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Le siège de Dinan en 1359 |
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Froissart a-t-il ignoré le siège de 1359 ? ou bien encore Froissart a-t-il voulu taire une affaire au cours de laquelle un chevalier anglais fut convaincu de félonie ? Froissart étant « patronné » par la cour d'Angleterre. Cette dernière supposition semble toutefois invraisemblable et on ne peut l'accuser d'une partialité qui n'apparait pas dans sa Chronique.
Froissart eut ensuite d'autres « patrons » que les souverains anglais et il ne cessa de retoucher sa Chronique jusqu'à sa mort qui survint en 1404 sans jamais citer le siège de 1359. Il est possible qu'il ne le jugeat pas digne d'une mention et quant au combat Du Guesclin-Cantorbery, il aura pu également le négliger parce que des rencontres semblables étaient si fréquentes à l'époque qu'un tel fait rentrait dans la banalité.
Le premier historien, du temps, étant muet sur cette page d'histoire dinannaise, il faut convenir que la principale source contemporaine de renseignements sur l'action qui nous intéresse est le récit rimé d'un trouvère. Il se nommait Cuvelier, serait né à Dinan et aurait été soldat de Du Guesclin [Note : Cuvelier est encore supposé d'origine picarde]. Son poème est intitulé « La vie du vaillant Bertram du Guesclin », poème écrit à la fin du XIVème siècle, après la mort du Connétable.
Voici comment Michelet juge un peu trop sévèrement le poème de Cuvelier : « La vie de ce fameux chef de Compagnies, qui délivra la France des Compagnies et des Anglais a été chantée, c'est-à-dire gâtée et obscurcie dans une sorte d'épopée chevaleresque que l'on composa probablement pour ranimer l'esprit militaire de la noblesse. Nos Histoires de Du Guesclin ne sont guère que des traductions de cette épopée. Il n'est pas facile de dégager de cette poésie ce qu'elle présente de sérieux, de vraiment historique ».
Rappelons brièvement la page d'histoire si connue tirée de l'ouvrage de Cuvelier. Le duc de Lancastre assiège Dinan et la ville soumise à la pression de l'ennemi a obtenu une trêve de quarante jours au bout de laquelle on doit se rendre si un secours ne parvient pas.
Le jeune frère de Duguesclin, Ollivier, étant sorti chevaucher dans la campagne sur la foi de cette trêve, est rencontré par le chevalier anglais Thomas de Cantorbery, accompagné de quelques soldats. Ils saisissent le jeune homme par haine de son frère qui avait fait tant de mal aux Anglais et ils l'emmènent dans leur camp.
Bertrand Duguesclin averti se précipite au camp de Lancastre et demande réparation d'une pareille félonie. Un combat singulier est décidé, sur la place du Champ, nous dit Cuvelier, au camp anglais dit, plus tard, Bertrand d'Argentré.
Les Dinannais inquiets pour leur champion, sont rassurés par une jeune fille de 24 ans, Thiphaine Raguenel qui a prédit que Du Guesclin sortirait vainqueur du combat. La prédiction se réalise et Cantorbery vaincu, est dégradé par le duc de Lancastre.
Peu de temps après, le roi Edouard III appelle autre part Lancastre à son aide, et le siège de Dinan est levé.
Le chroniqueur Pierre Le Baud rapporte ainsi le siège de 1359 : « Toutefois, raconte l'acteur du libre des faits (Gestes de Bertran Duguesclin) [Note : Vieux récit publié au XVIIème siècle] Messire du Gueaquin chevalier breton que celuy duc de Lancastre après ce désassiègement (Rennes) séjourna et hyuerna celui an a Aulroy (Auray) qui se tenoit au Comte de Montfort, aussi demoura-t-il en Bretagne tout l'an 1358. Car selon ledit acteur si tost que la saison nouvelle fut venue qui fut un commencement de l'an 1359 il rassembla l'exercite (armée) et auec ledit Comte de Montfort, le Comte de Pennebroch et grand nombre d'Anglois et de bretons bretonnants assiégea la ville de Dinan qui se tenoit à Monsieur Charles de Blois lequel pour la garder et défendre y avoit envoyé ledit messire Bertrand et le boîteux de Penhoët, un autre preux et vaillant chevalier avec bonne garnison. Si assaillirent les duc de Lancastre et Comte de Montfort ladite ville de Dinan fièrement, laquelle aussi fut vertueusement défendue. Toutefois continuèrent ledit Duc et Comte tellement leur siège que ceux dedans se composèrent et promistrent que si Monsieur Charles de Blois ne venoit dedans quarante jours si puissant qu'il leva ledit siège ils rendroient lesdits quarante jours finis la ville au Comte de Montfort. Mais pendant celui temps passa le roy Edouard d'Angleterre à Calais pour guerroyer les Français qui avoient refusé payer la rançon de leur roy, lequel roy, Edouard, manda le duc de Lancastre et lui convint se partir de Bretagne avant que le terme que ceux de Dinan se devoient rendre fust finy et ainsi ne tint pas la composition (accord) ».
Pierre Le Baud ne parle pas de l'épisode Duguesclin-Cantorbery. Alain Bouchard, lui, est silencieux et sur le siège et sur le duel.
Bertrand d'Argentré est plus loquace et raconte longuement toute l'affaire. Son récit conforme en général à celui de Cuvelier, en diffère cependant un peu, notamment par ce passage faisant supposer qu'il s'est documenté à une autre source. « Il y a quelque ancien poète français qui escrit que le combat fut faict dedans le champ de Dinan et que pour cet effect le duc de Lancastre entra avec sauf conduict en la ville, mais il n'y a guères d'apparence qu'un tel chef se fut voulu commettre aux habitants ».
Après Bertrand d'Argentré vient un magistrat, Paul Hay du Chastelet, né à Laval en 1592 et mort à Paris en 1636. Il est l'auteur d'une copieuse « Histoire de Bertrand Du Guesclin » qui fut publiée en 1666. Cette histoire est un ouvrage considérable augmenté de « Preuves » très intéressantes. Hay du Chastelet raconte siège et combat singulier avec une foule de détails. A-t-il puisé dans le poème de Cuvelier, comme il est probable ? Mais il paraît avoir eu recours, lui aussi à une autre source et consulté des documents qu'il ne mentionne pas.
L'Histoire de Bretagne jusqu'à l'entrée en lice des Bénédictins de St-Maur a beaucoup manqué de valeur critique accueillant facilement anecdotes et traditions.
Avec le grand travail entrepris par Dom Lobineau et Dom Morice, nous assistons à des prespections sérieuses d'archives et à un examen attentif des textes. Lobineau rapporte ainsi le siège de 1359 :
« Avant de partir (le roi d'Angletenre) il renvoia le duc de Lancastre [Note : Le duc de Lancastre, frère d'Edouard III opérait en Bretagne depuis Septembre 1355 et avait été nommé lieutenant général le 25 Juillet 1357. (D. Morice, T. I, « Preuves », Col. 1519)] en Bretagne avec des troupes et le duc assiégea Dinan aiant avec lui les Comtes de Montfort et de Pembrok.
Les habitans qui s'estoient attendus à ce siège avoient envoïé demander du secours à Charles de Blois et Charles leur avoit envoïé Bertran Du Guesclin avec cinq ou six cens combattants. Après s'etre deffendus vigoureusement ils demandèrent trève pour quarante jours au duc de Lancastre, promettant de se rendre au bout de quarante jours s'ils n'étoient secourus. Le duc de Lancastre et le Comte de Montfort accordèrent la trêve qui fut incontinent publiée dans la ville et dans le camp...
Suit l'affaire du duel, conséquence de la capture d'Olivier du Guesclin dont la rançon avait été fixée à 1.000 florins par Th. de Contorbéry.
L'autre bénédictin dont l' « Histoire de Bretagne » est très connue et riche de documents précieux, Dom Morice, rapporte également le siège de 1359 et l'épisode du Combat sur la Place du Champ aux chevaux.
Plus près de nous, Arthur de la Borderie, se basant sur Siméon Luce, historien de Du Guesclin [Note : Siméon Luce (1823-1892), auteur d'une histoire de Du Guesclin et son époque] place le siège non en 1359, mais dans les premiers mois de 1357 (février ou mars) et est affirmatif au sujet du Combat du Champ. D'après lui, la campagne de l'armée anglaise avait pour but d'éliminer des forces françaises ayant leur quartier général à Dinan et dont l'objectif était de harceler les Anglais qui attaquaient Rennes. Nous avons, en effet, les preuves que d'importantes troupes étaient rassemblées à Dinan vers ce temps [Note : Les montres d'hommes d'armes (revues) se succèdent à Dinan à cette époque. (D, Morice, « Preuves »)].
En résumé, il faut donc convenir que le poème du trouvère Cuvelier est bien probablement le seul document capital accepté par les uns, négligé par les acres, selon leur façon d'envisager l'Histoire. Nous pourrions relever bien d'autres contradictions et omissions dans nos Chroniques où les auteurs citent des faits ou les taisent, ou bien les interprètent selon leurs sentiments personnels, ou encore, les ont tout simplement ignorés.
Dom Lobineau, Dom Morice, Siméon Luce et Arthur de la Borderie, sont de sûrs garants de cette belle page d'histoire dinannaise.
Après l'affaire de 1359 ou de 1357, Dinan va demeurer tranquille jusqu'en 1364, date du dernier acte de la guerre de Succession.
Il est cependant peu probable que le siège de Dinan eut lieu en 1359, car le sire de Penhoët qui défendait Rennes, ne pouvait, en même temps, être à Dinan.
(M. E. Monier).
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