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Régaire et Officialité de l'évêché de Vannes

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REGAIRE DE L'EVECHE DE VANNES

On entend par Régaire la juridiction temporelle d'un évêque sur un territoire déterminé et sur ses habitants. 

La loi romaine, à partir de Constantin, reconnut aux évêques le droit de juger, non seulement les ecclésiastiques, mais encore les laïcs qui acceptaient leur juridiction. 

Les rois francs reconnurent le même droit, et pour éviter des conflits avec les comtes ou les gouverneurs de provinces, ils déterminèrent le territoire où la juridiction civile des évêques s'exercerait librement : tel est le premier germe des régaires. Ces concessions royales ne comportaient ni le droit de lever des troupes, ni le droit de percevoir des impôts fonciers ou personnels ; ces droits appartenaient au roi ou au comte qui le représentait. 

Mais au Xème siècle, en pleine formation féodale, les évêques reçurent généralement ces droits royaux, et quelques-uns même le droit de battre monnaie : de là vient le nom de Régale ou Régaire donné à l'ensemble des droits temporels de l'évêque sur son territoire ou son fief. 

A Vannes, les évêques ont eu dès l'origine, comme partout ailleurs, le pouvoir judiciaire ; mais ils ne paraissent pas avoir eu, avant le Xème siècle, c'est-à-dire avant la restauration de la Bretagne par Alain Barbetorte, en 937, un régaire, ou un régale, ou un fief, comprenant une partie de la ville et du territoire environnant. L'évêque Judicael, fils de Conan-le-Tort et frère du duc Geoffroy Ier, qui a gouverné le diocèse de 991 à 1037, a certainement possédé ce domaine temporel. 

A part la ville close et le quartier de Saint-Patern, conservés par le duc, à part le quartier de Saint-Salomon donné au Chapitre et celui de Saint-Guen attribué à l'abbaye de Rhuys, l'évêque eut dans son lot toute la paroisse du Mené et presque toute la campagne de Vannes, avec les paroisses de Plescop, Meucon, Theix et Surzur. 

Plus tard, l'évêque afféagea à la famille de Kaer une partie de son fief, s'étendant depuis le port de Vannes jusqu'au village de Bernus inclusivement, mais en se réservant la foi, l'hommage et certains droits seigneuriaux. 

Il laissa également se constituer en une sorte d'arrière-fief les possessions données vers 1153 à Saint-Martin de Josselin par le comte Eudon et comprenant la rue actuelle du Moulin et plusieurs terres vers l'ouest. 

En 1249, le duc de Bretagne Jean Ier confisqua le régaire de l'évêque Cadioc, on ne sait pour quelle raison. Le prélat, trouvant la mesure injuste, excommunia le prince, et son jugement fut confirmé par le souverain pontife Innocent IV. La paix fut enfin conclue en 1256.

En 1315, l'évêque de Vannes, comme les autres évêques de Bretagne, reconnut que son régaire venait originairement du duc et que le prince avait le droit d'en percevoir les fruits pendant la vacance du siège : c'est le fameux droit de régale, dont certains rois de France abusèrent plus tard. 

L'évêque avait aussi depuis 1333 une annexe de son régaire à Pontscorff ; ce petit fief fut aliéné, en 1563 et adjugé à Julien de Brignac pour 105 l,10 : remis en vente en 1570, il fut acquis par Jean Pezron, sieur de Penelan, pour le même prix. Il n'a pas été racheté depuis. 

En 1574, le roi Charles IX, sur la plainte de l'évêque, défendit à ses juges du présidial de recevoir les appels des jugements du tribunal des régaires, et décida que ces appels iraient directement devant la cour du parlement de Bretagne. Un siècle plus tard, en 1678, sur la demande de l'évêque, le parlement défendit rigoureusement aux sujets du prélat de se soustraire à sa juridiction pour se soumettre à celle du présidial, et condamna tout juge ou toute personne qui les encouragerait dans cette révolte. 

Dans l'intervalle, c'est-à-dire en 1639, la seigneurie de Kaer avait été acquise par Roland Morin, qui en avait fait aveu au roi, au lieu de s'adresser directement à l'évêque. De là un procès qui fut porté malgré le présidial devant le parlement : après de longues procédures, Mgr Charles de Rosmadec exerça son droit de retrait féodal, le 14 juillet 1666, et reprit le fief de Kaer, moyennant une indemnité de 6,000 livres, payée à M. Jean de la Landelle, qui en était alors propriétaire. 

D'un autre côté, le petit fief de Saint-Martin, qui était devenu la propriété des Carmélites, fut contesté par Mgr Sébastien de Rosmadec, et une sentence des Requêtes du 7 juillet 1646 le réduisit à l'enclos de la communauté. Un accord passé en 1676 lui rendit sa juridiction sur quelques terres et prairies situées à l'ouest du couvent, mais l'ancienne rue de Saint-Martin ou du Moulin resta définitivement dans la mouvance directe des Régaires. 

Telle était la situation générale, quand Mgr de Vautorte fit son aveu détaillé du 5 avril 1683. « Déclare le dit seigneur évesque tenir du roy, sous son domaine de Vennes et autres, en fief amorty, le fief et la juridiction temporelle des Régales ou Réguaires de Vennes, avec droit de haute, moyenne et basse justice, et de pourvoir les offices de sénéchal, alloué, lieutenant, procureur fiscal, greffier, et aussi nottaires, tabellions, procureurs, sergents, geolliers, et tous autres officiers, pour l'exercice de la dite juridiction, de laquelle les audiences se tiennent ordinairement en l'auditoire d'icelle en la rue de Notre-Dame, aux jours de mercredis et samedis, à une heure de relevée. Du district et proche mouvance de laquelle juridiction sont sujets, hommes et vassaux, tous les particuliers, propriétaires, possesseurs et domiciliés dans l'étendue des rues, fauxbourgs et paroisses cy-après, tant pour leurs personnes que pour les maisons, terres et héritages qu'ils y possèdent ; sur lesquels héritages ils doivent plusieurs rentes et prestations, tant par argent que par grains et autres espèces ; et sont traittés et jugés devant les juges et officiers d'icelle en toutes instances, causes, procès et matières, soit d'office civil, soit criminel, et les appellations qui sont interjetées de leurs sentences et jugements sont portées immédiatement en la cour de parlement de ce pays, sans aucun autre degré de juridiction, et sans que aucuns autres juges en puissent connaître »

L'évêque énumère ensuite minutieusement les maisons de la ville, avec les noms des propriétaires et les rentes féodales à percevoir, en suivant la rue du Baly ou de Notre-Dame et ses deux impasses, la rue du Mené, la rue de Saint-Martin et autres du quartier de la Boucherie actuelle. 

Au delà du ruisseau de Rohan, il a sous son fief le quartier de Saint-Symphorien, depuis la route jusqu'à la rue Neuve exclusivement, puis les terres de Kercadre, Menémeur, Landréhan, Camsquel, Le Téninio et Kerbiguet. 

Au midi de ce ruisseau s'étend un autre quartier limité au sud par la rue d'Auray ou de Saint-Yves, par le fief du Chapitre et par la route du Vincin, borné à l'est par la Croix-Verte et à l'ouest par le ruisseau du Pargo ; il renferme Rohan, la Madeleine, le Pargo et une partie de la ville. 

Au sud de Saint-Salomon jusqu'à Conleau et depuis le port jusqu'au ruisseau du Vincin, se trouve l'ancien fief de Kaer, réuni aux Régaires en 1666, et comprenant le quartier droit du port, avec les villages de Trussac, Kervenic, Cliscoet, Bernus, Conleau et enclaves. 

A gauche du port, le fief comprend le faubourg de Calmont et s'étend vers le ruisseau de Saint-Léonard, englobant Limoges, La Noë, Tohannic, Kérino, Larmor, Arcal, Kerbourbon, Kermen et Rosvellec. 

Un dernier quartier s'étend du moulin du duc et du chemin de Bohalgo à l'ancienne route de Nantes et au ruisseau de La Noë, et comprend dans son périmètre la rue de Groutel, les terres de Beaupré, du Prat et de Bohalgo. 

Il faut y ajouter le village de Botmayec en Saint-Noff, où il y a 140 journaux de terres. 

De plus, les îles d'Ilur, d'Iluric et Godec, dans la rivière de Vannes, sont également dans la proche mouvance du fief des Régaires. 

« La paroisse de Theix, continue l'évêque, avec son bourg et appartenances en général, sans exception ; dans laquelle sont scittuées plusieurs maisons nobles et métayeries, sçavoir, celles du Plessis, du Pont-Noyalo et Quernicol, possédées par dame Anne de Goulaine, douairière du feu sire de Rosmadec du Plessis ; les manoirs de Tréduday et de Bonnepart et leurs apartenances, possédés par Messire Julien Le Séneschal, sieur des d. lieux ; la maison. de Bonnervaut, appartenant au sieur Le Boudoul de Querandrun ; les maisons de Sallarun et du Pérenno, possédées par le sieur Sorel du Laz ; la maison de Quersapé au sieur du Bot du Grégo ; celle de Querandrun, au sieur Le Boudoul de Baudory ; celle du Granil à M. de Montigny ; et plusieurs autres, tant nobles que roturières, héritages et domaines congéables, suivant l'uzement de Brouérec, sur lesquelles il est deub plusieurs rentes, au terme du dernier dimanche de may, sçavoir à l'Averdon, Rabestang, Bréminy, Brengolo et ailleurs..., avec en outre la foy, hommage, corvée, obéissance à cour, fours et moulins, sur toutes les maisons et terres de la paroisse de Theix. 

La paroisse de Surzur, avec son bourg, villages et terres quy la composent, aussy en général ; dans laquelle sont scittuées plusieurs maisons nobles et leurs dépendances, sçavoir, celle du Grégo, apartenant à Messire Vincent du Bot, sieur du dit lieu ; la maison de Pérennes à Messire Jean de Lescouble, sieur de Larmor ; celle de Penbulzo à M. et Mme de la Bédoyère ; la maison de l'Epinaye à dame Anne de Goulaine, douairière du Plessis ; celle de Querguizec, au sieur du d. lieu ; la maison du Vaujour, à Messire René du Cambout, marquis du d. lieu ; celle de Cohano à Messire Julien Le Séneschal, sieur de Pacé ; le presbytère de la d. paroisse et ses dépendances, et plusieurs autres terres et métayeries nobles, roturières et à domaine congéable, pour lesquelles il est deub au dit seigneur plusieurs rentes..., et, en général, tout ce quy est compris et enclavé dans l'étendue de la d. paroisse relève prochement du fieff et juridiction des Régaires.

Le bourg et paroisse de Meucon sont aussy entièrement et sans exception du mesme fief et juridiction des Régaires ; dans laquelle paroisse sont plusieurs maisons et métayeries nobles, sçavoir, celle du Guern, appartenant à M. du Pont de Chuilly ; conseiller à la cour ; celle de Lesvellec, en Saint-Avé, au sieur Gibon du Grisso, sur lesquelles et autres terres nobles, roturières et à domaine congéable, il est deub chacun an plusieurs rentes.., outre la foy, hommage, corvée, obéissance, suite de cour, moulins et fours, et autres droits de seigneur haut justicier. 

La paroisse de Ploescob, avec son bourg, presbytère, maisons et terres, comprises dans l'estendue d'icelle, sont pareillement du distroit et mouvance proche de la dite juridiction, en entier et sans rien réserver, sçavoir, les maisons nobles du Couédic et de Kerisouet, appartenant à Messire Julien Gibon, sieur du Grisso ; celles de Brambec et de Kerlevenant, aux enfants et héritiers de Messire Julien de Sérent, sur lesquelles et autres maisons, terres et héritages nobles, roturiers et à domaine congéable, il est deub chacun an plusieurs rentes au dit seigneur évesque. 

Dans les églises matrices, trévialles et chapelles de toutes les paroisses cy-devant mentionnées, le dit seigneur évesque est le premier prééminencier, comme patron et seigneur féodal, avec tous les droits honorifiques y attribués, comme de ceintures, armoyries, listres, tombes élevées, enfeus prohibitifs et tous autres apartenans à patron et seigneur haut justicier.

Ensemble droits de ventes et lods de tous les contrats y sujets, de sceaux, d'inventaires de police, prisons, ceps, colliers, carquans ; de justice patibulaire et fourches publiques à quatre posts, piloris et potences ; de deshérence, biens vacants et abandonnés, successions de bastards ; de faux, amendes et confiscations ; des pavés, gallois, communs, terres vaines et vagues ; de foires tant en cette ville que au bourg de Theix ; et généralement tous les droits apartenans à seigneur haut justicier. 

Le droit de patronage dans l'église et chapelle de Pontscorff, avec fief et juridiction haute, moyenne et basse, et plusieurs rentes et pareil droit dans la chapelle de Saint-Davy et terre de Vennes, des fauxbourgs de Quimperlé, ayant été cy-devant aliénés, au dit seigneur évesque est réservé à les retirer et les employer dans la présente déclaration, en tant que besoin, comme anciennes dépendances de son évêché. 

En outre, droit de fuyes, colombiers, garennes et pesches, tant ausdits lieux de Querango et Querbiguet que dans toutes les paroisses, isles et rivières estant de la mouvance proche de son fief et juridiction des Régaires. 

Le dit seigneur évesque est aussy en droit d'avoir et lui appartient la moityé des anciens droits, coustumes et trépas levés par les fermiers de Sa Majesté dans la ville et fauxbourgs de Vennes, vulgairement apellés de la grande et petite Croix, lesquels fermiers du roy ont l'autre moityé, conformément aux anciens rolles rentiers de Sa Majesté et autres actes. 

Et outre de percevoir pair ses fermiers et receveurs la coustume et autres droits nommés trépas, aux foires de la Nativité de Notre-Dame et deux autres qui se tiennent en la dite ville de Vennes, et à toutes celles qui se tiennent au bourg de Theix. 

Et à cause de son dit évesché, il lui est deub, chaque an, de rente, au terme de Saint-Gilles, la somme de six livres sur le moulin à fouller de Pontprégent scittué en la paroisse de Saint-Avé, appartenant à M. le le président de Montigny » (Ev. G. 9).

Dans l'origine, l'évêque rendait lui-même la justice à ses sujets ; mais ses multiples occupations l'obligèrent bientôt de déléguer ses pouvoirs à des juges ecclésiastiques ou laïques. Peu à peu l'élément laïque eut la prépondérance, et il finit par rester seul maître du terrain, à cause des affaires criminelles qui réclamaient la mort ou la mutilation des coupables. Il y avait anciennement appel du tribunal des régaires à l'évêque lui-même ; ses séances solennelles portaient le nom de grands jours. Le roi les supprima en 1574, pour attribuer directement les appels à la cour du parlement, comme on l'a dit. Voici un extrait des comptes de l'évêché, en 1509, qui prouve que le tribunal des régaires ne plaisantait pas avec les criminels. « Poyé pour une potence, garnye de lyans, de 22 piez de long hors de terre, et une eschelle de 25 piez de long, 46 sols. — A Jehan Le Pallazre, maistre des haultes oeuvres, pour avoir destruit et mis à mort, par exécution de justice, Jehan Gillet, et pour cordage, 3livres,10. Au dit Jehan Le Pallazre, pour avoir par trois jours de sabmadi fustigé et baptu ung nommé Guillaume Trény, et autre sabmadi couppé son oreille, 3l, 9s, 2d. ».

 

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OFFICIALITE DE L'EVECHE DE VANNES

L'évêque n'avait pas seulement son tribunal civil, appelé Cour des Régaires, il avait encore son tribunal ecclésiastique, appelé Officialité, ou cour de l'officialité. 

Le premier avait dans son ressort les laïcs du territoire des régaires et leurs affaires temporelles, le second les ecclésiastiques de tout le diocèse et les choses spirituelles. 

L'organisation des deux tribunaux était semblable pour le personnel, mais les noms changeaient : au lieu du sénéchal, du lieutenant, du procureur fiscal et du greffier, composant la cour des régaires, il y avait l'official, le vice-gérant, le promoteur et le greffier ou le scribe, composant la cour de l'officialité. 

L'Official était le vicaire général, chargé spécialement de la juridiction contentieuse. Créé au XIIIème siècle, pour amoindrir le pouvoir judiciaire de l'archidiacre, il était le président du tribunal ecclésiastique qui prit de lui le nom d'Officialité. Pour l'assister, il pouvait prendre des assesseurs, dont il demandait l'avis, mais lui seul jugeait et prononçait la sentence. Nommé par l'évêque et révocable par lui, il voyait sa juridiction s'éteindre avec celle du prélat ; son pouvoir étant une émanation de celui de l'évêque, il n'y avait pas appel de son tribunal à l'évêque diocésain, mais au métropolitain, puis au pape. L'official était pris ordinairement parmi les chanoines ou les recteurs : ce qui était une économie pour la mense épiscopale. 

Le Vice-gérant était le suppléant ou le lieutenant de l'official ; il le remplaçait en cas d'absence, et avait les mêmes pouvoirs que lui. 

Le Promoteur, nommé pareillement par l'évêque, évoquait les accusés et les causes devant le juge, et requérait contre les coupables l'application des pénalités édictées par les saints canons, les lois et les règlements de l'Eglise. Pour instruire les causes, avant d'en saisir le tribunal, et pour recueillir les dépositions préliminaires des témoins, il pouvait prendre des auditeurs, qui devaient lui remettre leurs rapports. 

Le Greffier ou scribe était chargé d'écrire les sentences, d'en donner des copies et de garder les archives.

A côté du tribunal se trouvaient une foule d'autres officiers, tels que procureurs, huissiers, avocats. Un de ces derniers portait le titre d'avocat des pauvres, parce qu'il devait, d'office et gratuitement, plaider pour ceux qui n'avaient pas le moyen de payer un défenseur. 

Quelle était la compétence de l'Officialité ? 

Elle s'étendait à tous les ecclésiastiques du diocèse. On a vu précédemment que la loi romaine, à partir de Constantin, avait reconnu aux évêques le droit de juger tous les clercs dépendant d'eux. Charlemagne et les rois francs avaient maintenu la même prérogative, et les évêques avaient constamment jugé leurs sujets par eux-mêmes ou par leurs archidiacres. 

Le concile de Laval, en 1242, renouvela les canons des conciles de Milève et de Chalcédoine contre les clercs qui portaient leurs causes aux juges séculiers. Le concile d'Angers, en 1279, excommunia les seigneurs et les juges séculiers qui traînaient les ecclésiastiques devant les juges laïcs, pour des actions personnelles. Un autre concile d'Angers, en 1448, décerna l'interdit sur tous les lieux où les juges refuseraient de relâcher les clercs arrêtés par eux. 

L'official de Vannes eut, à cette époque, un curieux conflit avec le duc de Bretagne. Le 13 mars 1460, ce juge ecclésiastique, se conformant aux décisions de l'Eglise, défendit, sous peine d'excommunication, à tous les juges laïcs de poursuivre et de juger les personnes ecclésiastiques. Il s'agissait spécialement d'un clerc mineur marié, prévenu de violences à main armée et détenu dans la prison du duc. Dès le lendemain, le procureur général du duc fit appel au métropolitain de Tours, en consignant ses griefs, et demanda des lettres constatant son appel. L'official, engagé dans l'affaire, refusa ces lettres, mais l'évêque les donna. Peu après le duc défendit aux juges ecclésiastiques d'entraver l'exercice de sa juridiction. — Quelle fut l'issue de ce conflit ? — On l'ignore. L'official avait pour lui le droit, le duc avait la force, et il est probable que la victoire lui resta (Archives de Nantes. E. 72)

La première atteinte légale à l'immunité des ecclésiastiques date de 1539 : le roi François Ier ordonna que les clercs inférieurs, mariés ou non, exerçant le négoce, seraient jugés par les séculiers, tant pour les affaires civiles que pour les affaires criminelles. — Une autre atteinte plus grave fut portée par l'ordonnance de Moulins en 1566 : Charles IX réserva à ses juges la connaissance de quelques délits, appelés pour cela délits privilégiés, commis par les clercs inférieurs ou même supérieurs. Cette usurpation trop brutale fut corrigée en 1580 par Henri III, qui statua que les délits réservés seraient portés devant l'official, assisté de deux juges séculiers, pour l'instruction seulement, et non pour la sentence, qui était prononcée par l'Official. 

Au moyen âge, dans les affaires importantes, les évêques siégeaient eux-mêmes, assistés d'un clergé savant, et zélé pour la religion et la discipline. Les laïcs se soumettaient volontiers à une cour si sainte et si éclairée, parce que ses séances étaient fréquentes, tandis que les réunions des parlements et des tribunaux séculiers étaient plus rares. Plus tard, quand les parlements sont devenus sédentaires et pour ainsi dire perpétuels, ils ont attiré les justiciables à eux, et contribué à faire déserter les cours ecclésiastiques. Les officiaux n'ont conservé que les causes personnelles et criminelles des ecclésiastiques. Un laïc, poursuivi par un clerc, s'adressait à la justice séculière, et l'ecclésiastique était obligé de l'y suivre. Réciproquement, un clerc, poursuivi par un laïc, devait s'adresser à l'official, et forçait le laïc à le suivre devant cette juridiction. 

L'Eglise, ne voulant pas la mort du pécheur mais sa conversion, usait d'une certaine indulgence envers ses minisstres, pour les ramener dans la bonne voie. Elle les condamnait d'abord à réparer les dommages causés au prochain, s'il y avait lieu ; elle leur imposait parfois une amende pour une oeuvre pie, et les obligeait à passer un certain temps dans un monastère, pour y faire pénitence. D'autres fois le juge les frappait de suspense de leur office, et même d'excommunication, et de privation de leur bénéfice. S'ils étaient rebelles, il les condamnait à une prison plus ou moins longue, et s'ils avaient commis un crime capital, il les faisait dégrader et les livrait parfois au bras séculier. Le juge ecclésiastique ne pouvait pas condamner à mort, les canons de l'Eglise le lui défendaient ; mais les juges séculiers n'avaient pas la même restriction à observer, et quand on leur livrait un coupable dégradé et pour ainsi dire sécularisé, ils recommençaient sommairement son procès, et le faisait exécuter sans pitié. 

La révolution française a supprimé toutes les juridictions seigneuriales et ecclésiastiques, pour soumettre tout le monde à la justice civile. Elle a cependant fait exception pour les militaires, qui sont jugés par des conseils de guerre, et pour les commerçants, qui sont jugés par des tribunaux de commerce. La logique aurait donc dû conserver les officialités pour juger les ecclésiastiques. Mais à cette époque de haine religieuse, on voulut tout détruire, les institutions et les personnes elles-mêmes. Le code Napoléon a maintenu la même exclusion à l'égard de l'Eglise, ou du moins s'il ne proscrit pas formellement l'officialité, il ne la reconnaît pas non plus ; il ne lui rend pas ses sujets, et ne soutient pas ses décisions. 

L'Eglise, depuis un siècle, subit cette usurpation en France, mais elle ne l'accepte pas, et elle maintient l'axiome : « la force ne fait pas le droit »

Outre les personnes ecclésiastiques, l'officialité avait encore à juger les choses spirituelles, telles que les causes matrimoniales, l'hérésie, la simonie, la magie, le serment, etc. 

Le mariage est un sacrement, et à ce titre il relève de l'Eglise. C'est à elle de voir si toutes les conditions requises pour la validité du contrat ont été observées, s'il n'y a pas d'empêchement qui annule le mariage ou qui le rende illicite ; c'est à elle d'accorder les dispenses qui sont en son pouvoir, d'autoriser la séparation des époux, et quelquefois même de rompre le lien qui les unit. 

Le concile de Trente prononce l'anathème contre ceux qui refusent de reconnaître ce pouvoir à l'Eglise : Si quis dixerit causas matrimoniales non spectare ad judices ecclesiasticos, anathema sit (XXIV. 12). Conformément à ce décret, le roi Henri IV, par un édit de l'an 1606, ordonne « que les causes concernant les mariages soient et appartiennent à la connaissance et juridiction des juges d'Eglise ». L'Eglise a toujours été en possession de faire des règlements de discipline sur cette matière ; elle a toujours connu seule, jusqu'à la Révolution, des contestations qui regardaient. le lien du sacrement, même à l'égard des souverains. 

« On ne conteste pas aux gouvernements, dit Mgr Gousset, le droit de régler les effets civils, les conventions matrimoniales, d'accorder ou de refuser certains avantages aux époux, suivant qu'ils auront observé ou violé les lois du pays. En un mot, la puissance temporelle statue sur le temporel du mariage, c'est son domaine, mais en même temps sa limite. Le lien divin, qui constitue le mariage, est de l'ordre spirituel, et ne peut tomber que sous la juridiction spirituelle »

Les rédacteurs du Code civil, en 1803, se sont placés en dehors de l'Eglise, dans leur législation sur le mariage. Faisant table rase des lois canoniques, ils ont réglementé, non plus les effets civils seulement, mais le lien même du mariage, en établissant des empêchements arbitraires, en supprimant des empêchements réels, et en brisant le mariage par le divorce et la mort civile. Ce ne sont plus les ministres de l'Eglise, mais les magistrats civils qui dispensent des empêchements, président aux unions et prononcent les divorces. 

De cet antagonisme des lois canoniques et des lois civiles naissent parfois de singulières et inextricables situations. « Aujourd'hui, disait M. Carion-Nisas, il peut y avoir contrat civil et nul pacte religieux, et aussi pacte religieux et nul contrat civil. On peut vivre avec la même femme, épouse selon la loi et concubine selon la conscience, épouse selon la conscience et concubine selon la loi »

A qui la faute ? Est-ce à l'Eglise, qui a conservé sa législation séculaire, législation admise par tous les peuples catholiques de l'univers ? N'est-ce pas plutôt à la France, qui a voulu faire pour ainsi dire bande à part, et ne tenir aucun compte des lois de l'Eglise, sa mère. Un accord est nécessaire pour mettre fin aux troubles des consciences, mais pour cela il faut que l'Etat renonce à ses usurpations, et l'Eglise lui fera sur les points secondaires toutes les concessions possibles. 

Aujourd'hui l'Official est réduit à donner les dispenses des empêchements dirimants ou prohibants du mariage, et à tenir compte dans une certaine mesure des empêchements civils ; il ne peut exercer ses autres attributions qu'avec une grande prudence à l'égard des futurs et à l'égard du gouvernement. Le prêtre lui-même, chargé de recevoir le consentement des époux et de leur donner la bénédiction nuptiale, ne peut le faire qu'après avoir reçu le certificat du contrat civil, sous peine d'une amende de 16 francs à 100 francs ; en cas de récidive, il est puni, pour la première fois, d'un emprisonnement de deux à cinq ans, et pour la seconde fois de la déportation (Art. 132, 200). — Et cependant l'Etat avait solennellement promis, dans le Concordat de 1801, que « la religion catholique, apostolique et romaine serait librement exercée en France »

Une autre chose spirituelle, dont le gouvernement civil ne peut s'occuper, c'est la pureté de la foi, et par suite l'hérésie qui l'attaque. En dehors de l'Inquisition romaine et universelle, chaque évêque est dans son diocèse l'inquisiteur né de l'hérésie ; c'est à lui de veiller à l'enseignement de la vraie foi et à poursuivre tous ceux qui l'attaquent et qui cherchent à répandre des nouveautés. 

Sous ce rapport, le diocèse de Vannes a joui d'une longue paix et l'Official n'a eu guère à agir. Les premiers troubles sont venus des Calvinistes, qui avaient fait un certain nombre de prosélytes à la Roche-Bernard, à Josselin, à Pontivy, et dans les environs. Or à cette époque, la Roche-Bernard était du diocèse de Nantes, Josselin de Saint-Malo, et Pontivy seulement de Vannes. Si l'official a été appelé à poursuivre, sa besogne a été bien restreinte. — Plus tard ont paru quelques Jansénistes, mais comme ils se disaient catholiques et que leurs erreurs étaient très subtiles et difficiles à saisir, ils ne paraissent pas avoir trop fatigué l'officialité ; ordinairement ils souscrivaient les formulaires qu'on leur présentait. 

A la suite de l'hérésie se place la superstition. Sous ce nom on comprend spécialement l'invocation expresse ou tacite du démon, pour connaître les choses cachées ou futures ; la magie pour produire des effets merveilleux, au-dessus des forces naturelles ; les maléfices, pour nuire aux hommes ou aux bêtes. Ces crimes étaient jadis plus communs qu'aujourd'hui, et les sorciers en particulier ont laissé une réputation qui n'est pas encore oubliée. 

L'officialité avait également à s'occuper du serment, du parjure, des blasphèmes, de la simonie, et autres matières analogues. 

Les causes mixtes, c'est-à-dire en partie spirituelles et en partie temporelles, étaient aussi de son ressort, comme les questions de bénéfices, de dîmes, d'obligations, de patronages, de legs pieux, etc... Néanmoins les juges séculiers avaient toujours une tendance à intervenir dans ces matières, à cause du côté temporel qui y était annexé. 

Un compte de promoteur de l'officialité de Vannes, pendant la vacance du siège, du 28 avril 1514 au 30 juillet suivant, c'est-à-dire pendant trois mois, accuse une recette de 30 sols pour l'institution de chaque procureur des fabriques paroissiales, de 6 livres 10 sous pour l'impression du sceau sur les quittances ou absolutions des personnes, de 40 sols pour les quittances des testaments, de 20 sols pour les sentences dans les causes matrimoniales, et de 15 sols pour les amendes infligées durant cet intervalle. Par contre, le même promoteur a payé 20 livres à Germain Nio, geôlier de la prison épiscopale, 5 livres 7 sols 6 deniers pour des sièges et des bancs dans la salle de l'auditoire, 43 sols pour la nourriture de deux prisonniers (Chap. G. Registre). 

Le sceau de l'officialité de Vannes, en 1470, sous l'évêque Yves de Pontsal, était de forme ovale à pointes ; il portait sur le champ une crosse, accostée à dextre d'une mître, à senestre d'une clé, le tout appuyé sur l'écusson de l'évêque, qui était d'hermines à la fasce de gueules, chargée de trois besants d'or. 

C'était le même en 1395, moins l'écu de l'évêque.

Aujourd'hui l'officialité n'a plus de sceau particulier : elle emploie depuis longtemps le sceau de l'évêque qui l'a instituée. 

L'officialité intervient encore dans les enquêtes pour les miracles attribués à des personnages morts en odeur de sainteté. Elle est aussi chargée de juger les causes temporelles et spirituelles entre ecclésiastiques, mais le gouvernement civil ne se charge pas de faire exécuter ses sentences ; elle n'a d'autre sanction que la conscience et les censures (abbé Le Mené). 

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