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PORTRAITS des ÉVÊQUES de VANNES. |
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Dans la plupart de nos familles, les partages successifs et multipliés à chaque génération ont dispersé les tableaux d'ancêtres, si bien qu'il serait aujourd'hui fort malaisé de réunir les portraits de tous ceux qui ont porté le même nom, qui appartiennent au même sang. Notre diocèse de Vannes, qui a l'esprit de famille, a constitué une vaste galerie des figures de ses évêques. Divers événements, au cours des siècles, en ont dispersé les pièces. C'est pour en rétablir l'ensemble, non pas dans un même salon, — ceci n'est pas en mon pouvoir, — mais dans une sorte de vue générale, de catalogue, d'inventaire, que, sans avoir du reste la prétention de n'en oublier aucune, j'ai entrepris cette petite étude.
Mgr. HIPPOLYTE TRÉHIOU.
Pour l'instant, nous n'avons de S. Exc. Mgr. Tréhiou que des similigravures parues dans divers journaux et revues : notons seulement la Semaine Religieuse et la publication de Nos Évêques de Bretagne (Aubert, Saint-Brieuc, 1929). Cependant il existe, m'a-t-on dit, plusieurs essais du propre frère de Mgr. l'évêque de Vannes, recteur dans le diocèse de Saint-Brieuc.
ALCIME GOURAUD (1906-1928).
Le principal portrait de Mgr. Gouraud est l'œuvre d'un nantais, Georges Eveillard, en 1913 : l'évêque, jeune encore, est représenté assis, en manteau de cérémonies ; de la droite il tient la croix pectorale que le pape Pie X lui a offerte, tandis que la gauche gantée retombe mollement. Ce tableau a été exposé en 1914 au Salon de la Société nationale des Beaux-arts, à Paris (N° 415).
Il en existe deux copies très fidèles : une au petit séminaire de Sainte-Anne, une au pensionnat de Ménimur, dues toutes deux au pinceau de Mlle Tardy.
Un autre tableau, antérieur, semble-t-il, à celui-là, n'est ni signé, ni daté. Ses teintes pâles le rapprochent des peintures de Vincent, que nous retrouverons bientôt.
Enfin un médaillon de bronze, par G. A. Schweitzer, orne le tombeau, à la cathédrale de Vannes.
Signalons enfin plusieurs similigravures publiées dans divers ouvrages [Note : J. Le Moing, Hennebont, 1913, p. 161 ; id. 1928, p. 417 ; — Semaine Religieuse. 13 octobre 1928].
JEAN-BAPTISTE LATIEULE (1898-1903).
De Mgr. Latieule, l'évêché n'a qu'un seul portrait. C'est une médiocre peinture d'Eugène Vincent (1903), ami et élève de Félix Clément.
Mais nous avons aussi une bonne héliogravure de Dujardin, d'après une photographie de Cardinal (J. Le Moing, Hennebont, 1913, p. 151).
Le mausolée, à la cathédrale, est orné d'un buste de marbre, en bas-relief, par J. Vallet.
JEAN-MARIE BÉCEL (1866-1897).
De tous les évêques de Vannes, Mgr Bécel est celui dont nous connaissons le plus de portraits. A l'évêché, il n'y en a pas moins de trois : celui de Vincent (1897) nous donne l'évêque l'année même de sa mort, assis, en habit de chœur ; — celui de Marie Isnard de Bellay (1884) le représente à soixante ans, également en habit de chœur, debout, dans une attitude qui lui était familière, les bras tombant, les mains se rejoignant et tenant la barrette ; — dans le troisième, anonyme, il parait très jeune ; c'est le meilleur.
Les dames de la Retraite en possédaient un, dû bien probablement au pinceau d'une de leurs religieuses, artiste fort habile, Mme Boullé : lors des expulsions, en 1906, il disparut et semble avoir été détruit.
Le petit séminaire de Sainte-Anne en conserve aussi un, de grande allure : tout jeune encore, l'évêque, revêtu de la cappa à capuce de soie cramoisie, se tient debout devant un prie-Dieu chargé d'un missel à riches enluminures.
Dans l'église de Kerentrech, un tableau de Louis-Marie Le Leuxhe (1891), la consécration de la paroisse à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, dans sa belle ordonnance, ménage au second plan de droite un profil réussi de Mgr. Bécel, en chape, mitre et crosse.
Enfin, sur sa tombe, à la cathédrale, une statue en marbre de Carrare, par Etienne Leroux, montre le prélat en cape, agenouillé, les mains jointes. Cette statue a coûté 19.000 fr., qui ont été fournis par souscription publique. La maquette en est à Sainte-Anne ; et une étude en plâtre de la tête seule est conservée à l'évêché. Nous pouvons encore ajouter à cette liste déjà longue un certain nombre de similigravures. Une tête de 3/4 à droite au crayon, par R. de Cuvillon, a été reproduite en photogravure (1880). Une héliogravure de Dujardin reproduit une photographie de Pierre Petit (rue Cadet, Paris). Une autre belle héliogravure orne la vie de l'évêque par Max. Nicol. Il en existe d'autres.
Enfin, parmi les multiples galvanoplasties, il convient de mentionner la reproduction d'une photographie de Carlier, dans l'Histoire de Sainte-Anne, par MM. Buléon et Le Carrée, qui montre Mgr. Bécel au moment de son élévation à l'épiscopat.
JEAN-BAPTISTE GAZAILHAN (1864-1866).
Les dames de la Retraite ont emporté à Ruremonde un tableau de Mgr. Gazailhan, en sorte que le seul qui reste à Vannes est celui de l'évêché, peint par Vincent en 1902, c'est-à-dire trente ans après la mort du prélat, trente-six ans après sa démission. C'est un tableau fait d'après une lithographie (J. Le Mené, Histoire du diocèse de Vannes, II, p. 519).
Cette lithographie, par G. Schultz, d'après une photographie de Denisse à Bordeaux, se voit au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale (N° 17744) ; elle est datée de 1864.
LOUIS-ANNE DUBREUIL (1861-1863).
Le portrait de Mgr Dubreuil conservé à l'évêché (J. Le Mené, o. c. II, p. 511) n'est ni signé, ni daté ; mais il semble porter la marque de Vincent, et serait peint d'après le même procédé.
Au palais des papes, à Avignon, dont Mgr Dubreuil mourut archevêque en 1880, on conserve un très grand tableau, sans valeur artistique, brossé par un frère des Écoles chrétiennes, et qui provient du grand séminaire : l'évêque y est figuré debout, revêtu de la cappa magna.
Les Dames de la Retraite en ont aussi un à Ruremonde.
Le Cabinet des Estampes possède enfin trois lithographies de Mgr Dubreuil (N° 13387) : la première, par Bornemann, le représente à mi-corps, assis, de 3/4 à droite ; la seconde, par G. A. B. (1864), en pied, de 3/4 à droite ; la troisième, par Lagier (Avignon 1864), en buste, de 3/4 à gauche.
CHARLES DE LA MOTTE DE BROONS DE VAUVERT (1827-1860).
Sur Mgr. de la Motte, nous sommes aussi très documentés.
Nous avons d'abord le tableau du séminaire : l'évêque, très âgé, est assis dans un fauteuil Louis-Philippe, en mosette et étole d'or ; la robe est presque du même bleu que le saphir de la bague.
Le tableau de l'évêché ne donne que le buste, mais dans la même attitude.
Celui de Sainte-Anne est presque semblable.
Celui qui appartient à Madame Prioul aussi.
Le mausolée du cimetière est un magnifique gisant de pierre blanche, revêtue de tous les ornements pontificaux (J. Le Mené, o. c. II, p. 509), sculpté par Carado, d'après les desseins de Charrier : la maquette du buste est conservée au presbytère d'Arradon.
Un autre petit buste en plâtre, de 0,35 de hauteur, est à la sacristie de la cathédrale.
La notice nécrologique de Mgr. de la Motte, par Mgr. Le Joubioux, contient une bonne gravure du prélat (Galles, 1861).
SIMON GARNIER (1826-1827).
Une peinture, dans le salon de l'évêché (J. Le Mené, o. c. II, p. 463), prête à Mgr Garnier une physionomie sombre, étrange. Le portrait du séminaire pourrait en être une très mauvaise copie.
Au musée de la ville (N° 225), il y a une grande et belle peinture officielle de la pose de la première pierre du monument de la Chartreuse d'Auray, le 20 septembre 1823, par Auguste Couderc. Elle est signée et datée de 1827. Or une magnifique gravure sur cuivre doré de Le Bot fils porte cette inscription : « Donné par S. M. Charles X, sur la demande de M. le comte de Chazelles, gentilhomme de la Chambre du Roi, préfet, au Conseil Général du département du Morbihan. Inauguré le 17 août 1826 ». Cette dernière date est évidemment fautive, puisque, de l'aveu même de l'auteur, le tableau n'était pas encore terminé. On y reconnaît, entre autres personnages, la duchesse d'Angoulême, qui préside à la cérémonie ; mais on y voit aussi, au premier plan, un évêque en chape et mitre, dont le profil semble être celui de Mgr. Garnier. Or, s'il était bien évêque de Vannes en 1827, et s'il a pu poser devant le peintre, ce n'est pas lui qui assistait à la cérémonie de la Chartreuse en 1823, mais son prédécesseur, Mgr. de Bruc.
Ce tableau a été lithographié par Maurin et imprimé chez Lemercier.
HENRI DE BRUC (1819-1826).
C'est Mgr. de Bruc que David d'Angers, sculptant la même scène dans le marbre pour la chapelle de la Chartreuse, a représenté, sans la moindre ressemblance du reste, en face de la duchesse d'Angoulême.
Dans un mauvais tableau de l'évêché (J. Le Mené, o. c. II, p. 447), le prélat, chapé, mitré et crossé, offre à mi-corps un profil droit aussi peu flatté que possible.
Il est dans la même attitude dans la gravure de Michel Lasne, au Cabinet des Estampes (N° 6949).
PIERRE DE BAUSSET-ROQUEFORT (1807-1819).
La figure de Mgr. de Bausset, dans le salon de l'évêché (J. Le Mené, o. c. II, p. 421), est autrement aristocratique.
Il y a au Cabinet des Estampes une lithographie par Engelmann: un buste, de 3/4 à droite, dans un ovale (N° 3308).
Ses traits sont aussi facilement reconnaissables dans les vitraux de Sainte-Anne, tout comme ceux de quatre autres évêques, La Motte, Dubreuil, Gazailhan et Bécel. Ce dernier se voit encore dans l'église de Mauron, comme Mgr. Gouraud et Mgr. Latieule dans la basilique d'Hennebont.
ANTOINE MAYNEAUD DE PANCEMONT (1802-1807).
Quel contraste avec la figure de Mgr de Pancemont ! Lorsqu'en 1788, tout jeune encore par conséquent, il avait été présenté à Louis XVI comme curé de Saint-Sulpice en remplacement de M. de Tersac, le roi n'avait pu s'empêcher de dire : « Ils le font exprès, celui-ci est encore plus laid que l'autre ». Et tous les portraits s'accordent pour confirmer la parole royale : celui de M. de Pancemont en surplis à ailettes et étole rouge, dans le réfectoire du presbytère de Saint-Sulpice (Ch. Hamel, Histoire de l'église de Saint-Sulpice, Lecoffre 1901, p. 90), — celui de l'évêque de Vannes en habit de chœur, dans le salon de l'évêché, — celui qu'il donna à sa sœur et qui appartient aujourd'hui à M. le marquis de Croix, son arrière-petit-neveu, — le dessin reproduit dans l'Histoire du diocèse de Vannes (J. Le Mené, o. c. II, p. 389).
Ce dessin au pointillé le représente dans son cabinet de travail :
en habit de chœur, portant au cou sa croix d'évêque et sa cravate de la Légion
d'Honneur, de la main droite il montre un Christ d'ivoire sur la table, tandis
que la gauche repose sur le bras
d'un modeste fauteuil ; quelques livres sont épars sur des rayons ; le sol est à
grands carreaux ; le fond est formé par le chambranle d'une porte Empire ; les
armoiries « d'azur aux initiales de sable A M P », timbrées du chapeau
pontifical, sont en dessous.
Ce crayon, de 0,33 X 0,24, appartient à Mlle de
Closmadeuc. Son père, le docteur Thomas de Closmadeuc, le tenait en héritage de
sa parente, Mlle Jamet, fille de M. Jamet, greffier à Vannes, qui l'avait
dessiné de sa propre main, l'année même de la mort de Mgr. de Pancemont.
Un autre très curieux petit dessin à la plume montre en chaire M. de Pancemont « le curé de St-Sulpice, faisant refus de prêter son serment (de fidélité à la Constitution civile du clergé) 9 janvier 1701 » (Ch. Hamel. o. c. p. 95).
Mgr. de Pancemont tut enterré au Père-Éternel, et non pas dans sa cathédrale : aucune statue n'orne le tombeau, marqué seulement par une très modeste inscription. Cependant, de son camp de Finckestein, près de Dantzig, dès qu'il reçut la nouvelle du décès, l'Empereur écrivit, le 5 mai 1807, au ministre des cultes Portalis : « Nous avons appris avec une profonde douleur la mort de notre vénérable évêque de Vannes Mayneaud-Pancemont .... Nous voulons que vous fassiez placer sa statue en marbre dans la cathédrale de Vannes. Elle excitera ses successeurs à suivre son exemple, à suivre le chemin qu'il leur a tracé ; elle fera connaître à tous le cas que nous faisons des vertus évangéliques d'un véritable évêque, et couvrira de confusion ces faux pasteurs qui ont vendu leur foi aux ennemis éternels de la France et de la religion catholique, apostolique et romaine, dont toutes les paroles rappellent l'anarchie, le désordre, la rébellion (ceci pour Mgr. Amelot) ; enfin, elle sera pour nos peuples du Morbihan une nouvelle preuve de l'intérêt que nous prenons à leur bonheur » (J. Le Mené, o. c. II, p. 416).
L'exécution de cette statue fut confiée à Louis-Pierre Deseine, le « sculpteur du prince de Condé ». Elle ne fut achevée que sous la Restauration et exposée au Salon du Louvre en 1820. On oublia sans doute sa destination première, comme le donne à penser cette lettre du Ministre de l'Intérieur, comte de Corbière, à M. le comte de Tournon, conseiller d'Etat : « Monsieur le Comte, J'ai l'honneur de vous transmettre une ampliation d'une Ordonnance du Roi en date du 30 avril dernier, qui accorde la statue en marbre de Monsieur de Pancemont, ancien évêque de Vannes, à la famille de ce Prélat, représentée par Monsieur le Comte de Pancemont, votre beau-père. Monsieur le Conservateur des Monuments est chargé de faire la remise de cette statue à Monsieur le Comte de Pancemont ». (17 mai 1823).
La statue fut placée dans la chapelle funéraire de famille, où elle se trouve encore aujourd'hui, à Génelard (Saône-et Loire) : le prélat est debout, en rochet et étole, mitre et chape, bénissant avec majesté.
C'est Mgr. de Pancemont, qui, au concordat, rassembla quelques portraits de ses prédécesseurs dans l'ancien couvent des Carmes, où il fixa sa résidence. A la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en 1906, ils étaient relégués aux combles et ne furent pas emportés ; ils n'en descendirent qu'au moment où le musée municipal fut installé dans les locaux de l'ancien évêché.
Le diocèse de Vannes ne conserve aucun portrait de Mgr Sébastien Amelot (1774-1791-1802), dernier évêque d'Ancien Régime. Mais cet évêque était originaire d'Orléannais, et les Ursulines de Beaugency ont gardé son buste en marbre (cf. Notice sur la famille de Luker) jusqu'aux expulsions de 1902 : depuis cette date on ignore ce qu'il est devenu.
CHARLES DE BERTIN (1746-1774).
Pour 2800 l., payées en 1777 par le Chapitre cathédral, un artiste de Marseille, Christophe Fossati, sculpta dans le marbre la belle statue agenouillée qui orne le sarcophage de Mgr. de Bertin (J. Le Mené, o. c. II, p. 233).
Par ailleurs, seul un petit tableau, en assez mauvais état, se trouve au musée de la ville (J. Le Mené, o. c. II, p. 211). Dans un cadre Louis XV très simple, on voit l'évêque, en buste, assis dans un fauteuil de soie verte. Sous les rouleaux de sa perruque blanche, il est difficile de donner un âge à cette fine figure de prélat d'Ancien Régime [Note : Mlle Corniquel possède une image gravée, coloriée à la main, sous laquelle sont imprimés ces mots : Saint Arnould. Guérard, rue du Petit Pont à l'image Notre-Dame, et qui représente de 3/4 à gauche un évêque en pied aureolé, en rochet, chape, mitre et crosse, bénissant d'une main gantée. Au dos, on peut lire cette vieille inscription manuscrite : Monseigneur Levesque du diocèse de Vannes, L'abbé Bertin, dont vous voyer de l'autre part le portrait assez revenant, daigna honorer les pauvres religieux camaldules de Saint Sauveur de Roga d'une visite la plus gracieuse, le 23 juin 1752, Le R. Père Arsène, Levesque Prieur eut l'honneur de l'y recevoir. Je ne pense pas que le graveur ait voulu représenter saint Arnould sous les traits de Mgr. de Bertin, mais plutôt que les bons Camaldules virent dans cette image « le portrait assez revenant » de l'évêque de Vannes].
JEAN-JOSEPH DE JUMILHAC (1742-1746).
Le musée possède une très belle peinture d'évêque du milieu du XVIIIème siècle. Ce prélat est tout jeune encore et la lèvre fleurie, grand seigneur drapé dans l'hermine de sa cape. Une gracieuse échappée montre un coin de paysage, non pas la campagne de Kerango, mais des collines bleues s'élevant mollement au-dessus d'une rivière comme il s'en voit dans maintes provinces françaises, et notamment en Limousin. Au ruban bleu pendait jadis la croix d'évêque ; mais un barbouilleur, — gardons-nous d'en médire —, l'effaça maladroitement pour y peindre la cravate du Saint-Esprit. Tous ces détails nous permettent de reconnaître dans ce portrait Sa Grandeur Mgr. Jean-Joseph Chapelle de Jumilhac de Saint-Jean, évêque de Vannes, abbé commendataire de Bonneval, docteur en théologie de la Faculté de Paris. Originaire du diocèse de Limoges, il fut en effet nommé évêque à l'âge de trente-six ans ; transféré bientôt à l'archevêché d'Arles, il fut en 1770 promu dans l'Ordre du Saint-Esprit, dignité assez rare dans l'Eglise, puisqu'en dehors des cardinaux, quatre prélats seulement s'en trouvaient régulièrement revêtus à la fois, et qu'avec Philippe du Bec, au XVIème siècle, Mgr. de Jumilhac est le seul ancien évêque de Vannes à qui elle fut jamais accordée.
Dans son brevet de nomination d'évêque, Louis XIV le présentait comme une personne de « bonnes vie et mœurs, piété, doctrine, grande suffisance et autres vertus et recommandables qualités » (J. Le Mené, o. c. II, p. 201). A Arles son portrait est le seul qui manque dans la galerie des évêques bienfaiteurs de l'hospice ; et les Arlésiens prétendent qu' « il avait les qualités du marbre : froid, dur et poli ».
ANTOINE FAGON (1720-1742).
A la demande de Mgr. Fagon, le 7 février 1721, le Roi, c'est-à-dire le Régent, avait accordé au Chapitre de Vannes « les terres vagues le long des côtes de la paroisse de Séné, depuis la pointe de Pennervel jusqu'au village de Saint-Léonard ». Les chanoines y établirent des salines, dont le revenu était fort appréciable, à la vérité. Mais les fermiers des amortissements réclamaient une somme de 60.000 livres. Une nouvelle instance de l'évêque en obtint le dégrèvement. Aussi le Chapitre décida-t-il d'élever à son bienfaiteur « un monument éternel de sa reconnaissance ». Il chargea donc Messire Bossard, chanoine, de faire marché avec un peintre de la ville, Jean-Vincent Lhermitais, d'un tableau du prélat, à encastrer dans la boiserie qu'on allait justement exécuter pour la salle des délibérations. Le contrat fut passé le 17 janvier 1738 pour la somme de 300 livres. Monsieur de Vannes, en effet, touché de cette attention des chanoines, leur faisait « la grâce » de poser devant l'artiste. Combien de temps dura le travail ? Le fait est que le portrait était terminé, encadré et probablement placé le 26 mars 1740, comme en fait foi la note suivante : « Payé quarante-cinq livres à Monsieur Lhermité pour la dorure du cadre du tableau de Monsieur de Vannes ».
C'est cette très belle peinture qui figure au musée de la ville sous le n° 135. Le riche cadre Régence épousait exactement les formes de la boiserie, dont le panneau reste vide aujourd'hui dans la salle capitulaire. Le prélat, en superbe rochet de dentelle, y trône dans un fauteuil de bois doré Louis XIV, devant une table de marbre de même style : c'est évidemment le mobilier de Mgr. d'Argouges, acheté par Fagon, le riche fils du premier médecin du grand roi, créature de Madame de Maintenon ; et dans le fond on voit les rayons d'une bibliothèque chargés de belles reliures en plein veau, le dictionnaire historique de Moréri, les œuvres de saint Basile, un Dictionnaire des hérésies, l'Histoire eccésiastique ...
Mais le plus curieux de l'histoire, c'est que sur les épaules de Mgr. Fagon ne repose pas la tête que lui peignit Lhermitais. Que s'est-il donc passé ? Nul ne le sait au juste.
M. de Closmadeuc, dans ses notes manuscrites, a laissé une très intéressante étude sur ce sujet. Il suppose que les chanoines de la cathédrale, ne partageant pas les idées plutôt jansénistes du vieil évêque, peut-être ausi fatigués de son trop long épiscopat, coupèrent le pied du tableau, qui portait sans doute une protestation d'éternelle reconnaissance, puis qu'ils se mirent en tête de gratter la face réjouie de feu Mgr. Fagon, pour peindre à la place la figure étonnée d'un de ses successeurs.
Moi-même, je fus un instant tenté de le croire. Mais je dus renoncer à cette amusante hypothèse : Mgr. Fagon n'eut en effet que trois successeurs avant la Révolution, et la toile en question ne peut représenter aucun des trois. N'ayant rien de commun avec Mgr. de Jumilhac, non plus qu'avec Mgr. de Bertin, qui nous sont bien connus, elle ne pourrait ressembler qu'à Mgr. Amelot, dont nous n'avons pas les traits ; mais il ne faut pas oublier que cet évêque n'avait que quarante-huit ans en 1789, tandis que le portrait est celui d'un vieillard.
La vérité est probablement plus simple. A une époque indéterminée, mettons le jour où les gardes nationaux jetèrent les chanoines à la porte de leur salle capitulaire, le portrait de Mgr. Fagon aura été maculé par quelque polisson, puis retiré de la boiserie et mis au rebut. La Révolution passée, quelqu'un de bien intentionné, mettons Mgr. de Pancemont, aura fait restaurer cette toile, dont le pied devait être en mauvais état et la figure méconnaissable. Le peintre, de médiocre talent, a copié servilement les traits d'un autre tableau de Mgr. Fagon, qui se trouvait naguère au presbytère du Port-Louis. Comment s'y trouvait-il ? C'est une autre affaire : peut-être provenait-il de l'héritage du recteur de Riantec, Jacques Colomb, ancien familier du prélat, mort en 1787 au Port-Louis, où il faisait sa résidence.
Toujours est-il qu'en 1908 le docteur de Closmadeuc demanda au curé du Port-Louis, M. Le Ray, la permission d'exposer cette peinture à la Société Polymathique et la remit au président, M. le chanoine Le Mené. La toile n'a jamais été rendue ; elle est maintenant introuvable. Mais nous en avons la photographie : eh ! bien, la figure, figure de vieillard, est exactement celle du tableau du Chapitre.
Et, chose curieuse, la pose est presque identique à celle d'un autre portrait, car il existe un troisième portrait attribué à Mgr. Fagon, qui, lui aussi, a son histoire [Note : J. Le Mené, o. c. II, p. 183. Ce portrait, comme le précédent, a été étudié par le docteur de Closmadeuc, dont le manuscrit a inspiré ce passage]. Il appartient à Madame Le Pontois, qui le tient de sa belle-mère, née Guyot-Jomard. M. Guyot-Jomard l'avait lui-même hérité en 1860 d'une certaine dame Fardel, de l'Ile-aux-Moines. Cette dame le tenait d'un vieux prêtre, son parent, mort pendant la Révolution, et qu'on appelait familièrement « l'oncle Colas ». Quel est donc cet abbé Colas, inconnu sur nos listes du clergé ? Ne serait-ce pas tout simplement le recteur de Plescop, Nicolas Riguidel, mort en 1792 ? Ce prêtre, né à Plescop même en 1723, tout près du manoir épiscopal de Kerango, avait bien connu Mgr. Fagon. Un portrait de cet évêque ne pouvait que lui être agréable. Or l'occasion de s'en procurer un allait se présenter. Mgr. Fagon, ne voulant pas imposer à ses successeurs la lourde charge de meubler Kerango, avait par acte du 10 septembre 1740 fait don de tout son mobilier à l'évêché de Vannes. Plus tard Mgr. Amelot voulut se défaire de ces meubles, et il en obtint l'autorisation du roi. A la vente publique faite les 26 et 27 janvier 1777 et jours suivants, entre autres choses, fut un « tableau représentant Mgr. de Fagon adjugé à M. Chauvel pour vingt livres 5 sols ». Ce Chauvel était, autant qu'on en peut juger, un revendeur ; et il est vraisemblable que le tableau en question fut acheté en seconde main par Messire Nicolas Riguidel : ce serait celui de Madame Le Pontois.
L'évêque est ici bien plus jeune que dans ses deux autres portraits : la figure fortement colorée, l'œil brillant, la lèvre rieuse, il porte une cinquantaine d'années, et vient donc d'arriver à Vannes, à moins qu'il soit encore évêque de Lombez. Il est en habit de ville, soutane et ceinture noires, collet d'écarlate jeté sur les épaules ; la main gauche pose sur un fort in-quarto ; la main droite, coupée par le milieu, atteste que le tableau, d'une forme insolite, n'est plus entier. Tel quel, c'est encore le plus beau de la galerie : c'est une excellente peinture dans le genre de Rigaud, peut-être même une œuvre du Maître. [Note : Rigaud a aussi peint, en 1694, le portrait de Gui Fagon, le père de l'évêque].
JEAN LE FEBVRE DE CAUMARTIN (1718-1720).
Le diocèse de Vannes ne possède aucun portrait de Mgr. de Caumartin, qui ne passa du reste que deux ans dans cet évêché, ayant été transféré à Blois en 1720.
Blois au contraire en conserve trois tableaux, sans signature ni date, où le prélat est peint de 3/4, en buste, revêtu de l'habit de chœur.
Les deux premiers sont de belles peintures à l'huile, qui se ressemblent beaucoup, mais ne sont pourtant pas la copie l'une de l'autre : le visage plein porte une soixantaine d'années ; les cheveux bouclés sont gris. Ces tableaux se trouvent de date immémoriale à l'évêché et au séminaire ; mais ils viennent tout récemment d'être échangés, celui du séminaire étant à l'évêché, et celui de l'évêché au séminaire.
Le troisième portrait est au musée du château ; il provient de chez un amateur d'antiquités, M. Belenet, qui dit l'avoir acheté dans une maison de Blois. C'est un pastel, où l'évêque a dû être peint quelque temps seulement avant sa mort : la figure est plus bouffie, les cheveux sont blancs.
Une gravure de cet évêque, publiée par Crépy, le représente en buste de 3/4 à gauche dans une bordure ovale. Elle est au Cabinet des Estampes (N° 8747).
Sous le médaillon, on lit ces vers assez pauvres :
D'un
prélat gracieux et de tous estimé,
Aimable autant qu'il est aimé,
Telle est la
phisionomie.
Il n'y manque pas un seul trait.
Pour son esprit, c'est à
l'Académie
De nous en tracer le portrait.
F. Théodore, de Blois.
Seul de tous les évêques de Vannes, filleul et créature du Cardinal de Retz, chevalier de Malte au berceau, abbé commendataire de Buzai à six ans, président effectif de la commission des finances aux États de Bretagne à treize ans, Caumartin était en effet académicien à vingt-cinq ans. Mais là devait s'arrêter son extrême précocité. Il fut bien par la suite docteur en Sorbonne, député aux Assemblées du Clergé, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Louis XIV lui tint toujours rigueur d'une plaisanterie de mauvais goût qu'il se permit en recevant à l'Académie l'évêque de Noyon, François de Clermont-Tonnerre, dont il persifla de la manière la plus spirituelle la vanité bien connue. Le roi ne l'eût jamais nommé évêque. C'est le régent qui le proposa pour Vannes.
Voici comment François Paradis de Moncrif, lui succédant en 1733 à l'Académie Française, répondit à l'invitation du mauvais rimeur de Blois : « Né avec cette pénétration vive qui saisit d'abord dans les choses ce qu'elles ont d'essentiel, doué de cette imagination heureuse qui sçait orner avec mesure ce qu'elle présente, comment M. l'abbé de Caumartin n'auroit-il pas réuni les connaissances étendues et la véritable éloquence ? Vous sçavez combien sa conversation était solide en matière de science et de littérature ; mais vous avez surtout éprouvé ce charme qu'il sçavait répandre sur les choses les plus dépourvues d'agrément par elles-mêmes. Cet art inexprimable, qui ne s'acquiert que par l'habitude de vivre avec les personnes en qui il réside, et que ceux qui le possèdent le mieux ne peuvent eux-mêmes définir ; espèce de magie, (si j'ose le dite) qui n'est point attachée à l'esprit supérieur, qui peut servir à l'embellir, et qui le plus souvent réussit encore mieux que lui. Ce n'étoit pas seulement ce qui rendoit le commerce de M. l'abbé de Caumartin si désirable ; ce grand nombre d'amis qu'il a conservés toute sa vie, et dont il avoit l'entière confiance, en fait encore mieux l'éloge et fixe la véritable idée de son caractère ».
FRANÇOIS D'ARGOUGES (1692-1716).
Avec François d'Argouges nous arrivons à l'ère des longs épiscopats, car dans les cent vingt-deux ans qui séparent Arradon de Caumartin, cinq évêques seulement se sont assis sur le siège de Vannes : Martin, les deux Rosmadec, Vautorte et d'Argouges.
Le « petit portrait de M. d'Argouges » (Archives du Morbihan, B 669) est au musée de la ville. Dans son sobre cadre Louis XIV, perdu dans un vaste fauteuil en cuir rouge de Cordoue (Archives du Morbihan, G, 229), vêtu d'un camail dont le violet sombre tire sur le brun, avec sa face jeune, mais glabre, avec ses fines mains cadavériques, le prélat semble montrer, sous la pendule d'ébène garnie de cuivres dorés (Archives du Morbihan, G, 229), la figure du temps à la faux et au sablier, du temps irrémédiablement écoulé (J. Le Mené, o. c. II, p. 149).
Le Cabinet des Estampes possède de cet évêque une superbe gravure in-folio par Etienne Gantrel. (N° 1568). La pose est identiquement la même que dans le tableau de Vannes ; mais le sujet est très flatté, les traits sont plus réguliers, les cheveux mieux frisés. On en peut vraisemblablement conclure que la gravure est une copie du tableau ; et, comme Gantrel, dit une inscription, a pris son tracé d'après un tableau de Ménard, nous connaîtrions l'auteur de notre peinture anonyme de Vannes.
Cette gravure porte la date 1687, qui n'est évidemment pas celle du travail, car François d'Argouges fut nommé par le roi en décembre de cette même année, et il est manifestement impossible qu'en quelques jours Ménard ait pu faire sa peinture et Gantrel la reproduire : 1687 marque simplement le début de l'épiscopat, c'est-à-dire la proposition par le roi, qui ne fut d'ailleurs acceptée par le pape qu'en 1692.
La même figure pleine, triste et recueillie, se retrouve dans la statue agenouillée sous le bel arc du tombeau dans la chapelle Saint-Vincent ; telle que la fit sculpter sa sœur, Madame de Creil. L'épitaphe nous montre en lui le « défenseur invincible de la religion et de la foi pure et vraie », en même temps que le « prélat charitable et généreux envers les pauvres, remarquable par la fermeté de son caractère et l'élévation de son esprit dans la conduite des affaires publiques, et par l'aménité de ses manières dans les relations privées » (J. Le Mené, o. c. II, p. 176).
CHARLES DE ROSMADEC (1647-1671).
Nous ne connaissons aucune peinture de Charles de Rosmadec. Mais au Cabinet des Estampes il en existe deux gravures. L'une porte cette inscription : G. Gribelin deline (avit), P. Landry sculp (sit) 1665. L'autre ces simples mots : Lattain incidit.
Sous une abondante chevelure qui laisse voir la calotte noire, les traits réguliers marquent un mélange de bonté et de fermeté. Un large rabat blanc retombe sur le ruban de la croix pectorale et sur le camail. L'ovale porte cet exergue : Carolus de Rosmadec Episcopus Venetensis ; et en bas le blason des Rosmadec timbré de la couronne, de la mitre et de la crosse surmontées du chapeau pontifical.
SÉBASTIEN DE ROSMADEC (1622-1646).
Nous avons les traits de son oncle, Sébastien de Rosmadec, — je crois du moins l'avoir établi, et un certain air de famille vient confirmer mes conclusions, — dans le tableau de l'entrée de saint Vincent Ferrier à Vannes, conservé à la cathédrale. C'est le seul tableau que nous connaissions de lui, car le « portrait de Mgr. de Rosmadec », — Sébastien ou Charles ? plus probablement Sébastien, — ce portrait adjugé pour 3 livres au sieur Chauvel, à la vente des biens de l'évêché en 1777, est aujourd'hui introuvable (Archives du Morbihan, B 735).
JACQUES MARTIN DE BELLEASSISE (1600-1622).
Le portrait de Jacques Martin, daté de 1615, présente un caractère tout spécial : c'est un fragment de la tapisserie de Beauvais où sont brodés les miracles de saint Vincent, et qui est exposée à la cathédrale. La figure de l'évêque, âgé de trente-cinq ans, — il était évêque à vingt ans, — qui est représenté à genoux devant l'autel, est brodée en soie, au petit point, avec une finesse qui égale celle des meilleures peintures.
Son épitaphe, aux Célestins de Paris, nous le montre comme un « homme d'une piété insigne », qui laissa « à l'imitation de tous les beaux exemples d'une vie religieuse et d'une fin bienheureuse » (J. Le Mené, o. c. II, p. 55).
Louis DE LA HAYE (1575-1588).
Le Cabinet des Estampes possède un crayon lavé, anonyme, de Louis de la Haye (N° 25293) : c'est un buste de 3/4. L'évêque en soutane boutonnée à maheutres, à col de drap rabattu et recouvert par le col de la chemise, est coiffé d'une barrette très basse. Il porte la barbe et la chevelure fort courtes. Sous ce dessin, armorié et encadré, daté en haut de 1577, on a ajouté ces mots : Louis de la Haye evesque de Vannes mort en 1588.
PHILIPPE DU BEC (1559-1566).
On voit aussi au Cabinet des Estampes deux dessins à la pierre noire, anonymes, de Philippe du Bec (N° 13320). Ces deux bustes, pris de 3/4, tournés l'un à droite, l'autre à gauche, inscrits dans un ovale et armoriés, se ressemblent tout-à-fait : ils sont évidemment de la même main et de la même date. Le prélat, qui n'est plus évêque de Vannes, est alors âgé de quatre-vingt-cinq ans, comme le marquent les signes : ÆT 85.
Sur le rochet uni il porte la mosette à vaste capuce, sur laquelle se rabat le col de lingerie, et où pend le collier du Saint-Esprit. La tête entièrement chauve est recouverte de la « camauro ». Sous l'estampe on lit cette inscription : Philipes du Bec, archevesque et duc de Rheims, Ier pair de France, commandeur de lordre du St Esprit.
LAURENT CYBO (1490-1502).
Le tombeau primitif de Laurent Cybo se trouvait, orné de statues de marbre très estimées, dans sa chapelle de famille à l'église Santa Maria del Popolo. Fontana, ayant en 1583-1584 restauré cette chapelle, y plaça les tombeaux des deux cardinaux Cybo, sculptés par Francesco Cavallini. Celui de l'administrateur de Vannes est à gauche ; on y admire un médaillon d'où sort à demi le buste du prélat, en marbre blanc ; les deux mains sur la poitrine, il regarde l'Immacolata de Moratta, qui surmonte l'autel.
Le catalogue du Cabinet des Estampes indique sous le n° 16.123 une gravure au burin anonyme du Cardinal Pierre de Foix, dit le Jeune. C'est une erreur. Les armes ne sont pas les mêmes. L'évêque de Vannes naquit en 1449, tandis que son grand oncle fut créé cardinal en 1409. Une note inscrite au bas de la gravure le reconnaît d'ailleurs explicitement. En sorte que nous n'avons pas de portrait de notre Pierre de Foix.
Malheureusement la collection des portraits de cardinaux publiés par la Chalcographie pontificale, conservée à la Bibliothèque vaticane, ne commence qu'avec le pontificat de Paul V : les cardinaux administrateurs de l'évêché de Vannes, de 1476 à 1544, ne s'y trouvent donc pas.
HENRI LE BARBU (1383-1404).
Henri le Barbu mourut à Nantes, où il fut évêque pendant quinze ans. Sa tombe a disparu ; mais il y a de fortes raisons de croire que c'est sa statue de marbre blanc, couchée, qui orne actuellement le monument de l'évêque Guillaume Guéguen, dans la cinquième chapelle latérale sud de la cathédrale de Nantes, bien qu'on y voie généralement François Hamon (Lettre de M. le chanoine Durville).
SIMON DE LANGRES (1382-1383).
Simon de Langres, ancien maître général des dominicains, mourut en 1384 démissionnaire à Nantes. Sa tombe, aux Jacobins, était recouverte d'une plaque de cuivre gravée à son effigie, qui disparut en 1410, lors de l incendie de la chapelle.
Mais il nous reste d'autres représentations de cet évêque.
Un manuscrit de la Bibliothèque de l'Université de Bologne, la « Chronica magistrorum generalium ord. praedicatorum », composée en 1493 par le dominicain Jérôme de Borcellis, en donne une très curieuse miniature (Ms. original 1999, f° 1352). Simon n'y est pas représenté en évêque, mais en religieux, tenant de la main droite la baguette du commandement. Vue de face, la figure est d'un homme austère et déjà avancé en âge.
Par ailleurs, les collections de l'ordre des Frères Prêcheurs à Rome contiennent une peinture très obscure du même personnage, ainsi qu'une gravure qui le montre en chape noire de dominicain, la croix épiscopale au cou, plus jeune que sur la miniature, tel qu'il devait être à Vannes.
Bien certainement avant cette date beaucoup d'évêques ont eu leur pierre tombale ornée d'une statue, d'une sculpture, d'un graffite ; mais toutes ces effigies ont depuis longtemps disparu sous le dallage ; en sorte que nous devons arrêter ici notre galerie, car nous ne pouvons pas considérer comme des portraits d'évêques du Moyen-âge, des Jean Validire (1432-1448), des Henri Le Barbu (1383-1404), des Geoffroy de Rohan (1360-1371), les bustes qui timbraient leur blason.
Si nous jetons un coup d'œil d'ensemble sur cette galerie, assez importante, — puisque depuis la fin du XVIème siècle, dans une série de vingt évêques, il ne reste que deux lacunes, et que cinq tableaux antérieurs nous font atteindre le XIVème, nous pouvons faire quelques observations amusantes.
Les tableaux anciens ne sont généralement pas armoriés, ce qui serait un élément utile pour leur identification [Note : Faute de cette utile indication, le catalogue de l'Exposition organisée par les Amis de Vannes à l'Hôtel de Ville en 1912 (voir Archives du Morbihan k 309), contient plusieurs erreurs : il attribue à Sébastien de Rosmadec le portrait de François d'Argouges, et à Charles de Bertin celui de Joseph de Jumilhac]. Les meilleurs ne sont pas signés, comme si les artistes se moquaient de la gloire posthume, ou comme s'ils avaient l'illusion que leur manière serait toujours reconnue.
Le costume, le costume ecclésiastique même, évolue, suit la mode. C'est ainsi que nos évêques contemporains s'habille en un violet qui tire sur le rouge, tandis que leurs devanciers étaient vêtus presque de bleu. Ils portaient la calotte noire, et la ceinture pareille à la soutane, alors qu'aujourd'hui ces attributs sont invariablement violets. Sous l'Ancien Régime, la croix pectorale pendait à un ruban bleu, comme la décoration du Saint-Esprit ; depuis la Révolution, elle est soutenue par une chaîne d'or ou un cordon vert ; mais sous la Restauration, on revint, pour un temps, au ruban, rouge cette fois comme celui de la Légion d'Honneur.
La plus curieuse évolution est celle du rabat.
Les premiers portraits nous montrent un col de lingerie double, replié sur le vêtement.
Ce col, ou rabat, au sens étymologique, commence à prendre de plus amples proportions chez Sébastien de Rosmadec.
Avec François d'Argouges, ses pointes se développent démesurément, se rejoignent sur la poitrine ; l'ourlet qui le borde seul reste blanc, tandis que l'étamine qui en fait le fond est passée au bleu, et puis au noir.
Le rabat d'Antoine Fagon s'étale de plus en plus ; celui de Charles de Bertin se rétrécit, au contraire, tout en faisant toujours le tour du col, comme encore celui de M. de Pancemont, chez qui la partie rabattue se réduit à deux pattes noires et blanches.
Une certaine hésitation se manifeste ensuite : Mgr de Bausset adopte le rabat rigide et cassé, que reprendra Mgr. Garnier, alors qu'entre temps Mgr. de Bruc aura porté le rabat d'étamine dit sulpicien.
Avec Mgr. de la Motte, c'est la forme actuelle qui triomphe définitivement; et Mgr. Dubreuil y changera seulement les galons en rangs de perles.
Mgr. Gouraud, lui, sacré à Rome, se prononce pour le col romain, qui n'est autre chose, soit dit en passant, que le col primitif, rabattu, mais à l'intérieur du vêtement.
Dès lors, cette petite marque distinctive que Mazarin, dit-on, imposa au clergé français, le rabat ; le rabat qui eut sa place dans toutes les Cours d'Europe, qui monta dans toutes les chaires ou les tribunes, celles des somptueuses cathédrales et des églises de villages, de la Sorbonne et du Collège de France, comme celles des assemblées nationales, constituantes ou parlementaires ; qui s'arrêta aux fauteuils des Académies et des Conseils de ministres ; qui parcourut les champs de batailles et tomba sur les barricades ; le rabat que Rome a placé sur les autels, avec Jean-Baptiste de la Salle, Louis Grignion de Montfort, Jean Marie Vianney et les martyrs de la Révolution ; rabat bleu de Saint-Gabriel, rabat blanc des Ecoles Chrétiennes, rabat noir du clergé séculier, simple et modeste témoin d'un glorieux passé ; — tout comme les perruques frisées, les chapeaux tricornes, les petits collets, les soutanes à queues et les souliers à boucles, — le rabat, après trois siècles de vie, — Messieurs, saluons au passage, — tend à disparaître.
(Joseph BLAREZ).
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