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ÉRECTION DE LA PAROISSE DE LA VILLE-ÈS-NONAIS |
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Lors de leur décision de poser seuls la première pierre, le mardi des Rogations, l'un des mécontents lança cette phrase : « Eh bien ! puisqu'ils nous abandonnent, faisons une paroisse ! ». Ce n'était qu'une boutade, mais elle travailla les esprits. On en parlait au cours des travaux. M. Bodin en riait. Cependant, lorsque Mlle Giron lui offrit sa maison pour presbytère, il accepta. Et l'idée devenant réalité donna un nouvel élan.
Le 15 juillet 1846, les « principaux de l'endroit » déléguèrent Le Mée et Le Breton pour aller porter la requête à l'évêque. A leur grande surprise, Monseigneur leur répondit : « Je vous attendais depuis quatre ans ».
Voici la raison : en 1842, lors de la confirmation à Saint-Suliac, Monseigneur passa par les Villages et s'arrêta à la chapelle et chez le maire, Etienne Brulé. Il put ainsi juger de la longueur et de la difficulté du chemin, et de l'importance des Villages. « Je donnerais bien un prêtre pour résider dans l'endroit », dit-il chez M. le Maire. On ne saisit pas la proposition inattendue et l'on répondit : « Nous ne demandons pas cela, mais nous serions heureux d'avoir seulement la permission de conserver le Saint Sacrement à la chapelle ». Ce que Monseigneur accorda volontiers.
Mis au courant de la démarche et très mécontent, M. le Prieur fut plaider sa cause à Rennes. Dès son retour, M. Bodin partit lui aussi trouver le chef du diocèse qui lui répondit : « Ces bonnes gens auront une paroisse ». Le prieur retourna le jour Sainte-Anne. Mais Monseigneur lui dit : « Mon parti est pris et je vais ordonner une enquête ».
En attendant, « les habitans avisèrent à fournir les pièces exigées ». Le Conseil municipal fit une délibération le 12 août. Le maire, M. Hélot, et presque tous les conseillers « étaient des Villages et bien intentionnés : treize sur seize votèrent pour ».
La délibération mentionne les distances et autres difficultés. Le Mont-Garrot à gravir. Pas d'autre moyen de circulation que ses deux sabots, le chemin du Bourg et le chemin de la Chèze n'étant pas carrossables. Pour avoir un prêtre il fallait trois heures de route, et bien des malades mouraient sans sacrements. C'était périlleux pour les nouveau-nés à baptiser. Les vieillards et infirmes étaient privés des consolations de la religion. Le transport des morts, s'effectuant souvent par mer, était très difficile...
« On leva un plan cadastrale de la commune en double expédition. Des certificats assuraient un logement au Recteur, du terrain pour l'aggrandissement de l'église et pour un cymetière. Le maire attestait qu'il y avait une église suffisamment fournie d'ornements et assez grande ».
Il fallait aussi une délibération du Conseil de Fabrique, ce qui était plus difficile à obtenir. Le président, Jean Gouin, s'étant abstenu, « chaque partie formula une délibération pour combattre et détruire les raisons de la partie adverse ».
Puis ce fut l'enquête. Arrivé à la chapelle après une bonne chute dans les falaises, celui qui la menait scandalisa les ouvriers par ses propos, « inventoria les effets, voulant qu'un ornement reconnu pour rouge fut violet », et prit les dimensions de la construction. Puis il alla « développer son antienne » chez quelques habitants qui surent bien lui répondre, telle Olive Chenu à qui il reprochait de vouloir abandonner une si belle église : « Yan ! à quoi me sert une si belle église, pisque depé quize ans je ne peux plus y aller sans espérance d'y retourner ! ». Il termina ses observations à la suite d'un tour que lui joua Joseph Goger, « individu d'une mine horrible, un peu lancé et bon farceur ». Il tomba sur lui un soir dans un chemin, armé d'une barre de fer, et le menaça de le faire « la danser ».
La question des limites soulevait aussi des difficultés. Saint-Suliac voulait conserver la Baguais, la Haute-Motte et la Motte-Bili, et « adjoindre Daulé et Panlivard à Châteauneuf ». Les intéressés protestèrent. Le chemin vicinal de Châteauneuf à Saint-Suliac, en descendant par la Roteaux-Chevaliers, pour se rendre à l'anse de Garrot, fut la limite adoptée.
Vers la fin d'août, le maire tomba paralysé. « Il fallait voir la joie de certains habitans de Saint-Suliac ! ». Ils se voyaient vainqueurs et disaient aux gens des Villages : « Vous aurez une paroisse à Pâques, quand le carême durera sept ans ». Heureusement, le matin même M. le Maire avait signé tous les papiers. François Le Mée et Etienne Brûlé, fils de l'ancien maire, secrétaire de mairie, furent délégués pour les porter à Rennes. Monseigneur étudia le dossier et, au mois de septembre, il assura une troisième délégation que l'affaire aurait lieu et que l'on pouvait être tranquille.
Le prieur menaça de démissionner. Monseigneur lui donna deux mois pour réfléchir.
Une pétition adressée au ministre des Cultes, perdue par celui qui revenait de la faire signer à M. Deléhen, député, fut trouvée et envoyée à Monseigneur. La lutte devenait de plus en plus âpre.
Monseigneur envoya le dossier à la Préfecture. Après bien des lenteurs, le préfet l'envoya à Paris avec un rapport opposé à celui de l'évêque. Ceci détermina le ministre à renvoyer le dossier au préfet, lui enjoignant de s'entendre avec l'évêque.
Les deux mois donnés au prieur étant écoulés et n'ayant pas de réponse, Monseigneur nomma M. Le Herpeux à SaintSuliac et M. Bodin à la Ville-ès-Nonnains. Le 4 décembre 1846, ce premier recteur de Sainte-Anne avant même l'existence de la paroisse fit seul son installation. La joie des gens des Villages était aussi grande que la déception des gens du Bourg, c'est-à-dire de Saint-Suliac.
A l'exception des publications et sépultures, M. Bodin avait tous les pouvoirs, ce qui ne fut pas sans soulever des difficultés avec le nouveau prieur.
Le 11 novembre 1847, Etienne Brulé apporta une lettre de Châteauneuf. Elle portait le cachet de l'Evêché et était adressée au recteur. Monseigneur annonçait à M. l'abbé Bodin qu'il venait de recevoir l'ordonnance royale, en date du 19 octobre, permettant l'érection de la chapelle Sainte-Anne en succursale. Etait jointe l'ordonnance de Mgr Godefroy Saint-Marc en date du 1er novembre 1847 : « ... La section de la Ville-es-Nonais est distraite et démembrée pour le spirituel de la Paroisse de Saint-Suliac et érigée par ces présentes au titre d'Eglise succursale avec tous les droits et charges y attachés. — La nouvelle Paroisse aura pour limites celles fixées par l'ordonnance du 19 octobre... — L'Eglise de la Ville-es-Nonais est placée sous la protection et l'invocation de la bienheureuse Sainte Anne... ».
M. l'abbé Bodin aurait voulu garder le secret jusqu'au dimanche. Mais M. Brulé ne put s'empêcher d'en parler. « La joie fut grande pour les gens des Villages et la surprise pour ceux de Saint-Suliac ».
Un Conseil de Fabrique était légalement obligatoire à cette époque. M.M. Yves Brindejonc, Guillaume Hubert et François Lemée furent nommés par ordonnance de Mgr l'Evêque en date du 24 novembre 1847 ; MM. Louis Lecœur et Suliac Bessard par arrêté préfectoral en date du 6 décembre 1847. Les préposés se réunirent au presbytère le 19 décembre sur l'invitation de M. Raoul, maire de Saint-Suliac, et de M. l'abbé Bodin, recteur de la paroisse. « Lecture prise de ces pièces, ces Messieurs ont déclaré vouloir bien accepter la gession de la dite fabrique ». Le Conseil de Fabrique étant alors constitué, « chacun de Messieurs les membres, pour preuve de son admission, en a signé le procès-verbal. Dont acte les dits jour, mois et an que dessus ».
Sitôt après l'acceptation des membres, « conformément aux règlements relatifs au choix d'un président et secrétaire, on est allé aux voix ». M. Lemée fut élu président du Conseil de Fabrique, et M. Lecœur, secrétaire.
On alla aux voix pour les marguilliers : Y. Brindejonc fut élu président ; G. Hubert, trésorier ; S. Bessard, secrétaire.
On appela d'abord la nouvelle paroisse Sainte-Anne-sur-Rance. Par la suite, d'après la tradition, la Préfecture aurait refusé ce nom. C'est fort possible, car le jour de la fête patronale M. le Recteur « exprime un regret, c'est que la paroisse ne soit pas reconnue sous le nom de Sainte-Anne-sur-Rance ». Et le registre de comptabilité de la paroisse, pour la deuxième année de son existence, porte encore pour titre : « Recettes et Dépenses de la Paroisse Sainte-Anne-sur-Rance, année 1848 ».
(Abbé Auffret).
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