|
Bienvenue ! |
LA VILLE-ES-NONAIS DES CROISADES A LA RÉVOLUTION |
Retour page d'accueil Retour Ville de La Ville-ès-Nonais
Des Croisades à la Révolution, c'est-à-dire du XIème siècle à la fin du XVIIIème, ce ne fut pas l'ère de l'ignorance et de la misère comme on le croit parfois, bien que tout ne fût pas parfait.
Les nombreux monastères, tels ceux des moines de Saint-Florent et des Frères Condonats, et surtout ceux des Hospitaliers de Port-Stablon et des Bénédictines de Sainte-Marie-des-Sablons, conservaient et propageaient les sciences religieuses et profanes. Ils étaient des foyers de civilisation chrétienne et de culture littéraire et artistique. Vers 1082, le pape Grégoire VII chercha à faire de « la catholique Bretagne », alors placée par le peuple et les ducs sous la protection de l'Eglise romaine, une principauté vassale du Saint-Siège. En 1459, répondant à un discours de l'ambassadeur de Bretagne près du Saint-Siège, le pape Pie II « loue la foi profonde et la fidélité constante de la Nation bretonne ». Et l'histoire nous apprend que seigneurs et chevaliers, qui avaient subi l'heureuse influence des Croisades, oeuvre de leur foi, ne manquaient pas de culture générale. Rappelons-nous aussi que la Chevalerie est une institution celtique.
La charité chrétienne n'était pas un vain mot. Les portes des monastères et des manoirs ne se fermaient jamais devant les pauvres. On jouissait aussi d'un bien-être relatif. Des lois sages favorisaient l'agriculture et des traités de commerce ouvraient des débouchés suffisants. Un aperçu des exportations et de la marine nous donne une idée de la richesse du pays à cette époque. « Les Bretons échangeaient leurs produits avec le monde entier : sel, vin, blé, fer, toile et autres denrées. Leur flotte de commerce, protégée par des navires de guerre, allait en Angleterre, en Suède, en Norvège, en Allemagne, dans les Pays-Bas, en Portugal, en Espagne, et même dans les pays du Levant où une bulle du pape Sixte IV leur donnait accès ». En Hollande, « le port le plus fréquenté des Bretons était celui d'Arnemuiden : 344 navires pour la seule année 1483 » !
Ce qu'on ignore trop, c'est que la Bretagne possédait un système féodal très particulier et très humain. Malgré l'inégalité des classes, « la situation des paysans bretons était supérieure à celle de leurs contemporains des autres pays. Bien des charges pesaient sur eux... mais elles n'étaient pas plus lourdes que celles qui les grèvent actuellement ». Si la maison rurale restait trop souvent une grossière cabane couverte en chaume, meublée d'un coffre et de quelques paillasses, le paysan pouvait s'habiller chaudement et se nourrir très convenablement. « Le peuple breton était alors si riche que l'on n'eût pas trouvé si petit village qui ne fût plein de vaisselle d'argent ».
Les « champagnes » fertiles et les coteaux ensoleillés des bords de la Rance produisaient en abondance, eux aussi, le froment et le vin que les voiliers venaient charger à Port-Stablon.
Maître et paysan, dont les sentiments vis-à-vis l'un de l'autre n'étaient ni l'oppression ni la haine, mais d'une façon générale la confiance et le dévouement réciproques, travaillaient mutuellement, chacun selon son état, à faire régner la prospérité et le bonheur dans tous les foyers. C'eût été l'âge d'or pour la Bretagne, s'il n'y avait pas eu tant de guerres.
« Il vaut mieux faire envie que pitié », dit un proverbe. La Bretagne pourrait en douter. Convoitée pour ses richesses par ses deux puissantes voisines, elle lutte pendant mille ans : tantôt attaquée par la France, tantôt par l'Angleterre, parfois alliée à l'une contre l'autre, parfois en paix regardant ses deux ennemies se déchirer.
Le Clos-Poulet eut peu à souffrir des attaques françaises, celles-ci étant plutôt dirigées sur Fougères, Rennes, La Guerche, Nantes... Mais il reçut sa large part des invasions anglaises.
Châteauneuf faisait partie de la ligne de défense constituée pour protéger la frontière de l'est. Ceci explique pourquoi les Sablons étaient habités par « grand foison de Chevaliers et Escuyers », élite de l'armée bretonne, gardienne des rivages de la mer et de la frontière britto-franque, noblesse remuante, sous la direction des sires de Châteauneuf « auxquels il appartenait sur les hommes estaigers le debvoir et abstins de Guet pour cause du chasteau et forteresse dudit lieu ». Les sires de Châteauneuf dépendaient directement du duc. C'est la raison aussi de la présence en ces lieux de tant de religieux et religieuses cherchant la protection des hommes d'armes.
En 1117, Conan III s'allie au roi d'Angleterre, Henri Ier, contre le roi de France. Une garnison bretonne est alors placée dans « un castel sur le tertre prosche de Châteauneuf » dont l'emplacement exact reste inconnu. Peut-être le vieux donjon de Doslet ? Peut-être le vieux castel du Tertre de Lescure ?... Toujours est-il que les troupes françaises, commandées par Baudouin de Flandre, vexées de ne pouvoir prendre le castel, ravagent les vignobles de la Rance, « font paîstre les moissons par leurs chevaux », incendient les chaumières, tuent les habitants. Au mois de juin 1118, Baudouin propose un combat singulier contre la milice bretonne. Hugues Botherel, le chef de la garnison, relève le défi et sort à cheval hors de la citadelle. Au signal convenu, chevaux, hommes et boucliers se confondent dans un choc éclatant. Des cris de triomphe et d'alarme s'élèvent. L'un des cavaliers reste immobile sur son cheval, tenant dans sa main sa lance brisée. L'autre vient d'apprendre que César avait raison d'écrire : « Les Bretons sont terribles et redoutables quand ils prononcent : torr e benn ! » (Casse-lui la tête.) Baudouin gît par terre, dans une mare de sang, le visage traversé d'un tronçon d'arme. Alors ses soldats s'enfuient, au grand soulagement des habitants.
De 1167 à 1182, Henri II, roi d'Angleterre, essaie en vain de conquérir la Bretagne. En 1168, il ravage les bords de la Rance, mettant « tout à meurtres et à embrasements » de Saint-Malo à Dinan, ses soldats traquant dans leur fuite hommes, femmes et enfants après avoir pillé leurs chaumières. En 1173, il fait de nombreux prisonniers à Dol, parmi lesquels Hamelin des Préaux. Mais le Plantagenet ne réussit pas à briser la résistance bretonne organisée et conduite par Eon de Porhoët.
En 1207, les sires de Châteauneuf, aidés de tous les seigneurs et chevaliers des manoirs environnants, attaquent le fort du Guarplic (fort Du Guesclin), en Saint-Coulomb, occupé par les troupes de Jean-sans-Terre, autre Plantagenet assassin du duc de Bretagne héritier de la couronne d'Angleterre, Arthur Ier.
Beaucoup de chevaliers jouent un rôle glorieux aux Croisades à cette époque. Leur absence n'empêche pas la Bretagne de repousser plusieurs attaques anglaises et françaises.
Après de nombreux échecs devant les troupes françaises, Jean IV est contraint de se retirer en Angleterre. Le roi de France, Charles V, veut alors annexer la Bretagne. Indignés, tous les Bretons s'unissent pour réclamer le retour de leur souverain. Jean IV débarque à Dinard, le 3 août 1379, au milieu d'une foule délirante. Marchant sur Dinan, il passe le 7 à Doslet où les paysans, abandonnant leurs moissons, se rendent saluer leur libérateur et ravitailler leurs seigneurs et chevaliers qui l'accompagnent.
Jean V, ami de Jeanne d'Arc, reste neutre. Il permet cependant à son frère, Arthur de Richemont, et à quelques chevaliers d'aller combattre les Anglais en France. En 1436, reprise de Paris grâce à la ténacité de Richemont et de ses fidèles auxiliaires dont Eustache Gruel, cité parmi les héros de ce combat, et Guillaume Gruel, ancêtre des Gruel de Vaubœuf.
La fin du XVème siècle est le début de la décadence et de la ruine de notre pays : victoires du roi de France en Bretagne ; mort de François II ; luttes héroïques mais impuissantes de la duchesse Anne « contraincte à prendre mariaige d'un homme qui l'a si maltraictée » : son ennemi vainqueur ; mainmise de la France sur notre patrie vaincue...
Le Contrat d'Union maintient l'autonomie et les droits de la Bretagne. Mais « a à peine les rois de France ont-ils signé l'acte d'Union qu'ils s'empressent de l'enfreindre » ! D'où les nombreuses luttes du Parlement et des Etats de Bretagne contre le pouvoir royal. De nouveaux impôts sont exigés et beaucoup de traités de commerce supprimés. De là les multiples révoltes des Bretons appauvris. Toujours la répression française est impitoyable et sanguinaire. A ces troubles s'ajoute la division des seigneurs et chevaliers, dont quelques-uns sont collaborateurs et la plupart résistants.
Le protestantisme remporte peu de succès. Les Bretons restent profondément catholiques et adhèrent à la Ligue, dont le chef suprême est le duc de Mercœur. Le but des Ligueurs n'est pas seulement de défendre leur foi menacée, mais aussi de rendre à la Bretagne son indépendance. Voilà pourquoi la Ligue dure encore quatre ans après la conversion d'Henri IV.
En 1589, Mercœur prend Châteauneuf et se rend maître de la région après quelque résistance de la part de Guy de Rieux. En 1597, Saint-Laurent, lieutenant-général de Mercœur à Dinan, cantonne deux cent cinquante hommes à Saint-Suliac. Il ravage alors les environs pour approvisionner son armée, emmenant à Dinan, sur des chalands, blé et bétail. « Ce crucifiement du pauvre peuple », partisan cependant de Mercœur, mécontente les Malouins qui, au mois d'août, viennent assiéger la bande de Saint-Laurent alors réfugiée dans l'église. Attaqués par terre et par mer, les assiégés ne peuvent ni résister ni fuir. Vaincus, ils sont presque tous tués ou pendus par leurs adversaires.
L'année suivante, Mercœur est contraint d'abandonner son rêve d'indépendance !
Quantité de maisons portent encore le millésime 1600 et quelque. Faut-il chercher la solution de cette énigme dans l'incendie des villages pendant la Ligue ? Peut-être : lors de la prise de Châteauneuf par Mercœur, la lutte dut être âpre dans les Sablons. Le seigneur du Vaudoré au moins, Charles Gouyon, était un ardent chef huguenot, gendre du plus terrible des chefs protestants bretons, le célèbre François de la Noue, dit Bras-de-Fer.
De 1630 à 1640, Richelieu fait démanteler beaucoup de forteresses et de châteaux, témoins de notre passé, par crainte de nouveaux soulèvements en faveur de l'indépendance.
« Le règne de Louis XIV apporte à la Bretagne un débordement d'oppressions, d'orgies et de cruautés ». En 1675, les troupes françaises saccagent la région de Dinan pour sa participation à la « Révolte du Papier timbré ».
Par un décret en date de septembre 1687, le gouvernement français interdit formellement la plantation de la vigne en Bretagne. Par une ordonnance en date du 22 décembre 1698, il supprime la liberté d'exportation, en particulier du blé, sous les peines les plus sévères, voire la peine de mort. D'où la ruine de l'agriculture et du commerce.
A cette époque, le comte de Marbœuf, seigneur de La Baguais et du Vaudoré, est président du Parlement de Bretagne. Avec ses conseillers, il défend énergiquement les droits de sa patrie et les clauses du Traité d'Union.
En 1693, les Anglais, ne pouvant vaincre les corsaires malouins, décident de faire sauter leur ville. Ils lancent contre les remparts un brûlot de quatre cents tonneaux bourré de poudre, de matières inflammables, de bombes, de vieux canons. Heureusement le feu est mis trop vite à la machine infernale qui ne cause que des dégâts matériels et un fracas épouvantable. L'oscillation du sol est senti jusqu'à Châteauneuf et Doslet.
Les corsaires continuent leurs exploits, et Miniac de La Moinerie se signale par la prise du Ruby en 1707 et au siège de Rio de Janeiro en 1711.
En 1758, les Anglais ravagent à nouveau les bords de la Rance.
L'augmentation des impôts, le mécontentement, les révoltes continuent leurs ravages. Le Parlement de Rennes proteste en vain : on enferme ses députés à la Bastille ! Et ce n'est plus l'époque de bien-être où Salomon, roi de Bretagne, offre au pape Adrien II sa statue en or massif et une couronne d'or ornée de pierreries !
En 1779, une épidémie de dysenterie fait une centaine de victimes dans les Sablons.
(Abbé Auffret).
© Copyright - Tous droits réservés.