diocèses étrangers, mais en France il a disparu par des causes diverses, ou s'est confondu avec d'autres ressources.
Chaque paroisse rurale, pour reconnaître sa dépendance de l'évêque, lui payait en outre un cens annuel, fixé à deux sols du temps de Charlemagne : on l'appelait tantôt Cathédratique, parce qu'il intéressait l'église mère du diocèse, tantôt Synodatique, parce qu'on le payait ordinairement à l'époque du synode diocésain. Le chapitre de la cathédrale percevait un droit analogue sur toutes les paroisses.
De plus, l'évêque, en faisant sa visite annuelle ou périodique dans les paroisses, avait le droit d'être hébergé par ses curés : c'est ce qu'on appelait le droit de Procuration, remplacé quelquefois par une taxe en argent.
Les évêques de Vannes jouirent de tous les droits énumérés ci-dessus, et peut-être même de quelques autres, jusqu'à l'invasion normande de 919, qui détruisit tout sur son passage.
Après la tempête et la restauration du pays en 937, s'ouvre une seconde période qui s'étend jusqu'à la révolution de 1790. Dans cet intervalle, les évêques ont joui de trois revenus principaux, savoir les dîmes, le fief des régaires et la ferme des immeubles dépendant de l'évêché.
1° Dîmes. Au lieu de recevoir le quart de la dîme de chaque paroisse, l'évêque eut désormais la dîme plus ou moins entière de quelques paroisses déterminées. Il eut d'abord la dîme des paroisses de son fief, savoir, Saint-Patern, Plescop, Theix et Surzur ; il y ajouta ensuite Sulniac, Sarzeau et Cléguérec.
Les dîmes, de leur nature, formaient un revenu essentiellement variable : elles dépendaient de l'abondance ou de la faiblesse de la récolte. Pour atténuer la différence, et surtout pour se dispenser de lever en personne ses dîmes, l'évêque, comme la plupart des bénéficiers ecclésiastiques, affermait ses fruits à forfait, pour une quantité ou une somme fixe, et pouvait ainsi calculer ses revenus d'une manière approximative.
Entrons dans quelques détails.
En Saint-Patern, la dîme se levait, en 1509, à Conleau, Quelescoët, Trussac, Bernus, le Téninio, Kerino, Arcal, Kerbourbon, Rosvellec, Tohannic et Bohalgo ; on y ajoutait Bindre en Séné, Botmayec en Saint-Nolff, Trébrat et Mangoervenec en Saint-Avé. En 1670, elle donnait, malgré la perte de certains villages, 17 perrées 1/2 de froment et 44 perrées 1/2 de seigle ; en 1790, elle était évaluée à 800 livres.
En Plescop, les tenues de Kerango, en 1670, donnaient 10 perrées de seigle, Brambec et Kerlevenan 9 perrées de froment : ce qui en 1790 valait 413 livres. Etait-ce une dîme ou une ferme ?
En Theix, la dîme, en 1670, donnait 32 perrées de froment, 443 de seigle et 194 d'avoine ; elle était estimée, en 1590, à 1,057 livres ; en 1790, elle était affermée 6,675 livres net.
En Surzur, la moitié de la dîme, en 1670, était affermée en bloc pour 100 perrées de seigle, et en 1790, pour 1,700 livres.
En Sulniac, la dîme entière, en 1670, rapportait 214 perrées 3/4 de seigle ; en 1790, elle était affermée 2,430 livres.
En Sarzeau, la dîme, en 1670, rapportait 152 perrées 1/2 de froment et 127 de seigle ; les vins et les sels donnaient 600 livres ; en 1790 le tout était affermé 3,500 livres.
En Cléguérec, la dîme, en 1670, était affermée 2,000 livres, et en 1790 elle allait à 3,400 livres.
Ces dîmes se levaient, les unes à la 10ème et à la 11ème gerbe, les autres à la 20ème, 30ème et 33ème gerbe, et autres quotités, suivant l'usage.
2° Fief. Le fief épiscopal, dont on trouvera la description plus loin, est moins ancien que la dîme : il ne remonte qu'au Xème siècle. En donnant à l'évêque un rang parmi les barons de Bretagne, il lui procura divers avantages pécuniaires.
D'abord, tous les particuliers demeurant sur son fief, au moins à Vannes, lui devaient une rente féodale et annuelle, hypothéquée sur leurs maisons et jardins, afin de vivre tranquilles sous sa protection, comme tous les vassaux sous leur seigneur.
Ensuite, lorsque ces maisons et jardins de la ville, ou bien les métairies et tenues de la campagne, changeaient de main ; par mort ou vente, il fallait payer au seigneur féodal, c'est-à-dire à l'évêque, des droits de mutation, appelés alors droits de lods et de vente : ils étaient basés sur la valeur vénale de l'immeuble, et produisaient un joli revenu.
En outre, les vassaux étaient tous obligés de faire moudre leurs grains au moulin du seigneur et de faire cuire leurs pains à son four. C'était un double monopole, que tous les seigneurs ont conservé, avec un soin jaloux, jusqu'à la Révolution : plus il y avait de bénéfices au moulin et au four, plus aussi la part du seigneur augmentait. L'évêque avait à Vannes un moulin et un four près du Mené, un four à Calmon-Haut et un moulin à Kerbiguet ; en Plescop le moulin de Kerango ; en Saint-Avé le moulin de Pontprégent ; en Theix les moulins du bourg, du Rohello et de Noyalo en Surzur le moulin de l'Espinaye, et probablement d'autres, sans compter les fours. Plusieurs de ces moulins furent aliénés ou tombèrent en ruines.
En 1790, les moulins de Plescop, du Mené et de Kerbiguet rapportaient à l'évêque 1,300 livres ; les deux fours de Vannes 180 livres. La mouvance du fief était estimée en moyenne à 2,000 livres. Les diverses petites rentes montaient à 600 livres, et un droit de coutume à 125 livres. Total de cette part : 4,205 livres.
3° Fermes. A la suite des revenus du fief, se placent les revenus des biens-fonds appartenant à l'évêché. Le prix de ferme a varié suivant les époques. Ainsi, en 1590, Kerango payait en argent 56 livres 5 sous, Brambec 37 livres 12 sous, Kerbiguet 273 livres 13 sous, sans compter les redevances en grains. Deux siècles après, en 1790, Kerango rapportait 2,400 livres, Kerbiguet 1,292 livres, la prairie de Groutel 220 livres. Total : 3,912 livres.
En additionnant toutes les sommes ci-dessus, on arrive au chiffre de 26,622 livres pour le revenu ordinaire de l'évêché en 1790. Il convient d'y ajouter le produit des dispenses pour les mariages et les ondoiements. Anciennement ce revenu était nul, parce que les fidèles observaient strictement les lois de l'Eglise, et ne demandaient aucune dispense ; mais dans les derniers siècles, le relâchement porta les chrétiens à solliciter de nombreuses dispenses, et c'est pour compenser ces concessions que l'Eglise imposa une aumône ou une amende à ceux qui voulaient absolument les obtenir. Mgr Fagon, tant qu'il vécut (1721-1742), abandonna à l'hospice de la Garenne le produit de ces dispenses, qui montait à cinq ou six cents livres par an.
En dehors des revenus diocésains, il y avait parfois des bénéfices réguliers, concédés à certains évêques par dispense apostolique. L'abus des commendes était soigneusement conservé par les rois, comme un moyen de récompenser des services rendus. Ainsi à Vannes, Mgr Charles de Rosmadec fut abbé commendataire de Penpont, Mgr d'Argouges abbé de Vallasse, Mgr de Caumartin abbé de Buzay, Mgr Fagon abbé de Saint-Méen, et Mgr de Jumilhac abbé de Bonneval. Mgr de Bertin fut longtemps sans abbaye, mais en 1772 à la mort du dernier abbé commendataire de Saint-Gildas-de-Rhuys, il obtint du roi et du pape l'union perpétuelle de la mense abbatiale de cette maison à l'évêché de Vannes.
Il n'en jouit pas longtemps, puisqu'il mourut le 23 septembre 1774, mais son successeur, Mgr Amelot, en jouit jusqu'à la Révolution. En vertu d'un arrangement fait avec les religieux, le 12 décembre 1775, l'évêque leur abandonna les revenus et les charges, à la condition de recevoir une fois seulement la somme de 9,000 livres, et tous les ans une rente de 56 tonneaux ou 560 perrées de froment. Cette rente était évaluée en 1790 à 12,000 livres.
La Révolution vint et supprima les dîmes et les rentes féodales, puis vendit les immeubles de l'évêché.
Quand le Concordat de 1801 inaugura une période nouvelle, l'évêché était sans ressources. Le gouvernement fournit à l'évêque un logement et lui assigna un traitement de 10,000 francs. A partir du 1er janvier 1858 ce traitement fut élevé à 15,000 francs ; mais depuis quelques années il a été ramené à 10,000. Il est certain qu'aujourd'hui, avec le renchérissement des denrées et l'augmentation des charges, cette somme est insuffisante, et l'évêque ne pourrait, pas tenir le rang qui lui appartient, ni payer lés dépenses qui lui incombent, s'il n'avait pas le revenu casuel des dispenses de carême et des empêchements de mariage.
Et puisqu'il s'agit des charges, il est à propos de les étudier à la suite des revenus, et de voir ce qu'elles ont été dans la série des siècles.
A l'origine, quand tous les revenus de l'Eglise étaient centralisés entre les mains de l'évêque, c'était à lui de nourrir et d'habiller tous les clercs qui demeuraient avec lui, de recevoir les voyageurs, de secourir les pauvres et les malades, d'entretenir les immeubles et de payer les frais du culte. Il s'acquittait de ces charges par lui-même, ou par un économe, le plus souvent par l'archidiacre.
Plus tard, dans la période qui suivit l'expulsion des Normands, quand les revenus ecclésiastiques furent partagés en quatre lots, l'évêque, tout en surveillant l'emploi des autres portions, ne put désormais compter que sur la sienne pour remplir ses obligations. C'est sur elle qu'il payait son entretien et celui de ses domestiques ; c'est sur elle qu'il payait le traitement de ses vicaires généraux, de ses secrétaires et de ses divers officiers ; c'est sur elle qu'il payait les réparations ou les réédifications des immeubles et les voyages nécessaires ; c'est sur elle qu'il comptait pour soutenir les bonnes oeuvres et faire des aumônes particulières.
D'ailleurs les revenus mentionnés ci-dessus n'étaient pas sans charges spéciales. Ainsi la jouissance des grosses dîmes emportait l'obligation de concourir à la réédification ou à la réparation des églises paroissiales et spécialement du choeur ; elle emportait de plus l'obligation de payer une portion congrue aux recteurs, de Sulniac et de Cléguérec. Cette portion congrue, fixée d'abord à 120 livres, monta graduellement jusqu'à 700.
De même les revenus du fief imposaient à l'évêque la charge d'avoir un auditoire pour le tribunal, une prison pour les criminels, et l'obligation de payer un sénéchal, un alloué, un lieutenant, un procureur fiscal, un receveur, des sergents féodés, etc... Sans doute la rétribution qu'il donnait à ces officiers n'était pas considérable, puisque, en 1490, le sénéchal ne recevait que 10 livres par an, l'alloué 5 livres, le lieutenant 5 livres, le procureur fiscal 5 livres ; mais l'argent avait alors une bien plus grande valeur qu'aujourd'hui. Le receveur du temporel avait 90 livres et le commis 50 livres par an. Plus tard ces divers traitements subirent une augmentation sensible.
La jouissance des biens-fonds de l'évêché n'était pas non plus sans charges : il fallait tous les ans faire des réparations aux immeubles, et quelquefois même des reconstructions.
D'un autre côté, l'évêque avait des charges à la cathédrale. En 1590, on voit le receveur de l'évêché payer 100 écus au prédicateur du Carême, et 60 écus au prédicateur de l'Avent, etc...
Vis-à-vis du roi, l'évêque avait des charges bien plus lourdes. La fin du XVIème siècle fut désastreuse sous ce rapport. Pour faire la guerre aux Calvinistes, les bénéficiers de tout rang eurent à payer des taxes énormes, demandées par le roi et autorisées par le pape. Ainsi l'évêque de Vannes fut taxé en 1563 à 1,992 livres, en 1568 à 800 livres, en 1576 à 2,418 livres au lieu de 400, chiffre ordinaire.
Pour payer ces contributions ruineuses, l'évêque usa de la permission donnée par le pape d'aliéner une partie de son temporel, se réservant le droit de rentrer plus tard dans ses biens, en remboursant aux acheteurs les prix de ventes. C'est dans ces, conditions que furent aliénés, comme on l'a vu, en 1563, une tenue à Kerlagat en Plescop, un parc de lande à Kerango, deux tenues à Brambec, le fief de Pontscorff, et la métairie de Brillac en Sarzeau ; — en 1565, une métairie à Kerret en Theix, et deux petites tenues au bourg ; — en 1570, le bois taillis de Conleau, et le fief de Pontscorff de nouveau ; — en 1575, les îles d'Iluric et de Godec, et des marais de l'étang de Bourgmaria ; en 1577, la maison du Chapeau-Rouge à Vannes, et une tenue à Kerubé en Plescop.
La juridiction des Régaires, avec ses droits et ses revenus, fut elle-même mise en vente : une première adjudication eut lieu le 30 octobre 1563, en faveur de Julien de Brignac, pour 16,000 livres ; le marché n'ayant pas reçu d'exécution, une seconde adjudication eut lieu le 28 avril suivant, en faveur du même Julien de Brignac, et cette fois pour la somme plus modérée de 12,500 livres. Peu de temps après, l'évêque racheta son fief ; les autres biens aliénés furent aussi presque tous rachetés dans la suite, au fur et à mesure des ressources.
Les prévôts ou sergents féodés, dont il a été question plus haut, étaient chargés de faire la cueillette des rentes féodales dans l'étendue de la juridiction. Ils étaient aussi à la charge de l'évêque. En 1590, l'un d'eux recevait 25 écus par an pour ses gages. Deux siècles après, en 1790, l'évêque donnait aux sergents féodés sept tonneaux ou 70 perrées de seigle sur ses dîmes de Theix. La perrée valant au moins 15 livres, c'était un total de 1,050 livres pour deux.
Aujourd'hui l'évêque est débarrassé de toutes les charges qui grevaient les biens de l'évêché ; mais il lui reste toujours la charge de venir en aide aux pauvres et aux bonnes oeuvres de son diocèse, dans la limite restreinte de ses ressources disponibles (abbé Le Mené).
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