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L'AGONIE DU MONASTERE SAINT-MARTIN DE VERTOU.

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En 1765, l'abbaye Saint Martin vient de fêter ses douze siècles d'existence. Sans doute elle ne connaît plus son rayonnement spirituel des premières années. Les siècles ont passé, apportant avec eux bien des joies, bien des peines. La maison ne compte plus aujourd'hui que sept Religieux, auxquels il faut ajouter le Prévôt, Dom Coulon de la Besnardais, qui habite le plus souvent à Paris. Dans son livre "Histoire Religieuse de la Révolution. Française" l'écrivain Pierre de la Gorce signale "La population moyenne de chaque abbaye, la veille de la Révolution, était de 6 à 7 Religieux". Vertou était donc dans les normes prescrites.

Le monastère avait été en partie rebâti à la fin du XVIIème siècle. Il comprenait la maison monacale avec les cellules des moines et les salles communes, une cour, un jardin avec puits, une chapelle sur la promenade, ou chaque jour après le repas de midi, on se réunissait pour une prière à la Vierge, des pressoirs et des granges, le tout occupant environ trois journaux. A gauche du portail d'entrée, la maison Prévôtale avec trois chambres pour le Prévôt et quatre chambres pour les hôtes de passage, salle à manger, bibliothèque et billard, le tout convenablement meublé. Dans la bibliothèque se trouvaient environ deux mille ouvrages, comprenant les oeuvres de Saint Augustin et de Saint Benoit, les Pères de l'église, l'histoire éccléisiastique de Fleury, des livres de littérature et de philosophie récemment parus [Note : Tous ces volumes furent achetés le 24 Février 1791 par le Sieur Gigorgeux, libraire à Nantes].

C'est là aussi qu'étaient logés les 20 volumes de titres brûlés sur la place de l'église au début de la Révolution, archives importantes, qui nous auraient fourni toute la vie du monastère de 1080 à 1790 (Archives Départementales, L. I., Q.41).

Dans l'esprit simplice du peuple, une idée, à Vertou comme ailleurs, s'était enracinée, celle que les Religieux étaient riches. On avait peine à faire une distinction entre tel ou tel monastère. On les savait exempts de l'impôt de la gabelle, qui pesait tant sur la vie des paysans. Les moines avaient sans doute des revenus mais ils avaient des charges, tout au moins à Vertou. L'entretien de la Chaussée et de l'écluse, de même que les oeuvres charitables leur incombaient. Ici ils possédaient sans doute sept métairies, quelques moulins et de nombreuses parcelles de terre. Citons pour information : la ferme de l'abbaye, située tout prés de la maison des Religieux, sur le terrain qu'occupait ces dernières années l'école publique des Filles, rue Aristide Briand. Le fermier, Jean David, cultivait les terres et la vigne qu'on nommait "les Treilles". C'est lui d'ailleurs qui avait en gérance le moulin de la Garouère. Georges Saupin exploitait par ailleurs la ferme de la Briancière, Crétin celle de la Visonnière, Jacques Herel celle de la Juillerie récemment remise à neuf. Heurtin louait les terres du Chêne et de la Barbinière. Il y avait aussi les Métairies du Fouy et de la Landière, dont les exploitants nous sont inconnus. Un trouve des métayers qui louent des prairies ou des vignes. Farineau à la Ramée, Maugeais et Bahuaud à la Ville au Blanc, Martin Formont à la Denillère, Devin et Poiron à Portillon, Saupin à la Rivière et Maugis à la Vairie. On pourrait en citer encore bien d'autres. Arrêtons là cette longue énumération des revenus de la Prévôté. En 1785, toutes ces terres rapportaient environ 34.000 livres.

Depuis 1635, les revenus du monastère se divisaient en trois parties. Une pour le Prévôt Commanditaire, l'autre pour assurer le subsistance des moines et la troisième était réservée pour les réparations ou constructions à faire et pour les oeuvres charitables. Le Prévôt percevait par ailleurs des dîmes dans les paroisses voisines de Monnières, Haute Goulaine, Chapelle Heulin, Saint Fiacre, Maisdon et Rezé. Il devait en retour verser aux Recteurs de Vertou (Archives Départementales, L. I., Q.50 et 51) et de chacune de ces paroisses un certain pourcentage. Les dîmes variaient avec les régions. A Vertou, elles frappaient uniquement les paysans sur le blé et le vin. Elles étaient recueillies par des fermiers, nommés par le Prévôt, et qui prélevaient à titre d'intermédiaires d'assez gros bénéfices.

Les Moines ajoutaient à leurs revenus ceux de la ferme des "Trois Métairies" située au delà du Planty, dans le quartier du Mortier-Vannerie, et les droits de pêcherie dans la Sèvre, qui s'élevaient à la modique somme de 260 livres. Ils devaient en retour assurer trois jours par semaine une distribution gratuite de pain. En 1785 ils toucheront 18.916 livres pour les deux parts de revenus qui leur reviennent. Mais les charges prévues pour les réparations et entretiens s'élèveront à 10.889 livres. Faites vous-mêmes la différence et vous arriverez à conclure que ces bons moines ne roulaient pas sur l'or.

Le Prévôt Dom Coulon de la Besnardais vit surtout à Paris. Le Prieur claustral, Dom Soulastre le remplace au monastère. A certains jours l'abbaye s'anime. C'est qu'on attend ce jour-là la visita du Prévôt à ses fils. Il vient assez rarement les visiter et se fait plutôt représenter par son homme d'affaires, chargé par lui de recueillir les revenus qui lui échoient. Tous les Prévôts n'agissent pas ainsi et rendons ici une fois de plus un témoignage de reconnaissance à Dom Libéral de Marenzac pour ses largesses à l'égard des Vertaviens.

Nous avons parlé déjà de la décadence dans les vocations. Elle répondra à une décadence dans les services. Les Religieux se sont accoutumés à faire peu de choses en beaucoup de temps. Ne sont-ils pas excusables. Les transformations de la vie leur ont ravi une à une leurs fonctions. Ils étaient jadis à Vertou, voilà quelques centaines d'années, les grands défricheurs de terre. Ils ont appris aux anciens à cultiver les clairières et à planter sur les coteaux qui dominent la Sèvre, la vigne, qui fait aujourd'hui la richesse du pays. Leur oeuvre est achevée. Ils ont su rendre navigable la rivière, ouvrir les premières écoles, construire et installer les premiers moulins. Ils ont été durant des siècles les dispensateurs da la charité.

Charitables, ils le sont encore. Pour preuve, qu'on lise cette pétition écrite en 1789 par les "MERES des PAUVRES" d'humbles femmes de Vertou, qui passent leur vie à secourir la misère. Voici ce qu'elles écrivent : "Nous Mères des Pauvres, nous attestons que les Moines du Prieuré de Vertou se plaisent à secourir ceux qui sont dans la misère. Ils nous font distribuer du pain, de l'argent ou des vêtements. Nous connaissons certains pauvres qui sont nourris par eux, toute l'année. A d'autres, ils donnent chaque mois un écu. On nous annonce qu'ils vont s'en aller. Sans eux qu'allons nous devenir ?". Suivent les signatures de la supplique : Jeanne Barelle, supérieure - Françoise Brochard, veuve Grandmaison - Prudence Brochard, veuve Huet - Angelique Brochard et Jeanne Maréchal (Archives Départementales, L. I., Q.41).

Un ancien Prévôt de Vertou avait fait jadis aux Etats de Bretagne un placement d'argent, qui assurait aux pauvres de la paroisse 200 livres de rentes pour être utilisées en aumônes. Et les Membres du District de Clisson affirmeront en 1789 : "A Vertou les nécessiteux sont très rares. Les ci-devant Moines se sont toujours intéressés à leur misère". Voila certes un beau témoignage.

La prière reste la grande préoccupation des Moines. Ils prient, mais avec une ferveur un peu inégale. Ils assurent encore la récitation quotidienne de l'Office Divin, mais ils voient leur nombre chaque jour diminuer. En cette solitude croissante, quelques-uns se replient sur eux-mêmes, résignés qu'ils sont par avance, semble-t-il, à disparaître. Les autres épris des idées nouvelles qu'enseignent les légistes et les philosophes du XVIIIème siècle, aspirent à connaître ces audaces intellectuelles. Les contacts qu'ils peuvent avoir dans leur ministère avec les "Doctrinaires" qui viennent de Nantes ou d'ailleurs se reposer sur les bords de la Sèvre, les poussent à partager leurs idées. Pour quelques-uns ce sera leur perte. En tout Réligieux, il y a l'âme d'un bâtisseur. Ne viennent-ils pas de réaliser à l'église de Vertou des transformations importantes. Ce travail répond à leur foi et leur fournit par ailleurs une activité nécessaire.

Le Recteur, l'abbé Charles Maugeais, né à Saint Nicolas de Nantes est curé de Vertou depuis 1775. Avec beaucoup de dévouement et de complaisance, il remplit sa charge. La paroisse est grande et chrétienne. Pour l'aider dans son ministère, il a souvent recours aux Moines. De plus il vient de recevoir un excellent vicaire, l'abbé Roland Guihard, originaire de Fay de Bretagne et qui a été nouvellement ordonné.

Le Prévôt garde encore son titre de "Curé Primitif" (fondateur de paroisse). Il peut revendiquer pour lui le droit d'officier à l'église paroissiale le jour des grandes fêtes et d'y recueillir la moitié des offrandes.

Il doit en retour remettre au Recteur une partie de la dîme. Le Roi en a fixé le montant. Pour Vertou, le Prévôt est tenu de verser au Recteur environ 1.000 livres. Une partie d'ailleurs est payée en nature. Mais cette subordination partielle est pour le Curé une mortifiante servitude. Il doit tendre la main pour obtenir de la prévôté un secours pour ses pauvres ou ses infirmes. Souvent il se retire de l'abbaye murmurant contre la lésinerie des Religieux, qui ce jour-là, à vrai dire, ne peuvent faire davantage.

Récemment, il a vu les Moines remettre à neuf la tour de l'église qui est leur apanage. Il avait demandé que l'autre clocher de l'église, qui relève de la paroisse et qui menace ruine, soit l'objet de leur sollicitude. Le projet a été remis à plus tard. Ainsi une rivalité inconsciente se glisse traîtreusement dans l'âme du Recteur jusque dans ses replis les plus profonds. Il accepte sans doute cette condition précaire qui est la sienne, mais à certains jours il se révolte intérieurement et rêve d'une indépendance vis-à-vis du monastère, qui calmerait son amertume.

 

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Pour raconter l'histoire de Vertou en 1789 il faut recourir à la Grande Histoire. Par un décret  paru le 24 Janvier 1789, le Roi Louis XVI confirme son désir de rassembler à Versailles, autour de sa demeure, les Etats Généraux du Royaume. Il fallait apporter aux institutions périmées par le temps, des changements jugés par tous nécessaires. Cette transition s'avèrait difficile et le Roi lui-même s'en rendait compte. Pour lui, comme pour ses sujets, c'était l'inconnu, mais dans l'inconnu, il y a parfois l'espérance (DE LA GORCE, Histoire Religieuse, Révolution Française, p. 188).

La dernière réunion des Etats Généraux remontait à 1614. De ce laps de temps naissait un certain embarras. On se demandait comment organiser cette procédure. Qui serait électeur ? Qui serait éligible ? Quel serait le nombre des élus ? Dans quelle proportion surtout les trois ordres, reconnue par la nation, Noblesse, Clergé, Tiers Etat, seraient représentée ?.

Le 24 Janvier 1789 le Roi apportait la lumière. Les élections pour mommer les futurs représentants aux Etats Généraux auraient lieu au baillage. En ce qui concerne Vertou, la Noblesse irait choisir ses délégués au chef-lieu, à Nantes.

Les Curés et les Autres Prêtres, possédant un bénéfice feraient de même. Les autres membres du clergé et les Religieux choisiraient un représentant par dix personnes. Quant au Tiers Etat, aux paysans et Artisans du Canton, ils choisiraient dans leur paroisse un délégué par 200 feux, pour rédiger sur place les cahiers de doléances, qui eux-mêmes serviraient à la rédaction du cahier du Baillage.

Ces mêmes élus s'en iraient élire à leur tour, avec ceux des autres paroisses leurs députés aux Etats Généraux. Le Noblesse et le Haut Clergé devaient élire 22 Députés pour toute la Bretagne. Ils refusèrent de se rendre à cette convocation du Roi.

L'assemblée diocésaine du Clergé de Nantes se réunit le 2 Avril 1789, au couvent des Jacobins (LALLIER, Diocèse de Nantes pendant la Révolution). Elle comprenait 245 membres et était présidée par M. Lebreton de Gaubert, curé de Saint Similien. L'abbé Maugeais, recteur de Vertou assistait à cette réunion. Dom Châteauregard représentait les moines bénédictins de la Prévôté. On devait y entendre la lecture des cahiers de doléances, qui furent dans l'ensemble assez modérés. Trois Curés furent élus pour représenter à Versailles le clergé Nantais : l'abbé Chevalier de Saint Lumine de Coutais, l'abbé Moyon, curé de Saint André des Eaux et l'abbé Maisonneuve, curé de Saint Etienne de Montluc.

Les Electeurs du Tiers Etat se réunirent dans les paroisses du Canton de Vertou le 5 Avril 1789. Etait électeur : tout français, âgé de 25 ans et plus, domicilié depuis un an dans la paroisse, assujetti à une contribution équivalente à trois jours de travail. A la lumière des Archives, cherchons à comprendre comment se déroulèrent ces réunions (Archives Départementales, L. I., C.569, Doléances de Haute-Goulaine et Haye-Fouassière).

Tout alla bien à la Haye Fouassière. La séance fut présidée en l'absence du sénéchal de la Commune par le Sieur André Goyon, procureur fiscal du Marquisat de Goulaine. Sur le carnet de doléances, ils demandèrent le maintien de la constitution déjà existante, avec tous ses devoirs et ses privilèges "tels qu'ils sont notifiés par le contrat passé entre Louis XII et la Duchesse Anne de Bretagne". Tout au plus réclamaient-ils une diminution des impôts. Ils chargèrent Monsieur de Marcé de porter ce cahier au baillage de Nantes. Suivaient les signatures de ceux qui pouvaient signer : Hallouin recteur, Julian Gaudet, Jean Bureau, Mathurin Cormerais, Georges Bonhomme, etc..

A Haute Goulaine les revendications furent plus nombreuses. Les gens se plaignaient d'être assujettis aux corvées sur les grands chemins. Ils demandèrent qu'elles soient supprimées et remplacées par une redevance en argent, payable par tous les citoyens. ls protestèrent surtout d'être contraints de conduire fréquemment pour l'armée, troupes et bagages, de Nantes à Montaigu, localité distante de près de 8 lieues.

"Il nous faut prendre le convoi à Nantes, près de l'Hôtel de Ville, ce qui nous oblige à faire quelques kilomètres de plus. Cette longue route écrase nos boeufs et nos chevaux et fatigue nos hommes. Cela ne peut durer. Nous demandons à l'avenir de n'accomplir cette corvée que jusqu'à Aigrefeuille".

Par ailleurs, ajoutaient-ils encore, nous exigeons sur notre territoire la supression des Fuies, où nichent des pigeons qu'on ne doit pas tirer et qui dévorent nos récoltes. Qu'on supprime aussi les dîmes, qui sont dues au Haut Clergé de Nantes et aux Moines de Vertou. Qu'on bloque toutes ces redevances pour assurer une existence honnête à notre Curé, qui n'a pour vivre que des revenus insuffisants.

Nous déléguons pour nous représenter au baillage le Sieur François Cathelineau, qui a promis de s'en occuper .. suivent les signatures Luc Veillet, avocat, sénéchal du Marquisat de Goulaine.., Juguet.., Thébaud.., Babin, .. etc.

A Vertou ces réunions se firent plus houleuses. Le 5 Avril les Vertaviens furent conviés à se réunir pour procèder à la namination de 13 délégués devant représenter la commune au baillage de Nantes. Cette séance fut présidée par le Sieur Joseph Brossaud de la Pivotais, ancien notaire et procureur de la juridiction de Vertou. On procède aux élections. Furent élus André Heurtin qui obtint 100 voix, Aimé Saupin 89, Jean Bahuaud 86, Pierre Corgnet 75, Gabriel Martin 65, Jean Bernard 59, Louis Leroy 70, Jean Baptiste Lebeaupin 49, etc.. Toutes ces voix avaient été acquises librement au cours d'un vote passé sous le chapiteau de la grande porte de l'église. Mais voilà que soudain fusent des protestations véhémentes. Les Sieurs Lagarde, Taillebois, Berneval, Gauthier etc, qui pour la plupart sont des Nantais, propriétaires de terres à Vertou, reprochent aux responsables du vote d'avoir fait élire uniquement des paysans et point de bourgeois (Archives Départementales, L. I., C.578, Doléances).

L'affaire s'envenime. Ils tâchent sur la place de racoler des partisans. L'un d'entre-eux, Lagarde va même jusqu'à retirer violemment des mains du Sieur Heurtin la liste des nouveaux élus qu'il s'apprête à déchirer. Le Président se fâche et proteste contre ces gestes de violence. Lagarde le menace et s'en va dire à ses amis qu'on les chasse. Tous se révoltent et décident d'en appeler à l'autorité supérieure. Ce qui est fait.

Alerté par eux, le Sénéchal de Nantes fait casser le 7 Avril, par le procureur du Roi, l'élection à Vertou du Dimanche précédent.

Il ordonne en retour qu'elle se fasse le lendemain 8 Avril, au cours d'une assemblée de paroisse, convoquée par un son de cloches.

Les protestations sont là et pour mieux se défendre ils ont requis ce jour-là Maître Pierre Bessonneau, notaire royal, résidant au Prieuré Saint Pierre, pour présider la réunion. Après avoir lu la sentence du Sénéchal de Nantes à l'assemblée, le président propose qu'on ouvre l'élection. Mais pour se conformer aux directives reçues, il invite le sénéchal de Vertou à se retirer et notifie per ailleurs le défense de réélire les délégués choisis le Dimanche précédent. Le Sénéchal Aimé Saupin se fâche ainsi qu'un certain nombre des élus évincés. "C'est une cabale insensée, affirme-t-il, qu'on a montée contre nous". Lagarde insiste pour qu'il s'en aille. Lui proteste et déjà commence à distribuer les listes de ceux qu'il propose à l'élection, sans même en avoir donné lecture à haute voix.

Pour éviter d'en venir aux mains, Lagarde et ses amis quittent le lieu de la réunion et se rendent à l'auberge d'en face, tenue par les Demoiselles Tillé, et qui porte comme enseigne "Au Pigeon Blanc". C'est là qu'ils délibèrent à leur tour et préparent les listes qu'ils comptent présenter.

Vers midi et demi, ils reviennent sur le lieu de la réunion, et cette fois se font violents. Ils demandent à Bahuaud de leur faire connaître le nombre des foyers qui existent dans la paroisse et que lui fabricien est supposé connaître. Il propose le chiffre de Deux Mille. La réunion devient de plus en plus houleuse. Tout se terminera le soir par un compromis qui arrangera tout le monde.

Et voici les élus : Pierre Saupin, Simon Boutant, Louis Leroy, Charles Huchet, Gabril Martin, Julien Bahuaud, Pierre Corgnet, Jean Bouet, Jean Moreau, Pierre Lemerle et Jean Bahuaud (Archives Départementales, L. I., C.578, Doléances de Vertou).

La disparition des Archives municipales de Vertou ne nous permet pas de connaître quelles furent les revendications qu'on inscrivit ce soir-là sur le "cahier de doléances". Il serait piquant pourtant d'en connaître la teneur. De ces assemblées de Paroisses sortaient des demandes sensées, quelquefois naïves et souvent même un peu burlesques.

Retenons-en une seule, celle des Gens de Monnières. Elle concerne en effet les moines de Vertou. "On pourrait, demandent-ils, diminuer les redevances et les impôts de la Paroisse, si le Prévôt de Vertou et ses Religieux ne levaient pas le quart des décimes à leur profit. Ils prétendent qu'ils sont les Curés Primitifs de la Paroisse (Monnières dépendait en effet de Vertou depuis sa fondation), mais quels services nous rendent-ils présentement. Ils pourraient se passer des 700 livres que doit leur payer chaque année notre Recteur, tant en argent qu'en nature. Sans doute le Prévôt de Vertou remet à notre Curé, en retour de ce qu'il reçoit, deux septiers de blé (3 hectolitres) et deux pipes et seize pots de vins 732 litres, Il doit aussi fournir le pain et le vin pour la communion ..". Et ces doléances se terminent per ce grave avertissement : "Si cela continue, les vignerons de Monnières seront contraints d'arracher toutes leurs vignes..". Qu'ils se rassurent. Les évènements qui vont suivre leur donneront provisoirement satisfaction mais déclencheront en retour pour leur pays des maux beaucoup plus graves.

Réunis à Nantes quelques jours plus tard avec les délégués de toutes les paroisses du Baillage, ils vont élire tous ensemble las 8 Députés et les 6 suppléants qui doivent aller les représenter à Versailles.

Le 5 Mai, en cette ville, le Roi ouvre solennellement après un office religieux, les Etats Généraux voulus par lui et la Nation. Les débuts sont difficiles. Il faut arriver à faire la fusion des trois ordres et ce n'est pas chose facile.

Chacun se cherche sans pouvoir se trouver. Il faudra attendre le 15 Juin pour permettre aux délégués de tous les ordres de se rencontrer. Le 14 Juillet, c'est la prise de la Bastille qui provoque dans tout le royaume une excitation des esprits. Depuis quelques jours déjà les Etats Généraux sont devenus l'Assemblée Nationale et l'abolition des Ordres a été faits. L'heure est venue de sacrifier le reste des immunités et des privilèges, héritage du passé et de les sacrifier d'un seul coup, comme on brûle du bois mort. On se met à l'ouvrage dans cette griserie des esprits. C'est la suspension pure et simple, demandée ou offerte des dîmes, des légues et des charges qui en découlent. C'est l'égalité de l'impôt etc.. Si l'Eglise avait pu faire, en cette nuit du 4 Août, le bilan de ce qu'elle a déjà perdu ou sacrifié, elle aurait aisément reconnu que de ses anciens privilèges, il ne lui restait plus rien (DE LA GORCE, Histoire Religieuse Révolution Française, T. I, p. 128).

A l'ouverture des Etats Généraux, les déclarations de Necker, ministre du Trésor sont assez rassurantes. Le 7 Août il confesse au contraire une situation difficile. Il lui faut trouver de l'argent pour satisfaire aux prochaines échéances. Il propose d'ouvrir un emprunt, mais l'opération échoue. Un des Députés de l'Assemblée Nationale va trouver le remède : "A quoi bon, dit-il, chercher à emprunter, quand il suffit de prendre". Les Biens d'Eglise, on en parlait déjà comme d'un trésor appartenant à la Nation. Il suffirait de les faire proclamer comme le patrimoine des Pauvres et de faire admettre l'Etat comme le plus pauvre d'entre eux.

A cette première alerte, le Clergé réagit. Mais l'état général des esprits est tel qu'il n'autorise plus à avoir qu'une précaire sécurité. Le 24 Septembre Necker revient à la charge. Mirabeau intervient à son tour pour évoquer le spectre de le banqueroute possible. Le 26 Septembre, un des Députés revendique comme un remède nécessaire, l'offrande volontaire, faite par le Clergé, de l'orfèvrerie des églises. Deux mois plus tard, les Moines de Vertou porteront à Nantes, à l'hôtel de la Monnaie des encensoirs, des burettes, un ciboire, le tout en argent.

Le 10 Octobre Talleyrand, évêque d'Autun, donne le coup fatal. Il admet que tous les bénéfices soient supprimés pourvu qu'on assure la subsistance du Clergé et qu'on acquitte les fondations. Tout ce qui exèdera cette charge pourra servir à renflouer les caisses de la Nation. Mais dans les jours qui suivent, plusieurs députés avec audace en réclament davantage. Le 2 Novembre, l'Assemblée vote un décret qui sera sanctionné aussitôt par le Roi. L'Etat devient Maître de tous les biens du Clergé et s'engage en retour à pourvoir aux dépenses du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres.

Le 5 Février 1790, il fut prescrit à tous les bénéficiaires de faire connaître immédiatement le nombre et le lieu de ces bénéfices. Ce qui permettrait de ne rien perdre sur la proie, le jour où l'on voudrait la saisir (Archives Départementales, L. I., Q.41, Q.50, Q.58, A.493).

C'est ainsi que se trouve aux archives de Nantes une déclaration du Prieur Dom Soulastre, faite au nom du Prévôt de Vertou, aux commissaires du district de Nantes au mois de Mai 1790. Celle-ci comporte la liste de toutes les redevances et de tous les biens que possède le Monastère tant à Vertou que dans les Paroisses voisines. On y trouve même la jouissance de revenus issus de la mense conventuelle de l'Abbaye de la Chaume en Mâchecoul et du prieuré d'Arzon, situé à Saint Gildas de Rhuys, dans le Morbihan. On peut y lire les noms des métayers qui exploitent ces terres et la somme d'argent versée annuellement par chacun d'entre-eux. Le prieur ajoute que pour équilibrer les dépenses supérieures aux recettes, il a dû l'année précédente retenir 3.000 livres sur les revenus du Prévôt Jean Coulon. Ce 5 Mai, il reste comptable de la somme de 98 livres et huits sols sur les revenus de la Prévôté, pour le présent exercice (Archives Départementales, L. I., Domaines, 2C).

A l'esprit nouveau, il fallait donner des formes nouvelles. La Révolution devait briser et démembrer l'ossature vieillie de la Nation. Il convenait de renouveler tous les organismes de l'administration et de la Justice. De Novembre 1789 au mois de Février 1790, ce travail va se faire. Le pays fut divisé en 83 départements avec comme divisions secondaires le district et le Canton. Comme base de tout cela, on se servira des communes. Chacune d'entre-elles doit élire ses magistrats, son maire et ses conseillers. Elle reste par ailleurs maîtresse de la force armée. Chaque localité importante a sa garde nationale. Elle répartit et perçoit les impots. Ainsi la commune à une place importante dans l'ossature du pays.

Nantes était le Chef-Lieu du Département. Clisson était pour le Sud de la Loire, celui du district et Vertou celui du canton. Ce dernier comprenait les communes de Haute Goulaine et de la Haye Fouassière. Les Sorinières n'étaient qu'un village de Vertou. Saint Fiacre faisait partie du Canton de Monnières et Château-Thébaud de celui d'Aigrefeuille.

 Le 28 mars 1790, on devait procéder à l'élection des Membres de l'Assemblée Primaire du Canton de Vertou, chargés par la suite de désigner à leur tour les administrateurs de ces trois communes. Nous en donnons ici la liste pour information : François Cathelineau, maire de Haute-Goulaine ; Franços Juguet, notaire à Haute-Goulaine ; René Chailloux, fermier à Haute-Goulaine ; Charles Louis De Bruc, maire de Haye-Fouassière ; Alphonse Terrien, recteur de Haye-Fouassière ; Jacques Bourmaleau, marchand à Haie-Fouassière ; Henri Soulastre, maire de Vertou ; Guillaume Bureau, gabarier à Vertou ; Jean Leroux, notaire à Vertou ; Michel David, greffier à Vertou ; Julien Dejoie, .. Pierre Corgnet et François Gaboriau, laboureurs à Vertou (Lallier, Assemblées Primaires, Vertou).

Ce même jour, ils étaient tenus, avant de se séparer de prononcer tous ensemble ce serment "Nous promettons de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution du Royaume et d'êtres fidèles à la Nation, à la Loi et au Roi, de choisir en notre âme et conscience ceux que nous croirons les plus dignes de remplir les charges du pays. Nous apporterons quant à nous tout notre zèle et notre courage dans les fonctions qui nous seront confiées".

Déjà l'Assemblée Nationale avait dépouillé les couvents de tous leurs revenus et de tous leurs biens. Elle devait faire un travail plus odieux encore, celui de les dépeupler. Le 28 Octobre 1789, un décret avait suspendu à titre provisoire les voeux solennels dans les monastères. Le 11 Février 1790 Treihard proclamait à la tribune de l'Assemblée pour tout religieux le droit de renoncer à ses engagements sacrés sans avoir d'autres comptes à rendre qu'à ses Supérieurs et à Dieu. Deux solutions existaient. Les Moines reprenaient leur liberté et les portes du couvent s'ouvraient toutes grandes. Sinon ils devaient accepter de vivre désormais leur vie religieuse dans les seules maisons que l'Etat accepterait de leur offrir.

Le Clergé séculier maintenait sa hiérarchie et trouvait dans le salaire qui lui était offert, une compensation pour son patrimoine perdu. Bien plus sensible apparaissait la décision prise pour les Religieux. Seuls ceux qui abandonneraient leur vie monastique auraient droit à une pension annualle de 700 à 1.000 livres pour les ordres mendiants, de 900 à 1.200 livres pour ceux qui avaient précédemment un bénéfice. Pour les autres, c'était la ruine complète. Plus de biens, plus de fermages, plus de dîme. Ils pouvaient s'inscrire sans fausse honte, parmi les plus pauvres de la Nation.

Le 20 Mars de cette même année, il fut décidé par l'Assemblée Nationale que les Officiers Municipaux de chaque commune ou se trouvait un monastère, devaient se rendre auprès de ces Religieux pour relever leur identité et leur demander de prendre dans le plus bref délai une décision sur leur avenir. La démarche à Vertou s'avérait d'autant plus facile, que le nouveau Maire n'était autre que Dom Soulastre, ancien Prieur du Monastère.

Ainsi l'Eglise avait perdu successivement tous ses privilèges et toutes ses richesses, elle avait vu frapper durement ses Religieux, ceux qui étaient pour elle une sauvegarde de pénitence et de prière. Elle devait être atteinte maintenant par tous ces Novateurs dans ses dogmes et dans sa discipline. On voulait nationaliser l'église de France pour la libérer de l'emprise de la Papauté. On allait ainsi la scinder en deux au risque de provoquer des cassures plus graves (DE LA GORCE, Histoire Religieuse Révolution Française, T. I, p. 235).

"Nous sommes une Convention, disait à l'assemblée le légiste Camus, au matin du 1er Juin 1790 et nous avons le pouvoir de changer la Religion, mais nous ne le ferons pas". Pour lui, comme pour bien d'autres, il fallait chasser Rome des affaires de la France .. Gallicans, Jansénistes, Luthériens, Prêtres ou Religieux en rupture de ban avec l'église se coalisaient contre elle pour la faire trébucher.

La nouvelle Constitution prévoyait que chaque département aurait son Evêque. Près de lui se trouveraient des Vicaires épiscopaux aux pouvoirs fort étendus. Les Curés seraient désignés par les élus du département ou de la commune. De Rome, pas un mot. Cette constitution fut votée le 12 Juillet 1790. Elle obligeait par ailleurs tout evêque et tout curé élu par le peuple à prononcer un serment. Celui-ci par sa teneur rendait les jureurs hérétiques et schismatiques. C'est ce qu'affirmait avec vigueur Monseigneur de Boisgelin archevêque d'Aix et député à l'Assemblée Nationale : "L'élection des Evêques et des Curés par le Peuple est nulle de Pleins droits. La Rupture avec Rome fait de l'Eglise de France une église schismatique". Le 25 Novembre l'Evêque de Nantes, Monseigneur de la Laurencie adoptait pour son diocèse ce lumineux enseignement et le faisait lire par ses Prêtres dans toutes les paroisses.

Le 27 Novembre la Constituante revint à la charge. Elle rendit ce serment obligatoire sous peine de renonciation à la charge épiscopale ou curiale.. et le Roi eut la faiblesse de sanctionner ce décret.

Alors se posa pour chaque prêtre l'objection de conscience. Devait-on faire le serment et demeurer en charge ou au contraire le refuser. L'assemblée Nationale donna le bon exemple. Deux Evêques seulement sur 44 firent le serment exigé. Les Prêtres furent plus nombreux. Mais le Diocèse de Nantes fit au contraire bonne figure. En 1791 le diocèse comptait 1.058 prêtres. Il n'y eut que 159 assermentés dont une soixantaine de Religieux. Par la suite certains se rétractèrent.

Les Prêtres se rallièrent plutôt au vertueux Curé de Saint Lumine de Coutais, M. Chevalier, qui venait d'écrire une "adresse à l'Assemblée Nationales" où il démontrait "que la Constitution Civile du Clergé brisait la hiérarchie de l'Eglise, faisait de la France une Nation en rebellion avec la Papauté et soumettait l'autorité religieuse à l'autorité civile". Tous ceux qui signèrent ce manifeste furent naturellement molestés et déclarés criminels à l'égard de la Nation.

Le 10 mars 1791, le Pape Pie VI écrivait aux Evêques de l'Assemblée Nationale leur signalant sa peine et le 13 Avril il faisait paraître un bref adressé à toute le Chrétienté de France, où il disait "Nous déclarons que tout ecclésiastique, qui a émis purement et simplement ce serment civique, doit se rétracter dans les quarante jours sous peine de suspenses".

La Question du serment était ainsi réglée. Il eût été sage pour le maintien de la paix d'annuler la Constitution civile du clergé. On va au contraire dans les années qui vont suivre se raidir et protéger seulement le culte assermenté. Mais des conséquences graves vont ainsi en découler.

 

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On  vient de voir se consommer étapes par étapes, la spoliation des revenus du monastère bénédictin de Vertou. Il faut maintenant s'intéresser à la condition des victimes.

L'inventaire des biens de la Prévôté était facile à faire (Archives Départementales, L. I. Q.50 et 58) pour l'ancien prieur de la maison, devenu depuis le mois de Décembre 1789 le Maire de la commune. Il connaissait tous les revenus, lui qui en avait été le dépositaire. C'est ainsi que nous le voyons consigner, dans le rapport qu'il fera de sa visite, tous les objets qu'il rencontre à la sacristie da l'église : Deux ciboires en argent, trois calices, un soleil avec sa monstrance, plusieurs croix de processions, de nombreux chandeliers d'autels, 28 chasubles, 6 Dalmatiques et 14 chapes. Ce qui nous intéresse davantage ce sont les Reliquaires. Ils seront emportés dans quelques mois et brisés à la Monnaie de Nantes. L'un d'eux, le plus riche, orné d'une couronne de pierres précieuses, contient le chef de Saint Martin de Vertou, relique insigne très vénérée des Vertaviens. Un autre reliquaire renferme d'autres reliques du même Saint. En voici un dernier, plus petit que les autres, il sert d'habitacle à une relique de Saint Jean Baptiste qui fut au début patron de cette église. Tout allait disparaître par la folie des hommes.

Les Archives du Monastère furent transportées dans les jours qui suivirent au greffe de la municipalité, qui s'en constitua le gardien.

L'inventaire des objets terminé, allait commencer l'interrogatoire des victimes. Là encore, Dom Soulastre n'ignorait pas leurs désirs. Si comme lui, l'un de ses fils était dans la joie de retrouver la liberté, les autres avec tristesse se voyaient dans l'obligation de quitter cette maison sans espoir de retour.

Ils auraient souhaité y rester mais la loi leur interdisait. Ils aimaient leur cloître, pas assez peut-être pour accepter d'y souffrir. Il préféraient s'en aller et connaître l'exil.

Voyons pour chacun d'eux, comment se fit ce départ :

HENRI DEFAY : Il était venu de l'abbaye de la Chaume à Vertou vers 1780. Il y remplissait le poste de cellerier. Au début de 1790, il devait rendre son âme à Dieu avant même d'avoir quitté le couvent.

GUILLAUME DOLY : Le 26 Septembre 1790, il fit part à la Municipalité de Vertou de son désir de quitter le cloître. Conduit à Nantes en 1791, il sera emprisonné à Saint Clément pour avoir refusé de prêter le serment constitutionnel et déporté à Bilbao en Espagne le 14 Septembre 1792 sur le navire "Notre Dame de Pitié". Il mourra en exil.

MATHURIN DEZE : Né à Saumur, il rentre comme religieux bénédictin à la Prévôté de Vertou. Le 26 Septembre il abandonne lui-même le cloître avec l'espoir de pouvoir continuer à exercer près des âmes son ministère. Emprisonné à Nantes, il sera exilé en Espagne à Bilbao le 18 Septembre 1792 par le chalutier "La Ville de Nantes". Il mourra en exil à Santander en 1796.

AUGUSTE BAZILE : Né à Vertou en 1736, il fit profession comme moine bénédictin le 12 Avril 1754 à Saint-Melaine de Rennes, avant d'entrer au monastère de Redon. En 1788 il est transféré sur sa demande à la Prévôté de Vertou. Le 9 Août 1790, il fait savoir au district de Nantes son intention d'abondonner provisoirement le cloître et de se retirer dans sa famille. En décembre 1790, on le trouve chez son frère, qui habite à Nantes, dans l'île Feydeau. C'est là qu'hâtivement et sans en mesurer sans doute la portée, il accepte de prêter le serment schismatique réclamé par la constitution. Au printemps 1791, quand parvient le rescrit du Pape, condamnant les jureurs, il se rétracte. Arrêté le 21 Août 1792 et enfermé au Château de Nantes avec un grand nombre de Prêtres il subit le triste sort de ses compagnons de misère avant de connaître leur martyrs. Le 16 Novembre 1793 prisonnier à bord de la galiote "Le Gloire" il sera parmi les victimes de cette première noyade.

SIMON BOUTANT : Né à Vertou au village du Planty, il fit sa profession religieuse, comme frère, au monastère Saint Martin le 27 Octobre 1783 au cours d'une messe solennelle célèbrée par le Prieur Antoine Quinquenet. Le 30 Mai 1792, il écrit aux Membres du District de Nantes pour les informer qu'il désir quitter le monastère et retourner chez son père. Il fait valoir que n'ayant pas encore reçu la tonsure, il n'est pas concerné par les lois du clergé.

JEAN FRANCOIS CHATEAUREGNAUD : Sous prieur de la Prévôté, il fait savoir le 26 Septembre 1790 son désir d'abandonner la vie religieuse. En Janvier 1791, il accepte volontiers de prêter serment comme l'exige la loi. Le 20 Février de cette même année les membres du district de Clisson, réunis en l'église Notre-Dame, le choisissent comme curé constitutionnel de la Chapelle Heulin. Les Paroissiens refusent de le recevoir. Il sera installé le 15 Mai par la force armée, On trouve de lui une lettre dans laquelle il réclame l'indulgence du département en faveur de son vicaire J. Rouaud, mais exige son départ. Celui-ci s'est permis de lire en chaire le Dimanche précédent une lettre de Monseigneur de la Laurencie, évêque de Nantes, critiquant sévèrement la constitution civile du clergé. Sur le liste des Patriotes tués à la Chapelle Heulin, lors des premiers engagements avec les armées vendéennes, nous trouvons le nom de Jean François Château Regnaud, curé de le paroisse.

JEAN COULON de la BESNARDAIS : Prévôt de Vertou en 1768, il réside peu dans son monastère et préfère son titre d'aumônier à la Cour. Il y reviendra en 1790 avec l'espoir d'y trouver un gîte plus sûr qu'à Paris. Il suivra l'exemple de ses moines et demandera comme eux à quitter le cloître. Privé de ses bénéfices par l'Assemblée Nationale, il acceptera pour retrouver un certain pécule de prononcer le serment et de briguer un poste de vicaire. Il sera nommé aux Touches pendant quelques mois avant d'être promu curé de Pouillé le 27 Septembre 1791. Il ne prendra pas sans doute, possession de sa cure, car nous y trouvons encore en Avril 1792 comme curé, Barthélémy Thobie.

HENRI SOULASTRE : Il naquit à Rennes en 1744, où son père remplissait la charge de portier à l'Evêché (Archives Départementales, L. I. L.660, SOULASTRE L.341). Ses contacts fréquents avec le Clergé firent naître sans doute sa vocation sacerdotale. Elève intelligent et pieux, il fit d'excellentes études, avant de choisir la vie monastique, dans l'ordre des Bénédictins de Saint Maur.

Nous le trouvons en 1776, brillant professeur à Saint Aubin d'Angers. Il quitte cette maison en 1782 pour devenir prieur du monastère de Vertou. Pendant huit ans, il dirigera avec beaucoup de savoir-faire cette prévôté qui décline et s'attirera l'estime des Vertaviens. C'est sans doute une des raisons qui les poussera à le choisir comme Maire de la Commune en Janvier 1790.

Le mouvement révolutionnaire devait lui tourner la tête. Ambitieux et intrigant, il allait devenir un exalté pour les idées nouvelles et cela jusqu'au fanatisme. On trouve de lui ce certificat de civisme fourni par ses collègues, membres du District de Clisson. " De 1790 à 1791, Henri Soulastre pendant un an a administré la fonction de Maire de Vertou à la grande satisfaction de tous ses concitoyens. Travailleur infatigable, il n'a rien négligé pour rendre service au peuple et lui donner par son exemple l'amour de la Révolution. Avec beaucoup de clairvoyance, il a réalisé la vente des biens nationaux (les terres et métairies que Prieur il avait gérées) ".

Et plus loin on trouve encore cet outre témoinage. "Maire de Vertou, il s'est plu à étouffer pendant son court passage le fanatisme désuet, héritage du passé. Il a fait bruler avant le décret le poteau fatal de la servitude. Il a su donner tout son dévouement à la Révolution, qui lui doit en retour un témoignage de gratitude". Cette faveur lui fut d'ailleurs octroyée par les Membres du District de Clisson, qui l'appelèrent à sièger à leurs côtés.

Il venait d'obtenir de ce même Directoire l'autorisation pour la Paroisse de Vertou d'utiliser la partie de l'Eglise réservée aux Religieux. En voici le texte. "Le choeur du ci-devant monastère et l'église de la paroisse se trouvent sous le même toit. Nous donnons une réponse favorable à la requête qui nous est faite. La nef de l'église réservée à la paroisse s'avère chaque dimanche trop petite et une partie importante des fidèles doivent se tenir pour les offices à l'extérieur, dans le cimetière qui entoure l'édifice. Ils pourront à l'avenir occuper le choeur réservé aux Religieux. Il y aurait par ailleurs un inconvénient à laisser à cette paroisse l'usage de deux clochers. Il faut faire un choix. Celui des ci-devant religieux a été reconstruit voilà environ une dizaine d'années. Il nous paraît le plus convenable à conserver. De plus ce clocher contient quatre cloches. Sur deux d'entre-elles frappent les marteaux de l'horloge dont on ne peut priver ce gros bourg. Quant au vestibule de la maison des Religieux, qu'on voudrait utiliser comme sacristie, nous donnons aussi un avis favorable pourvu qu'une porte soit murée dans la partie qui donne accès au monastère". Fait au Directoire de Clisson le 21 Janvier 1790. Suivent les signatures : Soulastre, Maire de Vertou ; Bureau, adjoint ; Forget, procureur syndic de Clisson.

Membre du District de Clisson, Soulastre impose vite sa personnalité. Détail pittoresque. Nous trouvons des assignats émis par ce Directoire et qui portent le timbre du prieur de Vertou. Sur ce timbre elliptique, Saint Martin y est représenté debout, vêtu d'une ample robe monacale. Il tient de sa main droite la crosse abbatiale. Ce sceau porte comme légende "Sigil Prioris, Sancti Martini Vertavensis".

En Janvier 1791, quelques prêtres de Nantes et plusieurs Religieux de l'Oratoire acceptèrent de prononcer le serment schismatique. Soulastre, qui venait pour des raisons inconnues de donner sa démission de Maire de Vertou, aspirait à retrouver un emploi honorifique dans la cléricature, qui lui permettrait d'avoir quelques ressources. Le Monastère avait fermé ses portes et ses revenus s'étaient ici ou là dispersés. Il aspirait à se rallier plutôt à l'église constitutionnelle mais ne voulait prononcer le serment qu'avec la certitude d'avoir une cure devenue vacante. Son désir devait se réaliser quelques jours plus tard. Le 16 Février il faisait cet engagement et apprenait sa nomination comme curé de Rezé. Rejoignit-il son poste ? On serait en droit d'en douter, car le 13 Mars on lui offrait une cure plus importante celle de Saint Clément qu'il allait d'ailleurs refuser. Sans doute entrevoyait-il déjà autre chose.

Dès le mois, de Novembre 1790, Monseigneur de la Laurencie avait quitté son diocèse pour se retirer près des siens, à Lude, dans la Sarthe. Mais il n'avait pas pour cela donné sa démission et restait toujours évêque de Nantes. Mais son refus de prêter serment équivalait au regard de la Loi à une déchéance. On songea donc à le remplacer.

Le Dimanche 13 Mars, après une messe entendue dans la Cathédrale de Nantes, les électeurs du Département se réunirent à la chapelle des Jacobins face au château des Ducs, pour procéder à l'élection du nouvel élu. Le Président de l'Assemblée Coustard proposa comme candidat un de ses amis, émigré à Paris, Julien Minée.

Il était fils d'un Maître Chirurgien de Nantes et s'était décidé vers l'âge de trente ans à choisir l'état ecclésiastique. Il fut ordonné prêtre à Paris vers 1770. Depuis lors il était curé d'une des paroisses de Saint Denis, menant une vie plutôt obscure. Mais la Révolution comme pour tant d'autres allait lui apporter une fortune exceptionnelle. Dès le 5 Décembre 1790, avant même que ne paraisse le décret signé par le Roi, Minée avait manifesté son désir de se soumettre à la Loi. Il le fit avec joie le 16 Janvier s'attirant ainsi l'estime du clergé constitutionnel de Paris. (Ch. RUSSON, Bulletin archéologique de Nantes, année 1943).

A Nantes, le 13 Mars, Minée fut élu évêque par une très faible majorité de votants. La plupart des électeurs désignés s'étaient abstenus d'être là, par raison sans doute de conscience. Certains refusaient d'élire celui qu'ils considéraient comme un intrus. Un courrier, partît aussitôt à Paris aviser l'élu de son succès. Il revint apportant son acceptation. Il se déclarait, très flatté d'avoir été choisi pour être désormais le chef spirituel des Nantais. Il fut sacré par Gobel, évêque constitutionnel, en l'église Notre-Dame de Paris, Le 10 Avril 1791. Son élection s'était faite sans recourir au Pape comme le prévoyait d'ailleurs la loi. Une lettre lui fut adressée par le Clergé de son futur diocèse. "Tout ce qui est sain d'esprit, disait cette missive, vous tiendra ici pour un usurpateur, quoiqu'on fasse pour vous bien recevoir". Il arriva à Nantes le 15 Avril et fut reçu par les administrateurs du Département et les Membres du District qui le complimentèrent. Mais le Clergé était absent. Cette absence inquièta Minée qui demanda à retarder son installation officielle au 1er Mai. Pendant ce laps de temps, comme le demandait la constitution, il chercha à s'entourer de Vicaires Episcopaux pour l'aider à administrer son diocèse.

 

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Les habitants de Vertou avaient vu en 1792 des affiches s'étaler sur les murs de la place du bourg, qui annonçaient l'adjudication prochaine des biens de l'abbaye qu'on venait de fermer. Ces enchères avaient dépassé de plus de moitié les bénéfices prévus. On n'avait découvert dans la vente aucune manoeuvre hostile. Elle s'était faite au District de Clisson devant des commissaires de paroisses. Soulastre présidait ce conseil et vendait lui-même ces biens qu'il avait hier, prieur de monastère de Vertou, possédés. (Archives départementales, L. I., Domaines, Q.137, P 576, 578, 582, 584, 586).

Des gens, gagnés aux idées révolutionnaires mais aussi des partisans de l'Ancien régime avaient achetés ces métairies. Le 29 Décembre 1790 les terres de la Visonnière devenaient la propriété pour la somme de 22.000 livres d'un planteur de Café aux Antilles M. Panneton. Le 3 Janvier un autre Nantais habitant place de la Bourse M. Bureau Batardière, achetait la ferme de la Briancière pour 48.500 livres.

Le 17 Février un riche commerçant de l'île Feydeau M. La Maignère négociait pour 77.000 livres les terres et dépendances de la Grolerie. Le 4 Avril la métairie du Fouy était vendue pour 22.000 livres au même propriétaire.

Les fermes des "Trois Métairies" et de la Courante furent cédées pour 91.000 livres. Le pré du Loiry fut acheté par Cambrais pour 300 livres ; le presbytère devint la propriété de Piffeteau pour 680 livres, l'église et le cimetière de Bombard. Toutes ces terres et d'autres encore rapportaient à la Nation la coquette somme de 300.000 livres. Cette adjudication des biens de l'abbaye ne troublait pas la conscience des Vertaviens. Ce qui les terrifiait plutôt c'était de voir la guerre que l'on commençait à faire à leur religion. (A. Jarnoux). 

Note : L’abbé Alfred Jarnoux (1900-1991), ordonné prêtre en 1925, a occupé divers postes de vicaire avant d’être chargé de la paroisse de Vertou en 1950 et de l’aumônerie du collège du Loquidy en 1960. A côté de sa charge pastorale, l’abbé Jarnoux, nommé chanoine honoraire en 1954, s’est toujours intéressé à l’histoire et a mené à terme diverses études qui ont connu l’édition.

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