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SAINT-PATERN

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saint Patern

La légende de Saint-Patern :

Saint-Patern dans l'île de Bretagne Saint-Patern en Irlande — Saint-Patern et le roi Maëlgun — Consécration épiscopale de Saint-Patern à Jérusalem — Saint-Patern et le roi Arthur — Saint-Patern de retour en Armorique devient évêque de Vannes — Saint-Patern et Saint Samson — Mort de Saint-Patern — Fondation de l'église Saint-Patern — Miracle de Saint-Patern en Grande-Bretagne.

Examen de la légende et de l'histoire de Saint Patern :

Le concile de Vannes de 465 — Distinction obligatoire entre Saint Patern de Vannes et Saint Patern (ou Padarn) du pays de Galles — Comment cependant on est venu à les identifier — Saint Patern de Vannes et le roi Caradauc — Saint Patern de Vannes confondu avec Saint Patern d'Avranches — Suites de cette confusion — Tradition de l'Eglise de Vannes sur Saint Patern — Conclusion.

SAINT-PATERN, premier évêque de Vannes 

Sa légende et son histoire 

Avant d'examiner au point de vue critique les questions relatives à l'époque de saint Patern et à son rôle historique dans la péninsule armoricaine, il est indispensable de faire connaître avec détail sa légende, d'après la version la plus ancienne venue jusqu'à nous. 

Cette version, écrite en latin au XIème ou au commencement du XIIème siècle, a été publiée pour la première fois par le docteur William Rees, recteur de Cascob au pays de Galles, dans son recueil de Vies des saints bretons de la Cambrie [Note : Lives of the Cambro-British Saints, published for the Welsh mss. Society i Liandovery, 1853 (gr. in-80), p. 188-197], en 1853. Dès le XIVème siècle, Jean de Tinemouth (qui écrivait vers 1360) inséra dans son Sanctilogium Britanniae un abrégé de cette version, lequel au siècle suivant passa dans la Nova legenda Angliae de Jean Capgrave (mort en 1464), imprimée en 1516 et devenue aujourd'hui un livre rarissime (Note : Très bel in-folio gothique ; la légende de saint Patern est au f. 258 de ce livre). Mais cet abrégé, ayant été reproduit dans le grand recueil des Bollandistes (Acta SS. April II, p. 399, édit. d'Anvers ; et p 376, édit, de Paris), est facilement accessible. Des fragments plus ou moins étendus de la version du XIème siècle, distribués en leçons, existent aussi dans l'extrait du Légendaire de Tréguer formant le ms. latin 1148 de la bibliothèque nationale (f. 22 à 25), et dans le bréviaire de Saint-Malo de 1537 conservé à la bibliothèque de cette ville [Note : Partie d'hiver (la seule qu'on possède), f. 268-269]. Ces fragments et l'abrégé de Jean de Tinemouth sont fort utiles pour rectifier l'édition du texte du XIème siècle donnée par le docteur Rees, où abondent déplorablement les fautes d'impression. 

Voici, d'après toutes ces sources, l'analyse fort exacte de cette ancienne version. 

 

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LA LEGENDE DE SAINT PATERN 

§ 1. — Naissance et jeunesse de saint Patern. 

(Note : Voir Lives of the Cambro-British Saints, p. 188-189).

Patern naquit en Armorique, d'une race noble. Presque aussitôt après sa naissance, son père Pétran et sa mère Guéan ou Guen se séparèrent d'un commun accord pour consacrer le reste de leurs jours au service de Dieu. Guéan demeura en Armorique pour élever son fils ; Pétran passa en Irlande, où il embrassa la vie monastique. Patern enfant, dès que son esprit s'éveilla, ayant demandé où était son père et ce qu'il faisait, sa mère lui répondit : 

- Il est en Irlande, où il jeûne, prie, veille, médite, dort sur une natte, et s'agenouille nuit et jour devant le Seigneur. 

- Un fils, dit l'enfant, ne peut faire mieux que de vivre comme son père : que je meure si je ne marche pas dans la même voie que le mien ! 

 

§ 2. — Saint Patern passe dans l'île de Bretagne et y fonde un monastère. 

(Note: Voir Lives of the Cambro-British Saints, p. 189-190). 

En ce temps [ou peu après], une nombreuse troupe de moines forma le projet de quitter le pays de Lydau, c'est-à-dire l'Armorique, pour passer dans l'île de Bretagne ; elle avait pour chefs trois saints hommes appelés Hetinlau, Catman et Titechon (Note : Var. « Tinlatu, Cathinam, Techo », Bréviaire de St-Malo. « Cuilan, Cathinan, Techocho »,  Mss. lat. 1148. Patern, qui était leur cousin, se joignit à eux et, quoique fort jeune encore, il fut, en raison de ses vertus, associé par eux à la direction de l'entreprise comme quatrième chef de cette sainte émigration. Cette armée monastique traversa la mer et aborda dans l'île de Bretagne. En un lieu de cette île appelé Mauritana [Note : Aujourd'hui la paroisse dite en breton-gallois Lan-Padarn-Maur ou Lan-Badarn-Vaur (en latin Ecclesia Paterni Magna), située dans le pays de Galles, au comté de Cardigan, près la ville d'Aberystwyth. Le nom de Mauritana parait avoir été formé après coup par les légendaires sur l'épithète Maur, donnée à ce lieu pour le distinguer de plusieurs autres qui s'appellent également Lan-Badarn. D'après un autre passage de la légende du XIème siècle (p. 192), le nom primitif de Lan-Badarn-Vaur devait être en breton Maes-Eli, en latin Campus Heli], [dans le Keredighiaun, aujourd'hui Cardiganshire], Patern, suivi de 847 moines, fonda une église et organisa un monastère, où il institua un économe, un prévôt, un doyen pour administrer la maison jusqu'à son retour ; puis il alla en Irlande visiter son père. 

 

§ 3. — Saint Patern passe en Irlande, revient en Bretagne et y fonde beaucoup d'églises. 

(Ibid, p. 190-191).

Deux rois d'Irlande se faisaient alors une guerre acharnée. Patern réussit à les pacifier, et après quelque temps passé près de son père, il revient en Grande-Bretagne, à. son monastère de Mauritana, qu'il trouve florissant et même augmenté d'un moine appelé Nimanauc, qui, resté après lui en Lydau et ne pouvant supporter l'absence de Patern, s'était embarqué sur un quartier de roc et, porté sur cet esquif d'un nouveau genre, n'avait mis que quelques instants à se rendre d'Armorique en Grande-Bretagne, au rivage voisin de Mauritana. 

Patern établit alors dans tout le pays de Keredic (Keredighiaun) des églises et des monastères dont il donne la direction à ses disciples, entre autres à Samson, Guinnius, Guipper et Nimanauc. « Par sa science et par ses oeuvres, saint Patern brille alors comme un flambeau dans toute la [Grande] Bretagne » [« Sanctus igitus Paternus lampas in doctrina et opere effectus est per totam Britanniam » (Rees, Cambro-British Saints, p. 191)]. 

 

§ 4. — Saint Paternel le roi Maëlgun. 

Sur ces entrefaites, Maëlgun, roi des Bretons du Nord [c'est la partie septentrionale de la Cambrie appelée pays de Gwyned], faisant la guerre aux Bretons du Sud, s'avança avec une grosse armée jusqu'à l'embouchure du fleuve Clarach. Ce roi se plaisait à vexer les moines et les saints. Il envoie à Patern deux de ses agents, dits Graban et Terillan, avec mission de lui jouer quelque mauvais tour. Ces deux agents vont dans la vallée de Clarach, ils remplissent plusieurs paniers de mousse et de gravier, puis les portent bien couverts à Patern, en lui disant que c'est là le trésor du roi, qu'ils le lui confient, et que le saint devra le remettre fidèlement au prince quand celui-ci le réclamera. 

Maëlgun continue son expédition, fait la paix avec les Bretons du Sud, puis, remontant vers le Nord, il envoie ses deux agents demander au saint le prétendu trésor. Patern leur rend leurs paniers comme ils les avait reçus ; ils les ouvrent, n'y trouvent que mousse et gravier, s'écrient qu'on a volé le trésor du roi, et menacent de renverser le monastère si on ne le restitue pas sur-le-champ. Patern proteste de son innocence, et conformément à une loi portée par le roi lui-même contre les menteurs, le saint demande, pour lui et pour ses accusateurs, l'épreuve de l'eau bouillante. Tandis qu'il en retire sa main blanche et froide comme neige, celles de Graban et de Terillan en sortent brûlées, et cette brûlure gagnant tout leur corps, ces deux misérables meurent de male mort et rendent leurs âmes au diable sous la forme de deux corbeaux. 

Maëlgun, premier instigateur de la fraude, est frappé de cécité. Il vient demander grâce aux genoux de Patern : le saint lui pardonne ; le roi donne au saint un grand territoire compris entre la mer et le cours des deux fleuves Retiaul et Clarach (Note : dans le nord du comté de Cardigan), puis il se relève et s'en va guéri. 

 

§ 5. — Consécration épiscopale de Patern à Jérusalem, et fondation de son diocèse en Grande-Bretagne. 

(Note : Lives of the Cambro-British Saints, p. 192-191 et 196-197). 

Dans le même temps, un ange étant descendu à Glyn Rosyn (Ménévie), avait dit à saint David : — « Lève-toi et va à Jérusalem pour y être ordonné évêque ; prends avec toi deux dignes compagnons, Patern et Téliau, qui seront ordonnés aussi ». Tous trois s'en vont à Jérusalem, où le patriarche (primus archiepiscopus) leur donne la consécration épiscopale, et en présence du patriarche ils partagent entre eux — c'est-à-dire entre leurs trois évêchés — la Bretagne, c'est-à-dire la Cambrie méridionale (regna dextralia Britannorum) (Note : Lives of the Cambro-British Saints, p. 196). « Le royaume de Seisil » (Note : Répondant aux comtés de Cardigan et de Radnot) forma le diocèse de saint Patern ; « le royaume de Rein », le diocèse de saint David, et « le royaume de Morgan », le diocèse de saint Téliau. C'est pourquoi, dit la Vie latine du XIIème siècle, la cité de saint Patern est le troisième siège épiscopal des « Bretons du Sud » (« Tertius episcopalis locus est apud dextrales Britannos civitas sancti Paterni episcopi » Ibid., p. 197). Patern reçoit en outre, en présent, une crosse et une tunique sans couture d'autant plus précieuse que, selon une des versions de la légende, elle était tissée de fil d'or (Note : Voir Boll. April, II, p. 377, Cf. édition de Paris). 

 

§ 6. — Saint Patern et le roi Arthur.

De retour en Bretagne, cette tunique attira au saint une aventure, que la légende du XIème siècle conte ainsi (Note : Nous traduisons littéralement ce récit ; voir Cambro-British Saints, p. 193) : 

« Comme Patern se reposait dans son monastère des fatigues de son voyage outre-mer, un certain tyran appelé Arthur (quidam tirannus Arthur nomine), parcourant le pays, vint un jour dans la cellule de saint Patern. Pendant qu'il parlait au saint, il aperçut une tunique, et brûlé d'une ardente convoitise il demanda à Patern de la lui donner. 

Le saint refusa en disant : 

- Cette tunique n'est point faite pour habiller des méchants ; elle est réservée aux prêtres. 

Le tyran sortit furieux du monastère et peu de temps après y revint très courroucé, pour s'emparer de la tunique malgré les sages conseils de ses compagnons. 

Un des disciples de Patern, voyant Arthur s'avancer tout en colère, courut au saint et lui dit : 

« Voici le tyran qui revient en criant des injures et frappant du pied la terre »

- « Eh bien, répondit Patern, que la terre l'engouffre ! » 

Aussitôt la terre s'ouvrit et Arthur s'y enfonça jusqu'au menton. A ce coup, il reconnut son péché, se mit à chanter les louanges de Dieu et de Patern jusqu'à ce qu'il eût obtenu sa grâce et que la terre l'eût revomi. Alors il se précipita aux genoux de Patern pour implorer son pardon, et l'ayant obtenu il prit à tout jamais ce saint pour patron, puis s'en alla » (Rees, Cambro-British Saints, p. 193-194). 

Le tyran chargé ici d'un rôle si grotesque, c'est, ni plus ni moins, ce même Arthur dont l'imagination des peuples fit plus tard le roi tout-puissant de la Grande-Bretagne, l'empereur du monde, le héros sans pair. Quand la légende de saint Patern prit sa forme actuelle, c'est-à-dire au XIème siècle, c'était encore, on le voit, un bien petit compagnon. Non seulement Maëlgun le domine, mais dans le paragraphe qui suit immédiatement celui qu'on vient d'analyser, voici venir un autre roi d'une toute autre envergure.

 

§ 7. — Saint Patern revient en Armorique et devient évêque de Vannes. 

Note : « In illis diebus, Caradauc Brechbras trans terminos etiam Britanniae regnum suum dilatavit, et ad Letaviam veniens illam cepit imperio : Armorici autem venerunt ad ilium dicentes : « Nisi Paternum nostratem ad nos revocaveris ex Britannia, non non placabiles poteris invenire » (Rees, Cambro-Bristish Saints, p. 193). 

Ce roi, c'est Caradauc Brechbras (c'est-à-dire au fort bras), dont l'empire n'embrasse pas seulement la Grande-Bretagne, mais déborde sur le continent, car il vient d'y joindre le Lydeau, c'est-à-dire la péninsule Armorique, et à ce propos les Armoricains indigènes lui disent : 

« Si tu ne nous rends pas Patern notre compatriote, tu n'auras jamais raison de nous »

Saint Patern était alors depuis vingt et un ans en Grande-Bretagne. Sur l'ordre de Caradauc, après avoir assuré l'existence des églises fondées par lui dans l'île, il revient en Armorique, où il établit son monastère et son siège épiscopal (nous dit la légende du XIème siècle) « dans la ville de Guenet », qui est Vannes. De là sa renommée se répand aussitôt dans tout le Lydau, et le roi Caradauc lui accorde pour son église de grands privilèges. 

 

§ 8. — Saint Patern et saint Samson. 

(Note : Cambro-British Saints, p. 194-195). 

Mais là aussi il trouva des adversaires, des envieux. Saint Samson, que les Armoricains regardaient comme le plus grand de leurs saints, parcourait alors le Lydau pour faire reconnaître par les divers diocèses de ce pays la supériorité de son église et pour recevoir le tribut qu'en signe de cette supériorité les autres églises devaient lui payer (Note : « Tunc autem Samson, quem precipuum in sanctitate omnes Armorici magnificabant perambulabat parochias, ut ecclesie omnium sanctorum Armoricorum census épiscopatui ejus et tunc et postea solverent in eternum » (Ibid. p. 194). Comme il approchait de Vannes, un de ses moines, par malveillance contre Patern, lui dit : 

« Envoyez donc quelqu'un à ce saint qui est venu récemment de Bretagne (de l'île de Bretagne), pour éprouver son humilité : ordonnez-lui de venir vous trouver immédiatement, dès qu'il en aura reçu l'ordre, dans l'état où il se trouvera en ce moment »

Le messager de Samson trouva Patern achevant de s'habiller, un pied chaussé, l'autre nu. Il se rendit en cet état auprès de Samson ; le méchant moine, le voyant à demi-vêtu, se mit à rire, mais le diable s'emparant de lui le terrassa. Quant à Samson, qui avait agi en toute simplicité, reconnaissant alors l'intention méchante qu'on avait eue envers saint Patern, il pria celui-ci de lui pardonner. 

Patern alors chasse le diable, délivre le moine, et Samson exempte à tout jamais le diocèse de Guenet du tribut et de l'hommage dus à son église par les autres églises du Lydau. Le roi Caradauc confirme ce privilège et aussi toutes les possessions des églises de Patern, aussi bien en Lydau qu'en Grande Bretagne. 

 

§ 9. — Derniers actes et mort de saint Patern. 

(Rees : Cambro-British Saints, p. 159). 

Les sept évêques du Lydau [Note : « Post hec, statuerunt sancti septem episcopatuum totius Letavie ut convenirent in uno monte et confirmarent suam unitatem in perpetuo mansuram » (Ibid. p. 195). Dans ces « sept évêchés du Lydau » il est aisé de reconnaître les sept diocèses qui, à l'époque où cette légende fut écrite (XIème siècle), acceptaient le siège de Dol pour métropole, c'est-à-dire tous les évêchés de la Bretagne Armorique, moins ceux de Rennes et Nantes] s'assemblent sur une montagne, et là confirment solennellement, pour durer à tout jamais, l'unité de leurs églises dans la même discipline et la même foi. Saint Patern prend part, comme septième évêque, à cette déclaration. Mais voyant que la malveillance continue à le poursuivre, il quitte le Lydau, passe dans le pays des Francks, et y meurt [presque aussitôt], le XVII des calendes de mai (15 avril), car, selon la légende du XIème siècle que nous analysons, les Armoricains célébraient alors trois fêtes de saint-Patern, savoir : le jour de sa mort au 15 avril (XVII kal. maii), sa consécration épiscopale au 20 juin (XII Kal. Julii) sa profession d'unité avec les autres évêques du Lydau au 1er novembre (die Kal. Novembris)

 

§ 10. — Translation des reliques du Saint à Vannes, et fondation de l'église Saint-Patern. 

(Note : Cambro-British SS., p. 195-196). 

Après la mort de Patern, tout le Lydau fut affligé, trois ans durant, d'une sécheresse et d'une famine où il fallut bien reconnaître le châtiment des injures et des intrigues dirigées contre le saint. De toutes parts on envoya à son tombeau, dans le pays des Franks, et l'on se prépara à ramener triomphalement ses reliques en Lydau ; mais cela parut bientôt impossible, car, quoiqu'il y en eût bien là une armée, les gens du Lydau ne purent à eux tous lever un os du saint. Alors un noble de la ville de Guenet (nobilis ex urbe Guenet), qui était présent, dit : 

« Saint Patern, en son vivant, m'a maintes fois demandé, pour y bâtir une église, un terrain que je me suis toujours obstiné à lui refuser ; mais je veux le lui donner après sa mort, à condition qu'il se lève, qu'il accueille notre prière, qu'il consente à venir recevoir chez nous les honneurs que nous voulons lui rendre »

Aussitôt la châsse contenant les reliques, soulevée sans résistance, prend le chemin du Lydau, où elle est reçue avec des hymnes, des chants de joie, et installée dans le terrain donné par le noble de la ville de Guenet. Là, autour des saintes reliques, on élève un beau temple sous l'invocation de saint Patern, dont la juridiction et le patronage s'étendent sur toute la ville, sauf le palais du roi Caradauc, qui reste dans le ressort de l'église (cathédrale] placée sous l'invocation de saint Pierre. 

Ici finit la Vie latine de saint Patern, rédigée très probablement au XIème siècle. Le dernier paragraphe, que nous allons résumer semble être une addition postérieure. 

 

§ 11. — Un miracle de saint Patern en Grande-Bretagne. 

(Note : Cambro-British SS., p. 197) 

Quand saint Patern était dans son monastère de l'île de Bretagne, un de ses serviteurs étant allé, pour les nécessités de cette maison, voir les bois qui en dépendaient, fut tué par des voleurs. Ne le voyant pas revenir, les moines s'inquiétèrent. Mais Patern, qui savait la cause de son absence, alla dans la forêt et, appelant son serviteur, cria : 

« Réaus, réponds à ton maître ! » 

Une voix répond : 

« Maître, me voici »

Guidé par la voix, Patern arrive jusqu'au cadavre dont la tête gisait séparée du corps. Il l'y réunit en lui donnant sa bénédiction. Le serviteur ressuscité se lève, et tous deux rentrent au monastère en rendant grâce au Christ. Sur le bruit de ce miracle, un seigneur appelé Eithir se présente à Patern et dit : 

« Les brigands qui avaient tué ton serviteur sont mes hommes ; mais je viens te demander grâce, et pour l'obtenir je t'offre tout le terrain compris entre le bord de la mer et le rempart dit Liulnum, qui s'étend du fleuve Retiaul au fleuve Peit » [« Hoc est, ab aggere Liulnum inter duos amnes, hoc est Retiaul et Peit, usque ad oram maris » (Cambro-Bristish SS. p. 197). — Aujourd'hui Reidiol ou Ridol et Paith, deux rivières du comté de Cardigan, voisines de la ville d'Aberystwyth (Ibid. p. 514)]. 

Patern pardonna et promit même à Eithir qu'il mourrait dans la grâce du Seigneur.

 

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EXAMEN DE LA LEGENDE ET DE L'HISTOIRE
DE SAINT PATERN

 

I. —  LE CONCILE DE VANNES DE 465.

A côté de la légende de saint Patern, dont nous avons donné une analyse développée, il faut placer ce que l'histoire — l'histoire certaine et sérieuse — dit de ce saint évêque. 

Ce ne sera pas long. 

Si l'on écarte tout ce qui concerne saint Patern d'Avranches, entièrement distinct de saint Patern de Vannes, avec qui cependant certains auteurs et certains bréviaires l'ont confondu ; si l'on se borne à ce qui regarde ce dernier, on ne trouve sur lui, dans l'histoire sérieuse, qu'un document, qu'une date, qu'un témoignage : les actes d'un concile de Vannes, dont l'année précise n'est pas marquée, mais qui ne peut être antérieur à 464 ni postérieur à 470, et que l'on place d'habitude en 465, — date à laquelle nous nous rallions volontiers, sous le bénéfice de l'observation ci-dessus [Note : Dans une note critique sur ce concile de Vannes, publiée au tome II de l'Histoire de Bretagne de Lobineau (col. 13-16), dom Le Gallois adopte la date de 468, qui serait aussi acceptable, quoique l'argument tiré par Le Gallois de la mort de Victurius II, évêque du Mans en cette même année, soit assez faible, puisque, d'après la Gallia Christiana (XIV, 343), ce prélat mourut seulement en 490]. 

A cette époque, Perpétue, métropolitain de Tours, et cinq autres évêques sous sa présidence, savoir : Patern de Vannes, Athenius de Rennes, Nunechius de Nantes, Albinus et Liberalis dont on ignore les sièges (Note : « Venerandis fratribus, Victorio et Talasio episcopis, Perpetuus, Paternus, Albinus, Athenius, Nunechius et Liberalis, episcopi... Quoniam nos in ecclesia Venetica causa ordinandi episcopi (vel episcopatus) congregavit, rectum esse credimus... ut quae in prioribus patrum statutis videmus omissa... statutis saluberrimis sanciremus. » (Sirmond, Concil. antiq. Galliae, I, 137-138 ; et D. Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne, I, 182-183), s'étant trouvés réunis à Vannes pour un motif qu'on connaîtra tout à l'heure, y promulguèrent, sur les moeurs et la discipline ecclésiastique, seize canons spécialement applicables à la province ecclésiastique de Tours, comme le prouve le titre du président ; et deux évêques de cette province, (Talasius d'Angers, Victurius du Mans) n'ayant pu assister à cette assemblée, les six évêques du concile adressèrent aux deux absents, pour avoir leur adhésion, une épître où ils font connaître la cause de leur réunion à Vannes. — Nous y sommes venus, disent-ils, pour y établir un évêché, — causa ordinandi episcopatus selon plusieurs manuscrits, — et selon d'autres, pour y consacrer un évêque, causa ordinandi episcopi [Note : De ce que ce concile était présidé par le métropolitain de Tours, il ne s'ensuit nullement, comme conséquence nécessaire, que ces deux évêques (Albinus et Liberalis) eussent leurs sièges en cette province : aux Vème et VIème siècles, on voit à chaque instant, dans les conciles provinciaux de la Gaule, siéger côte à côte des évêques de diverses provinces, parfois même fort éloignées les unes des autres] : évêque qui est justement saint Patern, lequel, comme pontife de ce nouveau siège et de la ville où se tient le concile, en souscrit les actes immédiatement après le métropolitain. 

La variante ci-dessus relevée — episcopi au lieu d'episcopatus — est, dans la question qui nous occupe, sans importance. — Impossible de contester que le Patern du concile de 465 est un évêque de Vannes, l'évêque même ordonné dans ce concile (Note : Dans la note publiée par Lobineau, dom Le Gallois établit ce point d'une façon irréfutable ; voir l'Histoire de Bretagne de Lobineau, t. II, col. 15-16) ; d'autre part, toutes les traditions de l'église vannetaise s'accordent à voir en Patern le premier évêque de ce siège : donc, avec episcopi tout comme avec episcopatus, ce concile de 465, ce Patern qui y est consacré, c'est là, de quelque façon qu'on se tourne, le commencement de l'évêché de Vannes. 

Par ailleurs, en dehors des actes et des canons de ce concile, il n'y a rien, dans les documents de l'histoire authentique, rien absolument sur un saint Patern quelconque évêque de Vannes. Ceux qui, avant le Patern du concile de 465, en mettent un autre décoré par eux du nom de Patern Ier, placé vers l'an 440 ou 448, ceux qui font cela tirent entièrement de leur imagination ce prétendu Patern Ier, dont il est impossible d'appuyer l'existence sur un mot, une syllabe d'un document ancien [Note : Sous prétexte que le breton tad signifie père, pater, on a voulu trouver ce saint Patern Ier dans un saint de l'île de Bretagne appelé Tathan ou Tathée (Tatheus). William Rees a publié une ancienne Vie latine de ce saint dans ses Lives of the Cambro-British Saints, p. 255-264 ; or Tathée ou Tathan n'est jamais venu sur le continent et il n'a jamais été évêque, donc nul rapport entre lui et le prétendu Patern Ier qui est purement chimérique]. En un mot, ce Patern prétendument antérieur au concile de 465 est une chimère, une fable, un non-être. 

En face du saint Patern ou Padarn de la légende galloise publiée par William Rees, et que nous avons analysée, les documents de l'histoire authentique n'ont à nous offrir que le saint Patern évêque de Vannes du concile de 465. 

 

II. — DISTINCTION ENTRE S. PATERN DE VANNES ET S. PADARN DU PAYS DE GALLES. 

Entre le Patern de 465 et celui de la légende galloise peut-il y avoir, identité ? 

Non évidemment, car ce dernier est contemporain des rois bretons insulaires Arthur et Maëlgun (Voir notre analyse de la légende de saint Patern, § 4 et 6) morts le premier en 537, le second en 547 [Note : Voir les Annales Cambrioe dans les Monumenta historica britannica (1848), p. 830 et 831], des évêques cambriens Téliau et David, tous les deux du VIème siècle, et aussi de l'évêque de Dol saint Samson (Note : Voir notre analyse de la légende de saint Patern, § 5 et 8), qui vécut en Armorique de 550 à 565 environ et figura au concile de Paris de 557. — Si long qu'on veuille supposer l'épiscopat du saint Patern de 465, on ne peut le prolonger jusque-là, puisqu'en 511 il avait certainement sur le siège de Vannes un successeur appelé Modestus, qui assista et souscrivit cette année-là au premier concile d'Orléans. 

L'existence du saint Patern de la légende galloise, ou — comme les Gallois le nomment et comme nous l'appellerons désormais pour le distinguer du Patern de 465 — l'existence de S. Padarn ne nous en semble pas moins établie : elle repose, outre cette légende, sur un fait ancien de l'histoire ecclésiastique de la Cambrie (pays de Galles), l'existence incontestable d'une circonscription ecclésiastique, d'un petit diocèse disparu depuis le VIIIème siècle, dont l'origine, attestée par des noms encore subsistants, remontait à ce Padarn. 

Ce diocèse comprenait la plus grande partie des comtés de Cardigan et de Radnor (Note : Voir Haddan and Stubbs, Councils and ecclesiastical documents relating to Great Britain and Ireland, vol. I, p. 145-146), dans lesquels on trouve encore plusieurs paroisses marquées au nom du saint fondateur, et qui témoignent à la fois de l'existence et de l'étendue de sa juridiction épiscopale, entre autres : 

Dans le Cardiganshire 

Lan-Badarn Vaur, ou Lan-Padarn le Grand, résidence de saint Padarn, centre de sa juridiction épiscopale, aujourd'hui très grosse paroisse voisine de la ville d'Aber-Istwith, dans laquelle on trouve, entre autres, deux sections dites, l'une Lan-Badarn y Creiddyn Isaf, et l'autre Lan-Badarn y Creiddyn Uchaf. 

Lan Badarn Fâch ou Lan-Badarn Tref Eglwys, sur la rive droite de la rivière d'Arth, à peu de distance de la mer, à peu près à moitié chemin entre la ville de Cardigan et celle d'Aber-Istwith. 

Lan-Badarn Odwyn (Odyn, dans les cartes de Camden), à l'ouest de Lan-Badarn Tref Eglwys et sur la rive gauche de la rivière Aron (Ayron dans Camden). 

Dans le Radnorshire 

Lan-Badarn Fynydd (pour Mynydd), tout à fait au nord du Radnorshire, sur la limite de ce comté et de celui de Montgommery, entre les sources de la rivière Ieithon et le cours de la rivière Tame qui sépare le Radnorshire du Shropshire. 

Lan-Badarn Vaur, située assez loin, mais en plein sud de la paroisse précédente, sur la rive droite de la rivière Ieithon, au confluent de ce cours d'eau et de la rivière dite Clowedok sur les cartes de Camden. 

Lan-Badarn y Carreg, — située sur la droite de la rivière Eddw (Edway dans Camden), qui se jette dans la Wye un peu au sud de cette paroisse, laquelle est peu éloignée de la pointe S.-O. du Radnorshire formée par un retour de la Wye vers le N. N.-E. (Note : Voir, sur ces paroisses, la Britannia de Camden, cartes de Radnor et de Cardigan, et Nicholas Carlisle, Topographical dictionary of the dominion of Wales, aux noms des paroisses susdites).  

Cette circonscription épiscopale de Lan-Badarn Vaur, d'abord sans doute plus ou moins flottante comme toute celles de la Cambrie, devint un diocèse qui subsista jusqu'au commencement du VIIIème siècle. Dans le Brut y Tywysogion, ou Chronique du pays de Gwent, écrite en gallois, on lit sous l'an 720 : 

« Cette année-là, les Saxons infidèles détruisirent un grand nombre d'églises dans les diocèses de Landaf, de Ménévie et de Lan-Badarn » (Note : « A. D. 720... The unbelieving Saxons broke many of churches of Landaf, Mynyw (Menevia) and Lan-Badarn, and killed Aidan, bishop of Landaf, and many of the learned men of his see » (Brut y Tywysogion, the Gwentian Chronicle, with a translation by the late Aneurin Owen, London, 1863, p. 7). 

Ce désastre mit fin au diocèse de Lan-Badarn ; on n'en trouve plus mention depuis lors : il se fondit dans les diocèses voisins. Son existence n'en atteste pas moins celle de saint Padarn, et il faut dès lors admettre deux personnages distincts : 

1° Le saint Patern armoricain, évêque de Vannes en 465 ; 

2° Le saint Padarn gallois, contemporain d'Arthur et de Maëlgun, de Téliau et de David, évêque dans la Cambrie vers le milieu, du VIème siècle, c'est-à-dire cent ans après le saint Patern de Vannes. 

Et ce qui achève de séparer nettement celui-ci de celui-là, c'est que celui-ci (le Vannetais) fut inhumé sur le continent et que ses reliques, quoique transférées en divers lieux, ne sortirent jamais de la Gaule, tandis que celui-là (le Gallois) fut enterré — comme beaucoup d'autres pieux personnages de la Grande-Bretagne — dans la petite île d'Enli (en anglais Bardsey) située juste en face de l'extrémité du promontoire qui s'allonge dans la mer au midi d'Anglesey pour former la pointe S.-0. du comté de Caernarvon (Note : Voir, dans la Britannia de Camden, la carte de la North-Wales ou Galles du nord) ; et les reliques du saint Padarn insulaire y étaient encore honorées au XIIème siècle [« Sanctum Paternum et multos alios, quorum corpora in hac insula (Enli) sepulta sunt » (Liber Landavensis, p. 5 ; Cf. Usher, Britannicar. ecclesiar. Antiq. p. 276). 

Ces deux personnages, quoique bien distincts, ont été confondus en un seul par la légende galloise. Reste à faire dans ce document la part de l'un et de l'autre, et tout d'abord à rechercher pourquoi, comment, le rédacteur de cette légende a été amené à identifier les deux bienheureux. 

 

III. — COMMENT ON EST VENU A IDENTIFIER S. PATERN DE VANNES ET S. PADARN DE GALLES.

La légende galloise de saint Patern — publiée par William Rees, analysée par nous dans notre première partie — n'a été (nous l'avons dit) écrite qu'au XIème siècle. Or, au siècle précédent, une nombreuse émigration de Bretons armoricains, chassés d'Armorique par l'invasion et l'occupation normande, s'était réfugiée en Grande-Bretagne, particulièrement dans les parties de l'île où ils trouvaient des compatriotes ayant leurs moeurs et parlant leur langue, c'est-à-dire en Cornwvall et en Galles. Dans cette émigration beaucoup de clercs et de moines, apportant avec eux les histoires, les légendes de leurs saints bretons armoricains, vantant hautement leur gloire, leurs vertus. Entre ces saints, le fondateur du siège de Vannes, saint Patern l'Armoricain, ne pouvait être oublié. En entendant ce nom, ces louanges, que durent penser les dévots du saint Patern ou Padarn gallois, les prêtres par exemple qui desservaient les églises consacrées à ce dernier, entre autres Lan-Badarn Vaur ? L'identité de nom dut les convaincre qu'il s'agissait du même personnage, et ils ne purent manquer d'accueillir, de recueillir pieusement ce supplément d'illustration qui venait d'outremer accroître la gloire de leur saint patron. 

Mais l'anachronisme ? la différence des époques des deux personnages relevée plus haut ? 

Est-ce que les clercs gallois (ou armoricains) du XIème siècle pouvaient s'en douter? Ils n'avaient point d'Art de vérifier les dates ni rien qui en tînt lieu. Ils avaient encore moins le sens critique ; l'eussent-ils possédé, que, dans leur coeur simple et fervent, tout eût cédé à la joie inexprimable de faire resplendir d'une lumière nouvelle l'auréole du bienheureux au culte duquel ils étaient voués. Quand l'un d'eux songea, au XIème siècle, à écrire l'histoire de saint Padarn, il eût cru manquer à son devoir, voler à son patron une part de sa gloire s'il ne lui eût attribué les faits et gestes, les vertus, les dignités du Patern armoricain. Il fallait cependant quelques précautions pour souder ensemble ces deux vies ou, comme on l'entendait, ces deux phases d'une même vie, qui s'était développée sur deux théâtres très différents. Il eût été bien facile d'expliquer comment, après avoir combattu le bon combat dans l'île de Bretagne, Patern était aller le continuer, le reprendre dans de nouvelles conditions en Armorique, comme l'avaient fait tant d'autres saints bretons très connus du VIème siècle, les Samson, les Gildas, les Malo, etc. Mais ici il y avait plus : les clercs d'Armorique avaient expressément spécifié que leur Patern, à eux, était né sur le continent. C'était la difficulté. Avant le Xème siècle, elle eût paru insoluble. L'émigration des Bretons allant de l'île de Bretagne en Armorique, on en connaissait alors fort bien les causes, les péripéties ; dans les deux Bretagnes, c'était là en quelque sorte le fond de l'histoire et de la tradition nationale. Mais une émigration en sens inverse, partant de l'Armorique pour se rendre dans l'île, personne ne l'eût admise : jusqu'au Xème siècle, c'eût été pour le monde breton une contre-vérité historique et légendaire. 

Au Xème siècle et depuis, on ne pouvait plus avoir ce scrupule. On avait vu une nombreuse émigration affluer, vers la fin du IXème siècle et le commencement du Xème, de l'Armorique dans l'île de Bretagne, et, après un séjour d'une trentaine d'années, refluer de l'île en Armorique. On trouva dès lors très naturel qu'un événement du même genre se fût produit dès le Vème ou le VIème siècle, prenant dans son courant saint Patern et l'entraînant des plages armoricaines sur celles de la Grande-Bretagne. On n'attribua point toutefois à cette émigration la cause qui avait produit celle du Xème siècle. Ce ne fut pas pour fuir le fléau d'une invasion barbare que Catman (Cadvan, Caduan) à la tête d'un millier de clercs et de moines, passa dans la Bretagne insulaire. Au contraire, on nous le dit formellement, le Lydau, c'est-à-dire l'Armorique, était alors en pleine paix, la religion y était florissante, et cette émigration est comparée par notre légende à un essaim d'abeilles qui sort d'une ruche trop pleine, pour aller se développer au loin et produire plus librement, plus abondamment, son miel [« In illo tempore, chorus ecclesiasticus monachorum, Letiam (Letaviam) deserens, Britannie meditabatur oras appetere. Nam, sicut hiemale alvearium, arridente vere, animos extollens et augende proli prudenter instans, aliud primum precipuumque examen emittit, ut alibi mellificet, ita Letia (Letavia), crescente serenitate religionis, catervas sanctorum ad originem unde exierant transmittit, sub ducibus Tinlatu, Cathman, Techo » (Vita S. Paterni ex Breviaro antiquo Macloviensi, lect. VI et VII). 

Inutile d'insister, de démontrer l'invraisemblance, la fausseté absolue de cette donnée appliquée à la fin du Vème ou au commencement du VIème siècle. Ce n'est pas quand l'île de Bretagne était bouleversée, déchirée par les affreux ravages de l'invasion anglo-saxonne, que les moines et les clercs pouvaient songer à y chercher un refuge, un abri pour leurs saints exercices et leurs pieuses méditations. 

Cette prétendue émigration est une pure fable, inspirée par les besoins de la cause, c'est-à-dire par la nécessité d'expliquer la prétendue émigration du Patern armoricain en Grande-Bretagne. 

Une fois cette transmigration accomplie, et tant que Patern reste dans l'île, tous les faits et aventures qui lui sont attribués dans la Vie latine du XIème siècle, concernent nécessairement, exclusivement, Padarn, c'est-à-dire le saint gallois et nullement le saint armoricain. 

On a là toute la légende de Padarn : son voyage en Irlande à la recherche de son père, la fondation de son monastère de Campus Heli ou Mauritana, qui, par suite de la consécration épiscopale de son fondateur, devint siège d'évêché sous le nom de Lan-Badarn Vaur, et encore les curieuses relations de Padarn avec les rois bretons insulaires Arthur et Maëlgun ; enfin, ce prodigieux miracle si bien dans le goût des légendaires gallois, qui nous montre Padarn dans la forêt appelant son serviteur, et celui-ci lui répondant de sa voix ordinaire quoiqu'il eût le cou coupé, reprenant, un instant après, sa tête et sa vie sur l'ordre et par la bénédiction du saint (Note : Voir notre première partie § 2, 3, 4, 5, 6, 11). 

Tout cela, vrai ou faux, appartient au Padarn gallois du VIème siècle : notre Patern armoricain, vannetais de 465, y est étranger ; en tout cela, il ne peut avoir ni aucune prétention, ni aucune responsabilité. 

 

IV. — S. PATERN DE VANNES ET LE ROI CARADAUC. 

Mais puisque l'hagiographe du XIème siècle — en dépit de la chronologie et de l'histoire — veut fondre en un même personnage Padarn et Patern, il lui faut nécessairement ramener ce personnage de l'île de Bretagne en Armorique, pour faire de lui enfin un évêque de Vannes, caractère essentiel de notre saint Patern. 

A partir de ce moment, les récits de la légende ne concernent plus le Padarn gallois du VIème siècle, qui ne passa jamais en Armorique. S'appliquent-ils davantage au saint Patern de 465 ? On le peut croire : du moins y rencontre-t-on des traits qui intéressent l'histoire primitive des Bretons armoricains. 

D'après la Vie de saint Patern par nous analysée (Voir notre première partie § 7), le roi Caradauc Brech-Bras (ou Fort Bras), qui venait de l'île de Bretagne, ayant conquis le Lydau, c'est-à-dire la péninsule armorique, les Armoricains lui dirent : « Si tu ne nous rends pas Patern notre compatriote, nous n'accepterons jamais ton autorité ». — Et sur son ordre Patern, qui résidait depuis vingt et un ans en Grande-Bretagne, passa en Armorique, fonda à Vannes (Guenet) un monastère et un évêché dont il fut le titulaire, et les indigènes armoricains restèrent soumis au roi Caradauc, qui combla de bienfaits saint Patern. 

Il y a là évidemment — plus ou moins déformée — une tradition ancienne, apportée en Grande-Bretagne au Xème siècle par les Bretons d'Armorique qui vinrent à cette époque y chercher un refuge contre les invasions normandes. 

D'après cette tradition, le premier chef des Bretons insulaires établis dans le Vannetais vers la fin du Vème siècle ou le commencement du VIème s'appelait Caradauc. Quelles que soient les fables attachées plus tard à ce nom de Caradauc par les documents gallois postérieurs au XIIème siècle, nous ne voyons nulle raison pour rejeter la donnée traditionnelle qui attribue ce nom au premier chef (comte ou roi) des Bretons du Vannetais. 

Sans doute il ne ramena pas en Armorique le Patern armoricain de 465, qui, à notre connaissance, n'avait jamais quitté le continent. 

Caradauc ne fonda pas non plus, au profit de Patern ni d'aucun autre, le siège épiscopal de Vannes, par l'excellente raison que les Bretons établis dans le Vannetais n'ont jamais, ni au Vème siècle ni au VIème, régulièrement possédé cette ville, restée sous l'autorité des rois Mérovingiens, comme le prouve l'aveu formel du comte breton Waroch dans Grégoire de Tours (Hist. Eccl. Francor. V. 27). 

Mais ce qu'atteste nettement cette tradition, c'est que le chef des émigrés bretons du Vannetais vécut en bonne intelligence avec l'évêque de Vannes (Patern ou son successeur) et reconnut son autorité spirituelle ; c'est que, grâce à ce bon accord, grâce à l'intervention de l'évêque qui se sentait lui-même soutenu, fortifié par cette colonie chrétienne venue d'outre-mer, les indigènes armoricains acceptèrent sans résistance l'autorité des comtes bretons. 

Voilà ce qui se dégage clairement de la tradition relative à Caradauc, à travers l'altération dont elle a été l'objet de la part de l'hagiographe gallois du XIème siècle ; et, ce qui est non moins évident, c'est que cette tradition a bien pu être et a été certainement altérée en Grande-Bretagne, mais qu'elle n'y a pas pu prendre naissance, puisqu'elle ne concerne aucunement l'histoire de ce pays. Elle a donc dû, comme nous l'avons dit, y être apportée d'Armorique, au plus tard au Xème siècle ; et sur les commencements de la colonisation bretonne dans le pays de Vannes, cette antique tradition brito-armoricaine nous fournit de précieuses données que l'on chercherait vainement ailleurs, entre autres, le nom du premier comte breton, — la reconnaissance primitive, dès l'origine, de la juridiction des évêques de Vannes par les Bretons du Vannetais, — la bonne intelligence établie aussi dès le principe entre la colonisation bretonne et les indigènes Armoricains. 

J'insiste sur ces trois points, qui jusqu'ici n'avaient pas été relevés. Et quand même l'histoire ne pourrait tirer autre chose de la Vie latine de saint Patern, cette légende, en raison de cette triple donnée, serait encore un document fort curieux. 

 

V. — S. PATERN DE VANNES CONFONDU AVEC S. PATERN D'AVRANCHES. 

Ce qui suit a moins d'intérêt, mais n'est pourtant pas à négliger. La soumission de saint Patern à saint Samson, c'est-à-dire de l'église de Vannes à l'église de Dol (Voir le § 8 de notre première partie), est un trait inventé au IXème siècle, après que Dol eût été érigé en métropole bretonne par le roi Nominoë en 848. 

Mais pourquoi la légende de saint Patern l'envoie-t-elle mourir hors de Vannes, même hors du Lydau, c'est-à-dire de la péninsule armoricaine, en plein pays frank : « Letaviam deserens, Francos adivit ibique in Domino obdormivit XVII Kl. Maii ? » (Lives of the Cambro-British Saints, p. 195). Le motif attribué à la retraite du saint en Gaule est invraisemblable et ne Mérite pas l'examen. Il y a une autre raison que l'on ne dit pas, que l'on ne pouvait pas dire, puisqu'elle résulte d'une erreur de la tradition. Vu l'extrême disette de renseignements sur saint Patern de Vannes, on ne pouvait guère manquer, en effet, de l'identifier avec tous ses homonymes. Avant même que les Gallois l'eussent assimilé à leur saint Padarn du VIème siècle, avant que les Bretons chassés de l'Armorique par les Normands eussent porté leur Patern dans l'île de Bretagne, déjà très probablement ils s'étaient plu à confondre sa personne avec celle d'un autre Patern, leur voisin, dont l'histoire est beaucoup mieux connue que celle du Patern vannetais : je veux dire saint Patern, évêque d'Avranches, dont Fortunat a écrit la vie, né à Poitiers vers 480, moine d'abord au monastère d'Encion [Aujourd'hui Saint-Jouin de Marnes, commune du canton d'Airvault, arrondissement de Parthenay (Deux-Sèvres)] ; puis solitaire bien loin de là au Nord, mais tout près de notre Bretagne, sur les côtes de la Manche, à Sisci qui est aujourd'hui Saint-Pair [Note : Saint-Pair, aujourd'hui commune du canton de Granville, arrondissement d'Avranches (Manche). Saint-Pair est, par contraction, la traduction de Sanctus Paternus] vers 516 ; enfin évêque d'Avranches, vers 552, souscrivant au troisième concile de Paris en 557, Mort en 562. Telles sont les dates de sa vie adoptées par Henschenius dans les Acta Sanctorum (Boll. April, II, 422, édition de Paris). Saint Patern d'Avranches mourut, naturellement, dans son diocèse, c'est-à-dire hors de la péninsule armoricaine et dans un pays pleinement soumis aux Franks. Du moment où l'on assimilait saint Patern de Vannes à saint Patern d'Avranches, il fallait que celui-là, comme celui-ci, mourût chez les Franks. 

Si l'on veut voir à quel point la tradition armoricaine — fort ancienne — adopta cette assimilation, qu'on lise les trois leçons de l'office de saint Patern de Vannes dans le vieux bréviaire de Léon, dont il reste une édition de 1516. Ces trois leçons sont extraites mot pour mot de l'oeuvre de Fortunat ; elles font naître saint Patern de Vannes à Poitiers, d'une mère appelée Julita, nom de la mère de saint Patern d'Avranches ; elles nous le montrent menant la vie monastique dans le monastère d'Encion sous un abbé Generosus, que Fortunat y place aussi comme supérieur de saint Patern d'Avranches ; seulement, quand le saint Patern du bréviaire de Léon quitte Encion, ce n'est pour s'exiler dans le. Cotentin et devenir évêque d'Avranches ; c'est pour aller en Lydau occuper le siège épiscopal de Vannes [« Paternus episcopus, Pictavis civis, generosis parentibus ortus, a Julita matre sua nutritus... in monasterio Hensionense jugum Domini monachus gestavit : qui mox a beato generoso abbate suo ad dispensationem cellarii deputatus est... Cum igitur inde ad Letaviam pergeret et verbum Dei in insula prima (primo) predicaret, cives Venetenses ei cum gaudio concurrerunt et eum in sede pontificali constituerunt » (Breviar. Leon, an. 1516 impress., fol KK ii ; Bibliothèque Nationale Inv. B. 4920). 

Voici un autre document, plus ancien, de la tradition brito-armoricaine, qui confirme aussi cette confusion opérée en Armorique entre le saint Patern de Vannes et celui d'Avranches. C'est une liste — d'ailleurs très défectueuse — des évêques de Vannes, insérée au XIIème siècle dans le cartulaire de Quimperlé, et qui commence par ces mots : 

« Haec sunt nomina presulum Venetice civitatis. SANCTUS PATERNUS, tempore Hildeberti regis Francorum, qui cepit regnare anno... quo obiit Clodoveus ejus pater » (Cartular. Kempereleg, f. 11, Bibliothèque Nationale ms. lat. nouv. Acq. 1427). 

Le synchronisme ainsi établi entre l'épiscopat de saint Patern de Vannes et le règne de Childebert 1er, roi des Franks, s'inspire évidemment de la présence de saint Patern d'Avranches au troisième concile de Paris, tenu en 556 ou 557 sous le règne de Childebert : confirmation évidente de l'erreur traditionnelle qui a confondu ensemble ces deux saints Patern. 

 

VI. — SUITES DE CETTE CONFUSION.

Cette erreur, cette confusion obligea, avons-nous dit, la tradition qui l'avait adoptée à envoyer saint Patern de Vannes mourir hors de la péninsule armoricaine, au pays des Franks, où était mort réellement saint Patern d'Avranches. Mais il y avait une difficulté : c'est que, au temps même où cette erreur prenait crédit, le corps de saint Patern était conservé, honoré très publiquement à Vannes, d'où il sortit seulement au Xème siècle, probablement pas avant 919. Il fallait donc expliquer comment, saint Patern étant mort, comme on le prétendait, hors d'Armorique, son corps se trouvait pourtant à Vannes. La tradition eut recours alors à cette famine de trois ans, qui aurait contraint les Vannetais d'aller chercher au loin les reliques de leur évêque, de les rapporter  dans leur cité, et de construire, pour les loger, pour les honorer convenablement, une église sous son vocable (Voir le §10 de notre première partie). 

Ce qu'il faut surtout remarquer dans ce récit, c'est sa conclusion : « Et depuis lors, dans la ville de Vannes, ses reliques attendent avec honneur le jour du jugement » [« In urbe itaque Guenet (Vannes) expectant reliquie ejus diem judicii feliciter » (Lives of the Cambro-British SS. p. 196)]. Ainsi, lorsque les Bretons armoricains qui portèrent en Grande-Bretagne les traditions relatives à saint Patern quittèrent l'Armorique, le corps de ce saint était encore honoré à Vannes. Il faut donc voir dans ces Bretons des fugitifs de la première heure, de 878 à 888, alors que les Normands envahirent pour la première fois la côte sud de la péninsule armoricaine jusqu'au Blavet, et avant la grande victoire d'Alain le Grand (888) qui délivra pour vingt ans la Bretagne de cette affreuse lèpre normande. Au contraire, le corps de saint Patern qui, on le sait, alla chercher un refuge dans le Berri en compagnie de celui de saint Gildas (Note : La Vie de Saint Gildas rapporte que Daioc, abbé de Ruis, cacha sous l'autel de son église huit grands os du saint : « Cetera vero simul cum reliquiis S. Paterni, Venetensis episcopi, et aliorum sanctorum, cum libris et ornementis monachi secum transtulerunt » (Mabillon, A. SS. O. S. B. saec. I, p. 148, et Dom Morice, Preuves I, 356), ne dut quitter Vannes qu'après la mort d'Alain le Grand en 907, et probablement pas avant la grande invasion normande de 919, qui aboutit à une longue et désastreuse occupation de la Bretagne par les pirates jusqu'en 938. 

Il faut donc conclure de là que les traditions relatives à saint Patern de Vannes, recueillies dans la Vie composée au XIème siècle en Grande-Bretagne et publiée par William Rees, durent être portées dans l'île par les fugitifs de 878-888, et avaient par conséquent cours en Armorique, au IXème siècle. 

 

VII. — TRADITION DE L'EGLISE DE VANNES SUR SAINT PATERN.

Notons toutefois que dans les documents relatifs à ces traditions nous n'avons rien vu jusqu'à présent qui ait une origine vannetaise bien accusée. 

Nous n'avons plus de bréviaire vannetais antérieur à la réforme liturgique de saint Pie V, et du plus ancien venu jusqu'à nous — imprimé en 1589 — il reste seulement la partie d'été, qui ne comprend point la fête de saint Patern (15 avril). Mais voici une pièce intéressante d'un genre assez rare, d'une antiquité notable pour un document traditionnel, qui va nous renseigner explicitement sur la tradition vannetaise. C'est une sorte de sermon composé au commencement du XIIIème siècle, contenant la description des reliques possédées par la cathédrale de Vannes, lequel débute ainsi : 

« Mes très chers frères, nous surtout les fils de cette sainte Eglise [de Vannes], appliquons la force de notre esprit à louer la grandeur de la bonté divine, à glorifier de toutes nos forces, par dessus tout, Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, sans être incité par nos mérites ni arrêté par nos fautes, poussé uniquement par sa bonté, a visité son Eglise et l'a miséricordieusement comblée de ses grâces. Bien plus, dans la fondation et, on peut le dire, dans la création première de cette église-ci éclata le comble de la grâce divine, puisque le bienheureux Patern, sollicité par l'ange du Seigneur, obtint du roi Caradauc, surnommé Brech-Bras, ce lieu, où s'élevait sa demeure royale, pour y fonder le temple du Seigneur, que ce prince fit construire à, ses propres frais et dédier à Dieu en l'honneur de saint Pierre, prince des apôtres [Note : « Circa hujus (ecclesie) fundacionem, ymo, ut ita dicam, primam creacionem, major cumulus divine gracie in hoc apparuit quod beatus Paternus a Domino per angelum sollicitatus, a rege Karadoco cognomento Brech-Bras locum istum, in quo prefati regis aula sita fuerat, ad fundandam domum Domino inibi impetravit, quam prememoratus rex et de propriis sumptibus fabricari et in honorem B. Petri, apostolorum principis, fecit Domino dedicari »  — Ce morceau, intitulé Descripcio reliquiarum et notabilis recommandacio ecclesie Venetensis, existe en écriture du XIVème siècle dans le ms. lat. 9093 (no 13) de la Bibliothèque nationale. Il fut composé du temps des deux évêques qui y sont nommés, Guéthenoc, évêque de Vannes de 1183 à 1220, et Geofroi, évêque de Nantes de 1198 à 1213 (Voir Gallia Christiana, XIV, Col. 925-926 et 818-819)]. Dans les commencements de cette naissante Eglise, la douceur de la miséricorde divine se montra encore, en ce que Clovis d'heureuse mémoire, très illustre roi des Franks, lui transmit, par l'intermédiaire de notre patron le bienheureux Patern, un trésor des plus précieux, savoir, une partie de la bordure du vêtement de Notre-Seigneur, une partie du vêtement de la sainte Vierge, une dent de l'apôtre saint Pierre notre chef, des cheveux de la très glorieuse pécheresse sainte Marie-Magdeleine, et encore des reliques de saint Maurice et de ses quatre compagnons, Exupère, Candide, Victor et Innocent » [« Circa inicia eciam hujus nascentis ecclesie, divine misericordie dulcor in hoc se aperuit quod Clodoveus felicis recordacionis, rex Francorum illustrissimus, per beatum Paternum patronum nostrum transmisit huic ecclesie desirabilem thesaurum, videlicet, de vestimenti Dominici fimbriis, de vestimento beate Virginis, dentem B. Petri apostoli nostri ducis, de capillis beate Marie Magdalene, illius gloriosissime peccatricis... Contulit eciam prefatus rex huic ecclesie, per beatum. Paternum, de reliquiis Mauricii et quatuor sociorum ejus, Exsuperiit Candidi, Victoris et Innocencii » (Ibid.)].  

J'ai tenu à citer ici dans son texte cette pièce (encore inédite, digne pourtant d'être publiée en entier), parce qu'elle nous fait connaître la tradition de l'Eglise de Vannes au sujet de ses origines dans les dernières années du XIIème siècle : tradition très concordante avec celle portée, au Xème siècle, en Grande-Bretagne par les Bretons d'Armorique fuyant l'invasion normande. Ici, en effet, comme dans la Vie latine composée au pays de Galles et que William Rees a publiée, la fondation, la première création de l'Eglise de Vannes, est rapportée au temps du roi Caradauc Brech-Bras ; on ne dit pas toutefois que Patern soit venu de l'île de Bretagne, ni que Caradauc ait fondé l'évêché de Vannes (ce sont là des inventions galloises), mais seulement que ce roi donna son palais pour y édifier la cathédrale, c'est-à-dire qu'il s'établit dès l'abord d'excellentes relations entre l'évêque Patern, ordonné dans le concile de Vannes de 465, et le premier chef des émigrés bretons installés vers le même temps ou un peu après dans le pays de Vannes. 

Après Caradauc, Clovis ; après les Bretons, les Franks — qui de 490 à 495 cherchent à s'étendre de plus en plus de la Seine à la Loire, luttent contre les cités armoricaines, puis, après la conversion de Clovis au catholicisme (496), voient ces cités accepter volontairement l'autorité de ce roi. Par suite de quoi la domination des Mérovingiens s'étendit jusqu'à Vannes, y compris cette ville, mais ne passa pas à l'ouest de cette cité, car là, à l'ouest, étaient établis les émigrés bretons et le petit royaume de Caradauc. — D'après le document que nous venons de citer, saint Patern et sa ville firent bon accueil à l'autorité de Clovis et en furent fort bien traités : non qu'il faille absolument prendre à la lettre les dons de reliques ci-dessus spécifiés ; mais il y a là tout au moins le souvenir traditionnel des excellents rapports qui unirent le premier évêque de Vannes au premier roi frank de la Gaule. 

Entre cette donnée historique et celle du catalogue des évêques de Vannes inséré au cartulaire de Quimperlé, la différence est notable. Le catalogue fait vivre et siéger Patern sous le règne de Childebert Ier, ce qui est absolument contraire à l'histoire, puisque cet évêque eut, sur le siège de Vannes, avant la mort de Clovis, un successeur appelé Modestus, qui siégea et souscrivit au concile d'Orléans de l'an 511. 

Au contraire, dans les notions fournies par la Descriptio reliquiarum, rien ne contrarie ni la vraisemblance ni les données historiques. 

Il est parfaitement possible que l'épiscopat de, saint Patern se soit prolongé jusqu'aux dernières années du Vème siècle ; dès lors, ce saint évêque dut se trouver en relation d'abord avec les Bretons émigrés dont les premières colonies arrivèrent en Armorique de 460 à 470, — puis avec les Franks de Clovis qui entrèrent en contact avec les cités armoricaines vingt ans plus tard. C'est aussi dans cet ordre qu'ils se présentent dans la Descriptio reliquiarum : Caradauc et ses Bretons d'abord, dès la première création de l'Eglise de Vannes ; Clovis ensuite, quand cette Eglise était encore à ses commencements (circa initia), mais avait déjà passé l'époque de sa fondation. 

Outre cela, la Descriptio reliquiarum — cela est notable — écarte toutes les faussetés propagées dès le XIème et le XIIème siècles par la Vie latine composée en Angleterre, par le cartulaire de Quimperlé, par le bréviaire de Léon : elle se garde bien en effet de faire venir saint Patern de l'île de Bretagne, de l'assimiler au Padarn gallois ou au saint Patern d'Avranches, de le mettre en rapport avec saint Samson de Dol. 

On peut donc considérer ce document comme l'organe d'une tradition ancienne et sérieuse, la meilleure source d'informations, la  plus digne de foi que nous ayons sur l'épiscopat de saint Patern — les actes du concile de 465. 

 

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CONCLUSION

Il y a eu, aux Vème et VIème siècles, dans la Gaule et dans l'île de Bretagne, trois saints évêques du nom de Patern : saint Patern de Vannes — saint Patern d'Avranches (on le nomme aussi en français, par contraction, saint Pern et saint Pair) — saint Patern ou Padarn du pays de Galles. 

Le premier est, par son épiscopat, fort antérieur aux deux autres, et ne peut d'aucune façon leur être identifié. 

La Vita S. Paterni, publiée dans les Cambro-British Saints, l'a confondu avec le Padarn gallois ; le cartulaire de Quimperlé et le bréviaire de Léon, avec le Patern d'Avranches. Tout cela doit être écarté. 

La Vita S. Paterni, écrite au XIème siècle, s'applique presque tout entière au saint Padarn gallois ; elle contient pourtant des traditions relatives à saint Patern de Vannes, portées au IXème siècle dans la Grande-Bretagne par les Bretons d'Armorique fuyant l'invasion normande, et parmi lesquelles une seule mérite considération : celle qui concerne les rapports de saint Patern avec le roi Caradauc. 

Nous la retrouvons aussi, celle-là, dans un document de la fin du XIIème siècle ou des premières années du XIIIème — la Descriptio reliquiarum — qui représente mieux que toute autre les souvenirs conservés par l'Eglise de Vannes concernant son fondateur et premier pasteur. 

Malheureusement ces souvenirs sont brefs. Ils permettent néanmoins de préciser un côté intéressant et très caractéristique du rôle de saint Patern. 

Armoricain ou au moins Gaulois de naissance, placé à Vannes en 465 pour gouverner, protéger, christianiser les Armoricains, il se trouva successivement en rapport avec des étrangers de race diverse qui venaient s'implanter en Armorique : d'abord les émigrés bretons, puis les Franks. — Il amena les émigrés bretons à reconnaître son autorité spirituelle, et en retour, par son intervention, il sut persuader aux indigènes de se fondre pacifiquement avec les Bretons en une même nation, sous un même chef, dans toute la partie du pays de Vannes située à l'ouest de cette ville. — Dans l'autre partie de son diocèse restée gallo-romaine, c'est lui aussi qui, vingt ans plus tard, sut ménager l'accord pacifique conclu entre sa cité et les Franks de Clovis. 

Ainsi dégagée des confusions, des erreurs, des fables dont on l'a maladroitement obscurcie, la figure de saint Patern brille encore, grande et imposante, dans la glorieuse auréole légitimement due au zèle du premier apôtre, au génie du pacificateur, conciliateur et arbitre des races diverses qui se disputaient alors la cité vannetaise et son large territoire.

certains textes sont extraits d'un ouvrage d'Arthur La Borderie

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