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L'HOSPICE SAINT-YVES DE GARENNE |
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L’exil du parlement de Bretagne à Vannes (1675-1689), attira dans la ville un grand nombre de riches familles, et en même temps une quantité de pauvres, de loqueteux et d’infirmes. Cette affluence préoccupa les conseillers de la cour, mais ils quittèrent la ville avant d’avoir pris aucune mesure efficace. Une femme de coeur, Marie de Berrolles, veuve de Jean Hélo, seigneur de Kerborgne et avocat à la cour, vint en 1698 au secours des pauvres les plus abandonnés, de ceux qui étaient atteints de maladies incurables. |
ORIGINE
Voici comment Marie Berrolles, veuve de Jean Hélo, raconte elle-même l’origine de son oeuvre :
«
Ayant, depuis quelques années, considéré les incommodités que les habitans
de cette ville et fauxbourgs recevoient par la communication de plusieurs
personnes affligées de maux incurables, lesquelles par leur indigence ne
pouvant fournir à leur subsistance, non plus qu’au soulagement des maux dont
ils étoient atteints, et n’étant point receus dams les hôpitaux généraux
ny particuliers, vaguaient dans la ville et fauxbourgs, pour y demander et
recevoir les aumosnes et charités des particuliers, je me serais proposé de
chercher un lieu commode pour y retenir les pauvres affligés, afin de les y
faire soulager et de prévenir les accidents fâcheux qui peuvent journellement
arriver aux enfants des personnes les plus qualifiées, par la communication des
dits maux incurables ;
«
Et ayant jetté les yeux sur quelques maisons, bâties depuis longtemps sur la
Garenne, proche le lieu qui avoit esté autrefois destiné pour cimetière des
pestiférés, et ayant pris l’avis de plusieurs personnes de considération,
j’aurois remarqué que cet endroit, tant par sa situation que par son
exposition, a un air pur et sain, et estoit le lieu le plus propre pour y
establir un hospital des incurables : ce qui m’auroit portée à traiter avec
le propriétaire des dites maisons, cour, jardin et pré en dépendants ».
L’acte
d’acquisition a été conservé. Nous le donnons ici en majeure partie, parce
qu’il contient quelques détails intéressants.
« Le
21 de feuvrier, après midy, 1698, devant nous, notaires royaux héréditaires
de la cour et sénéchaussée de Vennes..., ont comparu en leurs personnes dame
Marie de Berrolles, dame de Kerborgne, veuve du feu seigneur Hélo de Kerborgne,
demeurant en sa maison, proche le carouer de Saint-Pierre, paroisse de
Sainte-Croix, et noble homme Vincent Marquet sieur de Kermarquer, demeurant
ordinairement en cette ville, dite paroisse de Sainte-Croix ;
«
Entre lesquelles parties s’est fait et passé le présent acte, par lequel le
dit sieur Marquet de Kermarquer, a, tant pour luy que pour ses hoirs,
successeurs et cause ayants, vendu et transporté à la dite dame, présente et
acceptante, scavoir est, le tout des maisons couvertes d’ardoise et de paille
s’entre-joignantes, avec leurs dépendances, situées sur la Garenne du dit
Vennes, occupées à présent par la Dlle Golvine de la Chaussonnière,
consistantes dans les dites maisons et dans la cour ou emplacement au devant
d’icelles ; cerné à présent de murailles du costé de la Garenne, et
(d’autre costé) du grand chemin qui conduit au Verger, dans le grand-jardin
estant au derrière des dites maisons, ensemble le terrain, pré et verger,
estant au bout des jardins des d. maisons, avec leurs servitudes et dépendances,
cernés de leurs murailles et fossés...
« A la charge à la d. dame de Kerborgne, acquéreure, de tenir et relever les d. héritages de la jurisdiction du prieuré de Saint-Guen, à devoir de foy et hommage seulement, sans rachat ny aucune rente. La présente vente faite et accordée entre les d. parties pour et en faveur de la somme de 3,800 livres tournois... Les susdits héritages demeureront à toujours affectés et hypotéqués pour le logement des malades incurables, et pour celuy de deux filles, choisies par la d. de la Chaussonnière sa vie durante, qui s’emploiront au service des d. malades incurables, qui sont et seront à l’avenir logés dans les d. maisons ; et après son décès la d. dame de Kerborgne se réserve de faire le choix des d. deux filles... . Signé : Marquet. — Marie de Berrolles. — Thébaud, not. royal. — Le Comte, not. royal » (Hosp. Incur.). La prise de possession eut lieu le 27 février 1698, et l’appropriement le 27 août suivant.
Entre ces immeubles et le chemin qui descend de la Garenne vers l’étang du Duc, il y avait une lisière de terrain de 30 pieds de largeur et de 135 pieds de longueur, qui avait servi jadis de cimetière aux pestiférés. Mme Marie de Berrolles, croyant que ce terrain appartenait à la ville, lui en demanda la concession, afin de pouvoir bâtir une chapelle au pignon de la maison, et de construire de chaque côté de la dite chapelle des salles pour les incurables. La communauté de ville, sans approfondir la question de propriété, lui accorda, le 6 juin 1698, le terrain demandé, « à la charge à la d. dame de rapporter à la dite communauté la confirmation qu’elle obtiendra de Sa Majesté de la dite concession, et d’abandonner le dit terrain (au moins en partie), en cas de peste, guerre ou autre nécessité publique, sans pouvoir prétendre vers la communauté aucuns dommages et intérêts ».
Grâce à cette concession, faite de bonne foi, la fondatrice commença ses constructions. La chapelle fut bâtie, en 1699, aux frais de Mme la présidente de Montigny, qui y fit mettre la statue de saint Yves, patron de son fils et patron de l’hôpital. En même temps on commença les salles destinées aux malades, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes. Il y avait à l’est du jardin de l’établissement, un vieux Chemin qui partait de la rue actuelle de la Confiance et remontait vers la croix du Jointo. Il était en plein dans le fief de Saint-Guen, et appartenait au prieur. Mme de Berrolles en demanda la concession pour agrandir son jardin. Le prieur, Dom Louis-Joseph Auffret, par acte du 20 août 1700, lui en fit l’afféagernent, et lui permit de supprimer le passage, moyennant une rente annuelle de cinq sols tournois, payable le 1er septembre de chaque année au receveur du prieuré.
Cette affaire ramena l’attention sur le terrain de l’ancien cimetière des pestiférés. En consultant les titres du prieuré, on reconnut que ce n’était pas la propriété de la ville, mais bien le patrimoine de Saint-Guen. En conséquence, le 18 avril 1704, intervint un arrangement, « par lequel le prieur bailla et afféagea à la dite dame Hélo, outre les 30 pieds de profondeur et les 135 pieds de longueur, sis sur la Garenne, sur lesquels la dite dame a déjà construit une chapelle et autres édifices..., le surplus nécessaire pour parfaire un journal entier, à prendre depuis le coin de la muraille de la cour, en, descendant vers la fontaine qui est au bas de la Garenne, pour en jouir par elle et les siens à l’avenir comme de ses autres biens ; à la charge de tenir et relever le dit journal de terre de la seigneurie et fief du dit Saint-Guen, d’y faire les redevances lorsque le cas y eschoira , et en outre de payer de rente par chacun an, soit au prieur, soit à ses fermiers, la somme de cinq sols, payable à chaque jour et feste de Saint-Gilles (1er septembre) ». (Hosp. Incur.).
DONATION
Fonder une oeuvre n’est pas toujours difficile, mais la perpétuer est bien plus embarrassant. Mme veuve Hélo était préoccupée de cette pensée, comme le prouve la pièce suivante, trouvée dans ses papiers.
«
L’an 1700, le 19 novembre, je, soussignée, dame Marie de Bérolles, dame de
Kerborne, demeurant en ma maison du Verger, près la Garenne de cette ville de
Vannes, considérant qu’un hospital ne peut se soutenir sans la protection
d’un corps qui veille incessamment à sa conservation, et qui prenne le soin
de pourvoir à la subsistance des pauvres malades qui y sont renfermés, j’ay
cru ne pouvoir remettre le dit hospital en meilleures mains qu’en celles de
messieurs de la communauté, aux quels, sous le bon plaisir de Sa Majesté, je
fais don perpétuel et irrévocable des maisons, cour, jardin et pré, avec tous
et chacuns les meubles et ustanciles que j’ay mis dans le dit hospital, pour
le service des pauvres qui y sont et qui y seront dans la suite renfermés, les
priant de vouloir accepter la d. donation, et de me conserver et au sieur Hélo,
mon fils, la qualité et les privilèges de fondateurs, laissant au surplus à
la d. communauté le droit d’establir un ou plusieurs économes pour recevoir
et dispenser les charités qui seront faites aux pauvres du d. hospital, et
d’y establir telle personne que la d. communauté jugera à propos pour le
service des pauvres.
« En
cas que je me veuille retirer dans le mesme hospital, j’y auray, pendant mon
vivant seulement, un appartement à mon choix, pour moy et les domestiques qui
seront à mon service, où je vivrai à mes dépens, sans employer les aumosnes
et revenus qui seront destinés pour la subsistance des pauvres de l’hospital,
dans lequel je me réserve seulement pour moy et pour mon fils, deux places,
pour être remplies par deux pauvres, que moy et le d. sieur Hélo
successivement nommerons.
« Aux conditions cy-dessus et à celle de continuer le payement à l’avenir de cinq sols de rente censive, deue au prieuré de Saint-Guen, par chacun jour de Saint-Gilles, je déclare me départir de la propriété des dites maisons, cour, jardin et pré, et des bastimens nouvellement construits, et consens que la d. ville et communauté en prenne la réelle et actuelle possession, et en dispose pour l’usage et service des pauvres invalides et incurables de la ville et fauxbourgs, de la manière que la d. communauté jugera le plus convenable pour leur utilité ; suppliant la d. communauté de vouloir accepter le dit don et d’obtenir de Sa Majesté toutes les lettres de confirmation et de concession à ce nécessaires, et de Mgr l’illustrissime évêque de Vannes, son approbation pour l’établissement du dit hospital. Fait à ma maison du Verger, le d. jour et an que dessus ».
Cette pièce ne porte pas la signature de la donatrice : ce qui semble prouver que ce n’était qu’un projet. Dans tous les cas, la ville n’accepta pas la donation, soit parce que la charge lui parut trop lourde, soit parce que la donatrice changea d’avis.
N’ayant pas réussi de ce côté, Marie de Berrolles se tourna vers l’évêque, qui était alors Mgr François d'Argouges, prélat riche et généreux. Après s’être entendue avec lui, elle signa, le 10 août 1705, l’acte suivant, écrit tout entier de sa main.
« Je
qui soubs signe déclare me déporter de la possession et propriété des
maisons que je possède sur la Garenne de ceste ville, tant de la maison neuve
que j’ay fait bâtir joignant la chapelle, que des deux autres comprises dans
l’acquêt que j’ay fait de M. Marquet, avec la cour et le jardin enclos
comme il estoit lors de mon acquisition, jusques à l’allée de noyers
exclusivement avec le journal de terre, que j’ay afféagé du prieur de
Saint-Guen par acte du 18 avril 1704, — et les mettre entre les mains de
Monseigneur l’évesque de Vennes, tant pour le logement des Soeurs grises,
fondées en ceste ville de Vannes, que pour celuy des pauvres incurables, qui
ont des maux qui empêchent que l’on ne les reçoive dans les autres hôpitaux,
pour que mon dit seigneur en dispose comme il le voira à propos, pour
l’utilité des susdites choses.
« Je
me réserve, pendant ma vie, la petite chambre et le cabinet, avec le grenier
qui est au dessus, de la salle neuve, pour me servir de logement, en cas que je
veuille me retirer en ce lieu. Je remets de plus, au profit des pauvres
incurables, entre les mains de mon dit seigneur de Vennes, toutes les sommes qui
me sont dubs de Mlle Golvine de la Chaussonnière avec les intérêts, et ce par
exécutoire, avec les trente sous de rente par an qui me sont dubs sur la petite
maison, que la susdite Dlle Golvine a fait élever, avec les éréages depuis le
temps de mon acquisition.
« A cause de ce que dessus, j’ay présentement remis entre les mains de Mgr de Vennes les actes et contrats concernant les susdites choses ; néanmoins en cas que l’on voulut faire autre usage des susdits biens, mesme les changer en autres bonnes oeuvres, quelles qu’elles puissent être, les susdites choses me reviendront ou à mes héritiers, et demeurera le présent nul, et je rentreray dans la possession et jouissance des susdites choses, sans qu’il soit besoin de ministère de justice. A Vennes, ce 10 août 1705. Signé MARIE DE BERROLLES HELO ».
Le 28 juillet 1706, la fondatrice renouvela cette donation, par devant notaire, afin de lui donner plus d’authenticité. Elle y ajouta les conditions suivantes :
« La
dernière maison par elle nouvellement bâtie et par elle actuellement occupée,
luy demeurera, pour en jouir jusqu’à son décès, lequel arrivé, la dite
maison, ensemble tous les meubles meublans, qui y sont, demeureront compris au
présent don, pour les dits meubles servir avec la dite maison aux personnes de
condition, qui seroient attaquées de maladies incurables, lesquelles personnes
y seront reçues en payant pension ; sera fait inventaire après son décès de
tous les meubles qui seront trouvés dans la dite maison.
2 «
Et pour ce qui est des autres maisons et jardin, ils demeureront dès à présent
et à toujours pour le service et logement des pauvres incurables, ensemble des
Soeurs grises fondées en cette ville de Vennes, tels qu’elles les occupent
actuellement ; en considération de quoy et des services qu’elles veulent bien
rendre aux pauvres et qu’elles rendront en la suite, et tant et si longtemps
qu’elles les rendront, et non autrement, la d. dame Hélo veut et entend
qu’elles jouissent tant du dit jardin et que du pré voisin, parce qu’elles
ne pourront enclore l’allée qui fait la séparation du jardin et du pré, ni
celle qui conduit de la chapelle du Verger sur la Garenne contre le dit pré,
lequel passage la dite dame Hélo réserve pour elle, pour son fils et pour ses
successeurs en ligne directe seulement, sans aucuns héritiers collatéraux, ni
ceux à qui la dite maison du Verger pourroit appartenir, à cause de vente, échange
ou autrement, et sans qu’aucun domestique puisse avoir le même usage ni la même
liberté de se servir du passage de la dite allée... ».
Ainsi les
conditions sont nettement établies : la nu-propriété de l’établissement de
la Garenne est à l’évêque de Vannes, la jouissance aux Soeurs et aux
incurables.
SOEURS
GRISES
Dans l’origine, le service des malades était confié, comme on l’a vu, à deux servantes : c’était un véritable hôpital laïque, suivant l’expression moderne. Mais ce n’était là qu’un état provisoire. La fondatrice songeait à le confier à une communauté religieuse, et elle jeta les yeux sur les Filles de la Charité de Saint-Vincent de Paul, dites alors Soeurs grises. Elles étaient établies à Vannes depuis plusieurs années, et chargées spécialement de la visite des pauvres et des malades à domicile.
« En
l’année 1683, dit une note de registre, nous fûmes appelées par les dames
charitables de la ville de Vannes, avec l’agrément de Mgr (de Vautorte), de
MM. les grands vicaires, et du recteur de Sainte-Croix, pour servir les malades
de la dite ville et faubourg, y distribuer la marmite, les remèdes et les aumônes
confiées à nos soins. Notre première demeure fut chez Madame du Guémadenc ;
auprès de la porte de Saint-Patern (dans la ville close), où nos Soeurs demeurèrent
trois ans ».
Pour leur
permettre de vivre, Mme Anne de Goulaine, veuve de Sébastien de Rosmadec du
Plessis, donna une rente de 250 livres sur ses biens de Theix, à titre de
pension pour les deux premières soeurs. Le 23 octobre 1683, M. Claude-Vincent
de Francheville, seigneur de la Motte et président au présidial de Vannes,
donna sur ses biens une rente annuelle de 125 livres pour l’entretien d’une
troisième sœur ; l’année suivante, il donna une seconde rente de 125 livres
pour la pension d’une quatrième Fille de la Charité. Plus tard, Daniel de
Francheville, voulant affranchir ses terres de la rente de 250 livres donnée
par son père, versa le capital de 5,000 livres. Mme de Rosmadec accepta cette
somme, l’hypothéqua sur le Plessis, et se trouva seule chargée des quatre
pensions.
Le 22
janvier 1686, « Antoine Baugeart, maistre menuisier, demeurant prés la rue de
Poulho (dans la rue actuelle de la Salle d’asile), faubourg et paroisse de
Saint-Salomon de Vennes, persuadé du zèle que les Soeurs de Charité,
establies en cette
ville et fondées par Mme la marquise du Plessix et Mme de Francheville, ont
pour le soulagement des pauvres, et désirant les mettre en état de le procurer
plus commodément, a déclaré leur faire don irrévocable à jamais d’une
maison ; qu’il a fait nouvellement bastir prés la dite rue de Poulho, composée
de six chambres avec grenier et un petit jardin au derrière, la dite maison
ouvrant sur la rue et le jardin, joignant d’un bout, vers le nord, à un
apentif couvert de bois, appartenant aux héritiers de la Dlle Libergue, et de
l’autre bout à jardin appartenant à la Dlle Louédec.
« Et
d’autant que le dit Baugeart donateur a besoin pour sa subsistance de 75
livres par an, il fait la présente donation à condition que la d. somme luy
sera payée par chacun an par les d. Soeurs de la Charité, sa vie durante ; et
après son déceix la d. maison et jardin demeureront en propriété entière
aus d. Soeurs, qui seront tenues de dire en cette considération, tous les
jours, en communauté, un Pater et Ave et un Retribuere pour le d. donateur tant
qu’il vivra, et après son déceix un De profundis à perpétuité pour le
repos de son âme ».
« En l’endroit ont comparu en personnes Soeurs Jacqueline Ganeau, Jeanne Blanchet, Barbe-Angélique Corneuf et Jeanne d’Angerville, toutes Soeurs de la Charité, demeurant à présent proche la porte de Saint-Patern, au dedans de cette ville, paroisse de Sainte-Croix, les quelles ayant ouy la lecture de l’acte de donation cy-dessus, ont déclaré l’accepter, aux charges, points et conditions y rapportées,... et s’obligent les d. Soeurs de la charité de faire agréer et ratifier le présent acte de donation à Mr Jolly, supérieur général de la congrégation de la Mission et des Filles de la Charité, dans trois mois prochains. Signé ; Le Vaillant not. roy. — Allano, not. roy ». Cet acte fut ratifié le 5 juin 1686 par le Supérieur général.
Immédiatement les Soeurs grises prirent possession de la maison de Baugeart, et s’y établirent avec leurs œuvres charitables. Dès le 13 décembre de cette année, elles rendirent aveu au Chapitre de la cathédrale pour la maison et le jardin, et reconnurent l’obligation d’aller à son moulin et à son four, et de payer une rente féodale de six sols par an, sans compter une rente censive de six livres due chaque année aux anciens propriétaires des immeubles (Hosp. Incur. — Expéd.).
Les
Filles de Saint-Vincent de Paul demeurèrent 19 ans dans le quartier de Poulho. En
1705, on leur offrit de prendre la direction de l’hospice des Incurables de la
Garenne ou de Saint-Yves. Avec la permission de leurs supérieurs de Paris, et
l’agrément de leurs fondateurs de Vannes, et avec l’autorisation de Mr d’Argouges,
elles acceptèrent la charge, et entrèrent à l’hospice le 12 décembre 1705.
Les soeurs étaient alors Pierrette Guérin, supérieure, Marie Cuissin,
Catherine Plet, et Jeanne Courtois.
Pour
commencer, l’évêque prit à sa charge vingt pauvres incurables, et donna
pour leur entretien 90 livres par mois, ou 1080 livres par an.
Puis, trouvant que les quatre soeurs étaient surchargées de travail, à cause des malades de la ville, qu’elles continuaient à visiter, et à cause des incurables, qu’elles venaient d’accepter, il fit venir une cinquième soeur de Paris, et la dota d’une rente annuelle de 155 livres, à laquelle Marie de Berrolles ajouta une rente de 45 livres.
Un an après
l’entrée des Filles de la Charité, savoir le 23 décembre 1706, la chapelle
de Saint-Yves fut bénite par M. de Chalons, vicaire général, accompagné du
clergé de la paroisse de Saint-Patern ; le saint sacrifice de la messe y fut célébré
avec grande solennité, et le Saint-Sacrement fut mis dans le tabernacle, pour
la consolation des pauvres et des soeurs.
L’adoration
perpétuelle du Saint-Sacrement y fut accordée par l’évêque, à la prière
que lui en fit M. de Francheville. Les indulgences plénières, accordées par
le pape, furent fixées aux jours de l'Immaculée Conception de la Vierge, de
saint Pierre, patron de la cathédrale, de saint Yves, patron de l’hospice, et
de saint Vincent de Paul, fondateur de la congrégation.
Enfin,
pour couronner le tout, Mgr d’Argouges fit placer au-dessus de l’autel un
grand tableau de saint Yves, où l’on voit encore ses armes, et en perspective
une salle de l’hospice des Incurables.
LIBERALITES
La charité
privée, abandonnée à elle-même et affranchie des entraves administratives,
sait toujours trouver des ressources pour toutes les oeuvres utiles. Elle en
fournit une preuve touchante en soutenant l’hospice de Saint-Yves.
L’une des premières bienfaitrices fut Jacquine Morice, dame du Quilio, qui
donna par testament olographe à l’hospice de la Garenne une rente de 75
livres, au principal de 1,350 livres qui lui étaient dues par Mme la comtesse
de Carcado.
Dès
1706, Mgr d’Argouges, comme on l’a vu, voulut prendre à sa charge
l’entretien de vingt pauvres incurables et promettre une rente annuelle de
1,080 livres.
Le 9 février
1708, Isabelle Guillard transporta au même établissement un contrat de 25
livres de rente dues par Mme du Plessis de Kerdrého.
Le 1er juin 1708, Mr de Chalons, vicaire général, donna 600 livres à la supérieure des Soeurs de l’hospice, pour acheter de Mlle de la Chaussonnière une maison située au chevet de la chapelle et un jardinet y attenant. La modicité du prix prouve bien que la vendeuse voulait participer à la bonne oeuvre ; il lui était d’ailleurs difficile de conserver son immeuble, qui était complètement enclavé dans l’établissement.
Le 14 février
1709, Mme Perrine Huart, douairière de Francheville, donna une rente de 83
livres, 7 sols, 6 deniers, représentant un capital de 1500 livres, prêté au
clergé de Vannes, et l’affecta à la fondation d’un lit, ou en d’autres
termes à l’entretien d’un pauvre à l’hospice.
En cette
même année 1709, fut commencé l’établissement du Bureau des pauvres, grâce
à la charité de Mmes de Montigny, Le Meilleur, de Vacant et autres, qui donnèrent
un petit fonds à leur trésorière Mlle Le Serant.
Le 2 août
1710, fut baptisée la cloche de l’hôpital, par M. Guilloux, recteur de Saint-Patern, accompagné de son clergé et de M. Le Mineur, chapelain des
incurables. Le parrain fut M. Yves-Joseph de Montigny, et la marraine Marie,
dame de Pacé, qui donna la dite cloche.
Le 20
septembre 1711, M. de Francheville donna une rente de 75 livres, au capital de
1500 livres sur les Etats de Bretagne, pour la fondation d’un lit, ou
l’entretien d’un pauvre incurable à sa présentation.
M. de
Kermasson donna par son testament une rente de 30 livres, assignée sur une
maison située à Boismoreau, en Saint-Patern. De son côté, la veuve Le Quelée
donna une rente de 10 livres.
Mais le
principal bienfait reçu par l’établissement, en 1711, fut la reconnaissance
légale donnée par les lettres patentes du roi. Pour obtenir ces lettres, il
fallut, au préalable, avoir l’avis favorable de la communauté de la ville.
Voici le texte de sa délibération.
« Du
mercredi, 5 août 1711, la communauté de la ville de Vannes, assemblée en
corps politique, en l’hostel et maison commune de cette ville, sur les 4
heures de l’après midy, après les bats et sons de cloche à la manière
accoutumée, où présidait Mr Dondel, lieutenant de roy, et les soussignants,
Mr le procureur du roy présent.
« Le d.
sieur procureur du roy a remontré que Mgr l’évêque de Vannes a requis que
la communauté se soit assemblée ce jour au sujet de la demande qu’il a
cy-devant faite, et fait encore aujourd’huy, pour que la communauté donne son
consentement, pour obtenir des lettres patentes de Sa Majesté, pour
l’augmentation et l’établissement d’un hospital des pauvres malades de
maladies incurables, qui est desja baty et étably proche le lieu de la Garenne,
attendu que depuis la dernière délibération, le dit lieu et les pauvres qui
y sont est regy et les pauvres traités par des filles nommées les Soeurs
grises, qui en prennent tous les soins, aux conditions que le d. hospital sera régy
et gouverné par mon d. seigneur de Vannes et ses successeurs, et que les d.
Soeurs grises continueront à prendre tous les soins, suivant les charités que
chacun y fera et fondera volontairement, et entre autres, par ceux qui y
mettront des incurables, sans que la communauté ny les habitans soient tenus
d’y nommer des économes ou administrateurs, ny fournir aucune somme pour la
nourriture des Soeurs grises ou des pauvres, non plus que des médicaments : de
quoy Mgr de Vannes fait offre d’obtenir les lettres patentes, dans la veue
qu’il a de faire augmenter les charités, qui se feront plus fréquemment,
lorsqu’il sera étably. - Signé : Félot.
« Sur
quoy la communauté délibérant, après avoir examiné la délibération du 31
octobre 1709, a consenty que Mgr l’évesque de Vannes obtienne des lettres
patentes pour l’établissement d’un hospital des Incurables sur la Garenne
de Vannes, à condition que la communauté ne sera tenue à aucun amortissement,
indemnité de fief, ny autres suites qui pouroient arriver pour cause du dit établissement,
de quelque nature que ce soit, et qu’elle ne sera tenue ny obligée de faire
aucuns fonds, soit pour nourriture des Soeurs grises ou des pauvres qu’on y
mettra, mesme pour augmentation de bâtiment ou pour quelque autre nécessité
du dit hospital, et qu’on ne pourra établir aucuns habitans de la ville et
fauxbourgs de Vannes pour économes ou administrateurs du dit hospital, sauf au
seigneur évesque de Vannes et ses successeurs à le faire, comme bon leur
semblera, par les Soeurs grises qui y sont actuellement, et sans qu’on puisse
prétendre, aucunes contributions sur les habitans de la dite ville et
fauxbourgs de Vannes ; la communauté redoublera ses voeux pour Sa Majesté, sy
elle a la bonté d’accorder les dites lettres patentes aux conditions
cy-dessus. Signé Dondel.— Coadeler. — De Langle. — P. Dondel. — Dufossé.
— Nébout. — P. Sesbouez, chanoine. — De Cardelan de Keralbaut, vic. perp.
de Saint-Pierre de Vannes. — J. Blay, recteur de Saint-Salomon. — Guilloux,
recteur de Saint-Patern. — Rhodes, recteur de N.-D. du Mené. — P. Le Thieis.
— J. Goualezdre. — G. Mallet. — Jarno. — Bocou. — Rello. — L.
Thomas. — Le Verger. — Nicolazo. — Derémon. — Cresquel. — B. Le
Vaillant. — Gobé. — J. Nael. — J. Jarno. — Le Souche. — Bégaud. — Le
Goff, greffier ». (Hosp. Incur. — Copie.)
A cette délibération
l’évêque joignit une lettre de recommandation, et la grâce sollicitée fut
obtenue.
LETTRES PATENTES
« Louis
(X1V), par la grâce de Dieu, roy de France et de Navare, à tous présens et à
venir, salut.
«
L’application continuelle que notre amé et féal conseiller en nos conseils,
le sieur d’Argouges, évesque de Vennes, donne aux besoins de son diocèse, répond
si justement aux soins que nous avons toujours pris du soulagement de nos
pauvres sujets, et principalement de ceux qui se trouvent affligez de maladies
incurables, que nous avons écouté favorablement ce que le dit sieur évesque
nous a représenté que dans notre ville de Vennes plusieurs pauvres personnes
attaquées de ces sortes de maladies étoient abandonnées sans secours, et
expiroient le plus souvent faute de subsistance, parceque suivant la fondation
des hôpitaux de cette ville de Vennes les incurables en sont exclus ; que pour
y remédier il a cherché les moyens de leur procurer un azile et un lieu où on
pourroit leur fournir la subsistance et le soulagement à leurs maux, tant
spirituels que temporels ; qu’il a été basty à cet effet un hôpital sur la
Garenne de notre ville de Vennes, paroisse de Saint-Patern, et une chapelle où
le service divin est célébré ; que dame Marie Bérolles, dame de feu Jean
Hello, avocat en la cour, a fait don à cet hôpital de plusieurs acquisitions
par elle faites sur la dite Garenne, consistantes en maisons, cour, jardin, avec
la maison même qu’elle a fait bâtir et qui joint la chapelle, comme aussy du
total de la terre par elle afféagée du prieuré de Saint-Guen, avec trente
sols de rente à elle deus par la Dlle Golvine de la Chaussonnière sur un petit
appentif par elle élevé, joignant la dite chapelle, le tout pour employer au
service des pauvres, malades de maladies incurables, s’estant seulement réservé
la jouissance sa vie durant de la dernière maison qu’elle a fait bastir
nouvellement et qu’elle occupe actuellement, voulant qu’après son décèds
la dite maison, ensemble tous les meubles meublans qui y sont, demeurent et
appartiennent au dit hôpital en pleine propriété.
« De si
heureux commencements joints aux grands soulagemens, que plusieurs pauvres,
malades de maladies incurables, ont receus et reçoivent dans ce lieu par le
moyen des Soeurs grises, que le dit sieur évesque y a appelées pour les panser
et soigner, ont excité le zèle de plusieurs personnes charitables ; (suit l’énumération
des libéralités mentionnées ci-dessus, § IV). — Toutes ces libéralités
ont rendu ce lieu un azile asseuré pour tous les pauvres incurables : ce qui
fait un bien d’autant plus considérable qu’on ne voit plus ces pauvres
affligez comme autrefois languissans et expirans dans les rues. La communauté
de notre dite ville de Vennes a été si convaincue des biens et des avantages
que le public en reçoit, que par délibération du 5e aoust dernier, elle a
volontiers consenty à l’établissement du dit hospital, aux clauses et
conditions portées par leur délibération, en sorte que, pour la perfection de
cet ouvrage, il ne reste plus que nos lettres patentes de confirmation, que le
dit sieur évesque nous a très humblement fait supplier de luy accorder.
« Pour ces causes, après avoir veu en notre
Conseil l’approbation du dit sieur évesque, et le consentement de la
communauté de notre dite ville de Vennes, cy attachez sous le Contre-scel de nôtre
chancellerie, de notre grâce spéciale, pleine puissance, et autorité
royale, Nous avons loué, approuvé, confirmé et autorisé, et par ces présentes
signées de notre main, louons, approuvons, confirmons et autorisons l’établissement
du dit hôpital pour les malades de maladies incurables, au dit lieu de la
Garenne, paroisse de Saint-Patern, de notre dite ville de Vennes, pour y
recevoir les pauvres attaquez des dites maladies, y estre pansez, soignez,
entretenus et nourris par les soins des dites Soeurs grises, ausquelles nous en
avons confié l’administration et le gouvernernent, sous l’autorité du dit
sieur évesque de Vennes, sans qu’aucun des habitants de notre dite ville y
soit appellé, suivant et conformément à ce qui est porté par leur délibération.
«
Permettons au dit hospital d’acquérir des terres de proche en proche, pour la
commodité et nécessité d’iceluy, en payant à l’amiable la juste valeur
des terres, et de recevoir les biens, dons et legs, qui luy pourront estre faits
par donation entre vifs ou à cause de mort, et de quelque autre manière que ce
puisse estre ; sans néantmoins qu’il puisse prétendre autre amortissement
que de l’église, maison, jardin et préclosture du dit hôpital, que nous
avons amorty et amortissons par ces présentes, comme choses à Dieu dédiées
et consacrées ; sans que pour raison de tout ce que dessus nous puissions prétendre,
ny nos successeurs roys, aucune finance ou indemnité, dont à quelque prix et
somme qu’elle se puisse monter nous avons accordé et fait don et remise au
dit hôpital par ces présentes, à la charge, si fait n’a été,
d’indemniser les seigneurs particuliers des biens mouvans et relevans d’eux,
et de payer les droits qui leur sont deus, s’ils le requièrent ; moyennant
quoy le dit hospital ne pourra être contraint d’en vuider ses mains, non
obstant toutes constitutions à ce contraires, ausquelles nous avons dérogé et
dérogeons en faveur du dit hôpital ; à la charge aussy de célébrer tous les
ans, le jour de Saint-Louis, une grande messe, et de dire tous les jours le
verset Domine salvum fac reyem, et autres prières ordinaires et accoutumées
pour notre prospérité et santé...
« Si
donnons en mandement à nos amez et féaux les gens tenans notre cour de
parlement et chambre de nos comptes en Bretagne, et à tous autres nos officiers
et justiciers qu’il appartiendra, que ces présentes ils fassent lire, publier
et registrer, et du contenu en icelles jouir et user le dit hôpital pleinement,
paisiblement et perpétuellement, cessant. et faisant cesser tous troubles et
empeschemens, non obstant tous édits, déclarations, ordonnances et lettres à
ce contraires ausquels nous avons dérogé et dérogeons par ces présentes, car
tel est notre bon plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à
toujours, nous avons fait mettre notre scel à ces présentes, sauf en autre
chose notre droit et l’autruy en toutes. Donné à Versailles, au mois de décembre,
l’an de grâce 1711, et de notre règne le 69ème. Signé : Louis. Par le Roy
: Colbert ». (Hosp. Inc. — Orig. parch. — Sceau de majesté. Cire verte.)
Ces
lettres furent enregistrées au Parlement le 14 novembre 1713 et à la Chambre
des comptes le 12 décembre suivant.
AMELIORATIONS
On se
souvient que la communauté de la ville avait accordé à l’hôpital, en 1698,
un terrain qui ne lui appartenait pas.
A leur
tour, les Soeurs grises paraissent avoir empiété sûr le domaine de la ville
en 1715. Voici du moins ce qu’on lit dans le registre des délibérations de
la communauté :
« Le 15
février 1715, M. Lucas, procureur du roy et sindic de Vinne, a remontré
qu’ayant été averti par plusieurs particuliers que les Soeurs grises de
l’hôpital Saint-Yves des incurables, situé près de la place de la Garenne,
ne se sont pas
contentées d'un terrain qu’on avait bien voulu leur accorder pour bâtir leur
église et salle ; qu’elles se sont ingéréés par woye de fait, non
seulement de tirer des pierres, de faire des perrières en différents endroits
de la place, mais outre cela, elles ont pris des alignements pour bâtir et
enfermer une grande
partie de la place de la Garenne, dans les endroits les plus utiles au public ;
qu’elles ont même enfermé dans leur alignement le grand chemin qui sert au
public pour traverser la dite place et se rendre au grand chemin conduisant à
Rennes et à Nantes : tout quoy est une usurpation qu’elles prétendent faire
du patrimoine de la ville, à qui la dite place de la Garenne appartient, et qui
est le seul endroit de récréation que les habitans avent outre l'utilité
qu'ils en tirent par le grand chemin qui est placé dans les allées d'ormeaux,
que la ville a plantés pour l'ornement de cette place, lequel grand chemin
elles ont enfermé dans leur alignement, et prétendent même y bâtir des murs.
Il requiert que la communauté ait à délibérer ».
Quel était
au juste le tracé de ces alignements?
— Impossible de le savoir aujourd’hui.
— Le Conseil décida de faire opposition aux entreprises des Soeurs, et
celles-ci, ayant reconnu leur erreur, se désistèrent.
En cette
même année 1715, les dames du Bureau de Charité offrirent aux religieuses de
la Garenne de leur confier le dit bureau et de leur abandonner le produit du
travail des pauvres. Elles demandèrent, à cet effet, l'établissement d'une 6ème
sœur, et s'engagèrent à lui donner une rente de 95 livres par an pour sa
pension. La proposition fut acceptée et la nouvelle sœur arriva le 1er
septembre 1715.
Le 15
janvier suivant, Mgr d'Argouges fit son testament, et voici ce qu'il fit pour la
Garenne : « Nous donnons et léguons à l'hôpital des Incurables de Vannes,
sur la Garenne, la somme de vingt mille livres, pour être mise en fonds, et en
tirer la rente la plus avantageuse qui se pourra, et du revenu de la dite rente,
être entretenus, logés, nourris et soignés dans le dit hôpital, vingt
pauvres incurables tous les ans, savoir dix hommes et dix femmes, à raison de
quatre sols par jour pour chaque personne ; lesquels pauvres, à mesure qu’il
y aura quelque place à remplir parmi eux, seront choisis et nommés par Mgrs
les évêques de Vannes, nos successeurs, qui ne pourront nommer ni choisir
d’autres personnes que celles qui seront véritablement atteintes de maladies
purement incurables, et non d’autres. — Plus, nous entendons que tous les
titres, papiers contrats et autres pièces, que nous aurions en dépôt entre
nos mains, concernant et appartenant au dit hôpital, et qui se trouveroient
chez nous après notre décès, soient remis au dit hôpital et déposés entre
les mains des Soeurs de la Charite, qui en ont le soin et l’administration,
jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu d’autre manière convenable : à quoy
nous ne doutons point que le seigneur évêque qui nous succédera et que le
gouvernement du dit hôpital regarde plus particulièrement, n’apporte ses
soins et ses ordres charitables ». (Présidial B. 626). Mgr d'Argouges mourut
le 16 mars 1716.
Le capital de 20,000 livres fut placé, partie sur des particuliers, partie sur l’hôtel de ville de Paris.
De son côté,
Marie de Berrolles, veuve Hélo, fit aussi son testament, sous la date du 6
juin 1716. Elle demeurait alors dans la maison des Incurables de la Garenne.
« Si je
meurs à Vennes, dit-elle, je souhaite que l’on appelle, à mon enterrement,
les pauvres de l’hôpital général et ceux de celuy des incurables, et l’on
donnera à chacun de ces pauvres dix soubs, et l’on distribuera aux autres
pauvres qui s’y trouveront trente livres.
« L’on
fera dire aussi, pour le repos de mon âme, 200 messes, lesquelles seront célébrées
par nos chapelains, savoir, par celuy de ma chapelle de Saint-Herbaut 50, par
celuy de Kerborne 50 autres, par celui de Mater purissima (ou du Verger) 50
aussi, et par M. Le Mineur (des Incurables) 50 autres.
«
Voulant exécuter ce que j’ay promis à nos Soeurs de la Charité, qui
soignent les pauvres de l’hôpital des incurables sur la Garenne, et perpétuer
le culte que l’on rend à la T. S. Vierge dans la petite chapelle du Verger,
érigée soubs le titre de Mater purissima, je déclare fonder cent livres de
rente annuelle entre les mains des susdites Soeurs, qui seront obligées d’y
faire dire la sainte messe, les fêtes et dimanches, par le chapelain de leur hôpital,
qui sera de leur choix, sous l’agrément de M. le recteur de Saint-Patern. (Les
pauvres allaient-ils à la messe, en ces jours, à la chapelle du Verger?)
« Lequel
prestre sera aussi obligé de chanter les vespres, toutes les fêtes et
dimanches de l’année, dans la chapelle des pauvres incurables sur la Garenne,
de les confesser, catéchiser et de donner journellement l’audition de ses
messes aux pauvres.
« Les
susdites Soeurs de Charité seront obligées d’entre tenir la chapelle de
Mater purissima de réparations, et auront soin, après que les ornements, qui y
sont, seront usés, en cas que les possesseurs du Verger n’en fournissent
point, de fournir des leurs.
« Elles
y conserveront, à perpétuité, l’image en bosse de la sainte Vierge, qui est
au milieu de l’autel, pour laquelle honorer, elles continueront d’envoyer
leurs pauvres, tous les samedis de l’année, faire le petit salut.
« Comme
aussi, j’ordonne que si, par la faute et négligence des susdites Soeurs,
l’on ne dit point la messe dans la susdite petite chapelle, ou qu’elle vint
à être abolie sous quelque prétexte que ce put estre, de la part des dites
Soeurs, le fonds des cent livres de rente reviendrait à mes héritiers... ».
Les Soeurs acceptèrent cette fondation, le 15 juin 1716.
FONDATIONS
Toutes
ces libéralités furent bientôt suivies de plusieurs autres.
Le 5 avril 1719, M. de Trévegat, seigneur de Locmaria et de Limoges, donna, pour la marmite des pauvres, une rente annuelle de 132 livres, provenant d’un capital de 3,300 livres, placé sur l’hôtel de ville de Paris.
Le 12 avril de cette même année, la soeur Perrine Guérin, supérieure de la maison, fit commencer le bâtiment du dortoir, le long du chemin du Verger. En même temps, elle fit creuser un puits à la porte de la cuisine, et elle trouva de l’eau à 30 pieds de profondeur.
Le 30 septembre suivant, Mme Le Meilleur donna une maison et un jardin situés à Calmont-Haut, avec un capital, le tout évalué à 3,000 livres, pour fonder deux lits de femmes, à sa présentation, à celle de sa fille, Mme du Nédo, et de ses successeurs.
En 1720, la diffusion extraordinaire des billets de la banque de Law, le remboursement de la plupart des capitaux de l’hôpital, et la réduction forcée de la rente mirent la maison à deux doigts de sa perte. La pauvre supérieure dut faire des prodiges de charité pour garder et nourrir ses pauvres.
Mgr Fagon, en arrivant à Vannes, lui vint en aide, et lui donna immédiatement quelques tonneaux de grains. Puis, considérant que la rente, donnée par Mgr d'Argouges était insuffisante, pour l’entretien de vingt pauvres, il y ajouta, tant qu’il vécut, le produit des dispenses de mariages et d’ondoiements, qui montait à cinq ou six cents livres par an.
La soeur Guérin, première supérieure de l’hôpital, mourut le 26 avril 1734, à l’âge de 67 ans, après avoir passé 45 ans au service des pauvres. Elle fut remplacée par la soeur Marguerite-Marthe Duchon, qui demeurait à Vannes depuis de longues années.
En. 1735, Mgr Fagon fit rebâtir à ses frais la salle des hommes, à l’ouest de la chapelle, et y mit douze lits neufs garnis, sans compter une table et un poêle ; il fit faire également la sacristie du même côté, et y mit des armoires et une commode pour les ornements.
Le 28
avril 1740, M. et Mme de Montigny donnèrent une rente de 300 livres sur leur
terre de Beauregard, en Saint-Ave, pour fonder quatre lits, dont deux pour les
hommes et deux pour les femmes ; en se réservant à eux et à leurs successeurs
la présentation des pauvres.
Le 16 janvier 1741, Mme la comtesse de Trézenav donna 3,000 livres, pour avoir une rente de 150 livres, destinée à l'entretien d'un homme et d'une femme incurables, et en laissa la nomination aux archidiacres de Vannes.
Le 13 août
1743, M. Armand, lazariste et vicaire de Notre-Dame du Mené, donna 1,500 livres
pour fonder un lit d’incurable, à la nomination du supérieur du séminaire.
Cet argent et la somme de 1,500 livres provenant de la vente de la maison et
jardin de Çalmont-Haut, furent employés à l’achat d'un pré voisin de la
Tannerie.
Le 30
juin 1747, la veuve Yvonne Jigous, de la paroisse d'Ambon, donna 1,500 livres
pour avoir une rente de 75 livres, destinée à l’entretien d’une femme
atteinte d’écrouelles, laissant après sa mort la nomination à la supérieure
de l’hôpital.
En mars
1748, Mgr de Bertin, évêque de Vannes, fit commencer la reconstruction de la
salle des femmes, à l’est de la chapelle, et y fit faire un premier étage ;
en sorte qu’on y put loger 40 malades, tandis que la salle des hommes,
construite en 1735, n’avait qu’un rez-de-chaussée, avec greniers, et ne
pouvait contenir que 20 lits : cette bâtisse lui coûta 14,000 livres.
Pendant
qu’on y travaillait, la commmunauté de ville, par délibération du 29
juillet, approuvée le 5 août par l’intendant, accorda aux Soeurs : « 1° un
terrain de quinze pieds de long à commencer depuis la salle que Mgr Fagon a
fait construire pour les hommes et allant vers la croix de la place de la
Garenne, et dans toute la largeur de ladite salle pour faire une arrière
chambre ; 2° un terrain de quarante pieds, qui règne entre leur mur de clôture
et les arbres du chemin, à prendre depuis la salle que l’on fait actuellement
construire, pour les femmes jusqu’à la grande porte de leur jardin, pour leur
servir de cimetière, en laissant deux pieds de distance des arbres ; 3° la
permission d’enfermer dans leur enclos la moitié de la fontaine située au
bas de la Garenne, comme leur étant d’un grand secours pour le service de
leurs malades ».
Le 25 septembre 1749, M. Bonnard, recteur, de. Saint-Patern, donna un capital de 1,600 livres, pour avoir une rente de 80 livres, affectée à l’entretien d’une femme âgée, et réserva sa nomination aux recteurs successifs de Saint-Patern.
Le 5 mai 1753, M. et Mme Giquel du Nédo donnèrent une somme de 4,000 livres, pour avoir une rente de 200 livres, destinée à l’entretien de deux femmes incurables, dont ils réservèrent la désignation à eux et à leurs héritiers.
Le 4
octobre 1756, mourut la soeur Marthe Duchon, seconde supérieure de l’hôpital
Saint-Yves ; elle était âgée de 78 ans, et en avait passé 52 au service des
pauvres. Elle fut remplacée par la soeur Marie-Reine Mauron.
Le 25 décembre
1756, la maison reçut de la succession de Mme de Limoges la somme de 5,956
livres 9 sous de principal, dont 4,000 livres furent placées sur les Etats de
Bretagne, au profit des pauvres de la marmite, et le reste réservé pour des
constructions.
Le 2 février
1757, les Soeurs reçurent 300 livres, et plus tard 220 livres de Mme la
comtesse de Moncam, pour l’érection de l’autel et du tableau de l’ange
gardien dans la chapelle, du côté de l'épître, en souvenir de l’attentat
commis contre Louis XV.
Le 3 juin
1757, la communauté de ville, qui avait cédé neuf ans auparavant une parcelle
de terrain à l’ouest de la salle des hommes, donna une autre parcelle au midi
de la précédente, ayant 20 pieds de large sur 54 de long. Les religieuses en
profitèrent pour bâtir, en 1758, une chambre à la suite de la salle des
hommes, pour établir des cabinets en face et pour placer entre les deux le
portail actuel. Le tout coûta 2,567 livres, et fut payé par le reste du legs
de Limoges et par l’évêque.
AVEU A SAINT-GUEN
Le dépôt
des archives hospitalières du Morbihan ne contient aucun aveu rendu par les
Soeurs de la Charité au prieur de Saint-Guen, depuis leur établissement
jusqu’en 1758. Voici le seul qu’on y ait trouvé :
« Devant
les notaires royaux de la sénéchaussée de Vannes, fut présente Sr Marie-Reine Mauron, supérieure des Filles de la Charité de la maison et hôpital
Saint-Yves des pauvres Incurables, établis sur la Garenne, paroisse de Saint-Patern, laquelle avoue, déclare, reconnaît et confesse que les pauvres
du dit hôpital sont hommes, sujets et vassaux de Dom Pierre Baudouin Strohan,
religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, titulaire du prieuré
de Saint-Guen de cette ville, dépendant de l’abbaye de Saint-Gildas-de-Rhuis
de ce diocèse, et tenir et relever prochement et ligement du dit prieuré,
scavoir :
«
L’enclos du dit hôpital, cerné de murs, ainsy qu’il se contient, et où
sont situés l’église ou chapelle, les salles et autres bâtiments des
pauvres et des soeurs, la cour, le jardin, le verger, avec un petit terrain au
dehors, l’un au bout de la salle des hommes et près de la porte d’entrée,
l’autre à l’opposite où est une fontaine, les deux joignant le dit enclos
: le tout contenant un journal, trois quarts, sept cordes et un quart de corde,
donnant du côté du levant à terres de la maison du Verger, appartenant à M.
Hélo, du nord au chemin qui conduit à la Tannerie, et du midy au grand chemin
nommé la rue l’Abbé.
« A
cause des quels enclos et terrain, la dite soeur Mauron, supérieure, au dit
nom, déclare et reconnoit que les pauvres de cet hôpital sont sujets à obéissance,
cour et moulin du d. prieuré de Saint-Guen....
Fait et
passé au d. Vannes... ce jour 11 avril 1758, avant midy. Signé : Sr
Marie-Reine Mauron, sup. des Filles de la Charité. Buisson, not. roy. —
Jarno, not, royal. » (Orig. en papier).
Cet aveu,
rédigé probablement à la hâte et sans renseignements suffisants, ne faisait
aucune mention des rentes féodales pour les terres afféagées, ni de
l’indemnité de fief. Il fallut donc faire, le 30 avril 1759, un acte supplémentaire,
par lequel il fut convenu :
1° «
Que l’omission faite, dans l’aveu du 11 avril 1758, de la rente féodale de
cinq sols, due au prieuré de Saint-Guen, demeurait pour relevée, en conséquence
de la reconnaissance faite ici de cette rente pur la dite Sr Marie-Reine Mauron.
(On se souvient peut-être qu’il y avait une rente de cinq sols pour le vieux
chemin bouché à l’est du jardin, et une, autre rente de 5 sols pour le
terrain situé au nord du jardin : pourquoi n’est-il ici mention que d’une
seule rente?)
2 « Que
pour tenir lieu du droit d’indemnité dû au même prieuré des biens possédés
jusqu’à présent par cet hôpital, sous le fief du prieuré de Saint-Guen, le
dit hôpital payera au seigneur prieur de Saint-Guen et à ses
successeurs, une rente annuelle, perpétuelle et non franchissable, de douze
livres, à laquelle les parties ont fixé ce droit par abonnement, pour terminer
toutes les contestations mues et à mouvoir.
« An
surplus, Dom Dusers a déclaré, en tant que besoin seroit, ne point opposer
l’abbatis de pieds d’arbres, qui peuvent gesner l’entrée de la maison de
l’hôpital, ny le changement de place de la croix de pierre, qui est aux
environs, sauf à la soeur Mauron à s’assurer de n’être inquiétée par
aucun autre à ce sujet.
« Fait
et passé à Vannes, au palais épiscopal, ce jour, 30 août 1759, après midy. Signé : + Charles-Jean, évêque de Vannes. Soeur Marie-Reine Mauron, fille
de la Charité. Fr. Pierre Dusers, procureur du prieur de Saint-Guen. Buisson,
not. roy. — Launay, not. roy. apostol.
» (Hosp. Incur. Exp. papier).
Tous ces points réglés, les fondations continuèrent leur cours bienfaisant. Le 11 octobre 1715, Mme la comtesse de Moncam, née de Coetloury, donna un capital de 8,000 livres, pour avoir une rente de 400 livres, destinée à l’entretien de quatre incurables, à sa nomination et à celle de ses successeurs. Trois mois après, elle donna une somme de 1,700 livres et divers objets, pour fonder des messes à l'autel de l'Ange-Gardien. Elle y ajouta ensuite 3,000 livres, pour avoir une rente de 150 livres, destinée à la dotation d'une septième fille de la Charité.
De leur côté, M. le président de Châteaugiron et sa femme donnèrent,
le 8 janvier 1760, une somme de 2,000 livres, pour avoir une rente de 100
livres, destinée à l'entretien d'un incurable atteint d'écrouelles, à leur
présentation.
Le 16
mars 1761, M. Mathurin Pitot, recteur de Saint-Jean-Brévelay, donna une
pareille somme de 2,000 livres, pour fonder un lit d'incurable, dont il laissa
la présentation au recteur de Saint-Patern.
Le 24
juin 1763, Mme la comtesse de Carné, en exécutant le testament de Mme de Clégnenec,
reconnut devoir à l’hôpital une rente de 300 livres pour la fondation de
trois lits.
Le 22 février
1768, M. Jérôme-Louis Charpentier, sieur de Quéronic, donna 4,500 livres pour
fonder deux lits à sa présentation.
De son côté,
le 23 avril 1768, Mlle Louise de Langle versa 2,300 livres, pour fonder un lit
à sa nomination.
De même,
le 28 juillet 1769, Mlle Rose du Vergier du Pou donna 4,000 livres, pour la
fondation de deux lits.
Le 26
mars 1776, Mlle Louise de Langle versa 2,500 livres, pour fonder un second lit
à sa présentation ; elle y ajouta, le 2 juin 1777, la somme de 4,000 livres,
pour doter une huitième fille de la Charité.
Le 21
septembre 1778, Mme de Lespinay donna 2,000 livres, pour employer la rente au
profit de la marmite des pauvres.
Le 12
avril 1780, Mlle Yvonne-Geneviève Dondel versa 2,500 livres, pour fonder un lit
à sa présentation.
Le 18
avril 1781, M. Houet de Chesnevert donna 4,000 livres, pour fonder deux lits, et
le même jour, M. Pierre Loréal versa pareille somme, pour fonder également
deux lits.
Le 30 mai
1788, la maison reçut 4,000 livres, léguées par M. Le Ray de Lorgerie, pour
la fondation de deux lits.
Enfin, le 17 décembre 1789, M. Houet de Chesnevert donna une nouvelle somme de 4,000 livres, pour fonder deux lits, au profit de pauvres de Belle-Ile. (Hosp. Incur. H. Registre)
REVOLUTION
Au
commencement de la Révolution, la communauté comprenait huit Filles de la
Charité, savoir :
1°
Marguerite Baurau, née à Rochefort-en-Mer, le 10 juin 1728, entrée en
communauté le 1er août 1750.
2°
Claudine Maugis, née à Lyon, le 15 décembre 1739, entrée en communauté le 6
juillet 1760.
3° Anne
Raux, née à Gourdon, en Quercy, le 17 janvier 1739, entrée le 13 novembre
1762.
4° Marie-Anne Rivoiron, née A Lyon, le 22 octobre 1745, entrée en communauté le
24 mai 1767.
5° Marie-Madeleine Blériot, née à Verguier, en Picardie, le 13 mars 1751 , entrée
le 4 mai 1772.
6° Anne
Delmas, née A Lauzers, eu Quercy, le 24 octobre 1749, entrée en communauté le
28 juin 1776.
7° Marie
Girardon, née à Chaumont.
8° Jeanne
Pons, née à Cahors.
Quant au
temporel, la soeur supérieure en fournit, le 6 mars 1790, une déclaration,
dont voici le résumé.
I.
Immeubles.
La maison
l’hôpital, l’église, deux cours, un jardin et un pré, dont on jouit
directement.
Une
maison et un petit jardin à Poulho, affermés : 72 livres.
Une
portion de maison et un jardin à Boismoreau : 56 livres.
II.
Rentes.
Sur la
terre du Plessis, en Theix, pour 4 soeurs : 500 livres.
Sur Mme
de Carné, pour trois lits : 300 livres.
Sur le
clergé de France, pour 50,700 livres : 2,033 livres.
Sur les
Etats de Bretagne : 1,728 livres 16 sols.
Sur les
Aides, gabelles et tailles : 133 livres.
Sur les
Lazaristes, pour 12,824 livres : 577 livres 1 sol 7 deniers.
Sur le
Chapitre de Vannes, pour 5,000 livres : 200 livres.
Sur les
Ursulines de Vannes, pour 12,800 livres : 512 livres.
Total
des revenus : 6,111 livres 17 sols 7 deniers.
III. Charges.
Rentes
foncières à Saint-Guen : 12 livres 5 sols.
Rentes
diverses et menues charges : 70 livres 3 sols 7 deniers.
Rente
constituée aux Dlles de la Retraite : 582 livres 16 sols.
Rentes
viagères à deux personnes : 166 livres.
Supplément
d’entretien aux huit sœurs : 288 livres.
Traitement
du chapelain, par an : 250 livres.
Fournitures
pour le culte divin : 200 livres.
Réparations
de la maison et culture du jardin : 460 livres.
Gages de
deux domestiques : 72 livres.
Total des
charges : 2,104 livres 4 sols 7 deniers.
IV.
Mobilier.
A l'église
: 2 autels, 2 ciboires, 2 lampes, etc.
A la
sacristie : 2 calices, 1 ostensoir, 1 encensoir, une petite croix, une boite aux
saintes huiles, 4 burettes, 23 chasubles, 4 dalmatiques, 5 chapes, etc.
A la
salle des hommes : 26 lits, avec armoires et coffres...
A la
salle des femmes : 34 lits, avec armoires et chaises...
Au
dortoir des Soeurs : 12 lits, 6 armoires, chaises...
A la
lingerie : 440 paires de draps, 1,500 chemises, 500 serviettes...
A la
cuisine : 8 marmites, 8 casseroles, 60 écuelles d’étain.
Au réfectoire
: table, 13 couverts, 4 cuillères d’argent...
A la
pharmacie : alambics, balances, pots, drogues...
A la
boulangerie : 90 sacs et ustensiles nécessaires.
A l’étable
: neuf vaches.
Signé :
S. Marg. Baurau.
Les Filles de la Charité de la Garenne ne furent pas tracassées au commencement de la Révolution, mais l’arrivée de l’évêque constitutionnel, Charles Le Masle (21 mai 1791), les mit dans une position difficile. Leur aumônier, M. Fruneau, déclara, le 26 mai, devant le directoire du département, qu’il ne reconnaîtrait jamais l’intrus pour évêque légitime. Ce triste usurpateur s’étant présenté, à la Garenne, le jeudi, 2 juin, ne fut pas reçu par les Soeurs avec les honneurs qu’il attendait.
Immédiatement
« le Directoire du département, prenant en considération les excès
scandaleux (!) auxquels se sont portées, envers M. l'Evêque, des filles dévouées
par leur état à la piété et à l’édification publique, arrête que les
Soeurs qui dirigent l’hôpital des Incurables, convaincues d’avoir insulté
M. l'Evêque, lorsqu'il les honora de sa visite, jeudi dernier, seront remplacées
le plus tôt possible. — Vannes, le 4juin 1791 ».
Les
Filles de la Charité, ainsi renvoyées de l’hôpital Saint-Yves, durent
retourner à leur maison-mère, car on ne trouve ici aucune trace d’elles
pendant la période de 1793.
Elles furent remplacées à la Garenne par les citoyennes Guérin et Aubry, qui se chargèrent uniquement de l’hospice et laissèrent de côté la visite des malades de la ville.
Les biens immeubles de l’hospice, c’est-à-dire la chapelle, les maisons, le jardin et la prairie, y compris les maisons de Poulho et de Boismoreau, ne furent point aliénés : ils restèrent affectés au service des incurables et furent administrés par la Commission des Hospices.
Quant aux
rentes constituées sur le clergé de France, sur les Etats de Bretagne, sur le
chapitre de Vannes, sur les Ursulines, etc., elles disparurent par la
suppression de ces corps et par l’insolvabilité des particuliers.
Par suite
les bâtiments restèrent sans réparations, le linge ne fut pas suffisamment
renouvelé, et le nombre des malades fut nécessairement réduit. Bientôt même
il fallut emprunter, comme le prouve cette note d'un état des hospices de
Vannes : « Il est dû a’u citoyen Billy, ex-économe de l’hospice des
Incurables, en assignats 75,900 francs, et en numéraire 700 francs ».
RETOUR
Des jours
meilleurs se préparaient pour l’hôpital de la Garenne, par suite du
Concordat et de la restauration du culte. Le 18 messidor, an XI (7 juillet
1803), la Commission des Hospices de Vannes prit l’arrêté suivant :
«
Article Ier. L’hospice, de la Garenne sera mis à la disposition, et aux soins
des Sœurs de la Charité.
Article
2. Les dames Aubry et Aigu, chargées actuellement de la gestion de cet hospice,
cesseront leurs fonctions aussitôt, qu’elles auront rendu compte des, objets
mis à leur disposition.
Article
3. Le présent sera adressé au Préfet pour avoir son approbation ».
Cette approbation fut donnée le jour même.
Quatre
Filles de la Charité vinrent aussitôt reprendre le service des incurables.
Comme leur dotation primitive n’existait plus, la Commission des Hospices leur
alloua une somme de 200 francs par an à chacune pour leur entretien.
Le 6 février
1806, deux nouvelles soeurs de la Charité, se trouvant disponibles par suite de
la suppression de l’hôpital du Port-Louis, furent admises à l’hospice de
la Garenne à Vannes, sur la proposition de Mgr de Pancemont, qui donna, à
cette occasion, une somme de 1,600 francs.
Un aumônier
fut aussi donné à l’établissement : la Commission ne pouvant disposer que
d’un traitement de 200 francs, on prit habituellement pour remplir cet emploi
un professeur du grand séminaire.
Il y eut,
comme avant la Révolution, 60 lits d’incurables, savoir : 20 pour les hommes
et 40 pour les femmes ; la salle des hommes à l’ouest de la chapelle, celle
des femmes à l’est.
En 1842
le Bureau de bienfaisance fut transféré à la Garenne, et deux nouvelles
Filles de la Charité furent appelées pour distribuer des secours, soit à
l’hospice, suit à domicile, l’une pour le quartier de Saint-Patern,
l’autre pour le quartier de Saint-Pierre.
Cependant
l’administration des hospices, en vue de faire des économies, songeait à
supprimer l’établissement de la Garenne et à transférer les incurables,
soit à l’hôpital civil et militaire, soit à l’hôpital général.
Enfin, le
31 mars 1866, la Commission prit l’arrêté suivant :
« Article 1er. L’hospice des Incurables sera supprimé et réuni à l’hospice
civil et militaire au moyen de son installation dans les bâtiments et dépendances
occupés par les Soeurs de la Miséricorde de Jésus.
« Article 2. L’établissement actuel des Incurables et la prairie qui en dépend
seront vendus dans le plus bref délai, pour une partie de leur prix être
employée aux frais d’appropriation et d’aménagement du nouvel établissement,
et, s’il y a lieu, au remboursement de ce qui pourra être dû à la communauté
des Filles de la Miséricorde de Jésus ».
Cette décision fut approuvée par le préfet, le 11 septembre 1866. Les travaux d’aménagement à l’hôpital civil prirent un certain temps, et c’est le 27 juillet 1868 que les incurables quittèrent la Garenne pour occuper une partie du Petit-Couvent.
Aussitôt
après leur départ, l’établissement reprit une destination religieuse. Il
venait d’être acheté au prix de 44,000 francs par la soeur Félicité
Lequette, supérieure générale des Filles de la Charité, et l'oeuvre de la
Providence y fut transférée.
Cette
oeuvre, commencée en 1830 par Mlle le Bernard, Mlle Maillard et Mlle A.
Hervieu, avait pour but de retirer des mains de parents pauvres ou vicieux les
jeunes filles dont la moralité se trouvait compromise. Elle fut installée en
1834 au No 7 de la rue du Nord, dans une maison acquise par M. Hervieu.
En 1851, Mlle Ambroisine Hervieu, voyant l'oeuvre prendre des développements, la confia aux Soeurs de la Charité de Saint-Vincent de Paul. Celles-ci construisirent une chapelle, et obtinrent en 1858 la reconnaissance légale de leur maison. En 1868, elles quittèrent la rue du Nord pour s’établir dans l’ancien hôpital Saint-Yves, où il y avait plus d’espace et plus d’air. Elles y ont bâti, en 1874, une vaste maison, et démoli l’ancienne qui la masquait.
A leur oeuvre de la Providence elles ont ajouté des écoles libres pour les externes, un ouvroir pour les jeunes filles et une maison de patronage.
J.M. Le Mené
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