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LE PETIT-COUVENT DE VANNES |
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Le Petit-Couvent de Vannes a été fondé pour servir de refuge aux filles tombées, désireuses de se convertir et de vivre loin du danger. Le vénérable Père Jean Eudes, missionnaire normand, avait eu le premier l’idée de recueillir ces pauvres créatures dans un asile protecteur, et de les mettre sous la conduite de personnes pieuses. Celles-ci formèrent bientôt à Caen une communauté religieuse, qui fut approuvée par le Saint-Siège en 1666, sous le nom de Religieuses de Notre-Dame de Charité. La maison de Caen fonda celle de Rennes en 1673, celle d'Hennebont en 1676, et celle de Vannes en 1683. C’est l’histoire de cette dernière fondation qu’il s’agit de faire ici. |
AUTORISATIONS
Dieu se
servit du scandale que donnait à Vannes une fameuse pécheresse, pour donner à
M. Eudo de Kerlivio, grand vicaire de l’évêque, le désir d’avoir un
monastère de Notre-Dame de la Charité. Il en demanda l’autorisation à Mgr
de Vautorte ; mais le prélat n’y voulut consentir en aucune manière.
Sur ces
entrefaites, l’évêque tomba malade et fut bientôt réduit à l’extrémité.
M. de Kerlivio et le P. Huby, jésuite, allèrent le voir, pour le prier de
nouveau de consentir à l’établissement, et lui dirent que s’il voulait
faire voeu de donner quelque chose pour le commencer, ils espéraient qu’il
recouvrerait la santé. Le prélat donna son consentement aussitôt, et promit
de donner mille écus pour cette fondation : quelques jours après il était
parfaitement guéri (N.-D. de Charité. — Registre.)
Voici le
texte de cette autorisation :
«
Louis, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège, evesque de Vennes ; estant
informé du grand besoin qu’on a en cette ville d’une maison, pour y retirer
les filles de mauvaise vie, et connoissant les religieuses de Notre-Dame de
Charité estre propres pour la conduite de cette maison, Nous permettons, sous
le bon plaisir du Roy, aux dites religieuses de s’establir en cette ville,
pour conduire et gouverner les filles de mauvaise vie, qu’on retirera dans la
dite maison, parceque les dites religieuses et la dite maison seront sous notre
jurisdiction et sujettes à nos visites et de nos grands vicaires. Donné à
Vennes, le 5e décembre 1680. L'Evesque de Vennes. Par le commandement de mon
dit Seigneur : Descormiers, secrétaire ».
Le même
jour les magistrats donnèrent le certificat suivant : « Nous soubsignants,
Pierre Dondel, escuyer, sieur de Keranguen, conseiller du Roy, séneschal et
premier magistrat du présidial de Vennes, et François le Meilleur, escuyer,
sieur du Parun, conseiller du Roy et son procureur au présidial de Vennes,
certifions que rien ne peut estre de plus utile et de plus nécessaire pour le
bien de cette ville qu'une maison de filles repenties, pour y retirer et mettre
les filles qui vivent scandaleuzement, et dont le nombre n’est que trop grand,
pour arrester le cours de leur débauche, dans une ville où il y a grand monde
(à la suite du parlement), et que la dicte maison ne peut être plus
avantageuzement dirigée que par les religieuses de Notre-Dame de Charité, dont
l’établissement contribuera beaucoup à l’augmentation de la gloire de Dieu
et à la tranquilité et repos de cette ville. En foy de quoy avons signé le présent
certificat. A Vennes, ce 5e décembre ‘680. P. Dondel. — F. Le Meilleur ».
Deux
jours après, le syndic de la ville émit un avis également favorable, en ces
termes : « Comme sindic de la communauté de Vennes, je certiffie qu’il ne
peut estre rien de plus avantageux pour le bien public de la ville de Vennes que
l’établissement de filles repenties ; que les filles de la Charité de
Nostre-Dame sont très propres dans cette province pour leur direction. En foy
de quoy j’ay signé le présent certifficat, pour valloir et servir ainsi
qu’il appartiendra. A Vennes, le 7 décembre 1680. M. Le Clerc ». (N.-D.
de Charité. — Orig. papier).
Ces préliminaires
établis, M. Eudo de Kerlivio s’adressa à M. Daniel de Francheville, alors
avocat général au parlement et depuis évêque de Périgueux, pour le prier de
contribuer à l’établissement projeté. Il n’eut pas de peine à l’y
engager, et celui-ci acheta, au prix de six mille et quelques livres, une maison
qui faisait l’angle de la rue de la Vieille-Boucherie ou de la Loi et de la
rue Blanche ou Le Sage. Cette maison, qui a subsisté jusqu’à la fin du XIXème
siècle, était de médiocre grandeur, avec un seul étage et un grenier
au-dessus : c’est de là que l’établissement a pris le nom de Petit-Couvent,
et ce nom lui est resté, même après les constructions grandioses, faites par
les religieuses et plus tard par l’administration des hospices.
Pendant
qu’on mettait la maison en état, M. de Kerlivio écrivit à Rennes pour avoir
des religieuses. Voyant qu’on ne se pressait pas de le satisfaire, il en
demanda trois à la maison d'Hennebont, à titre provisoire, et avec l’agrément
de l’évêque. Elles arrivèrent à Vannes le 29 janvier 1683, furent reçues
par Mme de Pontchartrain, femme du premier président, par Mme de Luigné, soeur
de l’évêque, et par Mme des Arcis, et prirent possession de leur petit
couvent.
Le
lendemain, M. le grand vicaire inaugura l’établissement et chanta la messe
solennelle ; le R. P. Recteur des Jésuites du collège fit le sermon, et Mgr de
Vautorte donna le salut.
Les trois
premières soeurs étaient : Marie de Sainte-Thérèse du Bois, Marie de la Résurrection
Cousin, et Marie de la Passion Kerléro. On voit, par cette simple énumération,
l’usage suivi dans la congrégation, de donner à chaque religieuse trois noms
: le premier celui de Marie, le second celui de la profession religieuse, et le
troisième celui de la famille. La troisième des soeurs ci-dessus mourut le 2
août 1683, et fut inhumée chez les religieuses de la Visitation. Les deux
autres soeurs partirent quelque temps après pour rentrer dans leur couvent d'Hennebont,
et le 12 octobre de la même année arrivèrent les soeurs de Rennes pour
prendre possession définitive de l’établissement. Parmi elles se trouvaient
la soeur Marie du Saint-Coeur de Jésus Bedault, comme supérieure, la soeur
Marie de l'Enfant Jésus Le Vavasseur, comme assistante, et la soeur Marie de l'Incarnation
Cadiou, comme coopératrice.
Le
lendemain, M. de Kerlivio célébra la messe dans leur chapelle et confirma la
nomination de la supérieure.
De son côté,
Messire Daniel de Francheville fit don à la nouvelle communauté de la maison
qu’il avait acquise pour sort établissement, et en fit dresser l’acte
suivant : « Devant nous, notaires royaux de Vennes, a comparu Messire Daniel
de Francheville, avocat général au parlement de Bretagne, qui a déclaré
donner une maison qui lui appartient dans le faubourg de Saint-Salomon de cette
ville, avec l’enclos et le jardin de la dite maison, aux religieuses qui y
sont déjà establies, parceque la dite maison servira de retraite aux filles pénitentes
; consent le dit seigneur avocat général que les dites religieuses en
obtiennent, sous le bon plaisir de Sa Majesté, des lettres d’amortissement ;
et au cas que le Chapitre, qui prétend la mouvance de la dite maison, continue
de s’opposer à leur établissement, le dit seigneur promet d’en acheter une
autre de pareille valeur, sous le fief d’un autre seigneur... Fait au tablier
de Gobé, notaire royal..., le 25ème jour de novembre 1684 » ( N.-D. de
Charité. H.)
OPPOSITION
On voit,
par cette pièce, que le Chapitre de l’église cathédrale fit d’abord une
certaine opposition à l’établissement du nouveau couvent dans son fief. Il
était, comme on le sait, seigneur temporel de la paroisse de Saint-Salomon ; il
avait déjà permis la fondation des Visitandines en 1638 et celle de la
Retraite des femmes en 1675 ; l’établissement d’une troisième maison
religieuse dans une si petite paroisse lui fut d’abord désagréable. Il
comprenait parfaitement l’avantage de la nouvelle maison pour
l’assainissement moral et religieux de la ville, il y applaudissait même,
mais il désirait que son établissement se fit dans un autre fief que le sien.
Cependant
son consentement était nécessaire pour l’existence de la maison, et pour
l’obtention des lettres patentes du roi. Voici à cet égard l’enquête intéressante
faite par le premier président du parlement de Bretagne.
« Le
1er jour de décembre 1684, Nous de Pontchartrain, conseiller du Roy en tous ses
conseils, et premier président au parlement de Bretaigne, nous sommes transporté
à la maison des religieuses de Notre-Dame de Charité, suivant l’ordre que
nous avons receu du Roy, où estant nous avons fait venir la supérieure,
laquelle ayant été enquise elle nous a répondu qu’elle et ses religieuses
estoient professes de leur monastère de Rennes, et qu’elles sont venues en
cette ville par la permission du sieur évesque de Rennes et celle du sieur évesque
de Vennes, à la prière de plusieurs personnes de piété ; que M. de
Francheville, advocat général en ce parlement, leur a presté la maison où
elles demeurent, sans en tirer aucun loyer ; qu’elles ont onze pénitentes, et
sont disposées à recevoir celles qu’on voudra leur donner.
« Les
chanoines de la cathédrale ayant sceu que nous dressions nostre procès verbal,
ils nous ont présenté requeste à ce que nous receussions leur opposition au
dit establissement, à cause qu’il est dans leur fief, lequel estant très
petit, et y ayant desja trois maisons religieuses, ce leur seroit un préjudice
très sensible, sy on y establissoit la dite maison.
« Le
lendemain, second jour du dit mois, nous estant encore transporté au parlouer
de la d. maison, le sieur évesque de Vennes s’y est aussy trouvé, lequel
nous a déclaré vouloir donner 3,000 livres, pour faire fonds de la pension
d’un nombre de pénitentes, et dont il a payé lu rente jusqu’à présent ;
et s’est de plus obligé, au cas qu’on ne s’accommode pas avec le Chapitre
et qu’on s’établisse dans son fief, à donner les lodes et ventes et
l’indemnité.
« Et
à l’endroit, le dit sieur de Francheville a aussy déclaré qu’il donnoit
la d. maison, et que sy on est obligé de quitter ce lieu, il en acheptera une
autre de pareille valeur en un autre fief.
« Et
pour nostre sentiment, que Sa Majesté nous demande au sujet de cet établissement,
nous assurons qu’il est très utile au public : le bien que font dans la
province les autres maisons semblables qui y sont establies en est la preuve ;
les douze pénitentes qui y sont desja, et qui ne sont pas éloignées du crime
seulement par leur retraite, mais encore par leur véritable conversion ; —
l’éloignement d’un grand nombre de filles de mauvaise vie, qui ont pris la
fuite dès qu’elles ont veu cette maison commencer, dans la crainte d’y
estre renfermées, ce qui a beaucoup purgé cette ville de ces sortes de
personnes ; — tous ces biens qui nous paroissent desja, donnent lieu d’en
espérer de très grands dans la suite ; — d’autre part, il n’y a pas
subject de craindre que les religieuses soient à charge à la ville, ayant
desja receu quelques novices, qui donnent des dotes, et ayant lieu d’espérer
qu’elles en recevront d’autres ; et puis elles sont si sobres qu’elles ne
dépensent presque rien.
« Et
pour le regard de l’opposition des chanoines, … Sa Majesté, donnant des
lettres d’amortissement, peut obliger le Chapitre à recevoir l’indemnité,
ou un homme vivant et mourant, puisque l’établissement est pour le bien
public..... (N.-D. de Charité. H).
Du reste
le Chapitre ne s’obstina point dans son opposition, comme le prouve l’acte
suivant, passé par devant notaires. « Le 4e jour de febvrier 1685, après
midy, devant nous nottaires royaux... s’est fait le présent acte, par lequel
les sieurs Verron et Bossart, pour les gens du Chapitre, ont déclaré consentir
que les religieuses de la Charité s’établissent dans leur fief et
jurisdiction du Chapitre, où elles sont actuellement résidentes, et qu’elles
occupent une maison, court et jardin, au bas de la rue de la Vieille-Boucherie,
paroisse de Saint-Salomon, donnés aux d. religieuses par Messire Daniel de
Francheville, advocat général au parlement de Bretagne, qui avoit acquis les
mesmes choses de Messire Julien de la Bourdonnaye, sgr. de Kerozet ;
« En
conséquence du quel consentement, les parties ont convenu et accordé entre
elles pour l’indemnité des dites choses seulement à la somme de 1,500 livres
tournois, que les dites religieuses ont promis payer et faire avoir aux d.
sieurs gens du Chapitre dans le 3e de mars prochain ;
« Et
ont aussi les d. sieurs Verron et Bossart, par le présent, donné et délaissé
aux d. dames religieuses et à celles qui leur succéderont à jamais à
l’advenir, à titre d’afféagement, le fonds d’une ruelle, qui part de la
d. rue de la Vieille-Boucherie, conduit le long du pignon (ouest) de la maison
des d. religieuses et des murailles de leur cour et jardin et aussi des jardins
suivants, et finit dans une autre ruelle conduisant entre des pièces de terre
au prateau de Poulho ; laquelle ruelle mesurée contient de long 17 cordes 21
pieds et demi (environ 143 mètres), à la charge de les tenir des d. sieurs
gens du Chapitre, et de leur payer de rente féodale, par chacun an, au 4e de
febvrier, soixante sols,.. et pouront les d. dames religieuses faire enclore la
dite ruelle à leurs frais, comme bon leur semblera.
« Les
dits sieurs Verron et Bossart, pour le dit Chapitre, donnent et accordent aux.
d. dames religieuses, par le présent, le pouvoir d’acquérir jusqu’à la
concurrence de deux journaux de terre (environ un hectare), dans leur fief, et
qui seront des prés ou jardins seulement, au joignant des choses cy-devant
mentionnées, qu’elles pouront aussy faire enclore, sans qu’elles puissent
acquérir aucune maison ny emplacement ; et lorsqu’elles auront acquis les
dits prés ou jardins jusqu’à la concurrence des dits deux journaux, elles
seront tenues et obligées de laisser la distance de dix pieds de terrain vague
au derrière et à costé des d. maisons et emplacements, pour donner jour aux
ouvertures ; à condition aussy de payer aux d. sieurs du Chapitre les lodes et
ventes et indemnité des d. deux journaux de terre : scavoir les lodes et ventes
sur le pied du denier huit, et l’indemnité sur le pied du denier quatre...
Fait
et consenty sous les signes des d. parties et les nostres. Signé : Michel
Verron. — Jan Bossart. — Sr Marie du Sacré-Coeur de Jésus Bedault, supérieure.
— Sr Marie de la Trinité Heurtant, assistante. — Sr Marie de l'Enfant-Jésus
Le Vavasseur. — Sr Marie de l'Incarnation Cadiou. — René Rio, not. roy. —
Allanno, not. roy. — (N.-D. de Charité).
Le
lendemain, le Chapitre ratifia cet arrangement. Dés lors la communauté commença
la construction d’un premier corps de logis vers le sud.
ACQUISITIONS
Les
religieuses désirant s’étendre le long de la rue de la Vieille-Boucherie,
achetèrent, le 29 septembre 1687, pour la somme principale de 3,900 livres, la
maison et le jardin Rohu, situés à l’ouest de la maison et du jardin
qu’elles occupaient. Le 27 janvier 1688, elles acquirent des héritiers
Hersant, au prix de 2,400 livres, une maison faisant suite à celle des Rohu, et
ayant un jardin derrière. Deux jours après elles achetèrent, de Pierre de
Kervazic et de sa femme, la maison suivante vers l’ouest, avec deux jardins,
pour le prix principal de 1,500 livres.
Outre ces
acquisitions, payées à beaux deniers comptants, les religieuses reçurent
divers immeubles et rentes, à titres plus ou moins gracieux, pour soutenir
leurs oeuvres. Ainsi, le 27 juin 1684, elles reçurent une rente de 25 livres,
constituée sur trois pièces de terre en la paroisse de Guégon ; le 30 mai
1685, une rente de 80 livres sur une tenue au bourg de Locqueltas ; le 18
octobre suivant, une rente de 300 livres sur la métairie de Léraut en Guégon,
donnée par la veuve Troussier des Cruyères, à charge d’une messe
quotidienne ; le 8 janvier 1686 une rente de 30 livres ; le 31 décembre 1686,
une rente de 500 livres, à charge de messes, d'Anne de Goulaine, veuve de
Rosmadec ; le 20 mai 1687, une rente de 100 livres pour la dot de Mlle Authueil
; le 28 juillet suivant, une rente de 100 livres pour un prêt aux religieuses
de Guingamp ; le 4 août suivant, une rente de 34 livres 6 sols, et enfin le 24
janvier 1688, une nouvelle rente de 500 livres d'Anne de Goulaine, avec hypothèque
sur ses biens de Noyalo. Total des rentes : 1,629 livres 6 sols.
Sur ces
entrefaites, les foudres de Louis XIV tombèrent sur le couvent de Notre-Dame de
la Charité d’Hennebont. Les religieuses avaient omis, lors de leur établissement,
de solliciter les lettres patentes du roi. Louis XIV, très jaloux de son
autorité, ordonna la fermeture de la maison et la dispersion des religieuses :
ce qui fut impitoyablement exécuté le 8 novembre 1687. Ainsi fut réalisée
une parole de M. Eudo de Kerlivio, qui avait souvent répété que c’était à
Vannes et non à Hennebont que Dieu voulait un monastère de Notre-Dame de
Charité. Après quelques mois de dispersion, les soeurs eurent la permission de
se réunir au monastère de Vannes, et le roi confirma cette maison par les
lettres patentes qui suivent.
«
Louis (XIV), par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, à tous présents
et advenir salut. Comme nostre désir a toujours été, non seulement de
conserver, mais de contribuer de nostre possible à l’augmentation des biens
ecclésiastiques, nos chères et bien amées les religieuses prieure et couvent
de Nostre-Dame de la Charité, establyes au fauxbourg et paroisse de
Saint-Salomon, de nostre ville de Vennes en Bretagne, nous ont très humblement
fait remontrer que, sous nostre bon plaisir, nostre très cher et bien amé le
sieur évesque de Vannes, par ses lettres du 5 décembre 1680, du consentement
de nos officiers du présidial et du sindicq de la communauté de la dite ville,
auroit permis aux exposantes de s’établir dans le dit fauxbourg, à l’effet
de conduire et gouverner les femmes et filles de mauvaise vie, et en conséquence
de ces lettres les exposantes s’y seroient establyes et auroient fait bastir
un monastère, chapelle, cloistre, lieux et bastimens pour s’y loger, ensemble
les d. femmes et filles de mauvaise vie, lesquels lieux ne sont pas encore achevés
de bastir et construire...
«
Mais comme l’establissement des exposantes en la d. ville de Vannes ne peut
estre solide sans nos lettres patentes qui les confirment, elles Nous ont fait
très humblement supplier de leur accorder ensemble l’amortissement de leur
closture et des héritages et rentes cy-dessus spécifiés, et de leur faire don
des maisons, rentes et héritages, pensions viagères et autres choses, qui
appartiendroient aux religieuses de Hennebont supprimées, et iceux biens venir
à leur couvent de Vennes, et qu’il nous plût d’amortir tous les dits
biens, pour donner lieu aux exposantes de continuer leurs prières pour nostre
santé et la conservation de nostre Etat ;
« A
ces causes, désirant, pour la gloire de Dieu, contribuer de nostre possible à
l’établissement des exposantes, et après avoir veu dans nostre Conseil les
permissions et consentements pour l’établissement des exposantes, et les
contrats des acquisitions des maisons, jardins, rentes et héritages par elles
faites, ensemble les contrats des acquisitions, donations, fondations, rentes et
pensions acquises par les religieuses supprimées ; de l’avis de nostre
Conseil, et de nostre certaine science, pleine puissance et autorité royale,
Nous avons loué, approuvé, confirmé et autorisé, et par ces présentes signées
de nostre main, louons et approuvons, confirmons et autorisons l’établissement
des exposantes dans le fauxbourg de Saint-Salomon de nostre ville de Vennes,
pour gouverner les femmes et filles de mauvaise vie ; — auxquelles religieuses
de Vennes avons fait et faisons don des biens, maisons, rentes et héritages,
pensions et fondations, et généralement tous les biens meubles et immeubles,
sans rien excepter, que possédoient les d. religieuses de Hennebont,
lorsqu’elles ont été par nous supprimées, lesquels biens avons unis et
incorporés au couvent des exposantes...
« Et
par ces mesmes présentes avons amorti et amortissons à perpétuité toutes et
chacunes les clostures, maisons, jardins et héritages des exposantes, rentes et
pensions cy-dessus mentionnées, ensemble les biens immeubles par nous présentement
réunis au couvent des exposantes, qui appartenoient aux d. religieuses lors de
leur suppression ; pour le tout tenir et posséder par les exposantes et par les
religieuses qui leur succéderont, franchement et quittement, comme dédiés et
consacrés à Dieu et à son Eglise, sans quelles puissent être obligées
d’en vider leurs mains, nous bailler homme vivant et mourant, ny nous payer ny
à nos successeurs roys aucune finance, indemnité, droits de lodes et ventes,
quintes, requintes, francs-fiefs et nouveaux acquêts, ny autres droits
quelconques, dont Nous les avons affranchies et affranchissons à perpétuité,
et à la charge, si fait n’a été, d’indemniser les seigneurs particuliers,
desquels les dits lieux et héritages peuvent estre mouvans. Si donnons en
mandement. Donné à Versailles, au mois de may, l’an de grâce 1688, et de
nostre règne le 46e. Signé : Louis. Par le Roy. — Signé : COLBERT »
(N.-D. de Charité... Orig. parch. — Sceau de majesté).
DIFFICULTES
On a vu
précédemment que, dans le traité du 4 février 1685, le Chapitre de la cathédrale
avait permis aux religieuses d’acquérir dans son fief deux journaux de terre
en prés ou jardins, à l’exclusion de toute maison. Par cette restriction, le
Chapitre voulait retenir les habitants dans son fief et dans la paroisse de
Saint-Salomon et les empêcher d’émigrer ailleurs. C’est pour cela qu’il
avait obligé les religieuses, qui auraient acquis les terres attenantes à des
maisons, de laisser autour de ces édifices un terrain vague de dix pieds de
large, pour conserver le droit d’ouverture des portes et fenêtres.
Or,
depuis cette époque, les dames de la Charité avaient acheté les maisons Rohu,
Mersant et Kervasy, avec leurs jardins. Au lieu d’isoler les maisons, pour les
revendre ou les louer aux paroissiens, comme le voulait le Chapitre et comme
elles l’avaient promis, elles avaient tout gardé : les jardins, pour les
cultiver, suivant leur droit, et les maisons, pour s’y loger avec leurs pénitentes.
Le
Chapitre, justement froissé de cette conduites voyant d’ailleurs qu’elles
n’avaient pas encore payé tous les droits de mutation, et qu’elles
cherchaient à s’affranchir de son moulin et de son four, les fit citer devant
le sénéchal de leur juridiction. Condamnées en première instance, elles en
appelèrent au parlement, qui siégeait encore à Vannes. Bientôt ; mieux
conseillées ; elles conclurent, le 24 septembre 1688, la transaction suivante
avec les délégués du Chapitre.
« ..
En conséquence du payement fait le matin de ce jour aux gents du Chapitre de la
part des dames religieuses des lodes et ventes des deux derniers contrats, elles
demeurent entièrement quittes.
« Et
pour s’affranchir de la clause et condition portée par l’acte du 4 février
1685, au respect des dix pieds de terrain vague à laisser au derrière et à
costé des maisons, pour donner jour aux ouvertures, elles ont promis payer et
faire avoir ausdits sieurs da Chapitre la somme de 45 livres tournois, par
chacun an et chacun 24e septembre : lequel sommaire de rente les d. dames
religieuses pouront franchir quand bon leur semblera, à raison du denier 25 ;
« Et
à l’égard des indemnités deues au d. Chapitre pour les trois acquests
susdits, montant à la somme de 1,950 livres, à raison du denier quatre, les
sieurs Verdoye et Bossart, au nom du Chapitre, l’ont laissée à titre de
constitution de rente ausd. dames religieuses, pour en payer le sommaire de 108
livres 6 sols 8 deniers, par chacun an et à chacun 24e septembre... ;
«
Conditionné entre les parties que les d. dames religieuses ne pouront acquérir
dans le dit fief du Chapitre maisons ny autres héritages au surplus des deux
journaux de terre leur accordés par l’acte du 4e febvrier 1685 ;
«
Seront les d. dames religieuses tenues de suivre la cour et jurisdiction du
Chapitre, le moulin et four dépendais du d. Chapitre, et d’y faire mouldre
leurs grains et cuire leurs pains, à l’exception de pouvoir achepter du pain,
lorsqu’elles le jugeront à propos... ».
Cet
arrangement fut ratifié par l’assemblée capitulaire le 1er octobre suivant.
Les religieuses avaient dû reconnaître les droits du seigneur féodal, mais en
retour elles avaient la faculté d’acheter même des maisons, en se tenant
dans la limite des deux journaux de terre.
Elles
profitèrent immédiatement de cette liberté, en faisant de nouvelles
acquisitions. Le 3 novembre 1688, elles achetèrent de M. Raymond Le Doulx,
recteur de Saint-Patern et vicaire général, pour la somme de. 3,000 livres,
une maison située rue Blanche, entre le Petit-Couvent et Saint-Salomon, et
occupée à la fin du XIXème siècle en partie par l’aumônier de l’hôpital
; deux jardinets derrière la maison et un autre petit jardin au midi faisaient
partie du marché ; elles y ajoutèrent ensuite un 4ème jardin au sud.
Le 1er
avril 1689, elles eurent l’autorisation d’acquérir, des héritiers de la
dame de Coétec, un emplacement de maison avec un jardin derrière, situés rue
de la Vieille-Boucherie, à la suite de la maison et jardin de Kervasy. Ce
terrain est aujourd’hui en dehors de l’enclos de l’hôpital, mais lui est
contigu vers l’ouest.
Enfin, le
21 octobre 1695, elles firent leur principale acquisition de terrain en
Saint-Salomon. « Mre Alexis Le Gouvello, chevalier, seigneur de Kerantréh
et autres lieux, héritier principal et noble de Marie Le Gouvello,. sa tante,
dame de Kerambart, et dame Anne-Thérèse Gabart, sou épouse, vendirent aux d.
religieuses le tout de la succession de la d. feue dame de Kerambart, consistant
: 1° dans la maison, ou pavillon, couverte d’ardoise, sa remise de carosse au
joignant, sa cour et logis couvert en paille, le tout situé sur la rue Blanche
(basse-cour de l’ancien hôpital) ; — 2° le jardin qui est au derrière de
la dite maison et dépendances du pavillon ; — 3° la prée joignante le dit
jardin du costé vers le nord (ancienne salle d’asile à la fin du XIXème siècle),
laquelle est à présent travaillée et ouverte en jardin, et donnant sur le pavé
de la d. rue Blanche, jusqu’à une petite ruelle estant vers le nord ; — 4°
une autre pièce de terre, à présent en clos, joignante vers le levant et le
nord au terrain et muraille des dites dames religieuses, et vers midy aux
jardins et dépendances de la dite maison du pavillon. La dite vente accordée
entre les parties, pour et en faveur de la somme de 4,000 livres de capital, que
les d. seigneur et dame vendeurs relaissent aux d. dames religieuses, à titre
de constitution au denier 18, sur l’hypothèque et gage spécial des d.
dames... » (N.-D. Charité. H. parch.)
Quant à
la ruelle du Téno, qui traversait ladite propriété, de l’est à l’ouest,
le Chapitre, comme seigneur féodal, l’afféagea, peu après, aux religieuses,
moyennant une rente annuelle de vingt livres tournois, remboursable au denier
25. Dès lors les soeurs purent la supprimer, réunir le clos du nord au jardin
de midi, et créer le grand jardin, qui existe encore aujourd’hui.
COUVENT
Désormais
les religieuses avaient le terrain nécessaire pour construire un couvent définitif.
Depuis leur établissement à Vannes, elles n’avaient eu d’autre habitation,
pour elles et leurs pénitentes, qu’un petit corps de logis bâti dans leur
jardin et les vieilles maisons qu’elles avaient successivement achetées.
En 1702,
une violente tempête y causa de graves dégâts, et faillit ensevelir toute la
communauté sous les ruines des maisons. Une construction sérieuse et considérable
était urgente. Malheureusement les ressources manquaient. Un architecte se présenta
pour faire gratuitement le plan et surveiller les travaux ; de bonnes âmes
offrirent des sommes importantes. La supérieure, Marie de la Sainte-Trinité Le
Rebours de Vaumadeuc, après avoir longtemps résisté, finit par s’abandonner
à la Providence et consentit à l’entreprise. Le plan du monastère formait
un carré d’édifices, avec un cloître à l’intérieur. Le corps de logis
du côté de l’ouest et celui du nord furent aussitôt mis en chantier : le
premier devait servir de logement aux religieuses, et le second devait renfermer
la chapelle.
La première
pierre du couvent, bénite le 23 mars 1703, fut posée par un petit enfant
pauvre, au nom de l'Enfant Jésus, et par Jeanne Cousson, protestante
convertie, au nom de la sainte Vierge. On remarqua que, pendant les travaux qui
durèrent trois ans, les ouvriers furent préservés de tout accident fâcheux,
grâce aux prières et aux mortifications des religieuses. Les soeurs commencèrent
à habiter la nouvelle maison à la fin de 1706 et au commencement de 1707.
L’espace,
occupé par la chapelle actuelle, avait été réservé pour faire le choeur des
religieuses, et la chapelle définitive devait se continuer vers la rue à
l’est. Le manque de ressources engagea la communauté à remettre le travail
à plus tard. Mais Jésus-Christ s’en plaignit à la supérieure,
pendant l’oraison : « Quoi, lui dit-il intérieurement, je vous ai donné généreusement
les moyens de vous bâtir une maison, et maintenant vous me laissez dans la
vieille chapelle sous les pieds des pénitentes . ! » - Pour comprendre ce
reproche, il faut savoir que les classes des repenties étaient au-dessus de
l’oratoire, où l’on entrait par la rue de la Vieille-Boucherie. Pour
remédier au mal, la Mère Le Rebours, avec le consentement de son conseil, fit
partager le choeur en deux parties : l’une pour les religieuses, l’autre
pour le public. La nouvelle chapelle fut bénite, le 28 mai 1707, par M. de La
Chateigneraye de Marzan, vicaire général de Vannes. Elle n’a pas été achevée
depuis, et il est regrettable qu’on ait, dans notre siècle, établi un
dortoir de malades au-dessus d’elle. Le monastère n’a pas été plus achevé
que la chapelle, et c’est fâcheux, car il avait été commencé sur de vastes
proportions, avec un cloître grandiose et des appartements bien éclairés et
bien aérés.
Pendant
qu’on travaillait au couvent, les religieuses firent quelques acquisitions à
la campagne. Ainsi le 27 septembre 1703, elles achetèrent de Guillemette Lucas,
veuve de Guillaume Le Par, au prix de 6,000 livres, la métairie noble de
Lesténo-Philippe,
située en la paroisse de Saint-Nolff. Ainsi encore, le 18 mai 1706, elles reçurent
de M. Sébastien Le Cointe, notaire royal, soixante oeillets de marais salants,
situés à Kermartin, frairie du Tour-du-Parc, en Sarzeau, avec la moitié par
indivis de deux prés et d’une pâture, en échange d’une somme de 3,700
livres qu’elles lui avaient prêtée.
D’un
autre côté, Mme Anne de Goulaine, veuve de Rosmadec, voulant avoir le titre et
les privilèges de fondatrice de la maison de N.-D. de Charité, avait, dés
1696, remanié ses fondations antérieures, et donné en toute propriété à la
communauté la métairie noble de Noyalo, le moulin à eau dudit lieu, les
marais salants de l’endroit, et les fonds de diverses tenues situées à
Noyalo, et aux. villages de Cléguer et de Béreth ; elle s’était, en outre,
réservé une chambre dans le couvent, avec le droit de recevoir qui bon lui
semblerait, et de transmettre ce privilège à sa fille Jeanne-Geneviève.
Le revenu
de tous ces biens avait contribué à payer les frais de construction du
couvent.
Le
personnel de la communauté était alors nombreux, et les dots des professes étaient
une autre source de revenus pour la maison.
Le
couvent comprenait, en 1714, une cinquantaine de sujets, entre religieuses de
choeur et soeurs converses, sans compter les novices et les postulantes. Aussi
accueillit-on avec faveur la demande de l’évêque de la Rochelle, qui
sollicitait l’envoi de quelques religieuses de la maison de Vannes, pour
fonder un établissement de leur ordre dans sa ville épiscopale. Les conditions
préliminaires ayant été réglées de part et d’autre, trois religieuses
professes, savoir les soeurs Marie de l'Ascension de Lavalette, Marie de Jésus
Pitouays, et Marie de Sainte-Anne Perret, quittèrent Vannes à la fin d’août
1715 avec une postulante et trois pensionnaires, et arrivèrent à la Rochelle
le 3 septembre. Deux ans après, le 5 octobre 1717, trois autres professes de
Vannes y arrivèrent à leur tour ; c’étaient les soeurs Marie du
Saint-Sacrement de Combles, Marie de Sainte-Thérèse Chapelle, et Marie-Aimée
de Jésus de Perrigaud ; elles y furent rejointes par quelques postulantes.
La maison
de la Rochelle a subsisté jusqu’à la Révolution ; elle s’est rétablie
depuis, plus heureuse à cet égard que la communauté de Vannes.
DONATIONS
Cependant
la fondatrice du couvent, Mme Anne de Goulaine, veuve de Rosmadec,. approchait
de sa fin. Le 28 mars 1716, elle fit son testament en ces termes :
« Moy
soussignante, Anne de Goullayne, marquise du Plessis..., après avoir recommandé
mon âme à Dieu, je veux et ordonne, mon décez estant arrivé, que mon corps
soit mis dans une châsse de plomb et mis a costé de celuy de la bonne mère de
la Trinité, dans la maison de N.-D. de la Charité de cette ville, où je
demeure ; que le jour de mon décez il ne soit fait aucune tente funèbre, ny
armoirie, ny rien de plus qu’à nos soeurs ; le jour de mon enterrement un
service à Saint-Salomon et un autre le jour de l’octave ; le jour de mon
enterrement je souhaite qu’il soit distribué aux pauvres soixante livres et
autant le jour de la huitaine.
« Je
veux et ordonne qu’après mon décez, il soit célébré aux Dominicains de
Vannes 600 messes, aux Capucins de Vannes 400 messes, aux Cordeliers de Vannes
300 messes, à M. le recteur de Saint-Just 200 messes ; dans la chapelle de
N.-D. de la Charité, on je serai enterrée, on fera dire 500 messes ; de plus
on donnera aux religieuses de Sainte-Claire de Nantes 100 livres pour des
messes, aux Recollets de Nantes 100 livres pour des messes, aux Capucins de
Nantes 100 livres pour des messes, etc...
« Je
veux et ordonne que les actes de fondation, que j’ai cy-devant faits au profit
des religieuses de N.-D. de Charité, en date du 31 décembre 1686, 26 janvier
1689, et 16 février 1696, soient bien et deuement exécutés...
« Je
reconnois pareillement leur devoir un contract de constitution, qu’elles
portent sur moy, et le contract de dot de ma petite fille (Marie-Anne de la
Trinité) de Rosmadec, religieuse au dit monastère de N.-D. de la Charité, et
veux qu’elles en soient payées après mon décez et des intérests, comme
choses à elles légitimement deues, si auparavant mon décez je ne les en aye
pas payées et remboursées, ce que j’espère faire dans la suite, soit en
argent, si mes facultés me le permettent, ou par assiette en fonds de terre,
ainsy que je le jugerai à propos...
« Le présent
mon testament arresté par moy et escrit de ma main,... ce jour 28 mars 1716.
Signé : Anne de Goullayne ». Controllé à Vannes, ce 18 juillet 1722.
La date du contrôle semble indiquer que la testatrice n’est morte qu’en 1722 ; toutefois les registres de la paroisse de Saint-Salomon n’en font aucune mention, et les registres de la Communauté ne marquent les décès que pour les religieuses.
Cette généreuse
bienfaitrice laissa un autre souvenir bien précieux à la maison : c’était
une relique de la Vraie-Croix, mesurant un pouce d’épaisseur, et enchassée
dans une croix en or fin, garnie de perles et couverte d’un cristal de roche.
Ce trésor
fut conservé bien intact dans la communauté jusqu’en 1770, où, sur la
demande des religieuses, M. Boutouillic de la Villegonan, vicaire général de
Vannes, retira la relique de son enveloppe, et la partagea en cinq parcelles,
qu’il plaça dans cinq médaillons ménagés dans une croix d’argent de
quatorze pouces de hauteur, le milieu de la croix ayant été garni d’une
autre parcelle récemment apportée de Rome. (Ursul. de Muzillac)
Que
devint ce nouveau reliquaire à l’époque de la Révolution ? — Il fut sans
doute confisqué comme le reste de l’argenterie de la maison et envoyé à la
Monnaie. Quant à la relique, elle a été probablement détruite ou égarée à
cette époque si troublée.
Anne de
Goulaine ne fut pas la seule bienfaitrice du Petit-Couvent. Le 23 mai 1716,
Jeanne de Kerboutier, dame de Derval-Brondineuf « ... désirant
l’augmentation du service divin en l’église des religieuses de N.-D. de la
Charité de Vannes, fonda 25 messes de Requiem à basse-voix, et trois grandes
messes avec services, toutes à célébrer sur l’autel privilégié ; de plus
deux messes solennelles, répondues par les dites religieuses, aux deux
principales festes de la Très Sainte Vierge, qui sont les festes de son Immaculée-Conception
et de sa glorieuse Assomption, avec exposition du Très Saint-Sacrement et
salut, à la fin duquel la communauté dira un De profundis, le tout à perpétuité
; scavoir, deux messes basses par mois, et les trois grandes messes de Requiem
à tel jour qu’arrivera mon décez et celuy de mes deux filles...
« Et pour servir de base à la présente fondation, à l’entretien d’icelle, et pourvoir aux rétributions des dites messes, luminaire et ornements, je donne en pleine propriété aux dites dames religieuses de la Charité de Vannes le fond de deux tenues, situées au village de Kerverch en la paroisse de Landévant, qui sont tenues de moy à domaine congéable, suivant l'usement de Broérec, par Alain Le Goff, Jean Poulchasse, Gilles Thomasic, René et Jean Le Berre, pour m’en payer de rente convenancière, par chacun an et terme de Saint-Gilles, trente perrées de seigle et trois livres par argent, avec chapons, corvées et obéissance à cour et à moulin, pour les dites dames en jouir et disposer après mon décez et celuy d’une de mes filles...» (N.-D. de Charité).
Le 6
avril 1721, d’un commun accord on ajouta cinq messes basses et une messe
solennelle au 24 juin. C’était un total de 36 messes par an. La rétribution
des messes étant alors de dix sous, c’était une charge totale de 18 livres
par an, ou de 20 livres, si l’on tenait compte des messes chantées. La perrée
de seigle se vendant alors environ 10 livres, les 30 perrées donnaient un
revenu annuel de 300 : on voit par ce simple calcul que la donation était
avantageuse à la communauté, et permettait de faire du bien aux pénitentes
de la maison.
Le 18
avril 1735, Jeanne-Charlotte de Derval, après la mort de sa mère et de sa
soeur, se dessaisit des deux tenues de Kerverch ; puis les religieuses en
prirent possession, et commencèrent à exécuter la fondation.
Le chant
des messes solennelles n’était pas de nature à effrayer les religieuses :
elles formaient un choeur nombreux et bien stylé. La sage direction de deux supérieures,
Marie de la Sainte-Trinité Le Rebours et Marie de l'Annonciation Le Rebours,
qui se succédèrent alternativement durant une trentaine d’années, attira de
nombreuses novices dans la maison et lui procura une ère de prospérité et de
régularité.
CONSTRUCTIONS
Après
avoir bâti leur couvent, au moins en partie, les religieuses songèrent sérieusement
à construire un corps de logis pour leurs pénitentes, dont le logement était
insuffisant. Leur plan était de bâtir le long de la rue de la Vieille-Boucherie, sur l’emplacement des maisons Rohu et Mersant ; mais comme
la rue était alors tortueuse, elles demandèrent à la police, en 1724, de leur
tracer un alignement. Voici le procès-verbal qui fut dressé à cette occasion,
et qui renferme quelques détails topographiques.
« Nous
Noel Bourgeois, écuyer, sieur de Limur, conseiller du roy, alloué et
lieutenant général civil et criminel du Présidial de Vannes, et premier
conseiller de police en la dite ville et fauxbourgs, ayant avec nous pour
greffier Henry Nicolazo, commis juré au greffe, scavoir faisons que ce jour 24
may 1724, deux heures de l’après midy, sur la requeste à nous présentée le
jour d’hier par les dames supérieure et religieuses du couvent de la Charité
de cette ville, tendant à ce qu’il nous plût descendre à la rue de la
Vieille-Boucherie pour prendre les alignements convenables au sujet d’un mur
de clôture qu’elles veulent faire relever,... nous sommes descendus sur les
lieux, en compagnie de Me Jean Bernard, avocat, substitut du procureur du roy,
et de La Chesne pris en aide de justice...
« Et
procédant à la visite des anciens fondements de maisons, les quels sont
ouverts, avons trouvé qu’il étoit nécessaire pour la décoration de la rue
de prendre de nouveaux alignements, d’autant que les anciennes maisons n’étant
pas en droite ligne, on ne pourroit construire un mur sur les anciens fondements
sans l’arrondir considérablement vers le milieu en avançant sur la rue, ce
qui seroit très désagréable à la veue, et préjudiciable à l’égard du
mur ; — pourquoy jugeant à propos de faire poser un cordeau pour prendre de
nouveaux alignements, nous l’avons fait poser d’un bout à l’ancienne
chapelle du dit couvent et de l’autre bout à l’alignement du grand mur de
clôture du jardin des dites dames : ce qui nous a paru et au substitut du
procureur du roy l’alignement le plus convenable pour la décoration de la
rue.
« Et
ayant fait mesurer parte sieur Pihan la longueur que doit avoir le mur, il nous
a fait voir qu’il aura 171 pieds de long, et que suivant le nouvel alignement
les dites dames perdent presque tous leurs anciens fondements, dont la rue sera
accrue, mais aussy elles gagnent quelque peu de terrain du costé de
l’ancienne chapelle ; lequel terrain qu’elles gagnent, mesuré et réduit,
se trouve monter à 76 pieds courants, et le terrain qu’elles perdent se
trouve monter à 222 pieds courants ; sur lequel nouvel alignement, et non
autrement, du consentement du substitut du procureur du roy, et des dites dames
religieuses par rapport au terrain qu’elles perdent, leur avons permis de
faire construire leur mur, parce qu’il sera en droite ligne. Arresté sur
les lieux les dits jour et an. Signé : Bourgeois. — Bernard. — Sr Marie de
la Ste-Trinité Le Rebours, supérieure. — Pihan. — Le Chesne. — Nicolazo,
commis au greffe » (N.-D. de Charité).
Au lieu d’un simple mur de clôture, c’est un bâtiment que les religieuses firent construire, en ayant soin de ne faire aucune porte du côté de la rue, mais seulement du côté de la cour intérieure. Ce corps de logis existe encore le long de la rue de la Loi ou de la Vieille-Boucherie : il mesure environ 105 pieds de long, sur 20 pieds de large à l’intérieur. Commencé dés 1724, il reçut sa charpente et sa couverture en 1725, ainsi que ses planchers et ses escaliers, et dés l’année suivante on y réunit les pénitentes.
Celles-ci
avaient enfin un logement spacieux et commode, avec deux dortoirs, un réfectoire
et des salles de travail. Elles pouvaient prendre un peu d’exercice dans la
cour et de là se rendre à la chapelle.
Toutefois
la communication entre la communauté des religieuses et la maison des repenties
ne se faisait que par la cour, et pendant la mauvaise saison on était exposé
à la pluie, à la neige et à toutes les intempéries de l’air. Un bâtiment,
servant de trait d’union entre les deux corps de logis, était absolument nécessaire
; les soeurs le sentaient mieux que personne ; mais il fallait laisser à la
communauté le temps de payer les travaux effectués et de recueillir de
nouvelles ressources.
Enfin le
18 septembre 1739 fut passé le contrat suivant :
« Entre
nous, prieure et religieuses conseillères du monastère de Notre-Dame de Charité
de Vannes, et maître Jean Guillo, entrepreneur, s’est fait le présent traité,
avec la permission de Mgr Fagon, évêque de Vannes. — Moy Jean Guillo
m’engage à faire toute la massonnerie d’un corps de logis, qui fera la
communication des deux bâtimens de la communauté (et du refuge), lequel bâtiment
sera de 64 pieds de long, à hauteur du bâtiment qui donne sur la rue de la
Vieille-Boucherie, et large de 25 pieds de dedans en dedans ;
...il y
aura deux murs entre l’arrière cuisine et le réfectoire des pénitentes, ces
deux murs monteront jusqu’au haut de la couverture, à cause des têtes de
cheminées, que l’on y fera faire...
Et
nous dites religieuses promettons et nous obligeons de fournir toutes les
pierres dures et les tuffeaux, qui devront estres employés dans le dit bâtiment,
comme aussy le moellon, la chaux, le sable et l’eau, autant que le puits, qui
se trouve au milieu du bâtiment que l’on doit construire, en fournira, et
s’il en faut trouver de plus, l’entrepreneur le fera apporter à ses frais ;
nous nous obligeons aussy à fournir tout ce qui sera nécessaire pour l’échafaudage,
comme aussy à faire tirer les fonds jusqu’au solide à nos frais... ».
Comme on
le voit, l’entrepreneur, à la différence de ceux d’aujourd’hui, ne
s’occupait que de la main-d’oeuvre, c’est-à-dire de la taille des pierres
et de la construction ; au propriétaire de fournir tout le reste.
Les
travaux furent terminés en 1740 : cette date se voit encore sur une lucarne du
côté de la cour. L’entrepreneur eut pour sa part 3,502 livres, le
charpentier 600 et le couvreur 315. On ignore ce que les soeurs ont payé pour
la fourniture des matériaux et tous les travaux accessoires, en sorte qu’il
est impossible de se rendre un compte exact de la dépense totale.
L’établissement
était désormais complet et propre à répondre à toutes les exigences du
service : le petit couvent était devenu un grand couvent.
AMELIORATIONS
On se
souvient qu’une transaction faite avec le Chapitre en 1688, maintenait pour
les religieuses et leurs pénitentes l’obligation commune de suivre le moulin
et le four du seigneur, mais leur laissait la faculté d’acheter leur pain
tout fait où bon leur semblerait.
La
communauté s’était d’abord soumise à la loi commune ; puis vers 1714 elle
avait adopté le système de l’achat du pain tout fait. Mais l’expérience
lui fit voir que ce nouveau mode avait aussi ses inconvénients, et qu’il était
encore préférable de revenir au moulin du Chapitre, en s’affranchissant du
four, moyennant une indemnité annuelle.
De là
vint l’arrangement qui suit :
« Entre
nous soussignés les vénérables chanoines de Vannes... et les religieuses de
Notre-Dame de Charité... s’est fait et passé le présent traité perpétuel
et irrévocable, par lequel nous dites religieuses, nous trouvant assujéties
au four à ban de nos dits sieurs du Chapitre, à cause de leur fief de
Saint-Salomon, et souffrant beaucoup de cette sujétion ; tant par la dureté
des fourniers que par la mauvaise cuisson, mais encore plus la nécessité où
nous étions de laisser nos portes ouvertes jusqu’à neuf et dix heures du
soir pour attendre notre pain, ce qui dérangeoit notre communauté et pouvoit
occasionner bien des inconvénients à cause de nos pénitentes ; ayant été
obligées, pour éviter les incommodités, de nous résoudre à acheter notre
pain, ce qui d’un autre côté étoit d’une grande dépense dans une maison
aussi nombreuse que la nôtre ; pour ces raisons et autres nous avons prié nos
dits sieurs du Chapitre de vouloir bien s’abonner avec nous pour leur droit de
four en faveur d’une rente annuelle, et avons consenti et consentons par le présent
de leur payer une rente perpétuelle et non franchissable de cent-vingt livres
tournois par chacun an, pour l’abonnement du dit droit, suivant l’estimation
qui en a été faite, à commencer le premier payement le jour de la
Saint-Jean-Baptiste 1747, et ainsi continuer d’année en année, quand bien même
nous jugerions à propos dans la suite d’acheter (encore) notre pain...
« Et
nous Chanoines et gens du Chapitre, ayant égard aux raisons ci-dessus ; voyant
aussi la perte que nous avons soufferte, tant du droit de moulte que du dit
droit de four, pendant plus de trente ans que les dites dames religieuses ont
acheté leur pain ; et considérant l’avantage que nous tirons du dit
abonnement, non seulement par une rente que nous n’avions pas auparavant, mais
encore par l’augmentation considérable de la mouture qui en résultera pour
notre moulin ; le tout murement considéré, après avoir apprécié le droit en
question, nous avons consenti et consentons au dit abonnement pour le droit de
four seulement (le droit de moulte expressément réservé), en faveur de la
dite rente de 120 livres par an, exempte de toute change, même de toute taxe
royale, et payable pour le premier payement à la Saint Jean-Baptiste 1747 ; et
en conséquence permettons aux dites dames de cuire chez elles et où bon leur
semblera, renonçant à venir à jamais contre le présent ;
« Et
comme notre fournier actuel pourroit exiger de nous quelque dédommagement, pour
cause du dit abonnement, pendant le reste de sa ferme, il a été convenu que
les dites dames religieuses nous indemniseroient vers lui, comme de fait elles
s’obligent par le présent de nous indemniser et donner toute garantie pendant
le reste de la ferme du fournier actuel seulement.
« Fait
double, sous les signatures des dites dames et celles de trois anciens de nous
en Chapitre, le 24 décembre 1745. Signé : Dondel. — Huchet. —
Bossart. Sœurs … Le Rebours, supérieure. — Duboys, assistante. Geffroy,
— de Rosmadec, — du Bouëtiez, — Gouro, conseillères. — Le Boudoul, dépositaire.
» ( N.-D. de Charité.)
Quelque
temps après, une occasion s’offrit d’agrandir l’enclos, vers le midi. Il
y avait là une maisonnette et trois pièces de terre en jardins, appartenant à
M. Joseph Bréget, sieur du Breuil, et à dame Sainte-Claude Jan de
Bellefontaine, son épouse. Les propriétaires, demeurant à Saint-Malo, étaient
disposés à se défaire de ces immeubles, et les religieuses de
Notre-Dame-de-Charité ne demandaient pas mieux que de les acquérir. Mais un édit
du mois d’août 1749 avait mis certaines entraves à l’extension des biens
de mainmorte. Par précaution on s’adressa au Roi et l’on obtint les lettres
patentes qui suivent :
« Louis
(XV), par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre, à tous présens et à
venir, salut. Nos chères et bien ameez les religieuses prieure et couvent de
Notre-Dame de la Charité, établies au faubourg et paroisse de Saint-Salomon,
de notre vile de Vannes en Bretagne, par lettres patentes du mois de mai 1688,
nous ont fait exposer que l’objet de leur établissement a été de retirer
dans leur maison et couvent les femmes et filles de mauvaise vie, pour les
conduire et gouverner et les ramener en la bonne voie ; l’utilité dont elles
sont à l'Etat et au public les a fait protéger de tous les corps de la
ville, et principalement du Chapitre de la cathédrale de Vannes, seigneur de
leur territoire ; le peu d’étendue de leur maison et couvent est connu de
tout le monde, et elles se trouvent si resserrées qu’elles ont peine à
renfermer les personnes qui leur sont envoyées par des ordres supérieurs ;
« Pour
donner un peu plus d’aisance à leur maison, les propriétaires d’une pièce
de terre, contenant trois journaux, qui se trouve enclavée entre un morceau de
terre appartenant aux exposantes et le mur de leur petit jardin potager, leur
ont offert de la leur vendre et abandonner, moyennant 3,000 livres argent, et
100 livres de rente au denier vingt (ou 2,000 livres de capital). Mais quelque nécessaire
et utile que soit cette pièce de terre aux exposantes, elles craignent de
s’exposer aux peines portées par notre édit du mois d’août 1749, si elles
acceptent la vente de la dite pièce de terre, avant d’être assurées que
nous voudrons bien accorder les lettres patentes nécessaires pour faire la d.
acquisition et pour l’union de la d. pièce de terre au jardin de la d.
communauté. A ces causes, de l’avis de notre Conseil, et après nous
être fait rendre compte des motifs de l’utilité de la d. acquisition et de
l’union de la d. pièce de terre à l’établissement des d. exposantes, Nous
avons, de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, permis,
et par ces présentes, signées de notre main, permettons aux exposantes
d’acquérir la d. pièce de terre... Sy donnons en mandement... Donné à
Versailles, au mois d’octobre, l’an de grâce 1758 et de notre règne le
44e. Signé : Louis. — Par le Roy : Phélippeaux ».
Ces
lettres ayant été enregistrées au parlement, le contrat définitif
d’acquisition fut enfin passé par devant notaires le 7 août 1759, pour le
prix principal de 5,000 livres.
Ces
jardins, acquis en 1759 et aliénés en 1796, ont été coupés vers la fin du
XIXème siècle par le prolongement de la rue de Poulho ou de Richemont, et la
partie du nord a été rachetée par l’administration des Hospices.
REVOLUTION
L’établissement
ne jouit pas longtemps de sa nouvelle acquisition : la Révolution vint bientôt
détruire les communautés religieuses. Avant de dépouiller ses victimes, le
gouvernement fit dresser des états minutieux des personnes et des biens de
chaque maison.
Voici le
résumé du procès-verbal concernant le Petit-Couvent.
« Nous
soussignés, Claude-Marie Bernard, Jacques Glais, et Pierre-Nicolas Serres,
membres du directoire du district de Vannes, et Antoine Rollin, procureur
syndic, certifions que ce jour, 28 juillet 1790, sur les dix heures du matin ;
nous nous sommes transportés au couvent des religieuses de Notre-Dame-de-Charité
de cette ville, paroisse de Saint-Salomon, où se sont présentées toutes les
religieuses, dont les noms et âges ont été déclarés ainsi qu’il suit :
Dames de
choeur.
Michelle-Simonne
Buat, de Guingamp, supérieure, 46 ans.
Mathurine-Marie
du Bouétiez, d'Hennebont, 84 ans..
Louise-Charlotte
Le Moyne de Talhoet, de Ploërdut, 72 ans.
Marie-Jacquette
Perron, d'Hennebont, âgée de 73 ans.
Jeanne-Céleste
Duboys, de Pontivy, âgée de 65 ans.
Céleste-Emilie
Henry de Bohal, de Pleucadeuc, 75 ans.
Marie
Kergrohen, de Locminé, âgée de 60 ans.
Marie-Charlotte
Brochereul, de Languidic, 78 ans.
Françoise-Romaine
Rio, de Vannes, 54 ans.
Marie-Félicité
Boutouillic, de Vannes, 54 ans.
Renée de
Kerpezdron, de Josselin, âgée de 54 ans.
Jeanne-Cécile
Corbel, de Vannes, 50 ans.
Marie-Hyacinthe
Buisson, de Vannes, 51 ans.
Marie-Anne
de. Lambart, d'Allaire, 57 ans.
Michelle
Le Pavec, de Theix, âgée de 58 ans.
Marthe-Thérèse
Roger, de Guérande, 43 ans..
Marie-Thérèse
de Lilliac, de Pleucadeuc, 43 ans.
Jeanne-Marie
Mabille, de Saint-Servan, 48 ans.
Catherine-Marie
Larrey, de Mesquer, 50 ans.
Marie-Paule
Le Bescond, de Belle-Ile, 45 ans.
Marie-Jeanne
Bolle, de Brest, âgée de 41 ans.
Marie-Rose
Rio, de Vannes, âgée de 42 ans.
Marie-Anne
Pavec, de Questembert, 44 ans.
Susanne Bédesque,
d'Auray, âgée de 41 ans.
Marie-Jeanne
Sauvé, de Vannes, âgée de 38 ans.
Yvonne-Pauline
Sauvé, de Vannes, âgée de 36 ans.
Louise-Vincente
Brochereul, d'Hennebont, 43 ans.
Julie-Germaine
de Botmilliau, de Quimper, 34 ans.
Jeanne-Marie
Pirvaux, de Vannes, 38 ans.
Marie-Thérèse
Allemand, du Port-Louis, 41 ans.
Vincente-Corentine
Morin, de Lorient, 33 ans.
Eulalie-Marie
Le Faure, de Vannes, 32 ans.
Marie-Anne
Le Grip, d'Arzal, âgée de 33 ans.
Marie-Françoise
Le Guével, de Lorient, 41 ans.
Marie-Vincente
Le Mintier, de Vannes, 32 ans.
Thérèse
Glain, de la ville d'Auray, 36 ans.
Mathurine-Rose
Debays, âgée de 29 ans.
Soeurs
converses.
Anne
Gaultier, de Moncontour, 77 ans.
Marie Sélineux,
d'Arradon, 77 ans.
Anne
Philippe, de Guingamp, 64 ans.
Gillette
Le Corps, de Saint-Brieuc, 59 ans.
Renée
Gillet, de Moustoirac, 54 ans.
Julienne
Le Berrigot, de Baden, 50 ans.
Olive
Tatevin, de Mesquer, 58 ans.
Jeanne
Cadio, de Saint-Avé, 46 ans.
Yvonne
Moreau, de Belz, âgée de 51 ans.
Jeanne
Touzo, de Plougoumelen, 40 ans.
Françoise
Le Claire, de Saint-Gonnery, 38 ans.
Marie-Joseph
Brien, de Pluneret, 26 ans.
Soeurs
tourières.
Olive Le
Heudé, de Batz.
Marie-Anne
Le Cloirec.
« Les
dites dames religieuses nous ont ensuite représenté leur
livre rentier, avec les pièces au soutien, dont nous avons pris le
relevé ».
1. Biens
fonds.
Le
couvent et l’enclos.
La métairie
du Livin, en Languidic, affermée : 637 livres 2 sols 6 deniers.
La métairie
du Léraud, en Guégon (près Cruguel) : 350 livres.
Deux
demi-tenues à Kerverch, en Landévant : 360 livres.
Maison et
jardin, rue de Poulho, à Vannes, affermés : 100 livres.
La métairie
et le moulin du Pont de Noyalo : 1,313 livres 16 sols 8 deniers.
Les
tenues de Cléguer, de Penher et de Béreth : 1,118 livres 11 sols 6
deniers.
Les 271
oeillets de marais salants à Noyalo : 1,626 livres.
Les 60
oeillets et le pré de Sarzeau : 387 livres.
La métairie
de Lesteno6Philippe en Saint6Nolff : 440 livres.
Total :
6,332 livres 10 sols 8 deniers.
II. Rentes.
Rente
constituée sur l’hôtel de ville de Paris : 350 livres.
Rentes
sur les Houx, Pautremat et Allemand : 195 livres 11 sols 1 denier.
Rente
viagère pour dotation d’une religieuse : 150 livres.
Rente
foncière sur l’hôpital d’Hennebont : 50 livres.
Total :
745 livres 11 sols 1 denier.
III. Charges.
Indemnité
de fief au Chapitre, pour l’enclos : 182 livres 10 sols.
Indemnité
au domaine pour Kerverch : 30 livres 10 sols.
Décimes
de la communauté : 118 livres 9 sols.
Rentes à
payer pour dix-neuf constituts : 3,375 livres 13 sols.
Six
rentes viagères à payer, montant : 1,892 livres.
Total :
5,599 livres 2 sols.
D’où
il suit que le revenu net est de 1,478 livres 19 sols 9 deniers, pour 51
religieuses.
MOBILIER
«
Nous ont déclaré les dites dames n’avoir que 84 livres d’argent monnayé.
Les plus
précieux meubles sont : deux ciboires de vermeil ; un ostensoir, une patène et
quatre flambeaux, aussi de vermeil ; trois calices, une custode, trois bassins,
six burettes, un crucifix, un encensoir, deux lampes et un bénitier, le tout
d’argent ; une cuillère potagère, une autre à ragout, 38 couverts complets,
20 cuillères dépareillées, et 15 cuillères à café , le tout d’argent.
A la
lingerie : 200 paires de draps, bons et mauvais, 6 douzaines de nappes, 100
douzaines de serviettes, etc...
A la
bibliothèque : 12 volumes in-folio, 84 in-quarto, 912 de différents formats;
tous livres de dévotion
».
Personnel.
« A
l’endroit, nous avons requis séparément chacune des dites religieuses de
nous déclarer son intention de rester dans le cloître ou d’en sortir :
toutes ont déclaré vouloir rester dans le cloître.
Nous étant
transportés dans la partie des bâtiments destinée aux pénitentes, nous avons
reconnu qu’elles sont au nombre de 24, toutes volontaires, et qu’elles
pourraient y être 50.
Ayant également
parcouru le bâtiment destiné aux pensionnaires, nous avons vérifié
qu’elles étaient au nombre de 50, et qu’il serait possible d’en loger 80.
Parcourant
les dortoirs destinés aux religieuses, nous avons vu qu’ils pouvaient en
contenir 70.
Et ont
les dites dames religieuses signé avec nous, les d. jour et an ». (L.
785. — Q. 298).
DISPERSION
Les
pauvres religieuses, sans défense devant l’envahissement du pouvoir civil,
s’attendaient à toutes les avanies.
Le 1er
juin 1791, la chapelle du Petit-Couvent, comme celles des autres communautés,
fut fermée au public et réservée aux seules personnes de la maison.
Le 25 août
1791, le directoire du département défendit aux religieuses de Notre-Dame de
la Charité, comme aux autres communautés, de recevoir aucune pensionnaire au
dessous de 20 ans.
Le 4 août
1792, l'Assemblée législative ordonna l’évacuation des .maisons
religieuses, encore occupées par des femmes. Le directoire du département du
Morbihan fixa l’exécution de ce décret au 1er octobre.
L’expulsion
de pauvres religieuses, déjà si odieuse en elle-même, fut encore aggravée
par la brutalité qu’on y mit. Les agents de l’autorité les firent sortir
de leur maison, sans pourvoir à leurs besoins immédiats, on leur laissa à
peine emporter de leurs cellules les effets et les objets qui leur étaient le
plus nécessaires. La plupart d’entre elles avaient apporté toutes leurs
ressources pécuniaires dans cette maison, où elles comptaient trouver un asile
pour le reste de leurs jours, et elles se voyaient jetées sur le pavé, sans
logement, sans ressources et parfois sans famille.
Il est
vrai qu’une modique pension leur était promise, mais elle devait être payée
en assignats, et ceux-ci subissaient alors une dépréciation considérable ; de
plus, il fallut bientôt, pour en jouir, prêter un serment qui répugnait à
leur conscience, et qu’elles eurent presque toutes le courage de refuser.
Seize
religieuses du Petit-Couvent furent internées, au mois de septembre 1793, à
l’hôpital de Saint-Nicolas de Vannes. C’étaient les saeurs Louise Le Moyne,
Françoise Rio, M. Félicité Boutouillic, Jeanne-Cécile Corbel, Michelle Le
Pavec, Marthe-Thérèse Roger, Catherine Larrey, M. Jeanne Bolle, M. Rose Rio,
Susanne Bédesque, Yvonne Sauvé, Louise V. Brochereul, M. Thérèse Allemand,
Vincente Morin, Gillette Le Corps et Olive Le Heudé. Il faut y ajouter Marie
Kergrohen, détenue à Auray. Elles ne furent remises en liberté qu’au
commencement de 1795.
Pendant
qu’on chassait ou qu’on enfermait les religieuses, on vendait leurs biens.
Voici la liste des aliénations par ordre chronologique.
1° La métairie
du Léraud en Guégon, près de Cruguel, fut vendue le 29 janvier 1791 au sieur
Le Gal, pour 9,825 livres.
2° La métairie
de Lesteno-Philippe, en Saint-Nolff, fut adjugée, le 2 mars 1791, à M.
Quermeleuc, pour 10,561 livres.
3° La métairie
de Bourgerel, en Noyalo, fut adjugée, le même jour, audit M. Quermeleuc, pour
4,278 livres.
4° La métairie
du Pont-de-Noyalo, en Theix, fut vendue, le 4 mai 1791, à M. de Châteaugiron,
pour 11,100 livres.
5° La métairie
du Liven, en Languidic, fut adjugée, le 3 novembre 1791, au sieur Bertrand, de
Lorient, pour 33,100 livres.
6° Les
marais salants de Noyalo, vendus en 1791 à M. de Châteaugiron pour 28,000
livres, furent définitivement adjugés, le 14 août 1793, à M. Marsilly, pour
54,500 livres.
7° Les
60 oeillets de marais et le pré de Sarzeau furent vendus, le 14 décembre 1793,
à M. Saint, pour 10,200 livres.
8° Le
petit jardin de l’enclos du Petit-Couvent fut adjugé, le 23 avril 1794, au
citoyen Degastine, pour 1,825 livres.
9° La
maison et le jardinet de la rue de Poulho furent vendus, le 16 juillet 1794, au
sieur Cato, pour 2,725 livres.
10° Le
grand jardin, au bas de l’enclos du Couvent, fut adjugé, le 27 mai 1796, à
M. Danet aîné, pour 11,000 livres.
11° La
maison, située à Vannes, rue de la Loi, fut vendue, le 16 juillet 1796, au
sieur Nio, pour 2,375 livres.
12e La
maison, située dans la rue du Petit-Couvent, fut adjugée, le 18 juillet 1796,
à M. Huchet, pour 2,160 livres.
13° Le
moulin à mer du Pont de Noyalo fut vendu, le 21 novembre 1796, à M. Danet aîné,
pour 63,417 livres.
14° Une
tenue à Béreth en Noyalo fut adjugée, le 3 janvier 1798, au sieur Mahé, pour
la somme de 44,208 livres.
15° Une
seconde tenue au même lieu fut vendue, le même jour, au sieur Le Gallic, pour
la somme de 30,180 livres.
16° Une
tenue à Penher en Noyalo, fut adjugée, le 3 janvier 1798, au sieur Mahé, pour
la somme de 42,061 livres.
17° Une
seconde tenue au même village fut vendue, le 5 janvier 1798, à Cl. Le Franc,
pour la somme de 53,380 livres.
18° Une
tenue à Cléguer en Noyalo fut adjugée, le 5 janvier 1798, au sieur Le Gallic,
pour la somme de 61,089 livres.
19° Une
seconde tenue au même village fut vendue, le même jour, au sieur Ehanno, pour
la somme de 61,088 livres.
20° Une
tenue à Kerverch en Landévant fut adjugée, le 15 janvier 1798, au sieur
Gougeon, pour la somme de 20,049 livres.
21° Une
autre tenue, située au même lieu, fut vendue, le même jour, à G. Macé ,
pour la somme de 40,069 livres.
Il est
facile de remarquer que pendant l’année 1798 les immeubles ont atteint un
prix véritablement fabuleux ; mais ce n’est là qu’une apparence trompeuse.
Les paiements ne se faisaient alors qu’en assignats, et par suite de la dépréciation
du papier monnaie, l’assignat de 100 livres ne valait plus que dix sous. En réduisant
les prix ci-dessus au centième on obtient à peu près le prix véritable.
HOPITAL
L’immeuble
du Petit-Couvent n’avait pas été aliéné. Après l’expulsion des
religieuses en octobre 1792, il resta disponible. Dès le mois de septembre
1793, il servit de prison, et reçut graduellement les victimes de la Terreur,
nobles, administrateurs et prêtres, jusqu’au commencement de 1795.
C’est
alors que le citoyen Davon, médecin militaire, trouvant que l’hôpital de
Saint-Nicolas était situé dans un endroit trop bas, demanda l’autorisation
de transférer les malades au Petit-Couvent, qui était beaucoup mieux placé.
Sa pétition, favorablement accueillie par la municipalité, par le district et
par l’administration départementale, fut sanctionnée le 6 janvier 1795 par
arrêté du citoyen Brüe, représentant du peuple.
Immédiatement
on transporta le mobilier de Saint-Nicolas au nouveau local, et notamment le
linge, la batterie de cuisine, la pharmacie et plus de 150 lits. Puis, pour
donner plus d’espace aux malades on congédia, le 27 février, le fermier qui
détenait le jardin, le verger, la buanderie et une maison d’habitation.
Toutefois
le Petit-Couvent tout entier ne fut pas converti en hôpital : une partie des
bâtiments, occupés jadis par les pénitentes ou les pensionnaires, fut réservée
comme maison d’arrêt ; et c’est là qu’on renferma, de décembre 1795 à
décembre 1796, les prêtres catholiques arrêtés par le gouvernement. Ce
n’est que plus tard que cette portion des bâtiments fut cédée à
l’administration des hospices.
L’hôpital
était alors desservi par des employés militaires : les religieuses étant
proscrites, il n’y avait pas à y songer. En 1801, le Ministre de la Guerre
ayant remis le Petit-Couvent à la disposition du Ministre. des Finances, et par
suite à l’administration des hospices, le général Bernadotte, depuis roi de
Suède, alors général en chef de l’armée de l'Ouest, à Vannes, donna
l’ordre, le 12 octobre 1801, de remettre, après inventaire estimatif, à la
disposition des hospices civils de la ville, tout ce qui existait au Petit-Couvent des effets mobiliers et médicaments de l’ambulance militaire.
Le procès-verbal estimatif de ces effets montait à 7,760 fr. Bien que ce fût
une restitution des objets prêtés en 1795, les administrateurs consignèrent néanmoins
dans le registre de leurs délibérations l’expression de leur reconnaissance
pour le général.
A cette époque, l’exaltation révolutionnaire se calmait, le Concordat se signait, et l’administration hospitalière songeait à remettre le soin des malades à des religieuses. Dès le 22 octobre 1801, la Commission des hospices, composée de MM. Laumailler, maire, Le Bourg, Ménard, Jourdan, Macaire et Botréhan, écrivit au préfet du Morbihan : « Nous vous prions d’intéresser le Ministre de l'Intérieur à engager le séminaire des Filles de la Charité à nous envoyer trois religieuses, dont une pour avoir la surveillance en grand de l’hospice, la seconde pour manipuler les remèdes et conserver la pharmacie, et la troisième pour prendre soin du linge et de tous les objets à l’usage des malades ».
Le 21 août 1802, la Commission n’ayant pas eu de réponse favorable, écrivit directement à la communauté. Mais les sujets manquaient, et il fut impossible d’accueillir sa demande. Alors elle se tourna vers les Augustines, qui avaient desservi l’hôpital de Saint-Nicolas avant la Révolution, et celles-ci acceptèrent les propositions qui leur furent faites.
En conséquence,
le 29 juillet 1803, « sept des religieuses de l’hôpital Saint-Nicolas, qui
se trouvaient alors à Vannes, furent appelées, et assistèrent à la délibération
et à la lecture des conditions rédigées par Mgr de Pancemont, évêque de
Vannes et l’un des administrateurs des hospices.
« Elles
furent chargées de tout le détail intérieur de l’hospice ; elles devaient
avoir un logement à part, et se nourrir, chauffer, blanchir, vêtir, meubler et
entretenir à leurs frais. L’administration leur accordait, pour huit
religieuses, la somme de 2,100 fr. par an, payable par trimestre.
« Le 3
août 1803, elles furent solennellement installées à l’hôpital du
Petit-Couvent. Mgr de Pancemont voulut lui-même officier à la tête de son
clergé, en présence du général Julien, conseiller d’Etat, préfet du
Morbihan, des administrateurs, de tout l’état-major du régiment en garnison,
et des habitants notables de la ville. L’évêque nomma pour supérieure la
soeur Coquerel, dite de Saint-Pierre.
« Elles
ne tardèrent pas à trouver l’occasion de prouver d’une manière éclatante
tout ce que peuvent la foi religieuse et la charité chrétienne dans la carrière
toute de dévouement et d’abnégation d’une soeur hospitalière.
« Le débarquement
de l’armée de Portugal, en 1808, encombra les hôpitaux de Vannes et d'Auray
de malades militaires : une terrible épidémie en fut la suite. L’hôpital du
Petit-Couvent ne suffisant plus pour les contenir, une succursale fut établie
dans la caserne de la Visitation ; une porte de communication fut ouverte, afin
que les religieuses n’eussent que la rue à traverser, pour aller porter leurs
secours d’un hôpital à l’autre, avec dispense de la clôture.
« Elles
n’étaient que sept à leur rentrée ; sept autres de leurs compagnes, étaient
venues les joindre ; trois avaient succombé et trois autres furent atteintes de
l’épidémie, ce qui les mit hors de combat. Elles étaient sur pied nuit et
jour, ainsi que leur aumônier ; elles furent même obligées d’interrompre
l’office du Choeur.
« Un des
officiers de santé de l’hôpital, M. Janin, paya aussi de sa vie son dévouement
et son zèle, et succomba après dix mois et demi du service le plus pénible ».
(Lallemand. ORIGINES, p. 251).
Cette épreuve une fois passée, l’hôpital du Petit-Couvent reprit sa tranquille existence. On ne trouve rien à signaler jusqu’à 1830. Les religieuses hospitalières de Quimper, ayant été obligées, en cette année, de quitter leur communauté, trouvèrent un refuge momentané chez leurs soeurs de Vannes. A cette même époque, la ville devint propriétaire, au prix de 2,000 fr., de l’ancienne maison d’arrêt, longeant la rue de la Loi, et les religieuses qui desservaient l’hôpital furent autorisées à s’y établir, en y faisant les réparations nécessaires.
Dix ans plus tard, quand la commune voulut bâtir une salle d’asile à l’extrémité des dépendances de l’hôpital, on fit un échange. L’administration des hospices céda à la commune le terrain nécessaire pour la construction de la salle et l’établissement de la cour, et reçut en retour le bâtiment ayant autrefois servi de maison d’arrêt et alors occupé par les soeurs de la Miséricorde de Jésus. Celles-ci étant en nombre suffisant à l’hôpital, fournirent deux ou trois de leurs soeurs pour avoir la charge de la salle d’asile, et l’école fut ouverte en 1841.
Les
religieuses desservirent ainsi l’hôpital du Petit-Couvent et la salle
d’asile jusqu’en 1866, où la tempête vint les frapper.
CHANGEMENTS
Il y
avait alors à Vannes trois hôpitaux desservis par trois communautés différentes
: l'Hôpital-Général, confié aux Filles de la Sagesse, l'hôpital du Petit-Couvent, tenu par les Augustines de la Miséricorde de Jésus, et l'hôpital
des Incurables de la Garenne, desservi par les Filles de Saint-Vincent de Paul.
Depuis
longtemps « les inspecteurs généraux des établissements hospitaliers
consignaient dans leurs rapports qu’ils regardaient l’existence à Vannes de
trois hôpitaux séparés comme occasionnant un surcroît de dépenses ».
La
Commission des hospices, voulant enfin régler cette affaire, se réunit le 31
mars 1866, sur les instances du préfet. « Etaient présents : MM. Lallement,
maire de Vannes, président, Hervieu, Aché, Boullé, Le Febvrier et Caradec ».
Tout le
monde fut d’accord pour supprimer l’hospice de la Garenne ou de Saint-Yves,
comme étant le moins important ; et cette décision, quand elle fut connue du
public, ne souleva aucune objection. — Que faire alors du personnel de la
maison, c’est-à-dire des incurables et des soeurs ? — Le public
s’attendait à voir les malades transférés à l'Hôpital Général ou au
Petit-Couvent, et les soeurs remises à la disposition de la maison-mère.
Mais la
Commission avait, paraît-il, un autre plan : elle voulait profiter de
l’occasion pour renvoyer les Augustines de la Miséricorde de Jésus et mettre
à leur place les Filles de Saint-Vincent de Paul ; elle prit donc l’arrêté
suivant :
« Considérant
que, la suppression de l’hospice des Incurables étant arrêtée, l’hospice
civil et militaire réunit toutes les conditions désirables pour la fusion des
deux établissements ; qu’en outre des salles employées au service des
malades et aux dépendances de l’hospice, il comprend de vastes bâtiments,
occupés par la communauté des soeurs de la Miséricorde de Jésus ; et qu’il
serait facile, en reprenant la libre disposition de ces bâtiments, d’y
installer en peu de temps et à peu de frais, tout le personnel des incurables
et douze soeurs, qui seraient préposées au service de ces deux établissements
;
« Considérant
que l’adoption d’une pareille mesure entraîne, comme conséquence nécessaire,
le renvoi de la communauté des soeurs de la Miséricorde de Jésus, qui a
toujours desservi l’hospice des malades avec un remarquable dévouement ; et
que ce n’est qu’avec regret que la Commission se décide à prendre une
pareille détermination ;
« Considérant
enfin que si les hospices possèdent aujourd’hui dans l’établissement des
Incurables et ses dépendances une valeur d’environ 70,000 fr., ils le doivent
en partie aux sœurs de Charité de Saint-Vincent de Paul, qui l’ont fondé
elles-mêmes (!). depuis plus d’un siècle ; et que par conséquent il
est de toute justice de les préférer à toute autre congrégation, surtout à
une congrégation cloîtrée ;
« Par
ces motifs, arrête :
«
Article 1er . L’hospice des Incurables sera supprimé et réuni à l’hospice
civil et militaire au moyen de son installation dans les bâtiments et dépendances
occupés par les soeurs de la Miséricorde de Jésus.
« Art. 2. L’établissement actuel des Incurables et la prairie qui en dépend seront vendus dans le plus bref délai, pour une partie de leur prix être employée aux frais d’appropriation et d’aménagement du nouvel établissement, et s’il y a lieu, au remboursement de ce qui pourra être dû à la communauté des filles de la Miséricorde de Jésus » (Reg. Délibérat. f. 45).
La décision, concernant le renvoi des Soeurs Augustines, fut à peine connue qu’elle souleva dans le public un mouvement de sympathie pour les victimes. On se demandait pourquoi l’on renvoyait des religieuses, dont personne ne se plaignait, et dont l’administration elle-même faisait l’éloge.
Bientôt
des pétitions circulèrent dans le peuple et dans le clergé de la ville, pour
demander leur maintien au Petit-Couvent, tout en y transférant les Incurables.
Les religieuses, disaient les pétionnaires, sont disposées à céder leur
logement aux incurables, et à construire, à leurs frais, une maison pour
elles-mêmes, et ainsi disparaît le motif de leur renvoi.
De plus,
ajoutaient-ils, leur maintien est beaucoup plus économique que leur
remplacement : elles sont 36 au service des malades, et il n’y en a que 8 payées
par l’administration, à raison de 200 fr. chacune ; dans la nouvelle
combinaison on prévoit déjà 12 soeurs, qui coûteront 2,400 francs par an,
sans compter la pension, et qui ne pourront jamais faire à 12 le même travail
que 36.
Enfin,
disaient-ils, les Filles de la Charité de la Garenne, après la suppression de
leur maison, seront immédiatement et facilement placées dans d’autres
maisons de leur ordre, tandis que les Augustines n’ayant pas de maison-mère,
ne peuvent pas se disperser ailleurs et doivent vivre ensemble et au besoin
mourir ensemble.
Les pétitionnaires
s’abstinrent de réfuter la grosse erreur historique commise par les
administrateurs, qui attribuaient la fondation de l’hospice des Incurables aux
Filles de Saint-Vincent-de-Paul.
Aucune de ces raisons ne toucha la Commission ; elle maintint sa décision, et demanda à la Supérieure générale des Filles de Saint-Vincent-de-Paul de lui donner douze soeurs, tirées de la Garenne ; ou d’ailleurs, pour desservir l’hôpital du Petit-Couvent. La soeur Lequette répondit que par délicatesse elle n’osait pas substituer sa congrégation à une autre congrégation religieuse. Mais la Commission ayant insisté, et ayant même menacé, en cas de refus, de prendre des laïques pour avoir soin des malades, elle finit par céder.
Un arrêté du 11 septembre 1866 approuva la suppression de l’hospice des Incurables et le transfert des malades au Petit-Couvent ; puis un autre arrêté du 24 septembre, même année, autorisa la vente par adjudication, en deux lots, sur la mise à prix totale de 70,000 francs, des bâtiments et dépendances de l’hôpital Saint-Yves.
Enfin, le
1er novembre 1866, les Augustines quittèrent le Petit-Couvent, emportant
l’estime et les regrets de la population vannetaise et se retirèrent à
Malestroit.
AGRANDISSEMENTS
Après le départ des Augustines, la Commission des hospices fit réparer le bâtiment qui leur avait servi de logement.
Bientôt elle put se convaincre que la maison était insuffisante, et qu’il fallait bâtir. Elle décida de démolir la maison de l’aumônier, qui avait été le Petit-Couvent primitif, ainsi que la maison qui lui faisait suite à l’est de la cour, et d’y construire un vaste bâtiment pour les femmes.
Le 17 avril 1867, la Commission, après avoir attentivement examiné les plans dressés par M. Charier, architecte, et avoir reconnu qu’ils remplissaient les conditions prescrites, les adopta définitivement et décida que leur exécution serait réalisée dans le plus bref délai possible.
Les travaux marchèrent assez rapidement, et le 27 juillet 1868, les incurables de la Garenne furent transférés au Petit-Couvent.
Quelques
années plus tard, la garnison de Vannes ayant été considérablement augmentée,
il fallut songer à fournir un local plus vaste à l’hôpital militaire.
L’administration, pour y parvenir, fit l’acquisition de la maison et des
jardins de M. Gaudin, qui avaient jadis appartenu au Petit-Couvent, et qui
avaient été aliénés pendant la Révolution. C’est à travers ces jardins
que l’on édifia un second bâtiment, faisant suite à celui qui bordait la
rue Le Sage.
C’est
le 5 avril 1883, que la Commission agréa définitivement le plan concerté avec
M. Maigné, architecte du département. Le rez-de-chaussée devait avoir
20 lits pour les fiévreux, répartis dans trois salles séparées ; la même
disposition devait se reproduire au premier et au second. Le cube d’air pour
chaque lit devait dépasser 70 mètres. Pour faire face à la dépense, évaluée
à 150,000 francs, la Commission vota la vente de rentes sur l'Etat, montant
à 6,300 francs par an. Elle ne demanda point de subvention à la commune de
Vannes, espérant faire face à toutes ses charges, malgré la réduction de ses
revenus.
Par suite
de ces constructions, voici quelle est, à la fin du XIXème siècle, la
distribution de l’établissement. Les militaires occupent tout l’ancien
couvent des religieuses de Notre-Dame de Charité ; les malades civils sont logés
dans les deux bâtiments neufs, les hommes dans celui du midi et les femmes dans
celui du nord.
Les incurables, hommes et femmes, dont la venue avait été la cause du renvoi des Augustines, ont été transférés à l’hôpital général, et leur logement, affecté à quelques services accessoires de la maison, reste disponible pour les cas d’épidémie et d’encombrement des salles ordinaires.
J.M. Le Mené
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