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LA FAYETTE |
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Marie-Joseph-Paul-Roch-Yves-Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, naquit à Chavagnac, en Auvergne, le 6 septembre 1757. Son père avait épousé Marie-Louise-Julie de La Rivière, en 1754.
Mère de La Fayette |
Nous avons trouvé dans le registre paroissial de Bourbriac l’acte de publication des bans de leur mariage :
« Ce jour 21 avril 1754 j’ay publié pronallement sans opposition pour la première, seconde et troisième fois la promesse mutuelle du futur mariage entre très haut et très puissant seigneur, Monseigneur Michel-Louis-Christophe-Roch-Gilbert du Moutier (sic), marquis de La Faïette, fils mineur de défunt très haut et très puissant seigneur, Monseigneur Edouard du Moutier, chevallier, seigneur marquis de La Faïette et de très haute et très puissante dame, Mme Marie-Catherine de Chavagnac, veuve, domicilié de fait et de droit de la paroisse de Chavagnac [Note : Chavagnac, canton de Murat (Cantal)], en Auvergne, d’une part ;
et de l’autre part de très haute et très puissante demoiselle, Mlle Marie-Louise-Julie de La Rivière, mineure d’âge, fille de très haut et très puissant seigneur, Monseigneur Joseph-Yves-Thibault-Hyacinthe, marquis de La Rivière, seigneur de Kerauffrait, Saint-Michel et autres lieux et de défunte très haute et très puissante dame, Mme Julie-Louise-Céleste de La Rivière, ses père et mère, domiciliée de droit en la paroisse de Bourbriac-Kerauffray [Note : Paroisse de Saint-Adrien, ancienne trêve de Bourbriac], demeure ordinaire dudit seigneur son père et de fait de la paroisse de Saint-Sulpice à Paris, où elle est censée être avec ledit seigneur son père qui est en ladite ville à la suite de ses affaires de la province de Bretagne quoique au couvent des Ursulines, rue Saint-Jacques [Note : Le mariage fut célébré à Paris (Saint-Sulpice), le 22 mai 1754], François 0llivier, curé de Bourbriac ».
Pendant la guerre de Sept ans le père de La Fayette était colonel aux Grenadiers de France sous les ordres du maréchal de Contades. Il fut tué, lors de la prise de Minden (Westphalie), par le duc de Brunswick, en 1759. Il n’avait que 25 ans.
A l’âge de 11 ans, La Fayette fut envoyé à Paris, au collège du Plessix. Il perdit presque aussitôt sa mère et se trouva, encore enfant, à la tête d’une fortune considérable, plus de 120.000 livres de revenus [Note : Il eut pour tuteur M. Jean Gérard, avocat en Parlement]. A 12 ans, il entra aux Mousquetaires et on le sortait du collège pour prendre part à toutes les revues.
Le 11 avril 1774, il épousa Adrienne de Noailles, fille du comte d'Ayen et petite-fille du duc de Noailles. Il avait 16 ans 8 mois et sa petite femme 14 ans 1/2.
En 1776, il se trouvait en garnison à Metz avec le régiment de Dragons de Noailles, dans lequel il était capitaine, lorsqu’il apprit que les colonies anglaises d'Amérique avaient déclaré leur indépendance. Il s’enflamma aux idées de la liberté et se décida de quitter la France pour aller mettre son épée au service des Américains. Il fit équiper secrètement un navire à Bordeaux, mais l’ambassadeur anglais pénétra son dessein et le Gouvernement français donna des ordres pour l’arrêter. Il fut même question un instant de l’enfermer à la Bastille. Il sut dérouter les gens de M. de Maurepas, qui le poursuivaient, en partant déguisé en courrier. Il envoya son bateau dans le port de Passage (Espagne) où il s’embarqua, avec 11 autres officiers, le 26 avril 1777. Après une traversée longue et orageuse, et après avoir échappé aux croiseurs anglais, il mit le pied sur la terre d'Amérique, près de Georgetown, le vendredi 13 juin 1777. Il demanda à combattre comme volontaire, ne voulant ni grades, ni émoluments, mais le Congrès décida qu’il fut nommé major général dans l’armée des Etats-Unis. Il prit d’abord part à la bataille de Philadelphie où il fut blessé à la jambe. C’est alors que Washington fut plein de sollicitude pour lui et lui voua une véritable amitié. Guéri de sa blessure, il reprît sa vie de dangers et de privations. Entre temps il écrivit à M. de Maurepas en le priant de faire tous ses efforts pour que le Gouvernement français voulût bien reconnaître la déclaration d’indépendance des Etats-Unis. L’opinion publique aidant, il céda. C’est alors que le comte d'Estaing fut envoyé aux Etats-Unis avec une flotte française. La Fayette continua à se montrer, dans maintes circonstances, très courageux ; se battit avec bravoure, montra beaucoup de sang-froid et de présence d’esprit. Le Congrès le combla de félicitations et lui fit présenter une épée d’honneur par le petit-fils de Franklin. Revenu en France, Louis XVI lui fit cadeau d’un régiment, le Royal-dragons. La Fayette en profita pour obtenir de nombreux secours en faveur de l'Amérique et activa les armements d’un petit corps de 6.000 hommes qui devait partir sous les ordres de Rochambeau. Quand il repartit pour l'Amérique il fut reçut avec un véritable enthousiasme par les populations de ce pays. Il partit pour la Virginie à la tête d’un petit corps d’armée, poursuivi par lord Cornwalès, généralissisme anglais, qui avait des forces supérieures. La Fayette, par d’adroites évolutions, attira Cornwalès dans York-Town où il l’accula avec la collaboration du marquis de Saint-Simon, qui amenait 3.000 hommes. Pendant ce temps Washington arrivait à grandes marches, suivi du comte de Rochambeau. La jonction de ces différents corps accomplie on livra l’assaut le 1er octobre 1781. Cornwalès capitula le 17.
Lettre de La Fayette du 1er Août 1788.
Pendant ce temps l'Espagne préparait une expédition de 60 vaisseaux de ligne et de 24.000 hommes de troupe pour être placée sous les ordres de La Fayette. Pour en prendre le commandement il débarqua à Cadix ; mais quelques jours après, le 20 janvier 1783, l'Angleterre effrayée déposa les armes. Il revint alors en France et assista à la signature de la paix de Versailles, le 3 septembre 1783, qui reconnaissait l’indépendance des Etats-Unis.
En 1784, sur l’invitation de Washington, il retourna aux Etats-Unis. Il débarqua à New-York le 24 août. Il fut reçu avec un véritable enthousiasme dans toutes les villes qu’il visita et les plus grandes marques d’affection et de respect lui furent témoignées par la population tout entière.
Le Marquis de La Fayette vers 1785.
Reproduction d'un tableau. L'artiste a voulu rappeler la paire de superbes chevaux que le gouvernement américain donna à La Fayette lors de son second voyage aux Etats-Unis, en 1784, et qui firent l'admiration des parisiens avant 1789.
Le 25 mars 1789, il fut élu député de la noblesse aux Etats-Généraux par la sénéchaussée de Riom. Après la prise de la Bastille il fut nommé commandant de la garde nationale de Paris. Ce fut à son instigation que le drapeau tricolore fut adopté, il fit placer entre le bleu et le rouge, qui sont les couleurs de Paris, le blanc du lis royal (26 juillet). Pendant les journées des 5 et 6 octobre, son sang-froid sauva la vie de la famille royale.
Dans sa vie politique il fut avant tout un paradoxal. Il avait d’abord prôné l’abolition de l’hérédité des titres de noblesse, la suppression des ordres, l’égalité devant la loi ; et, le lendemain, il fondait le club des Feuillants. Tel jour il protégeait Louis XVI et sa famille, tel autre jour il déclarait que « l’insurrection est le plus sacré des devoirs lorsque l’oppression rend une révolution nécessaire ». Mais où La Fayette montra surtout son caractère versatile, c’est lors de la fuite du roi. Sa conduite, dans cette circonstance, fut tellement équivoque qu’il fut accusé par les Jacobins d’avoir favorisé la fuite du roi, et par les Royalistes d’avoir préparé son arrestation à Varennes.
L’idée de déchéance du Roi prit tellement corps, que le peuple se porta en masse au Champ-de-Mars, afin de signer une pétition dans laquelle il demandait à l'Assemblée de suspendre toute décision à l’égard du roi jusqu’à ce que les départements se fussent prononcés. C’est alors que le La Fayette de la liberté et de l’indépendance américaine n’hésita pas à faire mitrailler cette foule qui usait d’un droit qu’on lui avait donné. Sa réputation, dès ce jour, fut, ternie, il le sentit si bien, qu’après la clôture de la Constituante il se retira dans ses terres cherchant à se faire oublier.
Quand la guerre fut déclarée à l'Autriche (20 mars 1792), il fut nommé commandant de l’une des trois armées. A l’armée du centre il remporta d’abord quelques avantages à Maubeuge, à Philippeville, à Florennes, mais ses succès furent de courte durée. Adversaire des Jacobins, il essaya de lutter contre leur influence grandissante. Lui, qui croyait toujours à la Constitution, apprit avec stupeur l’abolition de la Monarchie et la proclamation de la République. Quoique s’étant proclamé autrefois républicain, il ne songea pas cette fois à dissimuler son exaspération. Il essaya d’organiser une certaine résistance dans les Ardennes, mais il échoua piteusement. Etant à Sedan, de concert avec la municipalité de cette ville, il fit arrêter les commissaires de la Convention, envoyés près de lui pour recevoir son serment et les fit enfermer dans le citadelle ; mais il ne tarda pas à apprendre qu’il était destitué, décrété d’accusation et que de nouveaux commissaires, les représentants Delmas et Dubois-Dubais, accompagnés du lieutenant Chérin [Note : Chérin Louis, né à Paris en 1762. Servit sous Hoche dans l’armée de l'Ouest, en l’an III ; chef d'E.-M. de Masséna. Blessé mortellement devant Zurich, le 8 juin 1799], étaient en route pour s’assurer de sa personne. Il résolut alors de quitter son commandement le 17 août, puis de s’embarquer pour l'Amérique ; mais il fut pris par une patrouille autrichienne, et emprisonné dans les forteresses de Wesel, de Magdebourg, et enfin dans la citadelle d'Olmütz. Il tomba dans un état de langueur qui fit craindre pour ses jours. Du fond de son cachot il écrivit à sa femme avec un cure-dent trempé dans de la suie délayée et à la suite d’une tentative d’évasion, sa détention devint encore plus dure. Mme La Fayette se décida alors à aller partager sa captivité, accompagnée de ses deux filles. Le Gouvernement des Etats-Unis demanda sa libération à plusieurs reprises, mais sans succès. Bonaparte réclama formellement sa mise en liberté pendant les conférences qui précédèrent le traité de Campo-Formio.
Rendu à la liberté le 19 septembre 1797, après cinq ans d’emprisonnement, qui avaient été partagés par sa femme pendant 22 mois, il se retira dans le Holstein, puis à Utrecht, où il vécut jusqu’à la fin de 1799, époque où il se rendit dans sa propriété de la Grange, à 60 kilomètres de Paris.
Napoléon essaya, mais en vain, de se l’attacher et de lui faire accepter la dignité de Sénateur. Il fit partie de la Chambre des Représentants pendant les 100 jours. Après Waterloo il se mit à la tête des hommes politiques qui demandèrent l’abdication de l'Empereur ou la déchéance. En 1818, il fut élu à la Chambre des Députés. Pendant la révolution de juillet 1830 il fut nommé Commandant de la Garde Nationale de Paris et Louis-Philippe fut intronisé grâce à son influence personnelle.
En suivant à pied les obsèques de M. Dulong, député de l’opposition, il contracta un refroidissement qui occasionna sa mort, le 20 mai 1834. Il fut enterré au cimetière de Picpus, près de sa femme, décédée en 1807, où son tombeau existe encore.
Il laissait trois enfants :
1° Georges-Louis-Washington du Motier, marquis de La Fayette [Note : Officier et législateur, né à Paris le 24 décembre 1779. Il fit la campagne d'Italie comme sous-lieutenant de hussards, fut lieutenant aide de camp du général Grouchy en Autriche et en Prusse. N’espérant pas obtenir d’avancement parce que Bonaparte détestait son père il donna sa démission. Député en 1815, 1818, 1827, de 1831 à 1846 et enfin en 1848. Mort à Paris, le 30 novembre 1849] ;
2° Anastasie du M. de La Fayette, épouse Fay [Note : Anastasie, et Antoinette furent détenues à Olmütz, avec leur père et mère de 1795 à 1797] ;
3° Antoinette du M. de La Fayette, veuve Lasteyrie de Saillant [Note : Un M. de Lasteyrie, marquis de Saillant, fut sous-préfet de Loudéac, en 1872 et 1873].
Nous avons vu que La Fayette, à la mort de sa mère, en 1768, était à la tête d’une fortune considérable. Il était non seulement propriétaire en Bretagne, mais aussi en Auvergne. D’après M. Dubreuil [Voir Vente des biens nationaux dans les Côtes-du-Nord, de Léon Dubreuil] il était possesseur dans 21 paroisses des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor). Le cadre de notre étude ne nous permet pas de relever le nombre et le nom de ses propriétés dans ces communes. Nous parlerons seulement de celles qui avoisinaient ou dépendaient de Saint-Quihouët.
A Plœuc lui appartenaient :
1° la terre et seigneurie de Plœuc ayant son siège au château de la Corbière, avec haute, moyenne et basse justice à quatre pots, étang, four et moulin, droits de patronage en l’église de Plœuc et de Gausson, foires et marchés au bourg. Cette seigneurie comprenait en outre quatre métairies (de la porte du château de la Corbière, de la Deultre, du Ruflay ou de la Plaise, de la Ville-Jeuguené), de quatre moulins (de la Corbière, de la Maladrerie ou moulin neuf, de Rolland, de Raoul Le Brenne) et de 82 tenues convenancières grevées de corvées, de boisseaux et perrées [Note : La pérée ou perrée pesait 100 livres (50 kgs)] de seigle, d’avoine, de blé noir, de poules, de chapons, de beurre estimé 7 sols la livre [Note : Cette seigneurie avait été vendue, en 1664, par le marquis de Montgaillard, mari de Moricette de Plœuc, à Yves-Olivier de La Rivière, seigneur du Plessix, pour 96.000 livres (Archives des Côtes-d’Armor, E. 2541)] ;
2° la terre et seigneurie du Pont-à-l'Asne avec moyenne et basse justice, chapelle auprès de laquelle était un grand étang qui faisait tourner le moulin. Elle comprenait en outre le moulin du bourg, 54 tenues avec leurs rentes convenancières, la métairie du Pont-à-l'Asne affermée 60 livres, 8 pérées de seigle, 3 d’avoine, 7 de blé noir, des rentes, oboles, amandes (sic) et poules dues sur différentes pièces de terre ;
3° la métairie et manoir noble, terres et seigneuries de Saint-Eloy [Note : Y.-O. de La Rivière avait acheté la seigneurie de Saint-Eloy. Il en avait pris possession le 11 mars 1664 et l’avait ajoutée au comté de Plœuc (Archives des Côtes-d’Armor, E. 2541)] avec une chapelle, une prison et le droit de faire tenir deux foires par an dans le village de Saint-Eloy [Note : Le 15 janvier 1437, Jean V, duc de Bretagne, concéda à écuyer Eon de Bréhan, seigneur de Saint-Eloy, le droit de faire tenir deux foires par an au village de Saint-Eloy. En août 1545, Henry, fils aîné du roi François Ier, renouvela cette concession en faveur de René de Bréhan (Archives des Côtes-d’Armor, E. 654 et 727)].
La Fayette et son cousin, le marquis de Lusignan, avaient hérité du comté de Plœuc et de la seigneurie de Saint-Eloy à la mort de leur bisaïeul et aïeul Charles-Yves-Thibaud, comte de La Rivière et de Plœuc, décédé à Paris le 20 avril 1781. Le 31 décembre de la même année ils avaient payé à M. Hervé de Marialla, receveur du duché de Penthièvre à la recette de Moncontour, la somme de 7.000 livres pour droits de rachat [Note : Rachat ou relief, droits qu’un fief devait payer au seigneur dominant en cas de mutation. Il consistait généralement en une année de revenus].
En Plaintel, La Fayette possédait le château de Saint-Quihouët, ses dépendances, 13 fermes et un certain nombre de tenues convenancières. Comme il avait quitté la France le 17 août 1792 il fut porté sur la liste des émigrés arrêtée à Paris le 22 pluviôse An II (10 février 1794) et la majeure partie de ses biens furent vendus nationalement. Sa femme, Adrienne de Noailles, en acquit quelques-uns, par personnes interposées, avant son départ pour l’exil, notamment la métairie de La Chevrue, en Plaintel. Vingt-neuf acheteurs nationaux lui rétrocédèrent leurs acquisitions et 10 convenants lui furent rendus en vertu de la loi du 5 décembre 1814. Il toucha une indemnité de 281.991 fr. 07 sur le milliard des émigrés (Dubreuil. — Vente des biens nationaux. Champion, édition, Paris, 1912).
Le 2 septembre, 1806, en l’étude de M. Marie-Joseph Conan, notaire à Saint-Brieuc, il vendit, par procurateur pour 11.400 francs, les convenants Créhalet, Sur-le-Moulin, du Loudu et Auffray, situés en Plaintel, à Sévérin Thomas [Note : S. Thomas, ancien régisseur de la seigneurie Quintin-Lorges appartenant à la famille Choiseul-Praslin. C’est le père du chef chouan Sévérin Thomas (Voir Ch. Le Péchoux. — Histoire de L'Hermitage-Lorges)] propriétaire à Quintin, qui lui rapportaient, entre autres choses, une paire de gants ! Thomas était tout simplement personne interposée car, séance tenante, il rétrocéda son acquisition à Toussaint Duval, père de Mme Digaultray.
Ce même jour il céda à Mathurin Dutertre, maire de Plaintel, le convenant Le Tertre pour 1.400 fr. Enfin le 19 novembre 1840 ses enfants vendirent les derniers vestiges des seigneuries du Plessix et de Saint-Quihouët : 15 tenues convenancières, en Plaintel et Saint-Julien, furent acquises par les colons qui en étaient détenteurs pour 30.944 fr.
Le 5 août 1783 La Fayette et son cousin, le marquis de Lusignan, avaient vendu la seigneurie de Plœuc à Mme Anne-Hélène Ferré de la Ville-Blanc, veuve de Charles-René d'Andigné, marquis de la Chasse, pour 226.500 livres [Note : Le 12 mars 1790, Jh. Hervé (du Lorin), receveur de la seigneurie de Plœuc accuse un revenu annuel de 7784 livres 17 s. 6 d.]. Comme celle-ci était infirme, et ne pouvait marcher, elle donna procuration à Nicolas Levesque, notaire à Moncontour, pour prendre possession de ce domaine en son nom. Ms. Doré et Harel, notaires du duché de Penthièvre, pairie de France, au siège de Moncontour, assistèrent aux différentes cérémonies et en firent procès-verbal. Ils se transportèrent à cheval, du 24 septembre au 1er octobre, dans toutes les églises, chapelles, métairies et dans tous les moulins, convenants, etc., dépendant de la seigneurie.
« ...étant arrivés individuellement au bourg de Plœuc, vers les 10 heures du matin, nous nous sommes rendus avec M. Levesque, procurateur de Mme d'Andigné, accompagnés des bourgeois et notables, jusqu’au portail de l’église paroissiale, lequel portail ayant été ouvert par le bedeau, Messire Pierre Chevalier, recteur actuel de la paroisse s’est rendu audit portail précédé de la croix et du bénitier d’argent, accompagné de son clergé, vestus de leur surplis, ledit recteur ayant son étole et portant de la main droite le goupillon a présenté de l’eau bénite audit sieur procurateur, a fait ensuite l’aspersion sur les assistants, a pris la navette, mis de l’encens dans l’encensoir et encensé ledit procurateur. Après quoi il a entonné le Veni Creator que le clergé a continué de chanter en entrant dans l’église et allant vers le grand autel. Ledit procurateur a suivi avec nous et les notables et accompagné le clergé. Après avoir rendu hommage, au T. S. Sacrement ledit procurateur est entré avec nous successivement dans les deux bancs de la seigneurie placés aux deux côtés extérieurs du choeur vis-à-vis l’un de l’autre, s’y est assis et levé. Ensuite il nous a fait remarquer sous le banc, du côté de l'Evangile une tombe dépendante de la seigneurie de Plœuc, élevée du pavé de l’église d’environ 18 pouces. Il est ensuite entré avec nous dans le chœur, s’est assis dans une des stales. Nous avons ensuite passé successivement dans les chapelles et devant les autels dédiés à sainte Anne, saint Jean, au Rosaire et saint François, aux fonts baptismaux, au clocher et dans la sacristie. Le procurateur nous a fait remarquer et nous avons en effet remarqué aux vitraux de la chapelle de Sainte-Anne, formés en croix, un écusson my-partie aux armes de La Rivière, au-dessous un écusson des anciens seigneurs de Plœuc, le tout en vitre peint... ».
Puis ils « circuitent » l’église, « tant en dedans qu’au dehors », constatant qu’il existe sur les vitraux, les arches et la chaire 25 écussons « aux armes de Plœuc, de Le Vicomte, avec leurs alliances » et 5 « de La Rivière ». De plus ils remarquent que le corps de l’église est entouré « d’une lizière, marquée de distance en distance des armoiries de La Rivière et de Plœuc ». Au-dessus des portes il y a aussi « des pierres armoiriées en bosse » de l’écusson des seigneurs de Plœuc. En rentrant dans l’église, toujours « accompagnés du sieur recteur, de son clergé et des bourgeois de la ville » ils se sont aperçus « que même le bénitier de pierre, sous le petit portail, était armoirié du même écusson ». Se dirigeant vers le choeur ils ajoutent « avons monté sur les gradins du grand autel, avons donné lecture du contrat sus référé et fait appel de tout prétendant aux droits et intérêts et sur ce qu’il ne s’est présenté aucun apposant avons mis et installé le sieur Levesque, en qualité de procurateur, en possession de tous les droits honorifiques quelconques appartenant aux seigneurs de Plœuc et du Pont-à-l'Asne dans ladite église paroissiale ».
Sortis de l’église « ils se sont transportés dans la chapelle dédiée à sainte Marguerite située dans la même ville. Y étant entrés, après avoir rendu leur hommage à ladite patronne, le sieur Levesque l’a circuitée, avec nous, tant au dedans qu’au dehors, et a fait remarquer au-dessus des portes d’entrée des écussons en pierres aux armes de Plœuc et au-dessus des statues de Saint-Hubert et de Sainte-Barbe, des deux côtés de l’autel, deux écussons de bois en bosse aux armes des seigneurs de La Rivière.
Sortis de la chapelle nous avons été au four banal. Le dit procurateur a circuité la maison dudit four, a ouvert et fermé la porte du four, y a allumé le feu et fait signe d’enfourner sans opposition de personne. Pendant toutes ces opérations les cloches de l’église et de Sainte-Marguerite ont été sonnées et tintées pour prévenir le public qui s’est attroupé en grande affluence ».
Le surlendemain, jeudi 25 septembre, ils se rendent sous la halle située le long du mur du cimetière et sous la grande halle, place du Pilory, sous lesquelles ils font percevoir les droits de coutume et de péage. Le procurateur déclare alors se mettre en possession des foires et marchés qui se tiennent en la ville. Ensuite ils montent dans l’auditoire situé à l’étage de la grande halle. Le rédacteur écrit :
« avons trouvé noble Maître Pelage Le Breton, sénéchal de la juridiction avec le sieur Procureur-fiscal, tous les notaires et procureurs d’icelle tenant audience. Le procurateur ayant pris siège dans une des chaises des trois juges [Note : Sénéchal (1er juge), alloué (2ème juge), lieutenant (3ème juge)] ... nous notaires avons donné lecture à haute et intelligible voix du contrat sus référé et fait appel et évocation de tous les vassaux [Note : Le 10 décembre 1630, Olivier de La Rivière fit tenir, en sa présence, les Plaids généraux (appel des vassaux) de la seigneurie du Pont-à-l'Asne, devant « la braîche du simetier » par le sénéchal et M. François de La Porte, procureur-fiscal de la juridiction de Pont-à-l'Asne s’exerçant au bourg de Plœuc] des terres et seigneuries de Plœuc et du Pont-à-l'Asne ensuite de quoi le procurateur a déclaré se mettre en possession des droits de justice, juridiction, greffe, institution et élection d’officiers, fiefs, seigneurie, mouvance et tous autres droits honorifiques et prohibitifs dépendants et appartenants aux seigneurs de Plœuc et du Pont-à-l'Asne.
De là nous sommes transportés sur une lande nommée la lande de la Justice sur laquelle est élevé un patibulaire à quatre piliers ronds de pierres de taille [Note : La « lande de la justice » existe toujours près du pont de la Maladrerie. Elle s’appelle actuellement la « lande de la potence ». Elle appartient vers 1949 à la veuve Franchard. Elle est située sur le versant d’un petit coteau qui borde Le Lié. Sur un plateau au S.-E. de la lande de la potence se trouvent les « champs de la justice » appartenant vers 1949 à M. Morel, maire de Plœuc, et à Mme Franchard], dépendant de la seigneurie, que le procurateur a circuité et dont il s’est mis en possession.
Après quoi nous sommes transportés au moulin neuf, autrement dit le moulin de la Maladrerie. Le procurateur est entré successivement dans les appartements et dépendances, ledit moulin consistant dans une maison couverte en pierres où sont les tournants et moulants, a fait feu et fumée, ouvert et fermé les portes, bêché dans le jardin, cassé du bois, est monté sur le bied, a levé la bonde, mis les tournants en route, a abattu la bonde, s’est promené le long du bied (bief) et a déclaré se mettre en possession du tout, du distroit [Note : Déversoir ou vanne de déversoir qui permet à l’eau d’un bief de « se distraire » du chemin qu’on lui a imposé pour reprendre son cours normal], du moulin et tous autres droits y attachés ».
Jusqu’au 1er octobre ils continuèrent ainsi à visiter, — et à circuiter, — les autres propriétés faisant partie du comté de Plœuc. Ils prirent successivement possession de l’église de Gausson avec le même cérémonial qu’à Plœuc, de celle de Saint Mathurin de Moncontour où le seigneur du Pont-à-l'Asne avait droit de prières nominales depuis un temps immémorial, de l’ancien château de La Corbière et du nouveau non parachevé, des métairies, des jardins dans lesquels le procurateur bescha terre, arracha herbe et cassa choux, de cinq chapelles, dont la plupart en ruines, des étangs, moulins, taillis, prairies, landes, cours de dîmes, rentes foncières et convenantières, chapons, poules, corvées, etc..
Le 3 octobre, Harel, notaire ducal, rédacteur de la grosse, la fit contrôler à Moncontour. Il inscrivit le montant des frais et honoraires à la suite de la mention d’insinuation. Ils s’élevaient à 300 livres 10 sols dont 198 livres pour 16 journées et demie aux notaires à raison de 12 livres par jour.
Ch. Le Péchoux.
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