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LE DOYENNÉ DE MONCONTOUR

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BRÉHAND.

Lorsqu'éclata la Révolution, la paroisse de Bréhand avait pour recteur M. Louis Doré. Il succédait à son oncle, M. Louis-François Doré (tous deux étaient nés à Plémy), qui s'était démis en sa faveur en 1788 et dont il avait été vicaire. Celui-ci resta au presbytère, comme prêtre retiré, et pensionnaire de son neveu. Le nouveau recteur restaura le vieux presbytère en 1789. Il y était à peine installé, quand parut le décret de déportation : il partit aussitôt, mais on ne sait point le lieu de son exil ; et il n'est plus question de lui jusqu'à son retour, en 1802, où il fut rétabli recteur.

Aussitôt après le départ de M. Doré, la municipalité fut contrainte par le Directoire de Lamballe d'installer à sa place un intrus nommé par l'évêque intrus Jacob : Louis-Julien Bichemin, son ancien vicaire général, augustin défroqué de Lamballe, et qui, dès le commencement, avait prêté serment en l'église Notre-Dame de Lamballe.

Comme il était envoyé par un évêque schismatique, et schismatique lui-même, les bons habitants de Bréhand qui voulaient demeurer attachés à leur religion, chassèrent le schismatique et le loup de la bergerie. Malgré ses supplications, il ne put jamais trouver ni un enfant, ni un homme pour lui répondre la messe.

Il paraît cependant qu'il a dit la messe quand même, parce que nous trouvons ce qui suit dans un rapport du procureur de la commune :

« L'an 1793, le six nivôse an 2 de la République une et indivisible, Nous, citoyen Toussaint Doré, procureur de la commune de Bréhand-Moncontour, certifions qu'en vertu de la convocation faite le jour d'hier, à requette du citoyen Joseph Hercouët, maire de cette commune au prône de la grand'messe, dite par le citoyen Bichemin notre curé constitutionnelle (sic).

Je me suis transporté à notre maison commune où j'ai requis la municipalité et les membres du Conseil général de délibérer sur plusieurs chefs très urgents, très utiles que j'ai à leur proposer et dont voici la teneur :

Vu qu'il pleut dans notre église connue dehors et que les fidèles ne peuvent y rester à cause des pluies qui y tombent et qui entraînent la ruine totale de la couverture, de la charpente et maçonnerie …. 

Qu'il est aussi nécessaire de faire blanchir notre église : vu que les volontaires nationaux y ont fait du feu et qu'il serait à propos de faire faire une fausse chasse et des barrières au cimetière, attendu que les dits volontaires ont tout brûlé, et qu'il est de la dernière indécence de voir les cochons venir fouïer et reveuger les fosses de nos morts et qu'il serait aussi nécessaire de faire accomoder la balustrade, vu qu'elle a été en partie brûlée ; et qu'il y avait deux calices dont les citoyens volontaires en ont emporté un au district de Lamballe qu'il est nécessaire de réclamer.

Demander au citoyen Hello, administrateur du département d'ordonner au district de Lamballe de nous accorder dix fusils pour notre sûreté et conservation de nos propriétés.

Attendu que le citoyen Fourchon, prêtre de notre commune, homme très infirme et sans fortune et qu'il est aux charges d'une pauvre servante qui est obligée de le paître, de l'habiller et de le déshabiller et de le nourrir du produit de sa quenouille, il serait donc nécessaire que le département lui continue la pension qu'il avait sur le ci-devant clergé de Saint-Brieuc.

Comme aussi de solliciter auprès du département l'élargissement de nos détenus qui sont dans les prisons de Saint-Brieuc, vu qu'ils sont nécessaires chez eux tant pour le labourage de leurs terres que pour pourvoire à la nourriture, à l'éducation et à l'habillement de leur nombreuse famille.

Qu'il est temps de nommer des trésoriers nouveaux pour entrer en charge le 1er jour de l'an, comme de prier aussi le département de donner des écharpes pour les officiers municipaux.

Je requière aussi que le conseil de la commune prie le département de faire claquemurer la chapelle de Saint-Trimouët : non parce que les fidèles s'y rassemblent pour prier, les exercices de tous les cultes lorsqu'ils ne troublent point l'ordre public étant libres, mais parce que le rassemblement qui n'est point organisé, peut avoir les suites les plus fâcheuses. Déjà celui qui préside a interpellé les citoyens reconnus bons patriotes, de se retirer de cette chapelle et s'il y arrivait encore quelque tumulte, il ne serait occasionné que par les personnes de notre commune qui fréquentent le rassemblement ! D'ailleurs, on n'y observe pas l'ordre établi par les décrets. Le Président, en effet, y a proclamé 40 jours d'indulgences à ceux qui jeûneront sept (ce carême). Or, aucune administration n'a visé cette indulgence. D'ailleurs notre paroisse est maintenant tranquille, et nous espérons qu'elle le sera désormais.

Nous demandons aussi au département une pension pour le citoyen F. Guéguen, notre secrétaire greffier (c'est le rédacteur), signé : Toussaint DORÉ, procureur.

En conséquence de ce réquisitoire du procureur, nous maire et officiers municipaux et notables, considérant que les réquisitions de notre procureur sont justes et véritables, nous nommons comme commissaires les citoyens... Bichemin, notre curé constitutionnel, et notre maire Joseph Hercouët, pour obtenir l'élargissement de nos détenus, charge qu'ils ont bien voulu accepter ».

C'est la dernière fois qu'il est fait mention du citoyen curé constitutionnel Bichemin.

Il paraît que, malgré ses supplications, tout le monde finit par lui tourner le dos.

Se voyant dans l'impossibilité d'accomplir aucune fonction ecclésiastique, vu la répulsion générale qu'il inspirait, et les insultes journalières dont l'accablaient les femmes et même les enfants, il prit le sage parti de s'en aller. Il était temps, car les hommes se préparaient à lui faire un mauvais parti.

Il fut remplacé par un nommé Girard, prêtre assermenté, né à Moncontour, et dont la soeur est morte institutrice dans cette même ville !

Il subit le même sort que Bichemin, et force lui fut de déguerpir au plus tôt !

Enfin, le 24 juin 1794, on en envoya un autre, nommé Pierre-Jean-Marie Josset, qui non seulement avait prêté serment à la Constitution civile du clergé, mais encore s'était marié ! Conduisit-il Madame Josset avec lui à Bréhand, nous n'en savons rien, toujours est-il qu'il fut encore plus mal reçu que les autres.

Il avait pourtant été installé, le 24 prairial an 3 de la République, faisant de nouveau sa soumission devant Joseph Garnier, maire, et François Guéguen, secrétaire.

Il resta quelques mois dans le pays, car nous trouvons encore une délibération datée du dimanche 24 messidor an 3, ayant été annoncée au prône de la grand'messe par le citoyen Pierre-Jean-Marie Josset, pour nommer un officier public et un assesseur au juge de paix.

Après cela il n'est plus question de lui à Bréhand, mais il fut nommé curé constitutionnel à Planguenoual, où il avait été vicaire.

Il s'entêta dans le schisme, et on rapporte que, aux sollicitations de ses amis qui le pressaient pendant sa dernière maladie de revenir à Dieu, il répondit : Je donne mon bien à ma fille, mon corps à la terre et mon âme au diable. Une autre fois, on l'accuse d'avoir répondu : que l'on enterre mon cadavre dans mes latrines, si l'on veut, ça m'est égal !!! Cette sépulture était la seule que méritât cet impie et ce renégat, dont le cynisme, au rapport de ses contemporains, était révoltant.

En 1793, l'église de Bréhand, comme toutes les autres églises, fut dépouillée de toutes ses richesses. On emporta tout, jusqu'à la corde des cloches : ce fut Joseph Closier qui accepta cette honteuse corvée. On dit que les habitants des villages de Saint-Malo s'opposèrent à la descente de la cloche de la chapelle et que personne ne voulut y donner la main ni même prêter une échelle. On dit que quelques chapes et chasubles, avec des aubes, furent sauvées par la nommée Marie Grogneuf, femme de grande foi, qui ne craignit pas d'accomplir cet acte de courage au péril de sa vie. Elle conserva ces objets chez elle, à la Suais, où les prêtres fidèles s'en servaient pour dire la messe ; car ils trouvèrent toujours chez cette brave femme un asile assuré pendant toute la Terreur !

A la réouverture de l'église, en 1802, elle s'empressa de les rendre.

Guillaume Guérin d'Artois sauva la relique de la vraie croix, qu'il cacha sous le faîte de la grange, enveloppée dans de la paille ; elle y resta 9 ans. — Quand la paix fut rendue à l'Eglise, Guillaume Guérin, rempli d'une immense joie, remit publiquement cette précieuse relique entre les mains de son pasteur, à son retour de l'émigration.

L'énergique résistance des paroissiens de Bréhand au schisme et à ses partisans, coûta la vie à deux braves garçons de cette paroisse ! L'un était âgé de 17 ans et l'autre de 18. Leur fière et belle conduite mérite d'être racontée.

En 1792, ils étaient venus amener des charretées de paille, réquisitionnées pour les nationaux de Rennes. Après leur besogne faite, ils prenaient dans une auberge quelques rafraîchissements, et ils exprimaient très franchement leurs sentiments sur les révolutionnaires. Mais là était en ce moment un révolutionnaire de la ville et des plus exaltés.

Ils furent dénoncés sur le champ comme d'affreux réactionnaires, au Directoire du district de Lamballe, qui les fit saisir aussitôt et conduire à la prison des Ursulines.

Le lendemain, après un jugement sommaire où ils furent convaincus d'incivisme et de fanatisme religieux, ils furent condamnés à mort. Ils entendirent leur condamnation avec un calme imperturbable et firent demander un perruquier pour leur faire la toilette et poudrer leurs cheveux.

En quittant le seuil des Ursulines, ils entonnèrent les litanies de la Très Sainte Vierge et les chantèrent à pleine voix en se répondant.

Arrivés au milieu de la rue Saint-Martin, ils s'interrompirent un instant : c'était le moment convenu où un prêtre fidèle, caché dans la foule, leur donnait la sainte absolution ; puis ils reprirent le chant des litanies qu'ils continuèrent jusqu'au cimetière Saint-Martin.

Là, sur le bord de leur fosse creusée d'avance, ils pardonnèrent à leurs bourreaux, réitérèrent leur acte de contrition, et, au moment où ils achevaient le cri de vive Jésus-Christ, vive le roi, ils tombèrent criblés de balles. Honneur à ces deux martyrs qui moururent si courageusement et si pieusement, et qui sont la plus pure gloire de la paroisse de Bréhand. On dit que l'un était un Jéhan et l'autre un Verdes !

Ce fait admirable est absolument certain ; M. Caurel l'a entendu raconter à M. Bourda qui l'avait entendu, lui, de témoins oculaires.

Déjà, le 23 mars 1792, la municipalité de la paroisse réunie en conseil général, sur la représentation de François Vieux-Loup, procureur de la commune, consigna que samedi 24, la municipalité de Moncontour, sans autres formalités qu'un avis verbal, fait au dit François Garnier, maire, avait été sur les 10 heures du matin fermer et pateficher la chapelle rurale et paroissiale de Saint-Malo. A été arrêté par nous à l'unanimité, qu'il serait incessamment présenté une requête au Directoire du district de Lamballe concernant la clôture de cette chapelle ; qu'elle serait motivée sur l'illégalité de ce procédé, la lettre et l'esprit de la Constitution, ainsi que les droits de bon voisinage, violés par cette action inouie jusqu'alors, avec prière au Directoire de s'adresser au département sans délai, et à la municipalité, et de nommer deux membres pour présenter notre requête et en faire valoir les raisons.

Il paraît que cette réclamation n'eut point de suite.

Pendant toute la durée de la Révolution, les paroissiens de Bréhand furent assistés et réconfortés dans leur religion par les prêtres fidèles qui étaient restés cachés dans les fermes et les villages.

Plusieurs de ces confesseurs de la foi étaient des paroisses voisines, mais ils se retiraient volontiers à Bréhand, attendu qu'ils se sentaient protégés par le vaillant général de Boishardy, dont nous dirons bientôt un mot.

Celui qui paraît avoir rendu le plus de services est M. Bréxel, vicaire de Trébry, et qui fut plus tard nommé recteur de cette paroisse, où il est mort en 1823. Il portait le surnom de Marchand de chevaux, car il avait ordinairement un fouet autour du cou et il était habillé en costume du pays. Son lieu de résidence était ordinairement Artois, dans le bourg et tout près de l'église.

M. Boscher, vicaire de Quessoy, rendit aussi d'importants services, surtout dans les villages qui avoisinent le Bas-Quessoy. Il se retirait aussi à la ferme d'Artois.

M. Saillet. Il était né à Plédran, où il est mort vers 1840. Il se retirait au Vaugourio, chez les Carlo, et chez Joseph Verdes, aux Métairies.

M. Doré, prêtre, né à Fortville en Plémy. Il portait le nom de Charpentier. Il paraît qu'il travaillait à faire des charrues.

M. Gaudin, jeune prêtre de Moncontour, ordonné en Angleterre, ayant appris que ses compatriotes mouraient sans sacrements, revint pour les secourir au péril de sa vie. Il rendit d'importants services à Bréhand, du côté de Saint-Malo, dans les fermes et les villages du voisinage.

M. Guillet, des Fermes, en Saint-Trimoël, vint aussi plusieurs fois à Bréhand.

M. Le Faucheur, prêtre de Hénon, se retirait assez souvent à Artois, mais beaucoup plus souvent dans les fermes du château du Chêne, attendu qu'il administrait les malades des villages de la vallée des Grands-Moulins, soit de Hénon, soit de Bréhand. Il disait la messe dans le Pavillon, dont on bouchait bien toutes les fenêtres pour ne pas laisser apercevoir la lumière du dehors. Pendant la messe, quelques hommes montaient la garde, les uns du côté de Moncontour, les autres sur la route de Lamballe, et d'autres veillaient autour du château. A la fin de la messe, on ramassait les ornements dans un sac et on disait : où portera-t-on le sac pour la première fois. M. Le Faucheur ne fut jamais pris ; il est mort à Hénon.

C'est ainsi que les paroissiens de Bréhand reçurent continuellement les secours des prêtres qu'ils cachaient si bien que jamais aucun d'eux ne fut pris ni trahi.

Après que la paix eût été rendue à l'Eglise, en 1802, M. Doré revint d'Angleterre pour reprendre possession de son titre et de son poste. Il venait à pied de Lamballe, lorsque, en passant à la porte de la première maison de la paroisse, il s'arrêta et cria : « Etes-vous là, Marie ? ». C'était le nom de la mère de famille ; cette femme, le reconnaissant à la voix, s'écria : « Ah ! c'est notre recteur ». Elle sort, se jette à ses pieds, les embrasse, lui baise les mains, envoie avertir dans tous les villages et, à midi, toute la paroisse était assemblée dans le bourg, pour voir, entendre et embrasser son pasteur et recevoir sa bénédiction.

L'histoire de Bréhand pendant la Révolution serait incomplète si on n'y joignait pas l'histoire du général du Boishardy. Cette histoire est palpitante d'intérêt et mérite d'être racontée tout au long.

 

HÉNON.

A l'époque de la Révolution, la paroisse de Hénon était desservie par dix prêtres : MM. de la Villéon, recteur ; Briend, Le Clerc, Le Vannais, Le Faucheur, Boscher, Paytra, Berthelot, Hervé et Boinet.

Messire René-Louis-François de la Villéon, né à Planguenoual, vint à Hénon jeune encore, chez son oncle qui habitait le manoir de Port-Martin.

Son premier acte comme recteur est de 1753, 31 juillet. Le 2 octobre 1788 il bénit deux cloches, et, à la suite du procès-verbal de la cérémonie, il ajouta plus tard ce qui suit : « Je renouvelle pour tout serment mes vœux de baptême. Je crois et confesse l'Eglise une, sainte, catholique, apostolique et romaine : dans l'unité et le sein de laquelle je veux vivre et mourir ».

Comme s'il eût craint qu'on pût douter de ses intentions, quelques lignes plus bas, sous le mot mariage, il écrit :

« Je renouvelle l'alliance et le contrat que j'ai passé avec mon Eglise quand j'en ai pris possession canonique, et je déclare ne vouloir faire divorce avec elle et la regarder toujours comme mon épouse ». Les deux actes sont du mois de juin 1791.

Fidèle à ses engagements, il ne voulut pas émigrer ; mais, arrêté par les révolutionnaires, il fut conduit à Guin­gamp, disent les uns ; à Morlaix, dit une autre version, et c'est dans l'une de ces deux villes qu'il est mort. Quand et comment, aucun document ne l'indique.

Messire Joseph-François Briend, curé de Hénon, émigra en Angleterre, avec la famille de Catuélan, à laquelle il rendit toutes sortes de bons offices pendant ses neuf ans de séjour.

Rentré en France et dans son pays natal au commencement de l'année 1804, il fut curé d'office et ensuite des­servant de Hénon jusqu'en 1825.

Messire Noël Le Clerc naquit à Hénon en 1758. En 1788, il signe : Prêtre de Hénon.

A l'époque de la Révolution, il ne prêta pas le serment et n'émigra pas.

A la réouverture des églises, il devint vicaire de Hénon et mourut en 1814, au village de Pellan.

C'est lui qui, avant de mourir, a fait une rente de 150 fr. au moins pour l'écolier de la paroisse qui étudie dans l'intention d'entrer dans l'état ecclésiastique, avec cette clause que cette rente sera accordée de préférence au descendant de la famille s'il y en a.

Messire Jean-François Le Vannais, prêtre de Hénon ; il apparaît pour la première fois à la bénédiction des cloches en 1788, et c'est lui qui signe le dernier des baptêmes faits avant la fermeture des églises, avec MM. Le Clerc et Le Faucheur.

Il resta dans la paroisse de Hénon et administra les sacrements à tous ceux qu'il pouvait secourir.

Arrêté comme réfractaire, il fut conduit à Guingamp, mais il parvint à s'échapper, probablement avec M. Gaudin, par l'entremise de Robert des Grands-Moulins.

Tout ce que nous avons appris de M. Le Clerc, outre ce que nous venons d'en dire, c'est qu'il est mort au moulin au Comte et qu'il était vicaire de Hénon.

Mais nous pouvons dire qu'il a travaillé à Bréhand, aux environs des Grands-Moulins, de Saint-Malo et du Parc : c'est lui qui a baptisé aux Grands-Moulins, chez les Rio, et entre deux tonnes vides, Julienne Rio, mère des MM. Doré, et Marie-Jeanne Rio, grand'mère des Hérissé du Pont-Jorel.

Nous n'avons aucun renseignement sur M. Paitra. Nous savons seulement qu'il est mort recteur de Trégueux.

M. Boscher ne suivit pas l'exemple que lui avait donné son recteur, M. de la Villéon, et trois de ses confrères. Il prêta serment à la Constitution civile du clergé ; mais revenu à de meilleurs sentiments, il se rétracta.

Dans un acte du 3 avril 1793, le citoyen François Berthelot, est désigné comme curé de Hénon, par François Davy, officier public.

Il signe d'abord : curé, officier public ; plus tard, sim­plement officier public.

Il est mort à Saint-Brieuc, dans une maison voisine du pont de Gouédic, sans s'être rétracté : du moins c'est ce qu'ont affirmé plusieurs personnes.

M. Jules Hervé fut encore plus oublieux de ses devoirs. Non seulement il prêta serment, mais il se maria.

Ayant osé se présenter dans la paroisse avec les deux enfants qu'il avait eus de son mariage civil, il fut chassé par la population et alla cacher sa honte à Nantes, où il est mort après avoir reconnu ses erreurs et en avoir publiquement demandé pardon.

M. Boinet prêta aussi le serment, et il ne se rétracta que parce que sa famille lui retira la propriété de la Ville-Hervé qu'il avait reçue comme bien patrimonial, pour pouvoir être admis dans les saints ordres.

On assure que ses facultés mentales étaient singulièrement affaiblies dans les dernières années de sa vie.

Voici quelques anecdotes très intéressantes qui doivent être rapportées au chapitre de Hénon. Elles touchent la famille Rouxel du Chêne-Loyo, la famille Robert des Grands-Moulins, la famille Rio, du même village, enfin la famille Verdes de la Touche-Heurtault, et le château de Catuélan.

Les prêtres des environs trouvaient toujours un asile assuré aux fermes des Granges, tenues par la famille Carlo, et du Chêne-Loyo, en Hénon, tenue par la famille Rouxel.

Au Chêne-Loyo, il y a encore, au centre de la ferme, une petite écurie où les murailles ont conservé la trace d'un lait de chaux.

Les prêtres disaient continuellement la messe en ce lieu. Quand il était besoin, le fermier les conduisait pendant la nuit en d'autres lieux, spécialement du côté de Plédran, ou bien, il allait en chercher d'autres dans les environs pour les amener chez lui.

Un brigadier de gendarmerie de Moncontour étant favorable au clergé et au courant de ce qui se passait au Chêne-Loyo, trouvait moyen de prévenir les fermiers quand il devait aller le soir visiter leurs maisons.

En arrivant avec ses gendarmes, il jurait sur le paysan et le traitait de chouan, de logeur de prêtres et demandait où il y en avait de cachés, et il en agissait ainsi pour donner le change aux gendarmes qui l'accompagnaient.

On raconte même qu'il a logé des prêtres à la gendarmerie, ce qui ne l'empêchait pas de battre la campagne pour les retrouver.

La Providence gardait Rouxel.

Un jour qu'il revenait, avant l'aube du jour, de con­duire un prêtre du côté de Plédran, il rencontra auprès de la chapelle de Saint-Germain, là où la route fait une petite courbe, une colonne de bleus venant de Moncontour pour se rendre à Saint-Brieuc : comme il faisait un noir d'ébène, Rouxel s'allonge dans la banquette pour ne pas heurter de front la colonne de soldats.

Mais voici qu'au passage un des soldats s'arrête à l'endroit où Rouxel est allongé comme un mort.

Rouxel se croyant découvert, recommande son âme et sa vie à Dieu, mais il ne bouge pas, et quelques instants après il rentre chez lui à la pointe du jour.

Celui qui a joué un des rôles les plus dévoués dans ce quartier, c'est Robert des Grands-Moulins, qui se faisait un bonheur de cacher les prêtres et de se dévouer pour eux.

M. Gaudin, prêtre de Moncontour, revenu d'Angleterre, avait choisi son domicile chez lui, ce qui lui permettait de rayonner dans les paroisses voisines et surtout du côté de Moncontour, sa patrie. Mais on l'épiait et on le recherchait. Un jour donc qu'il était à Moncontour, une compagnie de bleus se cacha dans les côtés de Forville pour l'arrêter au passage ou bien pour le cerner dans la maison de Robert. Celui-ci en étant informé, envoya à Moncontour un exprès pour prévenir M. Gaudin de ne pas venir. Mais ce malheureux commissionnaire s'attarda en route et s'arrêta à boire quelques chopines à l'entrée de Moncontour.

Pendant ce temps-là, M. Gaudin quittait Moncontour par les côtes de la Vigne et de Belle-Vue et descendait par les carrières de Forville pour arriver aux Grands-Moulins, lorsque tout à coup, il tomba dans l'embuscade et se vit cerné de toutes parts : il fut battu jusqu'au sang et on lui cassa des dents dans la bouche !

Mais M. Gaudin, qui était jeune et fort, parvint à se débarrasser de ses ennemis et se réfugia chez Robert, tout couvert de sang : les nationaux le suivirent de près.

Quand il les vit entrer dans la cour, il se sauva par la porte de derrière et descendit par les prés le long des saules de la rivière, lorsque, rentrant en lui-même, il se dit : « Ces gens-là vont être tracassés, peut-être assassinés à cause de moi : j'aime mieux rentrer et me constituer prisonnier que de leur occasionner de la peine ».

Il rentra donc, et aussitôt ces brigands se jetèrent sur lui, l'emmenottèrent et le ramenèrent à Moncontour triomphants d'une si bonne capture. Là, il fut enfermé dans une salle basse de la prison, qui était l'ancien château.

La mère d'Étienne Lagrée qui vit encore à la fin du XIXème siècle, et qui, malgré ses 80 ans, fait encore ses fonctions de cérémoniaire à l'église, alla lui porter un peu de chocolat qu'il ne put prendre à cause de ses blessures.

De Moncontour, il fut conduit à Guingamp, où Robert alla deux fois pour le délivrer.

La première fois, il se présenta à la prison muni de papiers de recommandations de personnages importants : le geôlier les prit et les déchira sans lui permettre d'entrer.

Robert ne se découragea pas. Ayant appris que ce geôlier était remplacé, il retourna une seconde fois à Guingamp, et, cette fois, il fut plus heureux, car il pénétra dans la prison et s'entendit avec M. Gaudin et trois autres pour s'enfuir pendant la nuit.

La nuit suivante, en effet, M. Gaudin et deux autres prêtres quittèrent la prison à l'aide de draps de lit coupés en morceaux, et attachés bout-à-bout. Le quatrième prêtre se trouvant trop âgé, ne voulut pas, au dernier moment, suivre les autres.

Mais les trois premiers étant descendus, Robert qui les attendait au pied du mur les ramena par le chemin de Quintin.

Deux d'entre eux restèrent dans les environs de Plaintel et de Plédran, et M. Gaudin revint à Moncontour avec Robert.

La famille Robert n'était pas seule dans son village à donner aide et protection aux prêtres fidèles, la famille Rio, du même village, ne le lui cédait en rien. Il semble que ces deux familles se le disputaient en dévouement.

Pour mettre ses hôtes plus en sûreté, le père Rio avait eu recours à un stratagème tout à fait ingénieux. Auprès de la maison d'habitation, il y avait une grande grange qui servait de buanderie et de maison de décharge, et le vaste grenier était rempli de paille et de foin.

On accumula dans le foyer et un peu en désordre toutes sortes d'instruments aratoires, des fourches, des faulx, des grippes, des râteaux, et on leva autour des tonnes vides entremêlées des gréements des chevaux et des charrettes.

On boucha ensuite la cuve de la cheminée par en bas, au moyen de planches et de traverses, et au-dessus on établit une petite couchette.

Pour y arriver, on avait crevé en dedans du grenier la cuve de la cheminée : on montait par dessus la paille, puis on se laissait glisser jusqu'à l'ouverture qu'on rebouchait avec quelques gerbes de paille arrangées exprès. La lumière pénétrait par le haut de la cheminée, assez quelquefois pour y lire son bréviaire.

Or, un soir, on était rassemblé au foyer pour faire la veillée et on causait tout bas, comme d'habitude, lorsque tout à coup on entendit les aboiements du chien et on reconnut à ces aboiements que les nationaux arrivaient : car on avait cru remarquer que quand ils passaient par là le chien avait un aboiement tout particulier.

Passer dans la grange, monter dans le grenier et regagner sa cachette, ne fut que l'affaire d'un instant pour le prêtre qui était là. Il était temps, car les nationaux étaient véritablement à la porte et prêtaient l'oreille.

Le domestique de la maison, nommé Hinault ou Boinet (car on n'est pas d'accord maintenant sur son nom) avait instinctivement suivi le prêtre pour le voir monter, et, comme les soldats entraient par le bas de la maison, lui entrait par la porte opposée, et, saisi de peur, il tira la porte après lui avec bruit et avec précipitation.

Le chef lui dit : « Mais citoyen, qu'as-tu donc ? Tu viens de cacher des calotins, car nous savons bien qu'il s'en retire ici. Allons viens nous les montrer ! ». Ils montent eux-mêmes au grenier, enfoncent leurs épées dans la paille et le foin, afin de transpercer ceux qui pourraient s'y trouver cachés.

Furieux de ne rien rencontrer, ils reviennent sur le domestique, ils le somment de leur découvrir le prêtre ou bien ils vont l'emmenotter et le conduire à Lamballe. Or, on savait bien alors que mener quelque suspect à Lamballe, c'était le mener à la prison, à la guillotine et à la mort !

Le domestique refusa net et de parler et de se laisser ligoter. Alors, ils se jetèrent sur lui, le percèrent de plusieurs coups et le saignèrent, selon l'expression des témoins, comme on saigne un cochon !

Ainsi mourut ce brave garçon, martyr de son silence et de sa fidélité. Il n'est plus mention de lui dans les années suivantes, car, alors, c'était un crime capital de se plaindre de ces sortes d'événements : et celui qui aurait fait entendre une plainte aurait passé comme peu patriote et comme traître à la patrie.

Le bon Dieu a béni cette famille Rio des Grands-Moulins en donnant à l'Eglise un grand nombre de prêtres et de religieuses. Ainsi tous les enfants qui naquirent à Rio pendant la Révolution, ont été les père et mère ou les grand'pères et grand'mères de prêtres et de religieuses. Ainsi Marie-Jeanne Rio, bru de Charles Verdes de la Touche-Heurtault, décédée vers 1862, était grand'mère de M. l'abbé Joseph Le Hérissé, recteur de Trébry ; de M. l'abbé Aimé Le Hérissé, curé-doyen de Bonnières, au diocèse de Versailles ; de M. l'abbé Quintin, vicaire d'Hénanbihen ; de la Supérieure des religieuses de la communauté de Créhen à Paimpol ; de la Supérieure de Plouguiel près de Tréguier ; des deux soeurs Gibet de l'Ecluse, dont l'une est supérieure durant longtemps à la Prénessaye.

La seconde fille Rio, des Grands-Moulins, a été mère de MM. Pierre et Mathurin Doré, dont l'un, Pierre, a été longtemps vicaire de Bréhand et est mort recteur de Lanrelas, et l'autre, M. l'abbé Mathurin, est mort vicaire de Loudéac.

Elle était grand'mère de M. l'abbé Joseph Cherdel, vicaire à Saint-Quay, et de M. l'abbé Mathurin Cherdel, frère de Joseph, et curé de Forêt-le-Roi et des Granges, au diocèse de Versailles.

Jeanne Rio, jumelle de la précédente, était mère de M. l'abbé Boulaire, qui a bâti l'église de Landehen, et qui est mort recteur de Plénée.

La quatrième fille de Rio s'appelait Suzanne, elle était grand'mère de M. l'abbé Vieuloup, recteur de Grâces.

La cinquième fille était Anne Rio ; elle épousa François Le Hérissé, dit le baron de la Marre, en Hénon. Elle a eu pour petits-fils : François Le Hérissé, vicaire de Planguenoual ; Jean Le Hérissé, vicaire de Lanfains.

Rio eut deux garçons dont un seul, Jean, s'est marié, et il a été père de la Soeur supérieure des religieuses de la communauté du Saint-Esprit, à Yffiniac, durant plus de 30 ans.

Le château et les biens de Catuélan avaient été vendus, pendant la Révolution, comme biens d'émigrés.

Charles Verdes de la Touche-Heurtault avait acheté et payé en assignats, le château, les bois, les fermes des environs, et le moulin qui est au-dessous, dans la vallée. Le tout coûtait six cents francs.

Lorsque la paix fut rendue à la France et que les émigrés commençaient à rentrer, un jour, vers 9 heures du matin, une femme, à la figure affligée et souffrante, entra à la cuisine du moulin. Elle n'était habillée ni en paysanne ni en grande dame, elle portait seulement un grand châle sur les épaules : c'était l'ancienne châtelaine, qu'on appelait autrefois Madame La Première, mais on ne la reconnut pas d'abord, tant les chagrins et les peines avaient altéré sa voix et son visage ! Elle demanda qui avait acheté le château, et on lui répondit que c'était Charles Verdes, de la Touche-Heurtault.

« Ah ! dit-elle, que je serais contente de le voir ! Si vous vouliez aller lui dire qu'il y a ici une personne qui voudrait bien lui parler, et qui désirerait voir le château ». Ce brave homme vint aussitôt avec un trousseau de clefs à la main.

Lui ne s'y trompa pas, il reconnut à l'instant son ancienne voisine et la salua avec respect. Se voyant reconnue, elle dit à la fermière qu'elle reviendrait dîner chez elle ; mais elle pria Charles de lui permettre de visiter encore une fois son château avant de mourir.

« Oui, certainement, » répondit le bonhomme, et ils remontèrent ensemble jusqu'à l'esplanade.

Etant entrés dans le grand salon : « Voilà, dit-elle, où nous avons fait nos adieux, mon mari et moi, et où nous nous sommes embrassés pour la dernière fois », et s'étant prosternée, elle pleura longtemps et amèrement.

Elle monta ensuite aux étages, chaque marche du grand escalier, chaque porte, chaque chambre, lui rappelait un souvenir, quelquefois des plus touchants.

De la grande chambre, elle remonta dans les mansardes ; et là, après avoir jeté un coup d'oeil sur l'immense plaine qui s'étend devant le château jusqu'à la montagne de Bel-Air, elle dit à Charles Verdes :

« Ah ! que je serais contente, si vous vouliez me donner seulement une de ces mansardes et me permettre d'habiter ici, car n'importe quelle dût être mon existence, je voudrais mourir à Catuélan ».

Le bonhomme Verdes ne répondit pas un mot, et les larmes et les sanglots de Madame recommencèrent. Tous deux revinrent donc au moulin ; mais pendant leur visite, la meunière avait tendu des linceuls autour de la table, et avait fait comme une chambre blanche pour recevoir son ancienne maîtresse.

Quand celle-ci fut assise, mais peu disposée à prendre aucune nourriture, Charles Verdes lui dit : « Madame la Première, ne vous désolez pas : Je n'ai pas voulu vous donner la mansarde, ni la chambre, ni le salon dans le château, parce que je veux vous donner le château tout entier, et tout ce qui en dépend. Prenez donc vos clefs, et entrez en possession de vos biens quand il vous plaira ! ».

Dire les manifestations de joie et de reconnaissance de la châtelaine serait impossible.

Elle promet d'abord à Charles Verdes de lui rembourser le plus tôt possible tout ce qu'il a dépensé, et plus tard, avant même de s'installer au château, que Charles Verdes choisît parmi ses fermes celle qui lui conviendrait le mieux. Il hésita d'abord à accepter cette offre, mais sur les instances de Madame la Marquise, il choisit le Pont-Jore, qui était alors un village, et qui est devenu par héritage la propriété de la famille Le Hérissé.

Le roi Louis XVIII étant monté sur le trône le 6 avril 1814, et ayant appris la belle conduite de Charles Verdes, voulut lui en témoigner toute sa satisfaction, et lui envoya la décoration de la Fleur de Lys. Nous avons eu entre les mains la pièce authentique de cette décoration, contresignée du duc d'Aumont, premier gentilhomme de la Chambre du roi, avec le cachet royal.

Voici la copie exacte de la pièce authentique que nous avons sous les yeux.

DÉCORATION DU LYS. N° 7678. M. VERDE, Charles, propriétaire. Paris, 3 septembre 1814.

J'ai l'honneur de vous prévenir, Monsieur, que le Roi a daigné vous accorder la Fleur de Lys.

Vous êtes, en conséquence, auto­risé à vous en décorer.

Agréez, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée,

Le premier gentilhomme de la Chambre du Roi,

LE DUC D'AUMONT.

Pour copie conforme :

Y.-M. POISSON, recteur.

 

MONCONTOUR.

Voici les nombreux et intéressants documents que nous avons recueillis sur Moncontour. Plusieurs de ces documents sont tirés du registre de délibérations et par conséquent sont très authentiques.

22 décembre 1791. Etat des ecclésiastiques de Moncontour.

Le gouvernement ayant demandé à tous les maires de France de dresser l'état des ecclésiastiques de leur commune, fonctionnaires et non fonctionnaires, d'indiquer leur âge, la date de la prestation de serment pour ceux qui l'ont fait ; ayant réuni son conseil, M. le maire a donné lecture de l'état des ecclésiastiques comme il suit :

François-Rodolphe Bouëtard, 44 ans, recteur de Pléhérel en 1790.

Etienne-Mathurin Boscher, prêtre de Saint-Mathurin, âgé d'environ 33 ans, a prêté serment le 10 janvier 1791.

Jacques Boscher, prêtre de Saint-Mathurin, âgé d'environ 27 ans, a constamment refusé de prêter serment.

Jean-Marie Le Clerc, prêtre de Saint-Mathurin, âgé d'environ 38 ou 39 ans, a constamment refusé le serment.

Yves-François Abgral, prêtre de Saint-Mathurin, âgé de 33 ans, a constamment refusé de prêter le serment.

Mathurin Cosson, prêtre de Saint-Mathurin, âgé d'environ 33 ans, a constamment refusé de prêter le serment.

Mathurin-Alain Le Mounier, 33 ans, prêtre de Saint-Mathurin, a constamment refusé de prêter le serment.

Guillaume-Joseph Guillard, prêtre de Saint-Mathurin, âgé de 35 ou 36 ans, a constamment refusé le serment.

Jacques Gautier, sous-diacre, 25 ans.

Jean Cosson, recteur de Saint-Michel, âgé de 75 ans, a constamment refusé de prêter serment.

Pierre Trobert, prêtre de Saint-Michel, 43 ans, a cons­tamment refusé le serment.

Jacques Gaudin, diacre, a aussi refusé.

L'assemblée, considérant que les prêtres susnommés comme ayant refusé le serment, ne cessent de manifester leur opposition aux lois du royaume, principalement à celles relatives aux fonctionnaires publics ; qu'ils abusent de leur ministère en semant les troubles et les divisions dans les consciences, qu'ils mettent tout en oeuvre pour discréditer les nouveaux pasteurs, assurant publiquement que leurs messes et autres cérémonies religieuses sont autant de profanations et que ceux qui y assistent partagent les sacrilèges dont ils se rendent chaque jour coupables.

Considérant que depuis l'arrivée officielle du décret sur l'organisation civile du clergé, il n'est pas de manoeuvres dont le sieur Quéro et Guillard, ci-devant recteur et curé de Saint-Mathurin, et en général tous les prêtres sus-mentionnés comme réfractaires aux lois n'aient employées pour tromper et séduire les âmes timorées, les porter à la révolte et au mépris des lois.

Qu'aussitôt que le sieur Quéro eut connaissance qu'on allait élire un curé à sa place, il se dépêcha à faire communier les enfants de cette ville, en leur prêchant également que le sieur Guillard, que ce serait la seule bonne communion qu'ils feraient.

Les enfants de 8 et 9 ans y furent admis et elle fut avancée de deux mois.

Il se fit le même jour une procession, à laquelle assistaient tous les prêtres, chantant, à la place de la litanie de la Sainte Vierge, le psaume Parce, Domine, qui ne doit être chanté que dans les temps de calamités et d'après un mandement de M. l'Évêque.

L'assemblée, considérant que ces prêtres rebelles et fanatiques parcourent depuis six mois les paroisses voisines de cette ville, et, abusant de la crédulité des gens de la campagne, sont parvenus à leur persuader que pour mériter le ciel il fallait, animés d'un saint zèle, repousser avec courage et fermeté les prêtres intrus qu'une loi impie voulait mettre à la place de leurs légitimes pasteurs. Qu'il fallait plutôt tout sacrifier, la vie même, que de consentir jamais qu'eux et leurs enfants eussent assisté à aucune de leurs cérémonies irréligieuses et païennes.

Considérant que les fréquentes révoltes qui ont lieu dans les paroisses voisines sont nécessairement le fruit de leurs discours et prédications fanatiques.

Considérant enfin qu'il est instant d'arrêter de si grands désordres, et : Ouï le procureur de la commune, l'assemblée a été unanimement d'avis de demander à MM. les administrateurs du district de Lamballe, que les sieurs Jacques Boscher, Jean-Marie Le Clerc, Yves-François Abgral, Mathurin-Alain Le Mounier, Mathurin Cosson, Guillaume Guillard, prêtres de Saint-Mathurin, et Jacques Gautier, sous-diacre, Pierre Trobert, prêtre de Saint-Michel, et Jacques Gaudin, sous-diacre, de la même paroisse, soient contraints de se rendre sans délai, dans le chef-lieu du département, pour y être détenus, avec défense d'en sortir pour quelque cause et prétexte que ce soit.

Considérant l'assemblée, le grand âge du ci-devant recteur de Saint-Michel, M. Jean Cosson (75 ans) et ses infirmités inséparables de la vieillesse, prie MM. les administrateurs de lui enjoindre de se rendre à Moncontour dans le plus court délai, pour y être surveillé par la municipalité et y finir sa carrière au sein de sa famille.

Considérant que le séjour du sieur Quéro, ci-devant recteur de Saint-Mathurin, dans les paroisses voisines de cette ville, n'ayant d'autre but ni d'autres intentions que de semer le trouble, la discorde et la désobéissance aux lois dans nos campagnes, arrête de prier MM. les administrateurs de lui enjoindre de se retirer à Uzel, lieu de sa naissance.

Fait et arrêté en la Maison commune les dits jour et an que dessus.

(Suivent les signatures).

Tandis que nous sommes à examiner les exploits de la municipalité de Moncontour contre les prêtres, contre les églises et contre la religion, rapportons les faits suivants qui nous montrent comment ces Messieurs tranchent sur tout, savent tresser des chaînes aux autres, tout en se faisant la bonne part. Au reste, c'est toujours ce qui arrive : ceux qui sont durs et sévères pour les autres, sont toujours larges et indulgents pour eux-mêmes.

 

Fermeture de l'église de Trédaniel et des chapelles environnant Moncontour. — 9 mars 1792, l'an 4 de la liberté.

Considérant (l'assemblée) que l'église paroissiale de Trédaniel n'est distante que de trois pièces de terre de Moncontour.

Que la plus grande partie du faubourg de l'Étang-Martin est située dans la dite paroisse.

Arrête d'en réitérer la suppression et d'en solliciter la réunion provisoire à celle de Moncontour.

Considérant que les sieurs Saillet, curé, et Méléart, vicaire de la dite paroisse de Trédaniel, tous deux non sermentés, sont parvenus par toutes les ruses du fanatisme le plus épuré à éloigner de la soumission aux lois, la majorité des habitants.

Considérant que les prêtres réfractaires de cette ville assistent continuellement à la dite paroisse, et sont enfin, par des insinuations et des conseils, parvenus à corrompre le plus grand nombre de nos concitoyens qui, sous prétexte d'être maîtres de leur opinion religieuse, affectent pour toutes les lois, non seulement une indifférence coupable, mais aussi le plus grand mépris.

Considérant que les chapelles de la Magdeleine et de Notre-Dame du Haut sont situées dans ladite commune de Trédaniel, dont la première est à l'extrémité de cette ville, sur le chemin de Lamballe, et l'autre à un petit quart de lieue de la rue du Bourgneuf, sont tous les jours ouvertes aux prêtres non sermentés qui y célèbrent continuellement des messes et y confessent un nombre infini de prétendues dévotes, qui font maintes et maintes quêtes pour alimenter les apôtres de leur doctrine.

Considérant que les mêmes désordres se passent dans les chapelles de Saint-Germain et de Notre-Dame de la Croix, dont la première se trouve située dans la paroisse de Hénon, sur le chemin qui conduit à Saint-Brieuc, la dite chapelle distante d'un demi-quart de lieue de Moncontour, et la deuxième située sur la paroisse de Plémy et éloignée de cette ville d'une demi-lieue.

Que les mêmes abus ont lieu à la chapelle de Saint-Malo, située dans la paroisse de Bréhand, à un petit quart de lieue de cette ville, sur la route de Lamballe.

Considérant que les dimanches et fêtes principalement, il existe, sur le territoire de chacune des dites chapelles, un attroupement considérable où l'on enseigne l'extinction totale de la religion, le mépris des lois, surtout de celles relatives aux nouvelles impositions où l'on ratifie (lisez réhabilite) les baptêmes et mariages des curés constitutionnels.

Considérant que les prêtres fanatiques augmentent, par toutes sortes de moyens, le nombre de leurs prosélytes pour susciter un soulèvement des bons concitoyens de cette ville.

Que le temps du Carême, et surtout les approches de la Pâque, offrent à ces prêtres rebelles mille occasions d'augmenter les troubles et les divisions et qu'il en résulterait des maux incalculables si l'on n'arrête pas promptement de si grands désordres.

Considérant enfin que la sûreté publique est menacée de toute part et que le zèle de la municipalité pour l'exécution des lois deviendrait inutile, si les administrations supérieures ne s'empressaient de remédier à de si grands malheurs.

L'Assemblée d'après toutes ces considérations et sur les conclusions du Procureur de la Commune... Arrête de demander à MM. les Administrateurs du Directoire de notre District et du département :

La réunion provisoire de l'église paroissiale de Trédaniel à la nôtre.

La clôture de la dite église, et le transport de ses registres à celle de Moncontour : ladite réunion étant absolument nécessaire pour le rétablissement de l'ordre et de la paix et la cessation des plus dangereux abus ;

Que les sieurs Saillet et Méléart, l'un curé et l'autre vicaire de la même paroisse de Trédaniel, soient contraints de se retirer au lieu de leur naissance ;

Demande instamment (l'assemblée) la clôture des chapelles ci-mentionnées étant indispensable pour mettre fin aux lectures, prédications, confessions et entretiens incendiaires des plus noirs ennemis de la religion, qui masquant toutes leurs actions du manteau de la religion, n'ont d'autre but que de faire renaître toutes les horreurs de l'ancien régime ;

Arrête de plus (l'assemblée) que le sieur Cherdel, prêtre ci-devant recteur de Trévé, actuellement habitant de cette ville, les sieurs Guillard, Abgral et Cosson (neveu), prêtres de Saint-Mathurin, parcourant la ville et les campagnes, pour y prêcher le désordre, la division et la désobéissance aux lois, seront par la présente délibération, dénoncés à MM. les administrateurs du district et du département comme perturbateurs et antirévolutionnaires, pour être définitivement statué sur leur conduite ;

Arrête enfin (l'assemblée) de prier les administrations supérieures, d'ordonner au sieur Cosson, ci-devant recteur de Saint-Michel, Le Clerc, Le Mounier, Boschet cadet, prêtres de Saint-Mathurin, de résider à Moncontour pour y être surveillés par la municipalité qui, chaque semaine, rendra à l'administration du district un compte exact de leur conduite, et dans le cas où les dits prêtres continuent de parcourir les campagnes et refusent de se soumettre à la résidence ;

Demande l'assemblée qu'ils soient saisis par la force armée et conduits au château de Dinan.

Fait et arrêté...  Signatures...

Disons, en passant, que jamais l'ancien régime dont se plaignent ces MM. de la municipalité, n'a décrété pour personne un pareil esclavage ; n'a enlevé aux paroissiens de Trédaniel, de Plémy, de Hénon et de Bréhand, leurs droits, leur église, ou leurs chapelles.

Voyez donc cette petite municipalité s'ériger en juge souverain sur les personnes et sur les choses, et faire continuellement appel à la force armée, comme font du reste tout les tyranneaux.

Que de mensonges, que de calomnies, que d'absurdités accumulées les unes sur les autres, pour se donner la triste satisfaction de persécuter les prêtres fidèles et les bons chrétiens.

Quelle platitude de leur part, devant les nouvelles lois si injustes pour les prêtres et pour la religion qu'ils auraient dû défendre et protéger. Oh, si quelqu'une de ces lois les avait atteints dans leur personne et leurs biens, qu'ils auraient changé de langage ! Au reste toutes leurs délibérations, tous leurs arrêtés sont empreints du même esprit de persécution et de tyrannie. Les dénonciations produisirent leur effet :

 

29 mai 1792, l'an IV de la liberté.

Un arrêté du Directoire du département des Côtes-du-Nord, en date du 17 mars 1792, porte que la paroisse de Trédaniel sera provisoirement supprimée et réunie à celle de Moncontour.

En conséquence, l'assemblée de la commune de Moncontour arrête que les membres formant la municipalité de Moncontour, se rendront demain (30 mars 1792) à 7 heures du matin, à l'église paroissiale de Trédaniel, accompagnés d'un détachement de garde nationale pour l'exécution de l'arrêté du Directoire.

Ils ne pouvaient pas manquer de réussir... à la force pas de résistance. L'église fut fermée et les prêtres, obligés de se cacher, dirent la messe comme ils purent dans les granges et dans les étables.

Cette municipalité ombrageuse ne dort pas à l'aise : tout l'inquiète : enrage de voir que tout le monde ne se rend pas immédiatement à ses décisions.

Le 14 avril, c'est-à-dire quinze jours après la fermeture de l'église de Trédaniel et des chapelles environnantes, l'assemblée de la municipalité de Moncontour, instruite qu'il se forme les dimanches et fêtes des attroupements sur la place de l'hôpital de Moncontour pendant la messe qu'on y célèbre ;

Considérant que tout attroupement pour quelque cause ou prétexte que ce soit est défendu par la loi comme contraire au bon ordre et à la sûreté publique ;

Considérant que les attroupements n'ont d'autre but que d'affecter un mépris marqué pour les lois nouvelles, que ce serait favoriser leurs erreurs et leur hypocrisie et les exposer même à des plus grands malheurs, si la municipalité ne s'empressait de mettre un frein à leurs désordres ;

Considérant enfin qu'il est du devoir de l'administration de priver les ennemis de la Constitution de tous les moyens qu'ils emploient pour la discréditer ;

L'Assemblée arrête qu'un bataillon de 25 hommes armés se rendra demain, 15 du présent mois, sur la place de l'hôpital, à 6 heures du matin, pour dissiper et repousser les attroupements qui pourraient s'y former pendant la messe que le sieur Trobert célèbre à la chapelle de l'hôpital.

Arrêté en la maison commune les dits jour et an que dessus signés.

Disons maintenant un mot des prêtres de Moncontour.

Nous parlerons successivement de chacun des prêtres qui ont évangélisé cette paroisse pendant la tourmente révolutionnaire.

Après le décret de déportation, M. Quéro, curé de Moncontour depuis deux ans, ayant refusé de prêter serment, partit pour l'Angleterre, je ne sais en quelle ville il se réfugia ; mais tout ce que je sais, c'est qu'il revint en 1802 et qu'il fut nommé au concours curé de Plancoët.

M. Joseph-Marie Le Clerc, après avoir refusé le serment, resta à Moncontour, et fut la première victime de la Révolution en Bretagne.

Il supportait, sans se plaindre, les menaces et les injures que lui prodiguaient sans cesse les impies.

Un soir, qu'il revenait d'administrer un moribond, il fut assailli en rentrant en ville par des jeunes débauchés qui le couvrirent de boue et d'ordures. Il ne voulut nommer aucun de ses agresseurs, bien qu'il les eût reconnus, et que quelques-uns même lui eussent des obligations pour les grands services qu'il leur avait rendus.

Peu après, il démontra publiquement l'impiété de la Constitution civile du clergé, et dès lors sa perte fut résolue.

Pendant qu'il descendait les marches du Chauchix, on se rua sur lui, le frappant violemment, le foulant aux pieds.

M. Le Clerc se traîna jusque chez lui, et le lendemain se montra en public, mais, aussitôt, il fut obligé de s'aliter et les médecins trouvèrent son corps tout couvert de contusions, et ils déclarèrent le mal sans remède.

Pendant qu'on lui administrait les derniers sacrements, un de ses assassins vint lui demander pardon. Il le lui ac­corda, en disant : « Oui, bien assurément, et si j'ai quelque crédit auprès de Dieu, croyez-bien que je le prierai pour vous ».

Il mourut après onze jours de souffrances, âgé de 31 ans, et fut enterré le 17 février 1791, dans le cimetière de la paroisse : en présence de Alexis Le Clerc, son frère, (car ils étaient trois frères prêtres), Courson de Keriescop, Boscher le Jeune, prêtre, Le Mounier, prêtre, Cosson, prêtre, A. Quéro, recteur, Jean-Marie Cosson, recteur de Saint-Michel, J.-J. Méléard, curé de Trédaniel.

Les registres de la paroisse sont signés le 6 juin 1791, A. Quéro, recteur, et, le 30 juin 1791, c'est-à-dire trois semaines plus tard, François Bouëtard, curé constitutionnel.

M. Boscher aîné, frère de celui de Quessoy, ayant prêté serment, fut nommé par le sieur Bouëtard et la municipalité vicaire de Moncontour, où il demeura tout le temps de la Révolution.

Le 15 vendémiaire an VI (10 octobre 1797) on rend, sur sa demande, au citoyen Boscher, Mathurin, sa maison, rue de l'Union, dont l'administration s'était emparée le 30 germinal pour servir de caserne au détachement cantonné dans cette commune.

Le 21 floréal an VI (15 mai 1798), il demande l'église de Saint-Mathurin pour exercer le culte catholique, dont il est ministre, et prête serment devant les administrateurs.

Le 5 fructidor an X (24 juin 1802), la paix étant rendue à l'église, on rend aussi l'église de Saint-Mathurin au culte. On compose une fabrique et on choisit parmi les citoyens ceux qui ont témoigné le plus de zèle et d'attachement pour cette église : les citoyens Etienne Boscher, prêtre, et Charles Harel père, etc.

M. Boscher avait, du haut de la chaire, rétracté son serment, et, les larmes aux yeux, avait demandé pardon du scandale qu'il avait donné. Il renouvela sa rétractation sept ans après, pour que tout le monde la connût.

Un de ses répondants de messe affirme que, au Perceptio corporis et au Nobis peccatoribus, il accentuait chaque mot et semblait se souvenir de son erreur.

Il faisait office de vicaire, et en décembre 1809, le conseil municipal lui alloua à ce titre 150 francs par an. Il est mort le 1er novembre 1841, à l'âge de 82 ans.

M. Jacques Gautier, sous-diacre de Moncontour lorsqu'éclata le décret de déportation, se sauva en Angleterre où il fut ordonné prêtre.

Le 8 thermidor (21 juillet 1801), le préfet des Côtes-du-Nord, vu la promesse de fidélité à la Constitution faite et souscrite par le citoyen Jacques Gautier, prêtre de la commune de Moncontour, arrivé depuis peu d'Angleterre où il s'était retiré en vertu de la loi de déportation, et sa demande d'être autorisé à se rendre à son ancien domicile pour y exercer ses fonctions :

Arrête que le dit Gautier est autorisé à fixer sa résidence dans la dite commune de Moncontour, où il est placé sous la surveillance du maire, et qu'il pourra y exercer les fonctions de son ministère dans les lieux à ce destinés, en se conformant aux lois sur la police des cultes.

Le 1er complémentaire an X (18 septembre 1802), le citoyen Mathurin-Alain Le Mounier, prêtre de la commune de Moncontour, fit à la préfecture la déclaration suivante : « Je déclare que je suis dans la communion des Evêques de France, nommés par suite de la convention passée entre Sa Sainteté Pie VII et le Gouvernement français ; que je suis fidèle au gouvernement établi par la Constitution et que je n'entretiendrai ni directement ni indirectement aucunes liaisons ni correspondances avec les ennemis de l'Etat ».

En 1809, il devint curé de Langast.

M. Gaudin, diacre de Moncontour, était aussi passé en Angleterre après le décret de déportation. Il y reçut la prêtrise et revint presque aussitôt au pays ; il était très actif et très zélé, et il se dévoua pour le salut de ses compa­triotes et voisins de Moncontour.

Nous avons déjà vu une partie de sa vie apostolique dans l'histoire de Hénon, à propos de Robert des Grands-Moulins, et comment il fut battu à Fort-Ville, garrotté chez Robert, emprisonné à Moncontour et expédié aux prisons de Guingamp, d'où il fut délivré par le même Robert et ramené à Moncontour.

A son retour de Guingamp, M. Gaudin resta dans le pays, et il logeait tantôt à Beauregard, en Trédaniel, tantôt au Bourg-Neuf à Moncontour, chez un membre de la municipalité, probablement chez M. Glais.

Par lui, il était prévenu de tout ce qui se passait et des directions que devaient prendre les gardes nationaux. Certains signaux, échangés entre le jardin de la maison de Moncontour et Beauregard, indiquaient s'il fallait venir ou rester.

Ce conseiller municipal fut dénoncé un jour, en plein conseil, comme logeant un prêtre et l'ayant en ce moment chez lui. Il ne dut son salut qu'à son audace, car il offrit la visite immédiate de sa maison. A cette proposition, le dénonciateur fut interdit et la visite ne fut pas commandée.

Après le Concordat, passé entre le premier Consul et Sa Sainteté Pie VII pour le rétablissement du culte, le 16 juillet 1801, M. Gaudin, comme M. Le Mounier, prêta serment à la Convention, car on lit dans les registres de la commune ce qui suit :

Du 16 nivôse an X (6 janvier 1802) (vieux style), s'est présenté devant nous, maire de la commune de Moncontour, le nommé Jacques Gaudin, prêtre, demeurant, en la commune de Moncontour, lequel nous a demandé à faire et à souscrire la promesse de fidélité à la Constitution.

A laquelle demande déférant en vertu de la lettre à nous adressée par le Préfet, nous avons admis le dit Gaudin à faire la déclaration suivante :

« Je promets d'être fidèle à la Constitution », de laquelle déclaration nous avons dressé le présent acte, que le dit Gaudin a signé avec nous. Signé : Jacques GAUDIN, prêtre.

M. Gaudin était né à Moncontour de Joachim Gaudin et de Françoise Trobert ; il est mort à Moncontour en 1811, âgé de 45 ans. Il a bien combattu. Il a souffert pour la foi et pour le salut de ses compatriotes.

Voici quelques faits intéressants qui concernent des personnes de Moncontour.

Mme Lorrant, née Veillet, ayant appris par des soldats logés chez elle que l'on devait aller à Notre-Dame du Haut briser et brûler les statues, fit enlever et cacher dans les feuilles de la Chênaie celles de Notre-Dame et de saint Joseph. Un des jours suivants elle les fit apporter chez elle où elles furent cachées dans un grenier !

Après la Révolution, les gens allaient là prier Notre-Dame et saint Joseph jusqu'au moment où Mme Lorrant les fit rapporter à Notre-Dame du Haut.

La femme Dégérault, dont un fils devint instituteur de Trébry, s'exposa plusieurs fois pour le service des prêtres et de la religion.

Un jour, elle allait de Moncontour dans une ferme près du moulin à vent de Saint-Malo, en Bréhand, et portait dans son tablier des ornements sacerdotaux pour une messe qui devait être dite la nuit suivante dans la ferme.

Arrivée près de l'épine du Bas-Bourg, elle aperçoit au haut de la côte du Carpon, au droit du moulin à vent, une colonne de bleus venant de Lamballe.

S'esquiver au travers des prés eût été imprudent, car elle avait été vue et elle aurait été poursuivie. Alors elle serre bien son tablier dans tous les sens, pour ne point laisser apercevoir ce qu'elle portait, et elle feint immédiatement la femme ivre, marchant en zig-zag, titubant et tombant de temps en temps.

Quand elle passa devant la colonne elle eut soin, sous prétexte de leur laisser la route libre, de prendre le côté du chemin et d'aller s'asseoir sur la banquette. Elle entendit leurs quolibets sur son état d'ébriété et continua de simuler la femme ivre jusqu'à ce que les derniers fussent passés, même les retardataires, et put, grâce à ce stratagème, arriver au but de son voyage.

Les demoiselles Le Loutre étaient très dévouées ; elles acquirent une grande influence, même à l'Evêché de Saint-Brieuc, où leur nom est resté légendaire.

Un jour, la municipalité de Moncontour apprit qu'une messe avait dû se dire à Notre-Dame du Haut et que des personnes de Moncontour s'y étaient rendues. On envoie une colonne de gardes nationaux pour vérifier le fait et pour tâcher de surprendre quelqu'un.

Près de la chaussée de l'étang Priou, qui se trouve entre Notre-Dame et le Bourg-Neuf, les gardes rencontrèrent en effet les deux demoiselles Le Loutre qui descendaient le chemin de la chapelle pour revenir à Moncontour.

Aussitôt les gardes nationaux, commandés par L..., s'emparent de ces demoiselles, relèvent leurs jupons qu'ils attachent sur les épaules et les ramènent dans cet état jusque sur la place où était leur maison, et là les fouettent publiquement avec des genêts.

Mme La Touche, de Moncontour, revenait un jour de Plémy, où un motif religieux l'avait attirée : elle rencontra les bleus qui lui demandèrent d'où elle venait. Elle ne se déconcerta pas et répondit qu'elle venait de voir des genêts. Elle en avait vus, en effet, dans les champs, mais les bleus crurent qu'elle venait d'en voir pour les acheter et ils la laissèrent passer.

Pour apprécier la valeur de tous ces faits, il faut se rappeler qu'on appliquait alors la loi des suspects, et que le moindre indice de religion ou de royalisme suffisait pour être arrêté, emprisonné et souvent guillotiné.

La démolition de la chapelle Notre-Dame en Moncontour ayant été décrétée et les matériaux mis en vente, M. Lavergne s'en rendit acquéreur.

A peine avait-il commencé son œuvre de destruction que sa femme tomba malade, et son mal augmentait à mesure que les travaux avançaient.

A diverses reprises, elle avait dit à son mari que c'était la main de Dieu qui s'appesantissait sur eux, et l'avait supplié de cesser la démolition et même de restaurer la chapelle, si vénérée en cette ville.

Les médecins lui ayant dit que leur science était impuissante à enrayer le mal, et que Mme Lavergne n'avait plus que quelques jours à vivre, il céda enfin aux instances de sa femme et fit cesser de démolir. Aussitôt le mieux apparaît et Mme Lavergne recouvre la santé.

Ses inquiétudes passées, M. Lavergne oublie sa promesse et les ouvriers sont de nouveau appelés pour continuer leur oeuvre de destruction. De nouveau aussi Mme Lavergne est reprise de son mal et meurt.

Son mari continue, et avec les matériaux de la chapelle construit la magnifique maison qui existe encore dans la rue Notre-Dame.

Or, un jour, son fils était monté sur les échafaudages pour voir les travaux et causer avec les ouvriers, quand soudain il trébuche, tombe et meurt de sa chute.

Les moncontourais ont toujours vu dans ce fait le doigt de Dieu et sa justice !

Voilà tout ce que nous avons pu recueillir de plus précieux sur les événements de Moncontour pendant les jours de la Révolution.

 

PENGUILLY.

La paroisse de Penguilly (ou Penguily) est formée de l'ancienne trêve, dite de l'aile des Haies, qui est, à la fin du XIXème siècle, une ferme, et avait été habitée par des templiers.

Elle avait une chapelle dont le patron était saint Théodule, et un cimetière entourait la chapelle (cimetière de saint Théodule).

Luc Le Bel de la Chevaleraye, sieur de Penguilly, voyant le mauvais état de la chapelle des Haies, en construisit une autre près de son habitation. Il en fit don à la trêve, moyennant certaines conditions, entre autres qu'elle porterait à l'avenir le nom de Penguilly.

Elle dépendait de l'évêché de Dol, occupé alors par Mgr. Jean-Louis Le Bouchet de Sourche. En 1719, M. Le Seigneur, son grand vicaire, bénit la nouvelle église, l'érigea en succursale sous le nom de Penguilly, et interdit la chapelle de saint Théodule.

M. Dronion était curé d'office ; dans une visite à Notre-Dame de Penguilly, l'évêque de Dol confirma tout ce qu'avait fait son grand vicaire.

Muni des pouvoirs nécessaires par délégation, M. Dronion bénit la statue de la sainte Vierge, qui existe encore sous le titre de Notre-Dame de Consolation.

M. Dronion quitta en 1735. M. Commeaux, curé de Saint-Glen, pourvoyait aux besoins de Penguilly.

En 1774 vint M. Le Bétif, qui était de la paroisse ; il exerça le ministère jusqu'en 1793 ; emprisonné à Saint-Brieuc pour la foi, il recouvra la liberté, et se retira à Planguenoual, oit il mourut.

A cette époque, le culte fut interdit et la chapelle vendue, ainsi que tous les biens de Jean-François Le Bel de Penguilly qui avait émigré. L'église fut rachetée et une partie de la propriété, au nom de ses enfants. La trève conserva son pouvoir civil et fut réunie pour le spirituel à Saint-Glen. Voilà tout ce que nous connaissons sur Penguilly et nous n'avons connaissance d'aucun fait religieux remarquable durant les jours de la Révolution. Le ministère dût y être exercé par les prêtres cachés dans les paroisses voisines, et on n'a jamais entendu qu'aucun des prêtres assermentés y ait fait son apparition, de sorte que les paroissiens se sont conservés dans la foi et dans la religion de leurs pères.

Mgr. Le Mée l'érigea en paroisse en 1747, et M. Le Bel de Penguilly bâtit à ses frais l'église et le presbytère, et plus tard les deux maisons d'école.

 

QUESSOY.

M. François Le Hérissé fut nommé recteur de Quessoy en 1780. Sous ce recteur, il y eut bénédiction d'une cloche à la chapelle du vieux Saint-Blaise. Elle fut nommée Samson et eut pour parrain et marraine Noël Le Hérissé et Jeanne-Françoise Duval.

M. Le Hérissé refusa de faire le serment schismatique de fidélité à la Constitution civile du clergé, et, par suite de ce refus, il fut condamné à la déportation en 1792, et mourut en Angleterre.

Voici un fait qui prouve l'esprit de foi des habitants de Quessoy, et leur attachement aux prêtres de la paroisse, en particulier à M. Le Hérissé.

Obligé de quitter le presbytère, pour le céder à l'intrus, M. Le Hérissé se retira pour quelque temps à la Roche-Rousse.

Pendant qu'il y était, une colonne mobile se présenta, annonçant l'intention de se saisir de la personne du recteur ; la nouvelle s'en étant bientôt répandue dans la paroisse, il se fit en quelques instants un rassemblement de plusieurs centaines de personnes, hommes et femmes, armés de toute espèce d'instruments aratoires : ils se montrèrent si résolus à défendre leur pasteur, qu'ils intimidèrent les républicains et les forcèrent à se retirer.

Enfin, M. Le Hérissé crut devoir se retirer en exil, dans la crainte d'attirer des malheurs sur une population qui lui était si dévouée.

Les recteurs schismatiques qui parurent à Quessoy, au commencement de la Révolution, sont : François Le Maréchal, Jean-Pierre Le Gal, Boscher (l'aîné). Ils ne restèrent tous que fort peu de temps dans la paroisse.

Les prêtres fidèles qui ont rendu des services dans la paroisse, sont : M. Jacques Boscher (cadet). Ils étaient trois frères prêtres et devaient venir de Gausson.

M. Jacques, ordonné prêtre quelque temps avant la Révolution, resta fidèle et refusa le serment. Obligé de se cacher, il choisit pour le lieu le plus ordinaire de sa retraite la paroisse de Quessoy, où il exerça constamment le saint ministère pendant toute la persécution, et rendit les plus grands services au pays.

De leur côté, les habitants se montrèrent reconnaissants envers celui qui leur tenait lieu de pasteur et le servirent si bien, dans les courses fréquentes qu'entreprenait son ministère, qu'il traversa toute la Révolution sans avoir jamais été pris.

M. Boscher, recteur de Quessoy, et frère de M. Boscher, recteur de Moncontour, resta dans le pays à exercer son ministère.

Il ne prêta pas serment, et fut furieux en apprenant que son frère l'avait fait ; leurs rapports s'en ressentirent. On dit que celui de Quessoy, en parlant de celui de Mon­contour, disait toujours : « Mon grand diot de frère » ou « Mon malheureux frère ».

On raconte qu'il était caché un jour dans une ferme, lorsque Hoche y arriva avec ses soldats. M. Boscher monte au grenier, saute par la gerbière qui donnait sur le derrière de la maison et se sauve à travers les champs.

On l'aperçoit, on tire sur lui sans l'atteindre et on le poursuit ; à la fin, épuisé, hors d'haleine, et se voyant sur le point d'être atteint, il se jette dans une carrière à la Roche-Rousse, et s'allonge le long de la parée, du côté du sentier.

Hoche l'aperçut, mais comme il ne tenait pas à le prendre, pour le sauver il va se placer au-dessus de lui, le long de la carrière, et pour que ses soldats ne s'arrêtent pas et ne le découvrent pas, les excite à courir, leur disant : « Allons, marchez donc plus vite que cela, ou bien nous ne l'attraperons pas ! Vite donc ! il est allé vers la chapelle de Crésoar ; nous allons l'y prendre ! ». Il ne quitta la place que lorsque le dernier soldat fut passé au-delà de la carrière. C'est ainsi que M. Boscher échappa à la mort.

Lorsque la paix fut rendue à l'Église, M. Boscher exerça quelque temps le ministère comme simple prêtre dans la paroisse ; puis comme curé d'office, jusqu'au mois de mai 1804, où il fut nommé recteur par Mgr. Caffarelli, évêque de Saint-Brieuc.

Il mourut le 27 avril 1836, à l'âge de 71 ans.

Il était si aimé et vénéré, que longtemps après sa mort, quand on voulait obtenir quelque chose des paroissiens, il suffisait d'évoquer son souvenir et de prononcer son nom : on était toujours sûr de réussir.

 

SAINT-CARREUC.

Lorsqu'éclata la Révolution, à la suite des lois du 2 décembre 1790, la paroisse de Saint-Carreuc avait pour recteur M. Jacques-François Philippe. Mais M. Philippe ferma l'oreille aux deux brefs de Pie VI, et dût prêter serment à la Constitution civile du clergé, puisqu'il ne s'exila point, et qu'étant resté à Saint-Carreuc, il signe sur le registre de la maison commune tous les actes de naissances, de mariages et de décès.

Il fut même nommé officier municipal, par délibération du 23 décembre 1792, pour dresser les actes de mariages, de naissances et de décès des citoyens, fonction qu'on ne lui aurait pas accordée s'il n'avait été assermenté.

Au dire de Jean Talibard, du Bos-Jouan, les royalistes réunis au château de la Houssaie, en Quessoy, étaient convenus de signer une protestation contre les lois persécutrices de la République ; au moment de signer, sous prétexte qu'il a laissé ses lunettes dans sa valise, M. Philippe quitte l'assemblée, enfourche son cheval et part au galop vers Saint-Carreuc.

On le poursuit et on tire dessus, mais sans l'atteindre. Le dimanche suivant, il monte en chaire et tint le langage suivant : « Il est écrit... Demandez et vous recevrez... Demandez donc l'abolition pour les nobles des droits de chasse, de pêche, de colombier, des redevances seigneu­riales et de la dîme ». — La proposition était attrayante.

Les citoyens de Port-Carreuc, ou même de Carreuc, ne manqueront pas de suivre la direction pastorale ! et (dit la chronique) tout ce qu'ils demandèrent à Paris leur fut accordé aussitôt.

Joseph Hervé de la Ville Morhain, âgé de 72 ans, dit avoir entendu raconter le même fait à son grand-père, mot pour mot (excepté que Joseph Hervé place la réunion des chouans à la maison commune de Plaintel, au lieu du château de la Houssaie).

Son dernier acte de mariage est du 19 janvier 1794. La formule de cet acte prouve qu'il était tombé dans l'hérésie : car il y est dit : « Après avoir uni en mariage à la maison commune, N. et N., je leur ai ensuite donné la bénédiction nuptiale à l'église de Port-Carreuc ».

M. Philippe quitta donc Saint-Carreuc vers la fin de janvier 1794 ; mais pourquoi, puisqu'il avait prêté serment et qu'il était même officier municipal ; c'est sans doute parce que Robespierre, après avoir rétabli le tribunal révolutionnaire, défendit sous peine de mort tout acte religieux, et dès lors les prêtres assermentés étaient aussi poursuivis que les autres. Toujours est-il qu'on leur retira leur traitement, leurs églises et leurs presbytères.

Où M. Philippe se retira-t-il en quittant Saint-Carreuc ? Pierre David (dit Pierre la Bosse) affirme avoir entendu dire à sa tante, Marie la Bosse, domestique pendant bien des années de M. Briend, recteur, que M. Philippe se retira à Quintin et que de là il fut nommé recteur de Langueux.

Mais il paraît que ses idées de républicain avancé lui firent obtenir une place administrative beaucoup plus lucrative que celle de curé de Saint-Carreuc. Le 23 frimaire an VI (13 novembre 1797) nous le trouvons signant commissaire-président pour visiter et parafer les registres des paroisses du canton de Plédran.

Voici un souvenir de M. Philippe. Pendant qu'il était recteur de Saint-Carreuc, il portait les sacrements au village de Coëtsurel, en Plédran, lorsque passant alors dans un champ où les trois frères Hervé travaillaient, deux d'entre eux tournèrent le dos pour n'avoir pas l'air de se mettre à genoux et de passer pour cléricaux. Mais Joseph se mit à genoux, et, à son retour, le recteur le félicita de sa piété et lui promit qu'il se souviendrait tou­jours de lui.

Or, quand M. Philippe fut nommé commissaire-enquêteur, les trois frères Hervé et vingt-deux autres hommes du pays furent impliqués dans le procès qu'intenta la veuve Veillet Dufrèche, à l'occasion de l'assassinat de son mari, sur la route de Saint-Brieuc à Quessoy.

Grâce à l'intervention de M. Philippe, Joseph Hervé fut délivré de prison au bout de quelques jours : les deux autres frères, qui avaient déplu à leur ancien recteur, ne furent délivrés qu'après un an de prison préventive, tandis que sept ou huit des autres coaccusés furent mis à mort.

En 1792, M. Philippe ne montra pas la même bienveillance dans le procès des sœurs blanches de Plœuc, et de Plaintel, que les citoyens de Saint-Carreuc avaient dénoncées à l'administrateur du département, comme ennemies de la République.

Ces citoyens accusaient les sœurs de dire que les prêtres constitutionnels offraient des sacrifices au diable et avaient commerce avec lui, et demandaient instamment qu'on les délivrât du terrible fléau des sœurs blanches de Plœuc et de Plaintel. M. Philippe ne protesta pas contre cette injustice et cette calomnie. Il continua ses fonctions de commissaire du pouvoir exécutif jusqu'au 23 novembre 1803.

Quand il vit la paix rétablie, il paraît qu'il fit sa soumission, car c'est alors qu'il fut nommé recteur de Langueux. Voici ce qu'on trouve dans les registres de Langueux à l'appui de cette assertion.

M. Joseph Hamon, qui fut vicaire de Langueux et qui succéda à M. Philippe, a écrit ceci : M. Philippe, recteur assermenté de Saint-Carreuc et réfugié à Saint-Brieuc, fut nommé à Langueux en 1803, et il y a exercé le ministère jusqu'en 1816, d'où il a été déplacé par MM. les Vicaires Capitulaires, à la demande du préfet des Côtes-du-Nord (Registre de paroisse).

M. Cadin, vicaire de Langueux, constate la variation de ses signatures et de ses titres. En 1804, il signe : Philippe, desservant de Langueux ; en 1805, il signe : Philippe, curé desservant ou curé ; en 1807, il signe : Philippe, recteur desservant, et, plus tard, simplement recteur de Langueux.

On constate absolument les mêmes tergiversations sur les registres de Saint-Carreuc. Tantôt il signe recteur et tantôt curé, officier public. Le dernier acte qu'il a signé à Langueux est du 20 juin 1816.

Le R. P. Robert, enfant de Langueux et religieux de l'Immaculée-Conception de Rennes, assure que M. Philippe ne parlait qu'en pleurant de son serment à la Constitution civile du clergé. Jamais, paraît-il, il n'avait consenti à remettre ses lettres de prêtrise, ce qui était pourtant exigé. Il les avait clouées, derrière une porte, sous un crucifix, et M. Robert, mort recteur de Pommeret, assure les avoir vues portant la marque des clous.

Quelle fut la cause de son départ de Langueux ? Au retour de Napoléon de l'île d'Elbe, les patriotes de Langueux arborèrent le drapeau rouge au bourg et invitèrent le recteur à venir le saluer. Il alla jusqu'au cimetière, et dit : « Mes amis, j'ai toujours été patriote ». Cette parole fut sa perte définitive, car après les cent jours, les Bourbons étant rentrés en France, M. Philippe fut dénoncé au préfet qui obtint son changement. En quittant Langueux, il se retira à Saint-Brieuc, à la Corderie, où il mourut en 1817.

M. J.-F. Philippe avait été nommé, jeune encore, aumônier du château du Piruite, appartenant à la famille Picot de Plédran ; il succéda comme recteur de Saint-Carreuc à M. Sévestre en 1778. Il y fut recteur pendant 19 ans, et il fut 12 ans à Langueux. Il fut 4 ans seulement commissaire du pouvoir exécutif.

Quant aux vicaires de Saint-Carreuc, il est difficile de préciser leur attitude pendant la Révolution, mais on est très porté à croire qu'ils ont porté serment, puisqu'ils ont pu exercer le ministère sous un recteur assermenté.

M. Collet et M. Le Clerc signent prêtre ou curé de Saint-Carreuc jusqu'en 1790. M. Le Mounier, sa première signature est du 16 octobre 1790, et la dernière du 17 février 1791. Mais comme on ne trouve plus trace de lui après cette date, on ne sait ce qu'il est devenu.

Monsieur Collet continue de signer jusqu'en 1793. Mais il disparaît à son tour et on ne sait ce qu'il est devenu ; on dit encore dans le pays qu'il fut toujours le meilleur avocat du juroux Philippe...

 

SAINT-GLEN.

Lorsqu'éclata la tourmente révolutionnaire, la paroisse de Saint-Glen avait pour recteur M. Jean Briand. Il était né à Bobital, près de Dinan, en 1745. Il était venu comme vicaire en 1770, et il en fut nommé recteur en 1779. Il fit beaucoup de bien dans cette paroisse et son nom y est resté longtemps en vénération.

Il fit des restaurations considérables au presbytère, et l'on voit encore son nom gravé au bas d'une fenêtre.

En 1789, il entreprit de construire la tour que l'on voit encore au bas de l'église, mais il ne put l'achever.

Quoique éloignée des villes, cette paroisse embrassa avec ardeur et dès le commencement les idées nouvelles, à la suite de son curé, M. Saudrais de la Granville. Lors de la promulgation de la Constitution civile du clergé, M. Saudrais, en effet, né à Jugon et curé seulement depuis quelques mois, s'empressa de prêter serment et de prendre la déno­mination de vicaire, reconnue par la prétendue Constitution.

M. Briand vit avec peine cet acte de déférence envers la Révolution fait par son vicaire. Aussi, M. Saudrais de la Granville cessa-t-il bientôt de remplir ses fonctions à Saint-Glen.

Coquio, notaire au Bédam et officier de l'état civil, vint (accompagné de Jean Le Moine, fermier à la Vallée) pour sommer M. Briand de faire le serment, et il réitéra jusqu'à trois fois cette sommation.

Au dire de Jean Le Moine, M. Briand aurait hésité un instant ; et, sur les observations de Jean Gaspillard seulement, il aurait refusé le serment. Ces deux hommes, en lui proposant le serment impie, lui auraient dit : « Vous savez mieux que nous ce que vous avez à faire, nous faisons notre devoir en vous le proposant ».

Quoiqu'il en soit, ce zélé pasteur préféra abandonner le presbytère ; mais il ne quitta son cher troupeau qu'au dernier moment. Il fallut le décret du 26 août 1792, ordonnant la déportation de tous les prêtres fidèles, pour l'arracher à l'affection de ses ouailles et aux soins qu'il leur prodiguait depuis 22 ans, soit comme vicaire, soit comme recteur.

Il prit le chemin de l'exil vers le mois de novembre 1792.

Le 1er novembre, jour de la fête de tous les Saints, on vit arriver dans la paroisse un prêtre assermenté avec le titre de curé desservant. C'était Jacques Petit Bon, né à Plédéliac. Son frère aîné, Louis Petit Bon, avait été aussi, comme assermenté, choisi pour Plestan.

Un grand nombre d'habitants suivirent les exemples de schisme qu'il leur donnait. Ils assistèrent sans scrupule à ses instructions et à la célébration des saints Mystères, ne faisant aucune attention à sa qualité d'intrus. « Il prêche et il dit la messe comme les autres », telle était leur excuse. Pendant deux ans, il, demeura à Saint-Glen, autant que nous avons pu le voir par les registres.

Vers la fin de 1794, il se retira à Lamballe pour fuir la persécution, car, dans leur aveugle fureur, les révolutionnaires poursuivaient les intrus aussi bien que les prêtres fidèles.

S'il y eut malheureusement beaucoup de schismatiques dans la paroisse, cependant un bon nombre des habitants conserva la foi.

Ceux-ci allèrent pendant les jours de la Terreur demander les secours de la religion à M. Rochard, recteur de Trébry, que son grand âge empêcha d'émigrer.

M. Josse, prêtre catholique, demeura caché dans la paroisse de Saint-Glen pendant les années 1795 et 1796.

Le presbytère qui était abandonné lui servit souvent de retraite.

Ces deux prêtres passaient les jours et les nuits dans un rude et périlleux apostolat, baptisant les enfants, confessant les malades et administrant les sacrements à la faveur des ténèbres, et bénissant les mariages des chrétiens restés fidèles.

Les habitants de Saint-Glen ne furent point persécuteurs, quoiqu'ils eussent embrassé le schisme. Des colonnes mobiles sillonnaient à chaque instant la paroisse pour se rendre de Collinée à Lamballe, et l'on n'a jamais entendu dire qu'ils aient dénoncé les prêtres catholiques cachés à la Ville-Pierre, en Plénée, à la Saudraie, en Penguilly, et aux Fermes, en Saint-Trimoël. Ils étaient, pour la plupart, insensibles à leurs peines, mais également étrangers aux recherches que l'on faisait d'eux.

Une colonne mobile, forte de 500 hommes, étant venue dans leur bourg, les jeta dans la plus grande consternation. Ils demeurèrent absolument neutres dans les guerres de l'Ouest, qui désolèrent le pays à cette malheureuse époque. Leur réputation de civisme les mit à l'abri des poursuites révolutionnaires, et leur éloignement du centre de l'action royaliste les délivra des représailles que ces derniers se voyaient quelquefois dans la triste nécessité d'exercer.

Quelques hommes pervers des paroisses voisines, se donnant pour royalistes et arborant la cocarde blanche, faisaient métier d'aller piller dans les fermes. Plusieurs fois, on fut obligé d'enfouir jusqu'aux ustensiles du ménage pour les dérober à leur rapacité. Quoique ces hommes fussent notoirement connus comme malfaiteurs et étrangers aux vrais royalistes, les habitants de Saint-Glen n'en ont pas moins continué à faire peser sur ces derniers les désordres des premiers, et ils sont encore aujourd'hui pleins de ces faux préjugés.

Dès le commencement de la Révolution, et pour éviter la profanation, on avait jeté la croix de procession, qui est en argent et tous les vases sacrés, au fond d'une mare qui se trouve dans un champ près du Bouillon-Martin. La plus grosse des cloches fut descendue et enterrée dans le cimetière.

Vers la fin de 1796, M. Briand quitta la terre étrangère, après un exil de quatre ans, et revint au milieu de ses ouailles.

La Révolution n'avait encore rien perdu de sa fureur contre la religion et contre tout ce qui rappelait des sentiments généreux. Le Directoire faisait alors peser son autorité sur la France.

Pour se soustraire aux recherches des républicains, M. Briand établit sa demeure au fond d'un ravin qui se trouve auprès de la Triquière, dans le champ nommé le Clos de la Porte.

Ce lieu est fort retiré et est situé sur les confins de la paroisse vers le Gouray. Là, on lui éleva une petite loge où il passait le jour, et quand la nuit était venue, il se rendait à la Triquière, chez François Le Bret, célébrait la messe dans une étable, et, aussitôt la messe finie, on reportait les vases sacrés et les ornements dans un champ couvert d'ajoncs, au milieu duquel on avait pratiqué une cache.

Il trouva dans François le Bret et dans Julien Bouleaux, du village de la Goulière, des guides sûrs et des amis fidèles et dévoués. De là, il parcourait les paroisses circonvoisines, dans un rayon assez étendu, remplissant toutes les fonctions d'un apôtre caché sous la bure d'un paysan, et il allait quelquefois jusqu'à Jugon pour visiter les malades et porter le saint viatique aux mourants.

Il demeura dans ces lieux jusqu'à sa mort. Son nom est demeuré populaire, sous le pseudonyme de M. Bobital, qui lui fut donné à cause du lieu de sa naissance.

Ses travaux étaient alors partagés par M. Rochard, recteur de Trébry, et plus tard par M. Brexel, aussi curé de Trébry ; par M. Harlay, plus connu sous le nom de Francillon, et mort à Dinan, en 1840 ; par M. Le Mée, prêtre fidèle, recteur de la Malhoure ; M. Hallouvry, curé ou vicaire de la même paroisse ; par M. Leveneur de Quémenec, qui fut tué près de son château, dans la paroisse de Saint-Gouéno, après avoir souffert pendant 4 ans dans les prisons de Guingamp. Une croix élevée sur le lieu même du massacre en perpétue le souvenir. M. Corollaire baptisa aussi plusieurs enfants de Saint-Glen en 1802.

M. Briand, profitant des moments de trêve que le gouvernement accordait parfois, ne cessait de travailler au salut de ses chers paroissiens, mais le Seigneur l'appela pour recevoir sa récompense avant qu'il ait pu fermer toutes les plaies qui saignaient encore. Il mourut avant d'avoir eu la consolation d'entrer dans son église et dans son presbytère.

Il alla un jour à la maison des Fermes, en Saint-Trimoël, pour assister à une réunion d'amis qui se faisait au sein de la famille Guillet, si connue par sa piété et son zèle pour la religion pendant nos jours de malheurs.

Comme il était pressé de revenir à Saint-Glen où on l'attendait pour le baptême d'un enfant, M. Brexel vint le conduire jusqu'au pont d'Halouvri qui sépare les deux paroisses. Là, ils se quittèrent sans que M. Briand eût témoigné éprouver aucun malaise ; à peine avait-il fait quelques pas, qu'il tomba dans un champ nommé les Aulnais de la Touche et mourut subitement.

Il paraît qu'il fut frappé d'apoplexie et qu'il ne put se relever. Sa tête gisait dans un peu d'eau.

Ainsi mourut ce pasteur infatigable, âgé de 57 ans, après avoir travaillé près de 30 ans dans cette paroisse. Les vieillards qui l'ont connu en parlent toujours avec vénération.

 

TRÉBRY.

Quand on a fait l'histoire de Saint-Trimoël, de Saint­-Glen, de Trédaniel et de Bréhand, on a, par là même, fait toute l'histoire des prêtres de Trébry. En effet :

Au moment de la Révolution, Trébry avait pour recteur M. Rochard, et pour vicaire M. Brexel. Ils ne s'exilèrent et ne quittèrent la paroisse ni l'un ni l'autre, et cependant ils ne prêtèrent pas serment à la Constitution, mais ils se cachèrent tantôt à Trébry, tantôt dans les paroisses voisines, et ils exercèrent continuellement un ministère vraiment apostolique... Nous les retrouvons partout, en effet, è Saint-Glen aussi bien qu'à Saint-Trimoël, à Bréhand aussi bien qu'à Trédaniel... Je ne sais s'ils furent dénoncés et poursuivis, mais il est certain qu'ils ne furent jamais pris et que, par leur fière et courageuse attitude, ils réconfortèrent les habitants de toutes les paroisses voisines et qu'ils préservèrent Trébry des schismatiques et des intrus.

Ne serait-ce pas là la cause pour laquelle Trébry, aujourd'hui encore, est préservé de l'enseignement laïc, puisque par un coup de Providence qui mérite d'être signalé, Trébry a pu résister à la laïcisation et conserver ses écoles religieuses de Frères et de Soeurs, au lieu que Saint-Glen, par exemple, et Saint-Carreuc, dont les recteurs étaient assermentés, l'enseignement est toujours resté laïc sans qu'il soit possible de songer à le changer.

Il est extrêmement regrettable qu'on n'ait pas consigné dans les registres les principaux faits de la vie de M. Brexel, car on aurait dû trouver des choses très intéressantes et qui auraient eu plus d'autorité que tout ce que nous recueillons seulement par la tradition.

Cela vient peut-être de ce que, ayant été nommé vicaire et puis recteur de Trébry, il lui répugnait de parler de lui-même et de raconter les faits qui étaient à sa louange.

La même chose s'est passée à Bréhand. M. Doré, qui était recteur avant la Révolution, qui avait bâti le vieux presbytère et qui passa encore 13 ans comme recteur après la Révolution, n'a pas laissé un mot d'écrit sur son exil, ni sur la situation de la paroisse à son arrivée... Je dis que ce sont là des oublis regrettables.

 

SAINT-TRIMOEL.

Nous n'avons aucun renseignement sur ce qui se passa pendant la Révolution à Saint-Trimoël. Ni le registre de paroisse, ni le registre de la commune, ne donne aucun document à ce sujet.

Avant la Révolution, Saint-Trimoël était, comme Penguilly, une trêve, mais qui dépendait de Maroué. On n'a jamais entendu dire qu'aucun intrus y ait été installé.

On sait au contraire que M. Guillet des Fermes y exerça continuellement le saint ministère. La preuve c'est que la municipalité républicaine de Bréhand, par une délibération du 6 nivôse l'an 2, de la République une et indivisible (26 décembre 1793), demandait à faire claquemurer la chapelle de Saint-Trimoël à cause des rassemblements qui s'y faisaient et des indulgences qu'on y proclamait contrairement à la loi.

Nous savons que le village des Fermes était le lieu de rendez-vous de presque tous les prêtres cachés dans le pays. Il y avait une chapelle attachée à l'ancien château ; mais les prêtres se gardaient bien d'y dire la messe, ils auraient été trop facilement découverts. Ils la disaient à la ferme, dans une étable, où il y avait deux portes, dont l'une favorisait la fuite au besoin. Il s'est passé là quelquefois, comme bien ailleurs, des choses émouvantes.

On raconte qu'un jour le prêtre qui était caché venait de finir la messe et de reprendre ses habits de paysan. La femme Guillet de son côté avait entre les mains des ornements pour les cacher dans le lit, lorsque tout à coup les bleus font leur entrée dans la cour et dans la maison. Ils demandent s'il y a des chouans et des calotins, où ils sont cachés. Sont-ils dans les lits ; ils fouillèrent vers les lits du bas de la maison, et, pendant ce temps, la bonne femme, avec beaucoup de présence d'esprit, déroule ses draps de lit sur la table de devant et se met à secouer un linceul comme pour faire le lit, et leur dit : « Citoyens, il n'y a toujours rien ici ; si vous voulez voir pendant que je suis à le faire, mais ils n'y fouillèrent et ne s'aperçurent pas qu'elle leur dérobait les ornements ».

Une autre fois, le prêtre n'avait pas encore quitté les ornements quand on entendit l'arrivée de la garde. Il sortit en aube, chasuble, par la porte de derrière, pour se réfugier dans une cachette qu'on avait pratiquée au bas des champs, sur le bord de la rivière.

Mais en passant d'un champ dans l'autre, il tomba dans la brèche, embarrassé par les ornements ; un homme qui avait pu le suivre le saisit dans une brassée et le porta dans sa cachette.

Quoiqu'il y en eût plusieurs à se réfugier aux Fermes, jamais aucun d'eux ne fut pris ni trahi, ce qui montre le dévouement et la prudence des braves habitants de ce village.

 

TRÉDANIEL.

Quand on connaît l'histoire des prêtres de Moncontour pendant la Révolution, on connaît à peu près celle de ceux de Trédaniel, ces deux paroisses étant si voisines, ont subi les mêmes épreuves et ont reçu les mêmes secours. Lorsque fut publié le décret de déportation, M. Saillet était recteur de Trédaniel.

L'église de Trédaniel fut fermée le 23 mars 1792, avant l'ouverture de la Pâque, par la municipalité de Moncontour, ayant à sa tête le citoyen Duval Boispaboul, maire, Boscher, procureur, et le nommé Mahé.

Ils enlevèrent deux calices et l'ostensoir, le ciboire et l'encensoir, la boîte et les ampoules (le tout en argent).

En outre, une cloche, et tous les ornements, linges et ustensiles de l'église et des chapelles de Notre-Dame du Haut et de la Magdeleine (près du Bas-Bourg ; elle a disparu).

La liste de tous ces objets, écrite de la main de M. Saillet, est annexée au registre.

Le citoyen Glais (François), escorté de deux ou trois mauvais gamins de Moncontour, venait faire la décade dans l'église, mais la paroisse ne prit point part à ces profanations. Le maire et l'adjoint y assistaient, plus par crainte que par sympathie. On y voyait aussi quelquefois le bonhomme et la vieille demoiselle de Rumello que la peur avait presque chavirés.

L'église et le presbytère servirent deux fois différentes de caserne à une troupe de mauvais drôles, qui prenaient quelquefois la cocarde et le drapeau blanc pour surprendre la bonne foi et la simplicité des honnêtes gens et exercer contre eux mille vexations ; mais ce stratagème ne leur réussit pas longtemps, car les habitants de Trédaniel, mieux inspirés que ceux de Saint-Glen, surent bientôt distinguer les hordes de pillards, de voleurs et de vauriens, des véritables amis de l'ordre et de la justice.

Un grand nombre de jeunes gens de Trédaniel se rangèrent sous la conduite du général du Boishardy pour défendre leurs prêtres et leurs maisons du brigandage des nationaux. Ce brave général épargna bien des désastres à la contrée ; mais, après sa mort, les désordres recommencèrent avec plus d'acharnement que jamais. Avant de partir pour l'exil, M. Saillet avait mis sa paroisse de Trédaniel sous la protection et la sauvegarde de la Très Sainte Vierge. Elle fut préservée des intrus et des prêtres jureurs : aucun n'y mit les pieds.

De bons prêtres trouvèrent moyen d'y exercer en cachette les saintes fonctions de leur ministère.

Ceux dont il est le plus fait mention sont :

M. Doré, de Plémy, à qui un nommé Mathurin Le Roux qui habitait le presbytère, permettait de dire la sainte messe dans la grande chambre.

M. Le Mounier, de Moncontour, et qui est mort recteur de Langast, disait la messe à la métairie d'en Bas, habitée par Gilles Clément, maire d'alors : ce qui fait honneur à ce brave magistrat et ce qui donne une haute idée de sa foi et de sa probité.

M. Olitrau, de Plémy, se cacha aussi bien longtemps dans la paroisse et y rendit de très grands services.

M. Le Faucheur, de Hénon, et mort au Port-Martin, exerça par intérim et publiquement, pendant six mois, à l'époque du petit répit qui suivit la chute du Directoire.

Il était convenu d'une somme de 600 francs avec les paroissiens. Chacun donna sa quote-part en argent à un collecteur assez peu délicat pour payer le jeune prêtre en assignats qui n'avaient plus de valeur.

M. Brexel, mort recteur de Trébry en 1833, se cachait ordinairement dans les environs de la Roche, village qui passait alors pour républicain, et qui, pour ce motif, était moins exposé à être suspecté de recéler des prêtres réfractaires. Ce saint prêtre fit publiquement l'office de Notre-Dame du Haut, le jour de l'Assomption, en 1797, au grand étonnement des braves sans-culottes de Trébry, ses paroissiens, qui le croyaient bien loin. Cependant, sa retraite habituelle était à la Motte-Férios, en Trébry.

Il baptisa un jour vingt-deux enfants à la métairie d'Abas, et reçut soixante-quinze francs qu'il confia à un dépositaire infidèle.

Citons enfin M. Le Clerc, de Hénon, qui se cachait à la Ville-Meno, et qui est mort chez lui à Hénon.

(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).

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