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LA HAUTE JUSTICE DE LA ROCHE ET SES SEIGNEURS DU XIVème A NOS JOURS |
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LA FÉODALITÉ DANS LE PAYS DE POUDOUVRE.
LA HAUTE JUSTICE DE LA ROCHE ET SES SEIGNEURS DU XIVème A NOS JOURS.
INTRODUCTION.
L'histoire de nos paroisses rurales a été si intimement liée à celle de la féodalité dans nos contrées jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, que l'on ne saurait à vrai dire les séparer l'une de l'autre. Si bien qu'en écrivant l'histoire des seigneuries d'une paroisse, c'est un chapitre, souvent important, de la vie passée de ce pays que l'on rédige.
Quels furent les premiers seigneurs de Lancieux que l'on connaisse ? S'il n'est pas facile de déterminer leurs noms en tout qu'individus, l'on sait néanmoins que ce pays fit, presque tout entier, partie autrefois de l'antique vicomté de Poudouvre, laquelle, au Xème et XIème siècle, étendait ses domaines sur la partie de territoire comprise entre l'embouchure de la Rance et celle de l’Arguenon [Note : Sur le Poudouvre : Cf : La Châtellenie du Plessis-Balisson, p. 3 et 4, chez l'auteur du présent opuscule, à Lancieux (C.-du-N.), et D. Lobineau : Preuves, II, col 144, 339. - Morice : Preuves, I, col, 701, 839, 964. – Anciens Evêchés de Bretagne : tome III, p. XLVII, c. II ; III, p. 72. 162 ; IV, p. 360, 368. 369, 415 ; V, p. 348, 350. - La Borderie : Histoire de Bretagne, I, p. 358 ; III, p. 53, 88, 90. 112. - G. de Corson : Pouillé Historique de l’Archevêché de Rennes : IV, p. 497 ; V, p. 229. - Longnon : Pouillés de la Province de Tours ; p. 357°, 358A, 364A, 370E, 371A. - Mollat : Mesures fiscales excercées en Bretagne par les papes d’Avignon, p, 75 et 87].
Un peu plus tard, les seigneurs du Plessis Balisson, comme juveigneurs de cette puissante maison, héritèrent d'une part de leur fief. Ce qui l'indique, ce sont les possessions des seigneuries de la Roche, de Launay-Comatz et de la Guérais, qui embrassaient plus de la moitié du territoire actuel de Lancieux, et qui, toutes, avaient été démembrées de la terre du Plessis-Balisson au profit des cadets apanages de cette famille.
Du reste, la châtellenie du Plessis proprement dite, conserva toujours d'importants bailliages à Lancieux jusqu'à la Révolution française [Note : Archives des Côtes-du-Nord, E, 167].
Par ailleurs, les seigneurs de Dinan-Montafilant possédèrent aussi dans cette paroisse, jusqu'au XVIème siècle, des rentes, fiefs, bailliages et juridiction, dont il n'est pas facile de fixer l’étendue [Note : Archives des Côtes-du-Nord, E, 1423].
De même, l'on voit au XIVème siècle une dame Gervaise Le Borgne, épouse de Jean du Breil, chevalier, céder par testament à son fils Bertrand, certains biens qu'elle possédait, notamment à Lancieux [Note : Du Paz : Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne (famille du Breil)] ; mais que nous ne connaissons pas autrement, à moins qu'il ne s'agisse de quelques petits fiefs et bailliages qui relevaient du domaine royal, sous la châtellenie du Pontbriand en Pleurtuit, lors de la réformation de 1680 [Note : Archives de la Loire-Inférieure, B. 1297, B. 1313 et 1314].
Si à tous ces fiefs, on joint les domaines assez considérables dont jouissaient les moines de St-Jacut [Note : Archives de la Loire-Inférieure. B. 820], nous aurons l'idée à peu près complète de la division du territoire de Lancieux au temps de la féodalité, telle que nous allons l'étudier dans les chapitres qui vont suivre.
CHAPITRE 1ER
LE CHATEAU DE LA ROCHE AUTREFOIS & AUJOURD'HUI.
I.
LE SITE ET LE MANOIR DE LA ROCHE A L’HEURE ACTUELLE.
L'ancien manoir seigneurial de la Roche, aujourd'hui transformé, en ferme, est situé à deux kilomètres environ du bourg de Lancieux, sur les confins de cette paroisse et de celle de Ploubalay. On y arrive en suivant le sentier qui part tout près du vieux moulin du Tertre-Himbert, puis se déroule à travers des champs bordés d'ajoncs et de genêts, jusqu'à un petit bois planté de hêtres superbes, qui longent les murs, recouverts de lierre, du vaste enclos de l'ancienne maison de la Roche. Une fois là, il faut continuer de descendre le charroi qui contourne les bâtiments d'habitation, puis s'enfonce dans une vallée profonde, pour remonter ensuite vers les belles fermes de la Duché et de Bellestre.
« Une surprise attend là les artistes : la nature, qui d'ordinaire éparpille les morceaux, a voulu ici composer à son tour. Or, chose remarquable, elle s'est montrée supérieure à elle-même de deux manières différentes dans ce joli coin. D'un côté, à l'Ouest, se présentent des masses de roches grisâtres, qui baignent leur base dans une eau couverte de nénuphars et de roseaux. Entre les éclats de la pierre, apparaissent de grosses racines d'ormes et de frênes entrelacées, dont les branches mêlent leur feuillage incliné sur le tranquille ruisselet qui coule à leur pied [Note : Extrait de St-Malo au Cap Fréhel, par A. Lemoine, 1884. Dinan. Bazouge].
Des marécages et une colline, sur laquelle le toit d'une ferme se profile dans le lointain, remplissent discrètement le second plan.
De l'autre côté, sans changer de place, des prairies bordées de saules et de peupliers, un petit pont orné de cariatides du XVIème siècle représentant l'une une tête d'homme, l'autre un léopard accroupi, puis à quelques pas de là un vieux portique y tout recouvert de lierre, lequel donne accès dans l'ancienne cour d'honneur, aujourd'hui transformée en cour de ferme, des hauts et puissants seigneurs de la Roche ».
Le temps, hélas ! en ce lieu comme ailleurs, n'a pas manqué d'accomplir son oeuvre destructive ! Aussi, bien peu de choses du passé de cette antique demeure subsiste-t-il encore ! Seuls, les hêtres et les tilleuls séculaires qui entourent ce vieux manoir, lui forment toujours un cadre magnifique qu'envieraient vainement les opulentes villas qu'un luxe, trop souvent de mauvais goût, se plaît à élever sur nos côtes.
Quant aux bâtiments actuels d'habitation de la Roche, ils ont été construits dans ce style douteux des débuts du XVIIIème siècle, dont le principal cachet consiste à n'en avoir aucun. Du reste, ils sont inhabités depuis tantôt un siècle et servent maintenant de maison de décharge au fermier. Ils sont plutôt mal entretenus : les acquéreurs, au sortir de la Révolution, ont cru avantageux d'obstruer un certain nombre de fenêtres, ainsï que d'enlever les beaux lambris de chênes qui décoraient autrefois les appartements du château.
Un vaste portail aspecté à l'Ouest, orné de sculptures renaissance, fermait autrefois de ce côté la cour intérieure. Il a disparu depuis longtemps, mais on voit toujours les attaches des pierres qui annoncent, nous semble-t-il, le XVème ou le XVIème siècle.
A quelques pas du manoir seigneurial, dominant un terrain marécageux, autrefois occupé par un étang, l'on voit deux buttes pierreuses, à l'édification desquelles l'homme à peut-être mis la main. On les appelle les « batteries de la Roche ». C'est là, croyons-nous, que devait se trouver la maison forte [Note : Nous ferons cependant remarquer qu'à 800 mètres environ du château de la Roche, au-dessous et un peu à droite des maisons de Villeneuve, non loin, de la route qui descend de Bodar à la vieille digue, se trouve un champ entouré de vieux murs et qui porte encore aujourd'hui le nom de Mesnil. Bien qu'Henschel, dans son Glosaire, donne à ce mot la signification de métairie, ferme ou maison de campagne, nous croyons avoir lu quelque part que, dans nos pays, ce nom était synonyme de manoir et même de maison forte] dont les aveux du XVIIème siècle se plaisent à rappeler l'emplacement, et qui a pu exister en ce lieu, il y a de celà cinq ou six siècles. C'est son histoire et celle de ses maîtres que nous allons essayer de reconstituer de notre mieux, avec les quelques lambeaux que nous avons pu retrouver de ses archives.
II.
LE CHATEAU DE LA ROCHE A LA FIN DU XVIIIème SIÈCLE.
Nous ne pouvons que difficilement conjecturer ce que pouvait être le manoir de la Roche au Moyen Age, mais nous possédons un inventaire de cette vieille demeure, dresse sur l'injonction du séquestre, le 26 juin 1799, par les soins de Jean-Pierre Carillet, alors notaire à Plancoët. Grâce à cette pièce, maintenant conservée aux Archives des Côtes-du-Nord, nous pouvons nous faire une idée de ce qu'était, cette gentilhommière à la veille de la Révolution française.
« La maison principale de la Roche, lisons-nous sur ce document, a visage à l'occident et mesure 58 pieds de long. Elle consiste au rez-de-chaussée dans une salle au Midi, cave au-dessous, salon au Nord, séparés par un vestibule, deux chambres et un cabinet au premier étage avec greniers au-dessus.
Autre bâtiment en mi-croix à l'Occident, vis-à-vis le vestibule énoncé tout à l'heure, consistant au rez-de-chaussée en une cuisine et une boulangerie, trois chambres au-dessus. Un grand cellier en appenti avec trois cabinets au-dessus, grenier sur le tout. Le tout se desservant par un escalier en bois pratiqué au fond du vestibule.
Cour au-devant vers Orient et au Nord des logements, en partie bornée de murs. Un puits dans le mur, vers le Midi, de la cour. Au Nord de la cour, de vieux bâtiments en ruines servant autrefois de demeure, grange, écurie et étable du fermier.
Porte d'entrée à l'Occident.
Un jardin muré à l'Orient et au Nord de la cour et au Nord des logements de la métairie de la Roche… dans lequel jardin se trouvent une chapelle, un colombier et des vestiges d'un pavillon. Le tout contenant deux journaux, et dans un terrain appelé les Batteries, quelques arbres de réserve, avec au-devant vallées et marécages, contenant deux journaux, fermés par deux chaussées aux deux bouts.
Le vieil étang contenant un demi journal, à l'Occident des Batteries et au Nord des marécages.
Enfin, le Domaine de la Roche contenant quinze journaux, situé au septentrion des dits bâtiments et jardin de la Roche ».
Tel était la Roche aux derniers jours
de son histoire. Alors ses propriétaires étaient réfugiés à l'étranger et leur
vie mise hors la loi. Mais le vieux manoir n'avait pas connu que des jours aussi
néfastes. Ses maîtres n'avaient pas toujours été bannis de leur patrie. Certains
même avaient joué un rôle glorieux dans ses Annales, ainsi que nous allons le
voir aux pages qui vont suivre.
Sceau d'Alain du Perrier, maréchal de Bretagne et seigneur-banneret du Plessis-Balisson, l'an 1387. L'une des deux bannières représentées sur ce sceau figure les armes des Baluçon, dont nous croyons que les premiers seigneurs de la Roche étaient juveigneurs. (Reproduit d'après les planches de D. Morice. Preuves, tome II).
CHAPITRE II.
LES SEIGNEURS DE LA ROCHE AU XIVème SIÈCLE.
I.
LES ORIGINES DE LA ROCHE. — SES PREMIERS SEIGNEURS : BRICE, GEOFFROY ET GUILLAUME DE LA ROCHE-CHESNAT.
Sceau de Guillaume de la Roche-Chesnat, l'an 1346. (D'après Morice. Pr. I. pl 18).
Ce n'était pas un si mince fief que celà, cette seigneurie de la Roche, qui s'étendait au XVIIIème siècle sur près de 400 journaux de terre, situés tant en Lancieux qu'en Ploubalay. Mais cependant, partageant le destin de la plupart des seigneuries du pays de Poudouvre, on ne sait à peu près rien de son histoire avant le milieu du XVème siècle.
Issue, croyons-nous, d'un démembrement de la châtellenie du Plessis-Balisson, dont au point de vue féodal, relevait du reste la plus grande partie des terres de la Roche ; les origines de celle-ci se confondent avec celles du fief du Plessis-Balisson, formé lui-même d'une portion de l'antique vicomté de Poudouvre [Note : Cf. notre ouvrage sur Châtellenie du Plessis-Balisson. Ses Juveigneuries, ses Arrière-Fiefs, In-8, St-Servan, 1913].
Il nous paraît donc vraisemblable que la terre de la Roche dut être, de fort bonne heure, distraite de celle du Plessis-Balisson, pour former une juveignerie, au profit d'un cadet apanagé, lequel prit le nom de sa terre, comme c'était alors l'usage en Bretagne. Malheureusement ce nom de la Roche est fort commun, aussi bien dans cette contrée que dans le reste de la France ; en sorte qu'il est très difficile de distinguer dans les actes anciens, le nom des seigneurs de la Roche, en Lancieux, de celui de leurs nombreux homonymes, quand, ni les uns, ni les autres, n'ont pris de qualificatif spécial.
Cependant, une lettre du roi Philippe VI de Valois, adressée à son bailli de Coutances l'an 1345, et dans laquelle ce monarque invite cet officier à réprimer plusieurs méfaits, commis par des seigneurs voisins de l'abbaye de St-Jacut, au détriment de ce monastère, désigne parmi les coupables plusieurs gentilshommes du nom de la Roche, lesquels ont tout l'air d'avoir compté parmi les membres de la famille La Roche, en Lancieux [Note : Voici ce passage : « Néantmoins, Pierre de Montfort, sieur de Plancoët ; Estienne Gouyon ; Guillaume et Gôdefroy, enfans Brice de la Roche, chevalier ; Jehan de la Roche ; Alin de Pontual ; Jean Becel ; Rolland de Dinan, chevalier ; Gilles de Largentaye et plusieurs autres, ont fait plusieurs énormes griefs et excès aux dits religieux. » (Cf. Noël Mars : Histoire du Royal Mosnastère de St-Jacut, 2ème édition. Prud’-homme, éditeur, St-Brieuc, 1917, p. 37 et 38)].
Le document, dont il est question, ne cite en effet que les noms de châtelains des environs de St-Jacut, et l'on ne voit pas bien où l'on pourrait situer, ailleurs qu'à Lancieux, « GUILLAUME et GODEFROY, enfans Brice de la Roche, chevalier », ainsi que « Jehan de la Roche », tous les trois accusés d'avoir molesté les moines de St-Jacut, dont les propriétés, entre autres les métairies de la Briantais et de Buglais, touchaient les leurs.
Or, un vieil armorial de Guy Le Borgne, annoté au XVIIème siècle par un anonyme et publié en 1894, par le Vte Paul de Pontbriand, dans la Revue Historique de l’Ouest, sous le titre :
« Encore un ancien armorial breton », signale justement un GUILLAUME DE LA ROCHE, [Note : On trouve le texte de ce document : Arch. Nationales, AA. 55. Nous le reproduisons à la fin du présent article] fils M. Brice de la Roche-Chesnat, lequel Guillaume, donataire d'Honorée, jadis sa femme, traita avec Jouhan d'Espinay [Note : Jouhan d'Espinay vivait en 1346. (Cf : Vte de Pontbriand, op. cité, p. 131)]. Le sceau de ce Guillaume était alors « 2 léopards passans, une bande sur le tout » [Note : Un Armorial de la France au XIVème siècle publié dans le Cabinet Historique, attribue comme armoiries au chevalier bachelier breton M. Guiffroy de la Roche : « de gueules deux lions d'or passans », (Op. cité, VIe année, p. 118)].
On conviendra qu'il y a une identité frappante entre ces armoiries et celles des Baluçon de gueules, à deux léopards d'or. D'autre part, M. le comte R. de Laigue, dans l'étude qu'il a consacrée au mois de juin 1913, dans la Revue de Bretagne, à Geoffroi de la Roche, fait remarquer avec raison que les Baluçon prenaient parfois pour armoiries deux lions léopardés d'or, l'un sur l'autre ; ainsi, par exemple, dans la province de Normandie, où, dit-il, ils avaient des propriétés, sous le bailliage de Bayeux [Note : En particulier Geoffroi Baluçon, fondateur du collège du Plessis. (Cf : Joüon des Longrais, Mémoires de la Soc. Arch. d'I.-et-V., t. XXXVIII) — M. de Laigue donne aussi comme référence de ces armoiries, « deux lions léopardés d'or, l'un sur l'autre » : Grands Historiens de France, XXIII, 736 d, 746 d. — Guy Le Borgne dit aussi la même chose dans son Armorial concernant le blason des Baluçon. — M. l'archiviste B. de la Rogerie nous a signalé dans l’Avranchin l'existence du Mesnil-Balisson].
Or ce blason est sensiblement le même que celui que l'on trouve dans dom Morice, Preuves, I, planche XVIII, l’orsqu'il reproduit le sceau de Guillaume de la Roche-Chesnat, en 1346 : « deux lions rampants, accostant une bande ».
Cette similitude d'armoiries nous semble fournir des arguments fort probants, touchant les liens qui devaient exister entre les Baluçon du Plessis et les la Roche. Si donc ces derniers brisaient d'une bande leur blason, c'est qu'ils étaient les puînés des seigneurs du Plessis, ainsi que nous le disions aux débuts de ce paragraphe.
Du reste, il est certain que Courcy s'est complètement trompé, lorsque dans son Armorial, tout en attribuant comme armoiries aux La Roche de Lancieux « de gueules à deux léopards d'or, à la bande brochant », il les situe néanmoins dans la paroisse de Cuguen, près Combourg, au château de la Roche-Montbourcher. Il fait encore erreur, lorsqu'il prétend que ces mêmes La Roche comparurent aux montres et reformations Cuguen, de 1478 à 1513, car Ogée, dans son Dictonnaire de Bretagne, indique comme châtelain de la Roche, en 1490, messire Pierre Tierri, et c'est le même personnage qui figure en 1513 à l'article Cuguen, dans les « Reformations du diocèse de Dol », publiées par le P. René [Note : Extrait de la Revue Historique de l'Ouest. Lafolye, Vannes, 1894].
Au surplus, ce château de la Roche, en Cuguen, qu'on appelait la Roche Montbourcher, l'an 1513, n'avait pas toujours porté ce nom. On l'appela primitivement la Roche-Epine, du nom de ses premiers seigneurs ; dont l'un d'eux, Hamon, fut fait prisonnier, le 26 août 1173, par Henri II Plantagenet, lors de la prise de la tour de Dol, où s'étaient renfermés les derniers défenseurs de la Bretagne [Note : La Borderie : Hist. de Bretagne, t. III, p. 278].
Cette famille L'Espine, de la Roche en Cuguen, s'est éteinte vers le milieu du XIIIème siècle, écrit Coüffon de Kerdellech, dans ses Recherches sur la Chevalerie de Bretagne [Note : Tome II, p. 15]. Mais leur nom continua quand même de demeurer attaché durant duelque temps encore à leur vieille forteresse ; si bien qu'un acte mentionné par le chanoine Guillotin de Corson [Note : Pouillé de l’Archidiocèse de Rennes, t. II, p. 244, et IV, p. 491], parle en plein XIVème siècle « du prieuré de la Roche-Espine ». Donc, il est certain qu'à cette époque, la Roche, en Cuguen, ne s'appelait pas la Roche-Chesnat. C'est donc ailleurs qu'il faut l'aller chercher. Nous venons suffisamment d'indiquer, croyons-nous, le lieu où l'on avait chance de la découvrir [Note : Dans Levot : Biographie bretonne, t. II, Bizeul a consacré à Geoffroy de la Roche un assez long article où il passe en revue les commentaires de d'Argentré, de Lobineau et de D. Morice relativement à notre héros. Il en arrive à conclure, en s'appuyant sur Le Laboureur, que l'identification qu'en font ces historiens avec un Geoffroy de la maison de Budes, ancêtre des Budes de Guébriant actuels, soulève bien des difficultés].
II.
GEOFFROY DE LA ROCHE ET LE COMBAT DES TRENTE.
Si nous avons suffisamment convaincu nos lecteurs de l'identité qui nous semble avoir existé entre la Roche-Chesnat et la Roche en Lancieux, il nous reste encore un autre problème à résoudre.
Puisque « Guillaume et Godefroy, enfans Brice de la Roche, chevalier », habitaient vraisemblablement la maison de la Roche, en Lancieux, l'an 1345, ne pourrait-on identifier le dernier de ces deux personnages avec ce Geoffroy de la Roche qui fut armé chevalier par Beaumanoir, durant une suspension d'armes, lors du fameux combat des Trente, livré sur la lande de la Mi-Voie, le 26 mars 1351 ? Cette solution serait d'autant plus intéressante que les historiens qui ont parlé de ce Geoffroy, ne s'accordent pas sur sa famille, laquelle, nous le savons cependant, était « considérable ».
Du reste, nous ne connaissons de Geoffroy que ce que nous en apprend le poème du Combat des Trente. Or dans ce récit, nous lisons expressément que le Geoffroy de la Roche du Combat des Trente était fils d'un M. Brice de la Roche, qui s'en alla guerroyer jusqu'à Constantinople et s'était acquis une grande renommée dans le monde de la chevalerie.
Voici d'ailleurs les vers en question :
« Et Guiffrai de Roche sera
fait cevalier.
De Brice, son bon père, qui ala guerroier
Jusques en
Costentin noble pour grant l'onneur gaigner »
[Note : Cf : Le poème du Combat des Trente, édition des Bibliophiles Bretons. — Bibl. Nle, Ms Fr. 1555, vers 121. Voici sur le même sujet la variante du Me 4165 de la Bibl. Nle, vers 160 : « Et Geoffroy de la Roche sera fait chevalier, - Si Dieu plaist, la journée lui devra remambrer - De la bonté son père qui alla guerroyer - Jusques Constentinnoble, pour son corps aloser »].
Si nous rapprochons les indications généalogiques que nous fournit ce document, de celles que nous avons trouvées dans l'acte conservé par D. Noël Mars, une constatation s'impose. Nous nous trouvons en présence de deux personnages portant le même nom, vivant quasi à la même époque [Note : L'un en 1345, l'autre en 1351], se trouvant avoir pour père un M. Brice de la Roche ! N'en peut-on conclure qu'ils ne font tous deux qu'un seul et même individu et que le Geoffroy de la Roche du Combat des Trente n'est autre que le Geoffroy de la Roche en Lancieux, dont nous parle Noël Mars, et le frère de cet autre Guillaume de la Roche, fils M. Brice de la Roche-Chesnat, dont le vieil armorial publié par M. de Pontbriand nous a conservé mention ?
La chose semble très vraisemblable ; aussi allons-nous reproduire ici, d'après l'édition de M. le Cte de Laigue, la façon dont l'historien du Combat des Trente raconte dans sa chronique rimée le rôle de Geoffroy de la Roche dans cette mémorable journée. Il n'est que trop juste que nous ne passions pas sous silence les faits et gestes de Geoffroy, puisque nous écrivons l'histoire du fief dont il tirait son nom.
Ce fut durant la suspension d'armes qui finit la première phase du Combat des Trente, que Geoffroy de la Roche s'approcha de son chef, Jean de Beaumanoir et lui demanda pour hauser son courage de lui conférer l'ordre de chevalerie. Beaumanoir accéda à son désir, mais lui rappelant les exploits de son père, il lui demanda en retour de combattre rudement les Anglais. Ce à quoi Geoffroy s'engagea par serment, ainsi qu'on pourra le lire dans les vers ci-dessous.
« Et Geffroy de la Roche requist chevalerie,
Ung escuier moult
nouble, de grant assessourie ;
Et Beaumanoir lui donne, ou nom Saintte Marie,
Et luy a dist : « Beau filz, si ne t'oublie mie.
Remembre toy de cil qui pour
chevalerie
Fust en Constentinnoble en belle compaignie ! »
Et Geffroy jura Dieu,
qui tout a en baillie,
Angloix le comparront ains l'eure de complie.
Mais
Bembroc l'entendist, ne li prise ung aillie,
Ains dist à Beaumanoir par moult
grant estourdie ..... ».
[Note : Bibl. Nle, Ms F. 4165, vers 357].
L'auteur, qui semble connaître spécialement Geoffroy de la Roche, revient avec complaisance sur son nom à la fin de son poème et le cite parmi ceux qu'on énumère devant Jean de Beaumanoir, pour réconforter sa confiance dans l'issue du combat. Voici le discours qu'il prête dans la circonstance à l'un des héros bretons :
« Messire Geffroy du Boys, qui fut fort et isgnel,
Conforte Beaumanoir
ou nom de sainct Marcel
Et luy dist : «
Noble sire ! Voyés cy Charruel,
Guillaume de la Marche et Olivier Arrel,
Et
Tintiniac le bon et Robin Raganel,
Et Guy de Rochefort : voiez en son panoncel,
Et Geffroy de la Roche le chevalier nouvel.
N'y a cil qui n'aet lance ou espée
ou coûtel ;
Tous sont prests de combattre ou nom de Jouvencel
Encore feront-ils
aux Anglois duel nouvel ».
Avec le poème du Combat des Trente, s'arrête tout
ce que nous connaissons sur Geoffroy de la Roche. Il nous semble cependant le
reconnaître en la personne d'un Geoffroy de la Roche, chevalier bachelier qui
scellait de son signet à Benon, le 29 octobre 135..., une quittance de Pierre
Angier, son compagnon.
-33-
pour
les gages des gens de leur compagnie employée en Saintonge [Note : Morice, Pr.
I, col. 1218. La date du recueil de D. Morice porte 1308, mais elle est
manifestement fausse, car Pierre Angier vivait en 1350].
Quant à Guillaume de la Roche, le frère de Geoffroy, dont nous avons déjà eu l'occasion de parler, ce pourrait bien être lui ce Guillaume de la Roche, chevalier, dont la montre, comprenant dix autres chevaliers et quinze écuiers, fut reçue au Mans, le 24 avril 1379, et à Angers, le 22 mai de la même année. [Note : Morice, Pr. II, col. 419].
Il est très fâcheux que nous ne possédions aucun autre renseignement sur les la Roche et que par suite, il nous soit impossible de parler de leur extinction, non plus que des causes qui déterminèrent le démembrement de leur fief patronymique, dont nous allons au chapitre suivant constater le morcellement.
PIÈCE JUSTIFICATIVE.
Convention entre Guillaume, fils de M. Brice de la Roche et
Jouhan d'Espinay, l'an 1346.
(Arch. Nles. Carton AA 55. Parchemin, original).
Sachent touz que en nostre Court de Rennes, en droit presens et personalment
establiz Guillaume de la Roche, filz monsieur Brice de la Roche, chevalier,
d'une partie, et Jouhan de Espinay d'autre, se sont compromis par nostre court
de Rennes, de commun assentement, de toutes les demandes, querelles, causes et
peticions dont lesdites parties poent ou peussent faire demande et question
l'une vers l'autre, tant de accion raele que personele et de auqune donaysons et
léés que disoit ledit Guillaume, Hannorée, jadis sa femme, le avoit facte en
testament et derraine volunté, que autrement et generalement de tout quanque
ils peut, podyent ou peussent faire demande l'une partie vers l'autre, par
quelque maniere, cause et rayson que ce soit, de tout le temps passé et des
mises et despens faiz et qui en la presente
desdites chouses seront faiz en Pierre de Saint Gile, et Guillaume le Voyer de
Dinan, tant comme en arbitres, arbitratours ou amiables compositours elleuz
entre eux, et, en cas de descord, en celuy que lesdiz arbitres elleront tierz
décissour, et, par la forme de cest compromis, pourront lesdiz arbitres ou ledit
tierz decisour, en cas de descord, quonoytre et oir là ou et quant ils voudront
et sentencier et ordoner entre eux àjour et feste ou non feste, ordre de droit
gardée ou non gardée, vérité enquisse ou non enquisse, et sans ce que lesdites
parties puyssent dire, ne alléguer encontre, que ledit la sentence et ordinacion
ou sentences et ordinacions desdiz arbitres ou de celuy que elleu sera tierz
decissour soit ramenée à ordinacion de bon homme, et, voudront les dites parties
que le dit la sentence et ordinacion ou sentences et ordinacions desdiz arbitres
ou dudit tierz decissour, en cas de descord, apparaessante par escript sellee de
lours seaux, soit registrée par les alloez de nostre dite court, comme chouse
jugée et tout quanque ils ou celluy que elleu sera, diront, sentencieront et
ordreneront entre eux par droit les dites parties sens resort et sens en poer
appeller en nule maniere, et, doit ledit Guillaume avoir son père et le aut......
[Note : Le parchemin est déchiré en cet endroit] de avoir cestu
compromis ferme et estable, avant que a!er en cause et
quonnurent lesdites parties autrefois avoir juré cest..... [Note : Le parchemin
est déchiré en cet endroit] et promist et est
tenu ledit Jouhan la jurer toutesfoiz et quant ledit Guillaume amenera son père
a le donner auctorisée et que ledit Guillaume le voudra jurer, ains que les
choses toutes et chacunes dessusdites tenir accomplir et contre non venir,
lesdites parties présentes et consentantes en ces escryz, condempnons sauf
nostre droit. Donné, tesmoing le sceau de nostre court ô les scaux desdiz
Guillaume et Jouhan, a nostre fermeté, le jeudi advent la Saint Denis, l'an mil
III° quanrante et scix. Signé : MICHEL DE NOZAY.
Les sceaux n'existent
plus.
CHAPITRE III.
LE MORCELLEMENT DE LA TERRE DE LA ROCHE.
I.
AU MILIEU DU XVème SIÈCLE, LES PLOÜER POSSÈDENT DEUX BAILLIAGES DE LA SEIGNEURIE DE LA ROCHE. — DESCRIPTION DE CES FIEFS AUXQUELS UNE HAUTE JUSTICE EST ATTACHÉE. — NOTICE SUR LEURS SEIGNEURS.
Quels que soient l'importance et le renom dont aient pu jouir aux beaux temps de l'époque féodale les membres de la famille des la Roche de Lancieux, il est certain que, dès le milieu du XVème siècle, ils ne possédaient plus leur fief patronymique et que leur seigneurie se trouvait alors morcellée. C'est ainsi que nous trouvons la famille de Plouër en possession d'une partie de la terre de la Roche dès 1450 et peut-être auparavant.
Nous voyons en effet dans un aveu du 10 octobre 1437 conservé aux Archives de la Loire-Inférieure [Note : B. 1277], OLIVIER DE PLOÜER, seigneur du dit lieu, lequel rend hommage pour les héritages qui lui sont advenus en qualité d'aîné au décès de son père, BERTHELOT DE PLOÜER. Or, cette même pièce nous apprend que ce Berthelot de Plouer avait épousé Marguerite de l'Argentaie. Nous retrouvons celle-ci citée dans Duchesne [Note : Bibl. Nat. : Collection Duchesne, Ms 70], comme ayant rendu aveu le 6 juin 1454 [Note : L'ancien armorial reproduit par M. de Pontbriand (Revue Hist. de l'Ouest, t. II, p. 122), donne Marguerite comme décédée en 1428, mais il doit faire erreur] à Jean du Perrier pour la terre du Pontcornou.
Il est vraiment dommage que nous n'ayons pas plus de renseignements sur cette dame que Duchesne, qualifie de dame de Plouër et de la Roche. Appartenait-elle à la famille des Largentaie de St-Lormel, ou faudrait-il chercher au contraire l'origine de son nom dans le fief de Largentaie, situé naguère aux environs de Brenan, et qui formait originairement avec ses deux cents journaux de terre, l'une des juveigneries du Plessis-Balisson ? Autant de questions que le manque de documents nous empêche absolument de résoudre. Nous croyons cependant que c'est à Marguerite de l'Argentaie qu'il faut attribuer le passage dans la famille de Ploüer des deux bailliages de la Roche dont nous allons parler tout à l'heure.
Une copie faite au XVIIIème siècle, d'un minu rapporté le 7 janvier 1478, par PIERRE DE PLOÜER, pour le rachat d'Olivier son père, seigneur de Ploüer et autres lieux [Note : Arch. des C.-du-N., E 272], nous montre en effet les Ploüer en possession d'un fief qui se trouvait aux environs de la maison de la Roche et avait été démembré de cette seigneurie. Il faut noter à propos de cette pièce, qu'au contraire des aveux rendus les années suivantes par les Guitté et les Châteaubriant pour le manoir de la Roche, Pierre de Ploüer a bien soin de mentionner la juridiction attachée à son fief, ainsi que l'emplacement de sa justice patibulaire, qui demeuraient comme une preuve évidente de l'importance dont avait joui dans le passé la terre et seigneurie de la Roche. Voici du reste in extenso tout ce que l'on a conservé de cet important document :
« Minu par Pierre de Ploas, pour le rachapt d'Olivier de Ploas, sieur du dit lieu de Ploas, comme juveigneur de noble et puissant le sieur du Plessix Baliczon, pour un fief en juridiction et juveigneurie, sur lequel il est dû des rentes au déclarant. Le dit nef comprenant entre autres :
Le moulin à vent de la Roche.
La pièce des Genest-Fournets et les Rochettes au dessus, contenant 3 journaux, donnant du ruisseau du Pont Gesbert au Pont Mauvoysin.
Les Prèz Sallez avec les Jonchées donnant à la rue Quessot, contenant 3 journaux.
Le Pré Clos contenant trois journaux, donnant au ruisseau ci dessous et au Pont Mauvoysin.
La pièce des Augeuls contenant un journal, donnant à l'Hébrègement de Raoullet Bourdon.
La pièce de la terre Geslin [Note : Le tertre Jouaslin doit être une corruption pour « tertre Geslin »], contenant un demi journal ; dans laquelle pièce est la JUSTICE PATIBULAIRE appartenant au déclarant, à cause de sa seigneurie et juridiction ci dessous déclarée.
Un demi jouinal de terre donnant au ruisseau ci dessus.
Le pré de la Canne contenant un demi journal.
Le pré de la Valangeul donnant au ruisseau ci dessus.
Deux sillons dans la pièce des Aulnays ».
Dans l'aveu rendu le 15 novembre 1496 par Pierre de la Villeblanche pour sa seigneurie du Plessis-Balisson [Note : Arch. des C.-du-N., E 568], nous retrouvons attestée plus explicitement encore la dépendance étroite du fief des Ploüer avec la seigneurie de la Roche, ainsi que l'affirmation que le tout procédait du Plessis-Balisson par voie de démembrement. Qu'on lise plutôt :
« Pierre de Ploüer, seigneur du dit lieu, déclare tenir en juveigneurie, un bailliage et juridiction, nommé le bailliage des Deniers de la Roche, étant en la paroisse de Ploubalay. Item un fief et un bailliage nommé le bailliage des Fourments et Pois de la Roche ».
Ces deux bailliages étaient assez considérables, si l'on en juge par la déclaration que rendait pour eux en janvier 1673, Françoise du Chasteignier, dame de Gouyon de Launay-Comatz [Note : Arch. des C.-du-N., E 156].
« Confesse la dite dame tenir comme devant un fief et bailliage, appelé le bailliage au Froment ayant cours aux paroisses de Ploubalay et de Lancieux, valant par chacun an, au terme de Noël, selon la mesure et apprécis du Plessis Balisson, cinquante-cinq boisseaux, onze godets tiers et huitième de godets et une poule ; joignant les villages de la Mestrie, l'Asnerie, la Prevostaye et le bourg de Lancieux et aux proches fiefs de St-Jagu et de la Roche-Glé ; et sont hommes de la dite dame : la dame de Laubrière (Jacquemine Le Begassoux de la Guèrais), Raoul Levesque, les enfants et héritier de François Levesque, Jean Le Provost, les héritiers de Pierre Besnart de la Jannaies, Bertrand Ohier, Jean Hamon.
Plus un autre fief et bailliage appelé le bailliage à l'Argent, valant par chacun an douze livres 9 deniers monnaie. Le dit fief situé aux environs des villages désignés plus haut et ses tenanciers les mêmes que ceux du bailliage au Froment et de plus, Jeanne Ohier, Jean Marabœuf, Jacques Briand et Julienne Martin, sa femme, et Pierre Renault, fils Julien ».
Au reste, ces deux bailliages avaient vu à cette époque diminuer leurs revenus, car un aveu du 27 janvier 1555 [Note : Arch. des C.-du-N., E 493 et E 1414] attribuait au premier 77 boisseaux de froment de rente et 17 livres, 17 sous, 6 deniers monnaie au second, pour une étendue totale de plus de cent journaux de terre.
Mais, et c'était là surtout ce qui faisait l'importance de ces fiefs, leurs possesseurs prétendaient qu'à ces terres, démembrées naguère de la seigneurie de la Roche, était attaché le droit de haute justice, comme à la seigneurie de la Roche elle-même.
Aussi Françoise du Chasteignier, dame de Launay-Comatz, dans son aveu du mois de janvier 1673, ne manque-t-elle pas de mentionner « qu'en raison de ces deux fiefs et bailliages, la dite dame a droit de haute, basse et moyenne justice patibulaire sur les tertres Jouaslin, en Lancieux ». Prétention qui souleva d'interminables chicanes entre les seigneurs du Plessis, les Gouyon de Launay-Comatz et les agents du duc de Penthièvre.
II.
COMMENT LES BAILLIAGES DES DENIERS ET DES FROMENTS DE LA ROCHE PASSÈRENT DES PLOÜER AUX GOUYON DE LAUNAY-COMATZ. — NOTICES GÉNÉALOGIQUES SUR LES FAMILLES DE PLOÜER, DE LA MOUSSAYE, DE LAUNAY ET DE GOUYON.
Nous ne savons au juste comment les propriétaires de la terre de Launay-Comatz s'étaient substitués aux droits de la famille de Ploüer sur les deux fiefs précités. Du reste, les Ploüer, indépendamment de leurs deux bailliages de la Roche, étaient possessionnés par ailleurs en Ploubalay au milieu du XVème siècle ; peut-être bien du fait de Marguerite de l'Argentaie, dame de Ploüer et de la Roche, dont nous avons déjà parlé.
C'est ainsi que lors de la Réformation tenue le 6 février 1449 [Note : Cf : Réformations de l'Evêché de St-Malo, édition des Salles], nous voyons-les deux fils de cette dame Olivier et Guillaume de Ploüer posséder, l'un, le lieu noble de Saubosq, l'autre l’hôtel de la Vallée, mais les deux frères ne s'entendaient pas et procédaient entre eux en 1451 [Note : Pontbriand : Encore un ancien Armorial, op. cité, p. 70].
Nous avons déjà vu qu'Olivier de Ploüer laissa un fils et héritier principal qui fut Pierre
de Ploüer. Celui-ci vivait encore le 9 août 1488 et signait à cette date à la
capitulation de Dinan [Note : Lobineau, Preuves,
II, 1498]. Nous croyons qu'il mourut sans enfant et que son
héritage passa à son frère Jehan. Dès le 5 mars 1472, nous trouvons celui-ci
comparaissant parmi les nobles de Lancieux, à la montre des nobles de
l'archidiaconé de Dinan [Note : Des Salles : Anciennes Réformations,
op. cité].
C'est encore lui, croyons-nous, qui figure en 1498 parmi les conseillers de la reine Anne [Note : Morice, Pr. II, 792].
Il décéda le 17 avril 1501, et son fils Arthus le suivit de près dans la tombe, étant mort le 16 mars 1502. Avec eux s'éteignirent les derniers représentants mâles de la branche aînée de Ploüer [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, B 1277].
Nous aimerions connaître le degré de parenté qui unissait ces deux seigneurs à CATHERINE DE PLOÜER, laquelle recueillit leur riche succession. Nous inclinons à penser qu'elle était sœur de Jean de Ploüer. Mais tout ce que nous savons exactement au sujet de cette dame, c'est qu'elle avait épousé vers 1490, Amaury de la Moussaye, auquel elle donna un fils qui fut FRANÇOIS.
On trouve Catherine et son mari rendant aveu pour la terre de Ploüer le 12 décembre 1504 [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, B 1277]. Quatreans plus tard, François de la Moussaye présentait aveu, au décès de sa mère, pour la seigneurie de Ploüer. Il mourut avant 1513, mais il laissait postérité en la personne de JACQUES DE LA MOUSSAYE qui comparut à la réformation de 1513 [Note : Des Salles : Anciennes Réformations, op. cité] par son grand-père et garde naturel messire Amaury de la Moussaye [Note : Mémoires de Charles Gouyon, p. 77. Paris, Perrin, 1901].
Etait-ce la fille ou la petite-fille d'Amaury et de Catherine de Ploüer, cette Jeanne de la Moussaye, au sujet de laquelle nous avons trouvé les lignes suivantes, au dossier E 1414 des Archives des Côtes-du-Nord :
« L'on avoit cy devant fait assiette à damoiselle Jeanne de la Moussaye de 52 livres 10 sous de rente pour sa part et portion dans les successions de defuncte Katerine de Ploüer et de celle à eschoir de messire Amaury de la Maussaye, savoir de 30 livres sur le lieu, maison et domaine de la métairie de Saubosq, en la paroisse de Ploubalay, et pour le surplus qui est de 22 livres 10 sous, il est dit qu'après le décès d'Amaury de la Moussaye, il serait fait assiette en la dite pièce de Saubosq, et si elle ne suffisait au bailliage et dixme de Saubosq, en la dite paroisse, et que depuis, iceluy messire Amaury de la Moussaye bailla à Pierre de Launay les maison, domaine et bois de la métairie de Saubosq et plusieurs autres terres et héritages en despendants, jusqu'au nombre de 25 livres, 12 sous, 1 denier du rente ».
Ainsi, d'après la pièce ci-dessus, une de la Moussaye aurait épousé un de Launay, lequel dès 1513, tenait du chef de sa femme la maison de Saubosq, bien que celui-ci ne figure pas dans la liste généalogique des Launay-Comatz que nous avons dressée dans notre Histoire de la Châtellenie du Plessis-Balisson, il demeure cependant bien probable que ce Pierre de Launay dut porter ensuite la terre de Saubosq aux seigneurs de Launay-Comatz.
De même, bien que nous n'en ayons aucun document écrit, nous croyons que c'est de cette manière qu'il faut expliquer le passage des bailliages des Froments et des Deniers de la Roche dans la maison de Launay-Comatz. On peut du reste déterminer approximativement l'époque où s'accomplit ce changement de propriétaires, car si l'aveu du 17 octobre 1538 ne parle pas de ces deux fiefs, celui du 17 janvier 1555 les relate expressément. C'est donc entre ces deux dates qu'il faut situer ce passage.
D’ailleurs à l’appui de nos dires, nou citerons un nouvel aveu, rendu le 14 mai 1583, par Julienne de Launay, épouse en secondes noces de Jacques de Gouyon. Nous y voyaons, en effet, que cette dame représentait sur les deux fiefs précités les droits d’écuyer Pierre de Ploüer.
Nous achèverons l’histoire des deux bailliages des froments et des Deniers de le Roche, en ajoutant que sous le nom de bailliage au Froment et de bailliage à l’Argent, ils firent partie de la seigneurie de Launay-Comatz jusqu’à la Révolution française.
Si incomplètes que soient les pages que nous venons de consacrer à ces fiefs, nous sommes bien loin de disposer d'autant de documents pour établir à cette époque l'histoire du manoir dont ils avaient été distraits. Si bien que nous sommes dans l'impossibilité d'expliquer pourquoi la maison et la retenue de la Roche relevaient directement du duché de Penthièvre dès 1550, alors que le reste de cette seigneurie continuait de rendre hommage au Plessis-Balisson. De même, l'absence de renseignements ne nous permet pas de savoir si les Guitté et les Châteaubriant que nous allons rencontrer tout à l'heure comme seigneurs de la Roche, bornaient leurs possessions au manoir de ce nom, ou s'ils étendaient leur tenue sur toutes les terres que nous verrons aux mains des Glé au milieu du XVIIème siècle.
CHAPITRE IV.
LES DE GUITTÉ, SEIGNEURS DE LA ROCHE.
I
LA FAMILLE DE GUITTÉ.
[Note : Cf. Morice, Preuves, I. 1647, 1650, 1652, 1656].
C'est en 1148 que l'on trouve Eudes, le premier membre connu des sires de Guitté. Il paraissait a!ors, comme témoin, dans une donation faite par Bertrand de Dinan à l'abbaye de Boquen [Note : Morice. Preuves, I. 602]. Un siècle plus tard, Olivier de Guitté prit part en 1249 à la sixième croisade.
Le plus illustre représentant de cette vieille race féodale fut Robert, seigneur de Vaucouleur, lequel comparaît dans nombre de montres du XIVème siècle, en qualité de chevalier bachelier, et combattit avec Du Guesclin sur les champs de Cocherel, l'an 1364. Un peu plus tard, on le trouve en 1371 l'un des maréchaux du grand connétable, conjointement avec Jean de Beaumanoir, le vaillant capitaine des héros du Combat des Trente [Note : Lobineau, Preuves, II, 572]. En 1372, Robert enleva Dinan aux Anglais [Note : Cette même année, il fut fait capitaine de la Roche-Derrien sur la recommandation de du Guesclin. (Lobineau, II, 1636)] et devint dans la suite capitaine ou gouverneur de cette ville. (Lobineau, II. 617 et 733).
Bien que Courcy se borne à énumérer parmi les seigneuries de cette maison, Vaucouleur en Trélivan, la terre de Guitté en la paroisse de ce nom et le Quellenec en La Nouée, il est certain cependant que Jean de Rosnyvinen, (dit de Guitté, à cause de son alliance avec l'héritière de cette maison,) possédait l'an 1455 la terre de la Grande Boüexière en Corseul et qu'il procédait à cette époque avec Jean Lenfant, sire de la Tandourie, au sujet des droits des seigneurs de la Bouexière, que revendiquait ce dernier.
Il n'importe point à l'histoire de la Roche que nous établissions la succession des seigneurs de Guitté avant le XVème siècle. Au reste, nous manquerions pour cela de nombreux matériaux. Il nous suffit de dire qu'en 1420, l'on trouve Guillaume de Guitté parmi les écuyers du duc Jean V [Note : Lobineau, Preuves, II, 972]. Ce même personnage accompagna François Ier, son successeur, dans un voyage que celui-ci fit à Amiens en 1425 [Note : Lobineau, Preuves, II, 996]. Il est aussi probable qu'au décès de son parent, Josselin de Guitté, ce fut lui qui hérita de la terre et seigneurie de Vaucouleur.
Malheureusement Jeanne du Chastelier en Eréac, l'épouse de Guillaume de Guitté, ne lui donna qu'une fille, appelée Béatrix. Celle-ci, dernière héritière de sa lignée, fit passer les terres et seigneuries de sa maison dans celle des Rosnyvinen, par suite du mariage qu'elle contracta le 23 février 1423 avec messire Jean de Rosnyvinen [Note : Coüffon de Kerdellech : Recherches sur la chevalerie de Bretagne, I, p. 238. – Cet auteur écrit que Robert de Guitté vivait encore en 1381 et qu'il ratifiait à cette date le traité de Guérande. Selon Odorici : Recherches sur Dinan et ses environs, Jehan de Rosnyvinen épousa à Dinan, Béatrix de Guitté, à charge d'adopter son nom et ses armes. Il y eut à cette occasion une grande fête à Dinan, à laquelle prirent part tous les habitants de cette ville].
Cependant le nom de Guitté ne fut pas éteint pour cela et l'on se prit à continuer de donner cette appellation à la branche des Rosnyvinen qui venait d'entrer dans cette famille. C'est ainsi que l'on désigne assez souvent dans les titres de l'époque, Jean de Rosnyvinen, le mari de Béatrix, sous le nom de Jean de Guitté. C'est du reste sous ce nom que nous le connaissons, comme ayant possédé, sinon la Roche en Lancieux, du moins plusieurs des fiefs qui relevaient de cette seigneurie [Note : Arch. des C.-du-N., E 1423]. Mais nous ne pouvons dire comment ces terres lui étaient advenues, ni si c'était à titre d'acquêt, d'apport ou d'héritage. En tout cas, c'est comme seigneur, sinon de la totalité, du moins d'une partie du domaine de la Roche, que nous lui consacrerons une notice, dont nous puiserons quelques-uns des éléments dans le travail de M. Trevédy sur « Les Bretons, compagnons de guerre du connétable de Richemont » [Note : Extrait de la Revue Morbihannaise. Lafolye, Vannes. 1909. (3) Tome Ier, p. 311], ainsi que dans l'ouvrage de M. C. de Kerdellech, « Recherches sur la Chevalerie de Bretagne » [Note : Guy Le Borgne dit un peu différemment : « d'or à une hure de sanglier de sable, arrachée de gueules, posée en fasce, ayant la lumière et la défense d'argent ». Quant à Toussaint de St-Luc, il ajoute : « à la bordure engressée de gueules »].
II.
JEAN DE ROSNYVINEN, DIT DE GUITTÉ.
« Jean de Rosnyvinen, dit M. Trevédy, n'apparaît qu'en 1433 dans la compagnie d'Arthur de Richement mais il devait être alors, depuis quelque temps déjà, au service du connétable, car celui-ci le choisit, cette année même, pour une mission de confiance. Ce fut, en effet, Rosnyvinen qui représenta Richemont dans la conspiration ourdie contre la Tremoïlle, en juin 1433… ».
Le but des conjurés n'était pas, croit-on, la mort de cet indigne favori, mais simplement son éloignement de la cour du roi Charles VII. L'on peut donc se démander si Jean de Rosnyvinen n'outrepassa pas ses instructions, quand il porta au sire de la Tremoïlle un coup de dague au ventre, « mais la dague était si courte et la Tremoïlle si gras, que Rosnyvinen ne put transpercer celui-ci jusqu'au vif » [Note : Cf. Le Baud, p. 283, et Lobineau, I, p. 596. — Cosneau : Le Connétable de Richemont, in-8, Paris, 1886, p. 200].
Aussi le roi pardonna-t-il à Rosnyvinen ce coup de dague à peu près inoffensif. Moins de dix ans après, en 1443, il avait le titre de premier échanson du Roi. Il était en même temps maître des eaux et forêts de France, Champagne, Lyon, Mâçon, bailliage de St-Pierre Le Moutier et ressort d'Auvergne. Un compte de Jean d'Ust, trésorier de Bretagne, nous apprend aussi que Jean de Rosnyvinen, dit de Guitté, jouissait du titre d'écuyer du duc, et cela dès 1436.
Nous avons vu plus haut que Rosnyvinen servit d'abord sous les ordres de Richement. Il prit part au combat de Saint-Denis, gagné sur les Anglais l'an 1436. Il y fit prisonnier Thomas de Beaumont, lequel, dans la circonstance, commandait les ennemis [Note : Lobineau, I, p. 605]. Devenu à son tour prisonnier des Anglais, il reçut du roi Charles VII 400 écus d'or pour lui aider à payer sa rançon.
Le 16 janvier 1446, ce même monarque lui accorda des lettres patentes l'autorisant à se démettre de sa charge de premier échanson en faveur de Guillaume de Rosnyvinen, son neveu (?) [Note : Nous nous demandons plutôt si Guillaume de R. n'aurait pas été le frère de Jean ? Nous lisons en effet dans Lobineau (II, col. 1488), que Guil. de R., après la prise de St-Aubin-du-Cormier, dont il était capitaine, expliqua à son souverain, comme quoi « il avait perdu ses neveux, tous quatre morts à la guerre, au service du duc, ainsi que son frère qui avait épousé l'héritière de Vaucouleur » (Cf. Lobineau, I, p. 776). — D'après Lob., (II, 1634,) Guil. de Ros. était fils de Louis, ancien capitaine de la Roche-Morice. L'épitaphe de sa première épouse, Perrine de Meulant, est reproduite dans les Recherches sur Dinan d'Odorici, p. 326. On y énumère les charges de Guillaume de Rosnyvinen, lequel se remaria en 1471 à Hélène Bonenfant, dont François, l'auteur des marquis de Piré]. Il continua cependant de servir à la guerre et nous le voyons se distinguer à la bataille de Formigny, en 1450 [Note : Lobineau, I, p. 641]. Sept ans après, Arthur de Richement, son ancien général, devenu duc de Bretagne, le fit capitaine de la Ville et Château de Dinan. (Lobineau, II, 1362.) Il semble qu'il occupa ce poste jusqu'à 1477, car nous trouvons, cette année, un mandement du duc pour François de Guitté, fils aîné et héritier principal de Jean de Rosnyvinen, vivant capitaine de Dinan, d'avoir à remettre les clefs de cette ville au sire de Coëtquen. (Lobineau, II, 1361);
Jean de Rosnyvinen dut, nous paraît-il, mourir aux débuts de cette année [Note : Peu avant sa mort, le duc François II permit à Jean de R. et à Béatrix de Guitté de relever leur justice patibulaire de Vaucouleur en Trélivan. (Lobineau, II, 1350). Cf. sur Vaucouleur une note de M. de la Villethassetz, dans son édition de l’Alexandriade, in-12, 1861, p. 409], car Lobineau (II, 1362) mentionne pour Béatrix de Guitté, veuve de Jehan de Rosnyvinen, et François de Guitté, son fils, l’exemption de comparaître aux montres de cette prédite année, datée du 11 juin 1477.
M. C. de Kerdellech croit que Jean de Rosnyvinen trépassa en Basse-Bretagne et qu'il fut enterré dans l'abbaye de Daoulas, où l'on voyait, dit-il, son tombeau, avec ses armes gravées, qui étaient d'or à la hure de sanglier, arrachée de gueules [Note : Le nom des Rosnyvinen figurait en effet sur la liste des seigneurs fondateurs ou bienfaiteurs de l'abbaye. Une note de M. Bizeul (de Blain), qui termine l'article consacré à la commune de Daoulas, dans le Dictionnaire d'Ogée, 2ème édition, I, p. 215, fait connaître que Charles Jegou, abbé de Daoulas (1510-1535), qui commanda le grand vitrail du maître-autel de son église, y fit peindre trente écussons « des seigneurs fondateurs et bienfaiteurs de l'abbaye et de plusieurs de ses abbés ». Parmi ces écussons, se trouvait celui des Rosnyvinen. Ce magnifique vitrail, que D. Morice signalait comme un chef-d'œuvre de l'art, a dû être détruit durant la grande Révolution. (Renseignement fourni par M. Saulnier, Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Rennes)].
En mourant, Jean de Rosnyvinen, dit de Guitté, laissa, comme nous venons de le voir, au moins un fils, auquel nous allons consacrer le paragraphe suivant.
III.
FRANÇOIS DE GUITTÉ, SEIGNEUR DE LA ROCHE.
François devait être déjà âgé lorsqu'il recueillit la succession paternelle car, dès le 10 janvier 1455, nous le voyons marié et soutenant avec l'autorisation de son père un procès contre Robert Lenfant, seigneur de la Tandourie, en Corseul [Note : D'après un titre original appartenant à Mme de Gaudemont, à St-Servan (I.-et-V.), et qu'elle nous a gracieusement communiqué. « L'an 1455, François de Guitté, fils aisné de messire Jehan, est en possession d'être appelé, dit et nommé sieur du manoir de la Boüexière, auquel il est demeurant, et sa femme est fille du sieur de Beaufort ». Toujours d'après cette même pièce : « Messire Jehan de Guitté avait donné à son fils François, authorité et pouvoir de se deffendre, quereller et procéder » contre Robert Lenfant, sieur de la Tandourie, époux de défuncte Marie de Guitté, qui prétendoit usurper les droits des Guitté dans la chapelle privative de « la Boüexière » dans l'église de Corseul. Selon le titre précité, « Jehan de Guitté, à cause de son ancessorie de Vaucouleur », portait comme armoiries, d'azur à une croix d'argent et une molette de même. Les armes des la Boüexière étaient alors d'argent, à deux fasces de gueules jumelles].
Il rendit aveu en 1478 pour le fief Morvan, le fief Quinio, ainsi que pour le fief es Coz, les trois situés en Ploubalay et relevant de la seigneurie de la Roche, desquels il avait hérité à la mort de son père. (Archives des C.-du- E. 1423).
Il parut, le 8 janvier 1479, à la montre tenue à Dinan, par le sire de Coëtquen, « en homme d'armes, avec page, lance, coustilleur et deux archers en brigandine ». Cet appareil ne fut cependant pas jugé suffisant, et il lui fut fait injonction de fournir suivant sa richesse [Note : Bon. de St-Pern : Pr. p. l’Hist. G. de la Maison de St-Pern, t. I, p. 224].
François de Guitté avait épousé le 20 mai 1452, non pas Catherine de Châteaubriant de Beaufort, ainsi qu'on lit dans la « Généalogie des Châteaubriant », mais Gillette de Châteaubriant [Note : Fille de Briand Ier de Cht et de Marguerite de Tehillac. (Cf. : Kerviler, Bio-Bibliographie, fle 22, p. 424)]. Comme le témoigne un minu rendu le 6 juin 1503 par les héritiers de cette dame.
François de Guitté, nous apprend le minu précité, précéda son épouse dans la tombe et mourut au mois de janvier 1485. Gillette, sa veuve, ne trépassa qu'au mois de février 1499 [Note : François de Rosnyvinen, dit de Guitté, laissa un fils qui fut Guillaume de Guitté, seigneur de Vaucouleur. Il parut comme tel lors de la réformation de 1513. A cette occasion, on le donne comme héritier de François de Rosnyvinen, son père, et de dame Béatrix de Guitté (sa grand'mère), celle-ci héritière d'autre Guillaume de Guitté, son père. (Anciennes Réformations du diocèse de St-Malo, Edition des Salles). Ce Guillaume de Rosnyvinen, dit de Guitté, se maria trois fois et acquit la seigneurie d'Yvignac, grâce à son alliance avec Renée de Clehunault. Son fils et héritier, Guy de Guitté, marquis de Vaucouleur et seigneur d'Yvignac et de Plumaugat, épousa Jacquemine du Boisriou et périt assassiné en 1565. Sa veuve se remaria avec Briand de Châteaubriant, le meurtrier présumé. Elle mourut en 1602. (Voir sur le drame de la mort de Guy de Guitté : Mémoires d'Outre-Tombe, XII, p. 267 à 279.)]. Voici, du reste, la pièce d'où nous avons tiré ces renseignements. Elle est cataloguée E 106 aux Archives des Côtes-du-Nord :
Le 6 juing 1503.
Ensuitt le minu, rapport et déclaration des héritages,
terres, rentes, juridiction, seigneurie et obéissance, que tenait au temps de
son décès et en ligence de la court de Lamballe, noble écuyer François de Guité,
en son vivant sieur du Mesnil et de la Boüexière, qui décéda au mois de Janvier,
l'an mil quatre cent quatre vingt-cinq ; lequel minu et rapport, baillent et
présonnent nobles et puissants Guilaume de Chasteaubriand et Guyonne Le Porc, sa
compaigne et épouse, sieur et dame de Beaufort et de la Boüexière ; à Jehan
Visdelou, naguère recepveur et fermier de la dite cour de Lamballe ; pour en
jouir de la tierce partie d'une année par cause de Rachapt, pour raison du décès
de feue Gillette de Chasteaubriant, qui décéda au mois de fébvrier l'an mil
quatre cents quatre vingt et dix neuf, comme douairière du dit déffunct François
de Guitté, ô protestation d'augmenter ou corriger ou diminuer le présent
minu … scavoir une maison, manoir, depors, jardin, domaine,
colombier, garenne et prés ; le tout contenant ensemble 18 journaulx de terre ou
environ, joignant d'une part à terre Guillaume Le Mée, d'autre à terre Rolland
Salmon et d'autre à la Ripvière, vulgairement appelée le Marais-Salé. Cette
chose faict partie en la paroisse de Lancieux et autres partie en la paroisse de
Ploubalay. Item, une pièce de terre appelée Les Prés Salés contenant ensemble
trois journaulx de terre ou environ, joignant d'une part à terre de feu Olivier
Robert [Note : Olivier Robert, seigneur de la Guérais, juveignerie du
Plessis-Balisson], d'autre à la Rivière ci-avant nommée.
CHAPITRE V.
LES CHATEAUBRIANT DE BEAUFORT, SEIGNEURS DE LA ROCHE.
I.
GUILLAUME DE CHATEAUBRIAND, fils de Jean, sire de Beaufort, le Plessis-Bertrand, Orange et Champinel, et de Jeanne d'Espinay, hérita, ainsi que nous l'avons dit, de la seigneurie de la Roche, à la mort de sa grande tante, Gillette de Châteaubriand, à laquelle cette terre avait été laissée, à titre de douaire, au décès de son mari.
Le 15 novembre 1509 [Note : Arch. des C.-d-N., E 126], Guillaume faisait aveu avec Guyonne Le Porc, son épouse, « pour les maisons et manoir de la Roche avec colombier, dixmes, garennes et domaines en dépendant, le tout contenant trente journaux de terre, partie en Lancieux et partie en Ploubalay, et tenu noblement et à charge de rachapt ». Nous trouvons le même Guillaume et son épouse comparaissant à Corseul, l'an 1513, [Note : Anciennes Réformations de l’évêche de St-Malo, édition des Salles] lors de la réformation des terres nobles, « comme tenant le lieu de la Grande Boüexière, qui fut autrefois à François de Guitté, » ainsi que deux autres manoirs dont on n'indique pas les noms. La même année, les deux époux figurent encore aux réformations des paroisses de St-Coulomb, de Tressé et de Plerguer [Note : Réformations de la Noblesse dans l'évêché de Dol, publiées par le P. René. Vannes, Lafolye, 1894], et les registres de cette époque nous apprennent qu'ils possédaient, dans cette dernière localité, les métairies de Rocheart, du Mesnil [Note : Le Mesnil était une ancienne propriété de Jehan de Guitté], des Alliez et de la Lande Amy.
Guillaume de Chateaubriand fonda en 1529, dans la cathédrale de Dol, une stalle à ses armes, pour lui et ceux de sa maison. Il mourut en 1530 ne laissant pas d'enfant de son mariage avec Guyonne Le Porc, laquelle il avait épousée le 19 avril 1476 [Note : Guillotin de Corson : Grandes Seigneuries de Haute-Bretagne], et était fille de Jacques, seigneur de la Chesnaie en Plesder [Note : C'est cette terre de la Chesnaye, alors appelée la Chesnaye-au-Porc, que devait trois siècles plus tard illustrer F. de Lamennais. Guyonne Le Porc apporta la Chesnaye à son mari qui la possédait en 1513. (G. de Corson : Récits de Bretagne, 3ème série, p. 146)].
Celle-ci, à la mort de son mari, reçut en douaire la terre de la Roche et fit passer, par donation, cette seigneurie dans une nouvelle famille, ainsi que nous le verrons au chapitre suivant.
Voir sur Guillaume de Chateaubriant : Des Salles, Réformations, op. cité, p. 116, 132 et 145. – P. René, Réformation, I, p. 6, 12 ; II, p. 2, 12, 15. – Ogée, II, p. 740, 825, 840. – Pouillé de Rennes, VI, p. 215.
CHAPITRE VI.
LES GLÉ, SEIGNEURS DE LA ROCHE.
I.
LA FAMILLE GLÉ.
Les plus ancien membre de la famille Glé dont nous ayons retrouvé la trace est.
Geoffroy, qui signait le 6 mars 1375, le recu dont nous reproduison la teneur
ci-après :
« Sachent tuit que je, Gieffroy Glé, escuier, confesse avoir receu de Jacques Renart, Tresorier des guerres du Roy, CLI (151) livres sur les gages de moy et de IX autres escuiers de ma Chambre, desservis et à desservir en ces présentes guerres ou païs de Pierregort et de Limosin, en la Comp. et soubs le gouvernement de Mons. Alain de Beaumanoir, chevalier.
Donné sous mon scel, le 6 mars 1375 ; scellé en cire rouge : 3 glés, les deux afrontez » (Lobineau, Preuves, t. II, col. 576).
Nous aurons occasion de reparler de ce scel qui nous a conservé les plus anciennes armoiries connues de la famille Glé. [Note : D. Morice dans ses Preuves, tome II, planche IV, donne le sceau de Perrot Glé, sieur de la Pommeraie en 1402].
Nous n'entreprendrons pas de reproduire ici tous les noms des Glé qui figurent dans les colonnes de dom Lobineau et de dom Morice. Ce travail ne rentre pas dans notre plan. Il nous suffit d'avoir fait remarquer l'ancienneté de cette famille et de dire qu'à l'instar de la noblesse de ce temps, elle avait vaillamment payé de sa personne au cours des guerres si nombreuses autrefois.
II.
FRANÇOIS GLÉ, SÉNÉCHAL DE DINAN ET SEIGNEUR DE LA ROCHE.
Le premier membre de la famille Gié qui posséda la Roche, s'appelait FRANÇOIS. Il s'intitulait seigneur de la Roche, dans un acte de tutelle du 7 février 1550 (vx st.) [Note : Cf. du Breil de Pt : Nos chevaliers de St-Michel, p. 87].
L'aveu qu'il rendit le 9 novembre 1555 à Jean de Bretagne, duc d'Etampes et comte de Penthièvre, nous apprend comment cette terre lui était advenue. C'était, lisons-nous sur cet acte, « pour cause d'une donnaison à luy en faicte par feu damoyselle Guyonne Le Porc, en son temps dame du Mesnil et de la Boüexière » [Note : Archives des C.-du-N. E, 333. Voici le texte de cet aveu : « Ensuilt la déclaration des terres, héritaiges et choses héritables que Mre Franczois Glé, escuyer, sieur de la Roche, tient à foy et debvoir de rachapt de tres hault et tres puissant seigneur Jehan de Bretaigne, duc d'Estampes, conte de Painctièvre, etc., à cause de sa court et barre de Lamballe. Premier Le lieu, manoir, maisons, coulombier, jardrin, garaine, prez et domaine de la Roche, le tout contenant ensemble trante journaulx de terre ou envyron : - Item, ung troict et devoir de disme, qui a cours en la parouesse de Pluballay, vulgairement appellé la disme de la Roche, vallante communs ans, douze mynes de gros blé, mesure du Plesseix-Balliczon. - Item, ung fye, bailliaige et tenement d'hommes, s'estendant en ladicte parouesse de Pluballay, vulgairement appelle le bailliaige de la Morandaye, vallant par chacun an quattre livres, scix solz, et par froment, dix bouexaux dix godetz, et par avoyne neuff bouexaux. - Quelles choses cy dessus déclerées, ledit Glé tient par tiltre de donnaison luy en faicte par feue damoyselle Guyonne le Porc, en son temps dame d'Aumesnil (du Mesnil) et de la Boüexière. Présente par moy Franczois Glé, faesant hommage à mondict seigneur, le sabmedy neuffieme novembre mil cinq cens cinquante cinq. Signé : FRANCZOIS GLÉ »].
François Glé, écrit G. du Mottay, à la page 64 de l'Annuaire des Côtes-du-Nord de 1858, recevait, l'an 1546, quinze livres d'appointements comme alloué et juge ordinaire de la cour de Dinan [Note : Les Registres paroissiaux de St-Malo, publiés par Pâris-Jallobert, indiquent François Glé comme ayant été sénéchal de St-Malo en 1537. Peut-être fait-il confusion, ou bien est-ce une erreur de copiste ?], tandis que le sénéchal d'alors, qui s'appelait Jean Glé, touchait pour ses fonctions la somme de 40 livres [Note : Environ 600 francs de notre monnaie. (Cf. Vte d'Avenel : La Fortune privée à travers 7 siècles)].
Qu'était-ce que ce Jean Glé ? — Peut-être le frère ou plutôt le père de François. — Un point demeure acquis : nous savons à n'en pouvoir douter, grâce au Journal de F. Grignart [Note : Mémoires de la Société d’Emulation des C.-du-N., t. XXXVI, p. 42 ; publication de M. du Cleuziou], que François Glé, sieur de la Roche, appartenait à la branche des Glé de la Costardaye [Note : Il l'appelle sieur de la Roche-Costardaye].
D'autre part, ce même François Grignart, qui connaissait parfaitement le seigneur de la Roche, lequel était son parrain, nous fait savoir qu'il était en même temps son oncle, mais sans entrer dans plus de détails sur cette parenté.
Il est bien vrai que Courcy dans son Armorial, cite Jean Glé de la Costardaye, vivant en 1513, comme l'époux en premières noces de Jeanne Grignart de Champsavoy ; mais dans une généalogie de la famille Grignart qu'il a fait paraître en 1908 [Note : Mémoires de la Soc. d'Emulation des C.-du-N., t. XLVI, p. 65], M. le Vte H. de la Messelière ne parle pas de cette Jeanne Grignart. Par contre, il indique une Gillette Grignart, sœur de François, l'auteur du Journal précité, laquelle Gillette pourrait bien avoir été l'épouse de François Glé, sieur de la Roche. La chose paraît d'autant plus vraisemblable qu'ainsi que nous le verrons, les Grignart se trouvèrent parmi les plus proches héritiers lors du décès du fils de François Glé.
Quoiqu'il en soit de cette question, elle ne nous renseigne pas sur les liens de parenté qui rattachaient le seigneur de la Roche aux autres membres de la famille des Glé, et en particulier à Bertrand Glé de la Costardaye que nous trouverons tout à l'heure. Au reste, la généalogie des Glé est fort obscure à ses premiers degrés : aussi donnons-nous ci-contre un tableau d'ensemble, qui permettra d'embrasser d'un coup d'œil la succession de la branche des Glé de la Costardaye dans la terre de la Roche.
François Glé succéda à son parent Jean Glé dans son office de sénéchal de Dinan, et ce, d'après Odorici [Note : Odorici : Recherches sur Dinan, 1857, p. 416. Nous croyons qu'Odorici avance un peu trop la date de la prise de possession de François Glé], dès l'année 1545. II remplissait encore ces fonctions lorsqu'il mourut dans sa maison de la Roche en Lancieux, au mois de septembre 1560 [Note : Journal de F. Grignart, p. 42]. Son corps fut ramené à Dinan et inhumé dans l'une des chapelles du chœur de l'église St-Sauveur [Note : Journal de F. Grignart, p. 46], ainsi qu'en témoigne cette note à nous communiquée par M. R. du Guerfiy : « Macé Apuril, sr de l'Isle, fondait à St-Sauveur une chapelle qui joignt d'un côté à celle que dota et fonda defunct noble homme François Glé, en son vivant sieur de la Roche et de Ponthail et seneschal de Dinan » (Petit obituaire de St-Sauveur de Dinan).
A son décès, François Glé laisait un fils appelé Gilles, âgé de sept ans seulement. Il le confia, par testament, en la garde de son parent Jean Grignart de Champsavoy. Mais, nous dit le fils de celui-ci, en son Journal [Note : Journal de F. Grignart, p. 46] : « Le dit enfant Gilles mourut au mois de décembre, chez son oncle, en la maison de Champsavoy, et fut inhumé à Dinan ».
A la mort de Gilles, la seigneurie de la Roche, nous semble-t-il, devait revenir à l'autre fils de Jean Glé, c'est-à-dire à Bertrand, le conseiller au Parlement, dont nous allons parler plus au long tout à l'heure ; cependant « pour certaines conventions faictes ô le sr de la Costardaye, héritier de l'enfant, dont le dit sr de Champsavoy avoit esté garde, » nous voyons que ce dernier jouissait de la terre de la Roche durant les années 1563 et 1564, et son fils" François Grignart, écrit dans son Journal « qu'il fit alors plusieurs séjours au manoir de la Roche, en compagnie de son précepteur, maistre Jean Bougaud ».
III.
BERTRAND GLÉ, CONSEILLER AU PARLEMENT, SEIGNEUR DE LA ROCHE.
[Note : A propos de Bertrand Glé, nous reproduisons une note
dont nous devons à M. le conseiller Saulnier la
gracieuse communication. Ses savantes remarques pourront jeter quelque lumière
sur la généalogie de la famille Glé. « Bertrand Glé, sr de la Costardaye,
est-il le même que Bertrand Glé, sr du Bois-Menard, en Plestan, marié à Ysabeau
Sauvaget, indiqué par Courcy comme auteur d'une branche maintenue noble,
d'ancienne extraction noble, par l'arrêt de la Chambre de Réformation du 22 mai
1670 ? N'y a-t-il pas eu deux Bertrand Glé, l'un marié à Ysabeau Sauvaget,
l'autre à Perronnetle du Pan ? Il n'était pas rare au XVème et au XVIème siècle que
deux frères eussent le même prénom : le même vol. 317 des Dossiers bleus (Bibl.
Nationale) m'a fourni une généalogie de la branche du Bois-Ménard, qui commence à
Jean, sr de Boisménard, (sic) père de Bertrand, sr de Boisménard, époux
d'Isabeau Sauvaget : le nom seigneurial de Boisménard, disparaît au 5ème degré,
remplacé par celui de Lesmée. Je me demande si ce Jean Glé sr de la
Besneraie, par qui commence cette généalogie et dont on ne nomme pas la femme,
ne serait pas plutôt un autre que Jean, fils de Perrot, ci-dessus, cousin ou
frère cadet de celui-ci. Je remarque que Isabeau Sauvaget est indiquée
comme première femme de Bertrand, sr de la Costardaye. S'il en est ainsi, la
branche du Boisménard aurait été la branche aînée, et celle de la Costardaye la
branche cadette et précisément, la première a été des plus obscures et presque
inconnue, et c'est la seconde qui a eu les plus belles terres et la plus
brillante destinée. L'on ne voit pas que les enfants qui seraient du 1er lit
(Isabeau Sauvaget) soient venus en conflit avec ceux du 2ème lit (Perronnelle du
Pan), et le conseiller Bertrand Glé ne prend dans aucun acte (à ma connaissance)
le titre de seigneur du Boisménard, en même temps que de seigneur de la
Costardaye. Il me semble donc, sauf des preuves nouvelles et de mentions
précises, que Bertrand Glé de la Costardaye doit être considéré comme un
personnage séparé de Bertrand Glé, sr du Boisménard. J'ajoute que dans
le sommaire généalogique du Dossier bleu, (emprunté, je le suppose, à l'arrêt de
maintenue du 22 ami 1670,) il n'est pas question d'un 2ème mariage de Bertrand
Glé, sr du Boisménard, avec Perronnelle du Pan, et je suppose que les
représentants de cette branche en 1670 auraient été très empressés de se vanter
d'une origine commune avec les Glé de la Costardaye »].
Jean
Glé, seigneur de la Costardaye, en 1513, se maria deux fois, semble-t-il. Il
aurait épousé d'abord Jeanne Grignart, dont serait né François Glé puis en
secondes noces, Marguerite du Cellier, qui lui aurait donné BERTRAND GLÉ.
Celui-ci devint docteur-ès-lois, puis, comme son père, embrassa la magistrature.
Suivant son contrat de mariage, il aurait été sénéchal de Dinan vers 1550.
Toujours est-il que, d'après M. le conseiller Saulnier, il était conseiller aux
Grands Jours de Bretagne dès 1537. Il occupait en même temps la charge d'alloué
au Présidial de Rennes, lorsqu'il fut pourvu, par lettres du 10 juillet 1554, de
l'office de Conseiller originaire au Parlement de
Bretagne, charge qui venait d'être créée et dans laquelle il fut reçu le 2 août
suivant [Note : F. Saulnier : Le Parlement de Bretagne, 1574-1790 ; p.
430 et 431]. Il jouissait d'assez de réputation comme légiste et fut, en 1575,
l'un des commissaires chargés de procéder à la Réformation de la Coûtume de
Bretagne. (Levot : Biographie Bretonne).
Bertrand Glé mourut le 13 octobre 1581 et fut inhumé le même jour aux Cordeliers de Rennes. Il avait, lors de son trépas, près de cinquante ans de services. C'est à lui qu'on doit d'avoir élevé à Médréac le château de la Costardaye, qui subsiste toujours et appartient maintenant à M. F. Rioust de Largentaye. (Cf. sur Bertrand Glé : Mémoires de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine, V, p. 115 à 117).
IV.
CLAUDE GLÉ, SEIGNEUR DE LA ROCHE, CONSEILLER-CLERC AU PARLEMENT.
Bien qu'on n'ait conservé aucun aveu rendu par Bertrand Glé pour la terre de la Roche, on ne peut douter qu'il n'ait tenu cette seigneurie, après avoir lu la déclaration produite le 7 juin 1583, par Guy Glé, son héritier principal, « pour la maison noble de la Roche, métairie, bois de haute futaye, colombier, garenne, étang, emplacement de moulin et juridiction, le tout provenant de la succession de Bertrand Glé » [Note : Arch. des C.-du-N. E140 et E272. Néanmoins le 6 juin 1586, N. H. Guy Glé se vit assigner pour voir adjuger la saisie de la Roche au profit du duc de Mercoeur, « faute d'avoir rendu aveu et communiqué au soutien ». (Arch. des C.-du-N. E 272)].
Ce dernier, de son mariage avec Perronnelle du Pan, dame du dit lieu, de Bagatz et de Bonespoir [Note : Cette dame était décédée avant le 9 février 1574. (De Pontbriand : Nos Chevaliers de St-Michel, p. 265)], laquelle il avait épousée par contrat du 3 mars 1550 [Note : Nous donnons le texte, jusqu'ici inédit, de ce curieux contrat de mariage, comme pièce justificative, à la fin de ce chapitre], avait en effet laissé cinq enfants. Deux filles, Perronnelle et Marie, un fils appelé Marc, lequel ne vécut pas, Guy que nous avons déjà vu, et CLAUDE, que son frère partagea noblement de la terre de la Roche dont il portait le titre.
Claude se fit d'église, devint prêtre et fut pourvu de l'office de conseiller-clerc au Parlement, par lettres du 26 octobre 1581, au lieu et place de son père décédé. Sa réception est du 10 février 1582. Dès l'année 1599, on le trouve en possession de la commende de l'abbaye augustinienne de N.-D. de Beaulieu, alors en Mégrit, et dont Mathurin Glé, l'un de ses oncles, avait naguère été commandataire aux débuts du XVIème siècle. (Bibl. Nationale : M. F. 22358, f° 42).
Claude Glé prêta serment de fidélité au Roi en qualité de Commendataire, devant la Chambre des Comptes de Nantes, l'an 1600. (D. Taillandier : Hist. de Bret., t. II). Il mourut à Rennes et y fut inhumé le 14 mars 1606 [Note : C. Saulnier, op. cité, p. 431].
M. de l'Hommeau assure, dans son Histoire de Lancieux, que c'est cet ecclésiastique qui lègua à la fabrique de Lancieux, pour servir de presbytère, le bâtiment encore employé à cet usage. Cette habitation, malgré les transformations qu'on lui a fait subir, semble en effet assez ancienne, mais nous n'avons trouvé nulle part trace de cette donation.
V.
GUY GLÉ, CHEVALIER DE St-MICHEL, SEIGNEUR DE LA ROCHE.
A la mort de Claude Glé, la terre de la Roche revint à son frère Guy, seigneur d'Ossé et de la Costardaye, puis vicomte de Médréac [Note : Voir sur les Glé à Médréac : Revue de Bret. et Vendée, « Grandes Seign. de Haute-Bret. », mai 1896] l'an 1610, par suite d'acquêt passé avec les héritiers de Toussaint de Beaumanoir.
Guy Glé épousa à Guenroc [Note : Les Registres paroissiaux de Guenroc, publiés par Pâris-Jallobert, l'appellent Jeanne de Boulle], le 22 janvier 1583, noble dame Jeanne de Bouillé, fille de Gilles et de Françoise de Coëtquen. Ce mariage lui valut d'ajouter à ses possessions les terres de Caver en Yvignac, de Rofemel en Guenroc et de Pierre-Fontaine. Durant les guerres de la Ligue, Guy Glé embrassa le parti du roi et reçut en récompense le collier de St-Michel. Nous ignorons l'année de son décès. En tout cas, il figure encore sur un acte de 1612 [Note : D'après un titre de la seigneurie de Rofemel, conservé aux Arch. des C.-du-N. et reproduit par M. de Carné : Les Chevaliers Bretons de St-Michel, p. 144]. Quant à sa femme, elle trépassa à la Costardaye le 12 avril 1622. Des cinq fils qu'elle avait donnés à son mari, Guillaume, Henry et Guy, moururent en bas âge, les deux qui survécurent vont faire l'objet du paragraphe suivant.
VI.
JEAN GLÉ, BARON DE BÉCHEREL ET SEIGNEUR DE LA ROCHE.
Jean, qui fut seigneur de la Costardaye, et son frère François, qui fut seigneur du Pan [Note : En la paroisse de Brutz], se partagèrent à la mort de Guy Glé l'héritage paternel. Tous deux achetèrent, le 14 février 1626, conjointement avec les seigneurs de la Boüexière et de Bienassis, la baronnie de Bécherel d'avec Henri de la Trémoïlle, baron de Vitré. [Note : Guil. de Corson : Revue de Bret. et Vendée, février 1893, p. 102]
L'an 1627, les acquéreurs se partagèrent la baronnie, dont la plus grande partie, y compris la ville de Bécherel, demeura aux deux frères Glé. En 1629, François Glé prend le titre de baron de Bécherel. Il devait du reste jouir d'assez de considération en Bretagne, car on le trouve en 1619 désigné comme député en cour de la noblesse, lors des Etats de Vannes. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. 2754).
Les mêmes Archives (C. 2950), nous apprennent aussi qu'il reçut à cette occasion 4200 livres pour ses frais de voyage et de représentation. D'autre part, d'Hozier le cite parmi les Chevaliers de ST-Michel ou de l'Ordre du Roi, et ce dès 1616 [Note : de Carné : op. cité, p. 144]. Enfin, les titres de la seigneurie de Rofemel, conservés aux Archives des Côtes-du-Nord, le mentionnent comme faisant partie des gentilshommes ordinaires de la Chambre du Roi. Nous savons qu'il fonda en 1629, dans l'église de Bécherel, une grande messe quotidienne avec diacre et sous-diacre et six chapelains placés sous la présidence du recteur de la paroisse, pour desservir ad turnum cette fondation. (Pouillé de l'archidiocèse de Rennes, op. cité, IV, p. 144).
François Glé, seigneur du Pan, de Caver, de Rofemel et de Beauchesne, ne laissa pas d'enfant de son mariage avec Marguerite de Quistinic, fille et héritière de Julien et de Jeanne du Pargatz, et déjà veuve, avec un fils unique, de Marc de Rosmadec, seigneur du Plessis-Josso [Note : Renseignements fournis par M. le conseiller Saulnier]. A sa mort, arrivée avant 1645, son frère, Jean Glé, lui succéda dans tous ses domaines. Mais nous ignorons s'il possédait déjà la terre de la Roche ou s'il hérita seulement alors de cette seigneurie, pour laquelle il rendait aveu à la cour de Lamballe en 1647 [Note : Arch. des C.-du-N., E. 333].
Cet acte ne manque pas d'intérêt : c'est, en effet, la première fois que nous trouvons la Roche porter le nom de Roche-Glé [Note : Auparavant on l'appelait la Roche-Costardaye]. C'est aussi la première fois que nous voyons mentionné l'emplacement de l'ancien château qui devait naguère exister en ce lieu. Voici du reste le sommaire de cette pièce : « Aveu de Jean Glé, sieur de la Costardaye, pour la maison de la Roche-Glé, jardins, emplacement de chasteau en Lanxieux et Ploubalay, colombier et garenne, le tout contenant 30 journeaux de terre, non compris trois journeaux et demi annexés à la Closture du Demaine. La dixme de la Roche s'étendant aux villages de la Ville es Vitels, de la Ville au Provost et de la Commerays et le bailliage de la Morandais sur lequel est dû 4 livres, 13 deniers, 10 godets de froment et 3 poules, le dit bailliage contenant environ 100 journeaux de terre ».
Jean Glé, déjà vicomte de Médréac, Bagatz (en Guichen) et Ranléon, prit, au décès de son frère, le titre de baron de Bécherel. Il mourut à Guitté le 10 mai 1649, mais c'est à Médréac qu'on l'inhuma, et son cœur fut porté à Bécherel. Ses obsèques furent présidées par l'évêque de Vannes, Charles de Rosmadec, enfant de St-Jouan, « suivi d'un gros clergé. Son décès a été regretté de tout le peuple » [Note : Reg. paroissiaux de Guitté. Edit. Paris-Jallobert]. C'est lui le signataire de la thèse illustrée, signalée par le Comte de Palys dans la Revue Historique de l'Ouest, année 1890, p. 46.
De son mariage avec Marie de Montigny, qu'il avait épousée par contrat du 25 mai 1645, Jean Glé laissa deux filles. L'ainée, MARIE-VINCENTE, ne lui survécut que peu d'années. Elle décéda à Rennes au mois de juillet 1657. Son corps, ramené à Médréac, fut enterré près de son feu père « et il y avait un gros clergé à cette cérémonie, » rapportent les Registres paroissiaux de Guitté.
PIÈCE JUSTIFICATIVES.
Contrat de mariage de Bertrand Glé et de Perronnelle du Pan, avec l'ascendance de celle-ci, du 3 mars 1550.
[Note : Bibl. Nationale, Ms Fr. 22234, f° 271, rt°].
Articles du mariage d'entre
nobles homs Messire BERTRAND GLÉ, seigneur de la Costardaye, Conseiller du Roy
et son alloué de Rennes et Senneschal de Dynan et damoiselle PERRONNELLE DU
PAN, dame du dit lieu, de Bagar, d'Ossé, Connay, Renac, Bonesport, etc., de
laquelle noble homs messire Françoys Brullon, chevalier, seigneur de la Muce,
est curateur et stipullant ce qui ensuilt.
PREMIER
Ledit sieur de
la Costardaye portera les parens de ladite damoiselle comme ses propres frères
et seurs, et, pour commemoracion de ce, les descendans des ditz mariez porteront
le surnom de la dite damoiselle et celuy dudit sieur de la Costardaye, desquelz
deux surnoms s'en fera ung, composé pour perpétuelle conféderation d'alliance et
se nommeront du Pan-Glé pour commémoracion de la dite alliance.
Ledit sieur de la Costardaye n'alliénnera, ne demolira les maisons et héritages de la dite damoiselle : Savoir les maisons du Pan, La Haye, la Massue avecques les juridictions, peschages et autres dépendances et la seigneurie de Bagar, Saint Sanson, la Tringuaudaye, Camerreuc et les juridictions et droitz en dependans ; les maisons et mestaeryes d'Ossé, Connay, moulin des Glannettes, fiez et jurisdictions en dependans ; la mestaerye, fié et juridiction de Montbrillé et autres terres en fiez qui sont du costé paternel du Pan, es quelz le dit Sieur de la Muce seroit et debvroit estre héritier, quant la dite damoiselle yroit de vie à trespas sans hoirs de corps. Pource que le dit sieur de la Muce est filz et héritier principal et noble de feue damoiselle Guillemecte du Pan, qui sœur unique estoit de feu nobles homs Artur du Pan, ayeul de ladite Perronnelle, qui fille est de feu nobles homs François du Pan, qui filz seul estoit dudit Artur, sans le consentement du dit seigneur de la Muce ou après son décès de son filz ou aultre hoir principal et noble dudit Sieur de la Muce ; aultrement ledit sieur de la Costardaye le portera sur le sien ou sur les acquetz qu'il fera, au choays dudit sieur de la Muce ou ses hoirs ; ou aultrement le dit sieur de la Muce ou ses hoirs pourront empescher lesdites aliénnations comme mieulx leur semblera.
Sera faict inventaire des lettres et meubles de la dite damoiselle, dont ledit sieur de la Muce aura ung original en forme, avec obligation sur ledit sieur de la Costardaye de les rendre, en cas que la dite damoiselle yroit de vie à trespas sans hoirs de corps dedans l'an et jour de leur mariage ; et après l'an, de rendre les lettres et enseignementz héréditelz, avecques ce que pourroit compéter audit sieur de la Muce ou ses hoirs pour le droict successif de la dite damoiselle, en cas que la dite damoiselle ysroit de vie à trespas sans hoirs de corps comme dit est.
Item, en cas que ledit sieur de la Costardaye yroit de vie à trespas paravant la dite damoiselle, il veult qu'elle soit endouairée de IIIIm l. (?) de rente sur ses héritaiges qu'il luy constitue dès à présent, dont elle jouira durant sa vie seullement, ou aultrement à la coustume au choays de la dite damoiselle.
Et sera mips ce que dessus en forme, en toute manière ferme, avec submission et prorogacions de quinzaine a nostre Court de Rennes.
Faict et gréé en la demeurance dudit Sieur de la Muce, à Rennes, le tiers jour de mars mil cinq cens cinquante.
Signé : BRULLON, DEMELLON, BERTRAN GLÉ, LEZOT.
CHAPITRE VII.
LES LA BAUME-LE-BLANCQ, SEIGNEURS DE LA ROCHE — ETAT DE LA TERRE DE LA ROCHE EN 1703.
I.
GABRIELLE GLÉ, MARQUISE DE LA VALLIÈRE ET DAME DE LA ROCHE.
A la mort de sa sœur aînée, GABRIELLE GLÉ, sa cadette, hérita de ses titres et de ses biens. Ses vastes domaines lui valurent d'épouser le 12 juin 1663, dans l'église St-Roch de Paris, Jean-François de la Baume-Le-Blancq, marquis de las Vallière et frère de la célèbre duchesse de ce nom, plus fameuse encore par sa pénitence que par ses égarements. Grâce à la faveur dont jouissait sa sœur, Jean-François devint successivement maréchal de camp des Armées du Roy, puis gouverneur et grand Sénéchal du Bourbonnier, tandis que sa femme obtenait en 1674, le titre envié de dame d'honneur de la Reine. C'était, dit Saint-Simon, « une personne de beaucoup d'esprit, gaie, aimable, qui avait de l'intrigue et beaucoup d'amis, et qui, par là, sut se soutenir à la Cour et dans le monde avec beaucoup de considération après la retraite de sa belle-sœur. Elle était devenue infirme et dévote et ne venait presque plus à la Cour, mais toujours quand elle y paraissait, fort recherchée. Le roi qui s'était fort amusé de sa gaieté et de son esprit, la distinguait toutes les fois qu'il la voyait et conserva toujours de l'amitié pour elle ».
Son mari, Jean-François de la Baume-Le-Blancq, mourut à Paris en octobre 1676, à l'âge de 34 ans mais Gabrielle lui survécut de longues années et trépassa à Paris le 23 mai 1707 [Note : Renseignements fournis par M. le conseiller Saulnier]. Elle laissait trois enfants : Charles-François de la Baume-Le-Blancq, marquis, puis duc de la Vallière et pair de France ; MAXIMILIEN-HENRI, chevalier de la Vallière et sous-lieutenant aux Gendarmes Bourguignons, qui fut partagé de la terre de la Roche qu'il ne devait pas conserver. Il mourut sans alliance, avant le 9 décembre 1736, écrit le chanoine Guillotin de Corson ; enfin Marie-Louise-Gabrielle, laquelle épousa, le 31 juillet 1681, César-Auguste de Choiseul du Plessis-Praslin, duc de Choiseul et pair de France [Note : Voir sur Gabrielle Glé et son mari : Dre Crit. d'Hist. et de Biog. de A. Jal. 2e édit., p. 750, et Moreri, t. X, p. 445 ; Journal de Dangeau, XI, 393 ; Mercure de France de Nov.-Déc. 1707, p. 61 à 67 ; Gazette de France, 1707, p. 252].
II.
LA SEIGNEURIE DE LA ROCHE A LA FIN DU XVIIème SIÈCLE.
A l'exception des deux bailliages des Deniers de la Roche et des Froments de la Roche, qui, comme nous l'avons vu, étaient passés de la famille des Ploüer d'abord aux de Launay, puis aux Gouyon de Launay-Comatz, les Glé de la Costardaye, durant les cent cinquante ans qu'ils possédèrent la Roche, parvinrent à redonner à cette terre une partie de l'importance dont elle jouissait au Moyen Age, en réunissant les uns après les autres les divers fiefs qui lui avaient appartenu autrefois. C'est pour eux un mérite qui a bien sa valeur. Et puisque c'est à la fin du XVIIème siècle que la terre de la Roche atteint son apogée, c'est aussi cette époque que nous choisirons pour l'étudier plus en détail.
De la maison même de la Roche, nous ne connaissons que ce que nous en apprend une déclaration fournie le 30 janvier 1692 par messire Charles Regnault, recteur de Lancieux, au nom de haute et puissante dame Gabrielle G!é, marquise de la Vallière et dame d'honneur de la Reine. Ces quelques lignes nous donnent une idée sommaire de ce que pouvait être en ce moment le manoir de la Roche, alors que ses propriétaires, à l'apogée de leur puissance, l'avaient délaissé depuis longtemps et n'y faisaient plus que de rares apparitions. « La dite dame, écrit l'abbé Regnault, possède à Lancieux la maison et métairie de la Roche-Glé, avec jardin et emplacement de chasteau et maison forte, estang, retenue d'eau et abante de moulin à eau, joignant au dit emplacement de chasteau, pourpris, issue, verger et chapelle, au-dessus de la porte de laquelle il y a un grand écusson des armes de la dicte dame, sans que icelle chapelle soit fondée ou desservie, colombier, garenne et bois de décorations, prées, vallée côtière et marais, le tout s'entretenant et joignant la dicte maison. La dite prée séparée par le milieu de la Rivière qui vient du Pont Mauvoisin aux dits estangs et retenue » [Note : Arch. des C.-du-N., E. 272].
Mais si nous sommes mal renseignés sur l'état de la maison de la Roche, laquelle, croyons-nous, devait être peu de chose à cette époque (les bâtiments actuels ayant été construits au siècle suivant par les Daniel et les Péan), nous sommes beaucoup mieux documentés sur la terre de la Roche et les droits et prééminences de ses seigneurs.
D'après un aveu rendu le 25 mars 1712 au duc de Penthièvre, par le comte Guillaume-Dinan du Breil, pour sa châtellenie du Plessis-Balisson [Note : Voir le texte de cet aveu dans notre Histoire de la Châtellenie du Plessis-Balisson, bannière de Bretagne. J. Haize, St-Servan], la Roche-Glé comprenait alors quatre bailliages, situés tant en Lancieux qu'en Ploubalay. Elle possédait aussi droit de haute justice et prééminences aux églises de Lancieux et de Ploubalay.
Du reste, il y avait longtemps que les seigneurs de la Roche se regardaient comme fondateurs et premiers prééminenciers dans l'église de Lancieux. Une preuve irrécusable, c'est la pierre armoriée, ayant une sirène pour support, que l'on a découverte, il y a quelques années, en démolissant l'ancienne église et qui se trouvait derrière le chœur à la place d'honneur, avec l'écusson des Glé en relief [Note : Voir sur les armoiries des Glé : Kerviler, Bio-bibliographie bretonne fascicule 45, p. 185 ; et Revue historique de l'Ouest, 1890, p. 46]. Ce genre de monument, très rare, paraît-il, en Bretagne, nous a écrit M. le vicomte H. de la Messelière, doit remonter, croyons-nous, à la seconde moitié du XVIème siècle.
De même aussi, en renversant la vieille église, on a encore mis à jour les armoiries des Péan de Pontphily qui décoraient les deux côtés de la nef, vers le milieu du XVIIIème siècle, et étaient peintes à même sur les murs du saint lieu.
D'ailleurs, tout ce que nous pourrions dire de la seigneurie de la Roche ne vaudra pas la reproduction des principales parties de l'aveu qui fut rendu en 1703 par la marquise de la Vallière. Nous y verrons décrits tout au long les divers fiefs qui composaient cette seigneurie, ainsi que les droits et prééminences qui y étaient alors attachés.
III.
AVEU RENDU POUR LA SEIGNEURIE DE LA ROCHE AU PLESSIS-BALISSON PAR GABRIELLE GLÉ, MARQUISE DE LA VALLIÈRE, LE 21 JANVIER 1703. (EXTRAITS).
[Note : Arch. des C.-du-N., E 2655].
« Aveu à Guillaume-Dinan du Breil [Note : Les armoiries des du Breil de Rays sont « d'azur au lion morné d'argent »], chevalier, seigneur, comte de Rays, par haute et puissante dame Gabrielle Glé, marquise de la Vallière, veuve de feu haut et puissant seigneur, messire Jean-François de la Baume-le-Blancq, chevalier, seigneur, marquis de la Vallière, gouverneur et lieutenant-général pour le Roy en la province du Bourbonnier et grand Sénéchal au dit pays ; dame du Palais de la Reine, comtesse de la Costardaye et de Médréac, baronne de Bécherel, chastelaine de Bagatz, Ranléon, Cavert, la Roche-Glé et autres lieux.
Pour un fief et bailliage nommé le bailliage de LA MÉTRIE, ayant court en Lanxieu, dépendant de la terre et seigneurie de la Roche-Glé, appartenant à la dite dame de la Vallière, qui se monte par deniers à 19 sols oboles, dus au terme St-Gilles, foire à Dinan, et par froment, de pris, cueillis et levés, mesure et apprécis du Plessis-Balisson, au terme de Noël, 6 boisseaux, 6 godets et 1/2, froment de vente, et contient le fond des maisons et terres tenues sous le dit fief et bailliage, environ 40 journeaux.
Auxquels sont hommes et teneurs :
René-Olivier Jannaye et Jacquemine Besnard, son épouse ; Françoise Besnard ; Jacques Olivier ; Michel Beaulieu ; François Besnard, sr de la Vigne ; Pierre Juhel ; René Regnault ; Bertrand Benoît ; Françoise Gallais ; Simon Trouillon ; François Le Prévost ; René Ruaux ; François Galais ; Claude Bruand ; Renée Levesque, veuve Jacques Besnard ».
« Autre fief et bailliage ayant court en la paroisse de Ploubalay, nommé le bailliage de LARGENTAYE, montant par deniers dus au terme St-Gilles, 78 sols, 10 deniers, et par froment, 14 boisseaux,. 4 godets et une poulle dus au terme de Noël.
Sous lequel fief, il y a environ 200 journeaux de terre s'étendant aux environs de la Ville-Asselin, de la Ville-ès-Vittels, de la Commerière, du dit bourg de Ploubalay et du village de la Gicquelais.
Auxquels sont hommes et teneurs :
escuyer Paul Gouyon, sr de la Ravillais pour 3 pièces de terre ; les héritiers d'escuyer Claude Le Roy et sa femme, sr et dame de la Rochardaye (sic), pour le lieu, maison et manoir noble de la VILLE ES VITTELS, consistant en une salle basse, cuisine au bout, chambre haute au dessus, cellier, chambre et garde-robes en façon de tourelle, couverts d'ardoises, de. 63 pieds de long sur 23 de laise, au-dedant de laquelle, au bas de la cour, il y a une chambre, une montée pour y monter ; au coin, vers le soleil levant, un cul de lampe dans lequel il y a un cabinet et au dessus de la chambre, un grenier, et au dessous un tour de pressoir en pierres de taille, ....... divers autres bâtiments..... et un jardin vers soleil levant, fermé de murailles et mesurant 54 cordes, et
La métairie de la Ville-es-Vittels, ainsi que diverses autres pièces de terre ; Delle Françoise Le Doz, dame de Pontville, pour 4 journaux ; dlle Elisabeth Labbé, dame de Pival, pour 5 journaux de terre et le bois de la Coudrette avec taillis et vallées.
Les enfants mineurs de feu Allain Besnard, sr de l'Espine, pour une maison sise à la Pastenaye ; Guy de la Boüexière, sr de la Motte, pour les champs des Ville-Billy ; Hiesrôme Besnard, sr des Bas-Courtus ; Jacques Lemasson, fils François, pour une maison à la Pastenaye ;
Messire Jean Savary, pour plusieurs pièces, entre autres celle de la Tourelle, dans laquelle il y a une masse de moulin, joignant d'un bout le chemin du dit Ploubalay à Drouet, d'autre la rabinne de Belestre .et le chemin qui va de la Croix de Brenan à Belestre.
Ecuyer Adrien de la Guerrande, sr de la Gourdouère, comme acquéreur de la maison et métairie de la Motte-Glais, relève du prédit bailliage de l'Argentaie pour plusieurs pièces de terre ».
« Un autre fief et bailliage appelé LA DUCHÉ, ayant cours en la paroisse de Ploubalay, aux environs du bourg de Ploubalay, la maison de Bellestre et le village des Saudrais, montant par deniers chaque an, à la St-Gilles, 12 livres, 5 sous, 1 denier monnoie, et par froment, apprécis du Plessis-Balisson, trois mines, 4 boisseaux, dix godets et un chapon.
Contenant environ deux cents journaux de terre, auxquels sont hommes qui doivent les dites rentes, chacun pour son respect :
escuyer Paul Gouyon, seigneur de la Ravillaye, pour la maison noble de BELLESTRE, consistant en un corps de logements couverts de pierre, fuye et retraite à pigeons, salle, chambre, grenier, cellier, grange, écurie, pressoir, étable, four à pain et cour fermante et close de murs ; avec la maison ancienne et ses dépendances présentement appelée la métairie de Belestre, à l'orient de la dite maison, cour au devant de la dite métairie, le tout s'entrenant et contenant ensemble, y compris les rabines, vergers, garaines, bois de haute futaie, prairies et héritages cy-après, en grand 72 journaux et demy et 11 cordes environ.
Dont parmi, l'emplacement du nombre de 13 salines, avec leurs grèves et marest, chacune de deux journaux, situées sur le marais de Drouet, le tout des dites grèves s'entrejoignant ;
Ecuyer François de la Vigne et dlle Anne de la Boüexière, sr et dame de la Villetual, pour un petit courtil ;
Ecuyer Jean de Pontual, sieur de la Croix, pour une maison avec chambre haute sise au village des Saudrais et 13 pièces de terre ;
Charles du Vaumeloizel, pour le champ au Médrisson.
Les héritiers de dlle Françoise de Pontual, dame du Grand-Pré, pour une pièce de terre.
Au marais de Ste-Blanche, il y a 3 aplacements de salines, nommées salines de Ste-Blanche, dont deux font encore du sel, appartenant à Louis Ohier, Jullien Dagorne et Jean Grossetête, qui toutes s'entrejoignent, et bordent aux Marests Salé, et vers le soleil levant aux autres salines, grèves et mondins cy devant dependant de la dite seigneurie, et contiennent les 3 salines 12 journaux de terre relevant de la seigneurie de la Roche ».
« Autre fief et bailliage nommé LA FARDELAYE, ayant cours en la paroisse de Ploubalay, s'étendant sur 60 journaux de terre enclavés et joignant les autres fiefs dépendant de la Roche et du Plessis-Balisson, se montant de rente par deniers chaque an à 4 livres monnaie et par froment trois mines et 6 poules, dont est homme et sujet :
Paul Gouyon, seigneur de ta Ravillaye, pour 3 pièces de terre,
François Besnard, sieur de la Vigne, pour une pièce de terre,
Les héritiers du sr de la Fayette-Bernard, pour une grange au lieu de Brenan, longue de 51 pieds,
François Lemasson, pour 60 cordes de terre,
Plus la dite dame de la Vallière confesse tenir prochement et noblement du dit seigneur, à foy, hommage et sans devoir de rachapt :
une quantité de terre au Demaine des environs du dit lieu de la Roche, du costé du village de la Mettrie, contenant 3 journaux et demi de terre, enclos dans la closture de murailles qui ferme le dit Demaine et le dit village de la Mettrie.
item, une pièce de terre en pré sallé de la Roche, contenant environ 12 jx, joignant d'un côté au Marais Sallé et d'un bout aux digues de St-Jacut.
Plus la métairie de la Duché, noë, issue avec jardin, prés, allées, terres arables et non arables contenant environ 30 journaux de terre ».
« Plus un autre fief et bailliage appelé du TERTRE-MEMBOURG, ayant cours en la paroisse de Lancieux et s'étendant sur 150 journaux sis aux villages de la Chaponnais, la Ville-es-Collet et le bourg de Lancieux, se montant chaque an de rente par deniers à 50 sols, 4 deniers, et par froment à huit boisseaux, 5 godets, auquel sont hommes et sujets :
Dame Janne du Breil, dame de St-Aubin et de la Touche de Rest, pour une maison couverte en glé, nommé Breniguet, avec un jardin au pignon, et une pièce de terre au devant les petits clos de Rests, contenant 2 journaux le pré des Clos de Rests ; les grands clos de Rests contenant 3 jx ; le pré de Rests, contenant 2 journaux ; plus une quantité de terre au quartier de l'Hermot, appelée L'Isle de Lancieux, joignant et tout entourée par la grande mer, contenant environ 5 journaux en terre arable et non arable, avec une pescherie de pierre au dessous dans la mer, faisant face au Midi au costé de la paroisse de Lancieux.
Les Douets, d'environ 4 journaux de terre.
Messire Charles Regnault, pour une muraille et emplacement de maison au village de la Chaponnais ;
Mre Jean
Hily, sr des Prés, pour une maison à la Ville-es-Collet ; les enfants de Julien
Rouaux ; Mre François Besnard, sr de la Vigne ; les enfants de Jacques Trouillon, une
maison à la Chaponnais ; les enfants de Macé Bourdic ; Rolland le Couturier ; Jean
Dagorne ; Michelle James ; les héritiers de Guillaume Beaulieu ; Jean Pinson, une
maison au bourg de Lancieux ; Jean Bruère ; Pierre Ohier ; Jean Sanson, une maison à
la Chaponnais, où il y a un four à cuire le pain ; les enfants de Pierre Gasdon,
une maison au bourg de Lancieux, 11 pièces de terre et une saline sur la rivière
du Frémur, appelée la Saline Trouillon ; Marc Berest ; Julien Berest ; Jean Beaulieu
; Charles du Vaumeloizel ; René Ruaut ; Jean Joullain ; René Trouillon ; Jean Lhostelier
; les enfants d'Olivier Lebigot ; les héritiers de François Collet, une maison au
bourg ; Etienne Rouau, une maison à la Chaponnais ; Jean Marsin, une maison au
bourg ; Mathurin Gallais ; Etienne Gallais ; Julien Besnard, une maison à la
Chaponnais ; Etienne Besnard ; Jacques Hervy ; Françoise Levesque ; Pierre Juhel, une
maison à la Ville-Colet ; Etienne Allain, une maison à la Chaponnais ; Jacques
d'Anlos ; René Regnault, une maison à la Ville-Colet ; Bertrand Dagorne ; Jean Ohier ;
Pierre Marabœuf ; Jean Brejeon ; Jean Le Métayer ; Charlotte du Vaumeloizel ; Louise
Regnaud ; Françoise Allain ; René Hervy, une maison à la Chaponnais ; Thomas Martin
; Pierre Burel ; les enfants Julien Gahary ; Jeanne Hily ; François Berest ; Jacques
Trouillon ; le sr Jean de la Pause est dit faire rebâtir une maison qu'il possède
au Bouillon ; Jean le Bigot ; Pierre Savary, une maison à la Ville-Colet ; Jean
Bugault, une maison au village de la Chaponnais ; Yvonne Marabœuf, une maison au
bourg de Lancieux ; Bertrand Besnard, des masures à la Ville-es-Collet
; Christophle Pierre ; les enfants d'Ambroise Regnault ; Jeanne Trouillon ; Pierre Le
Chapt ; Guy Besnard ; Françoise le Bigot ; François Bugault ; Olivier Collet ; Simon
Trouillon, une maison à la Chaponnais, une autre à la Villemorel, quantité de
terre et applacement de maison au Tertre de la Roche, avec jardin, mesière
[Note : Mesière et mieux maisière : murs de maison],
nommées les Aires du Tertre, contenant 43 cordes ; Julien Bias ; Jean Martin des
Noés et Jeanne Bias, sa femme ; Jean Hilly ».
« Plus un autre fief et
bailliage ayant cours en Ploubalay, appelé le FIEF COMMUN, lequel est en
communauté entre la dite seigneurie à cause de la seigneurie de la Juridiction
de la Motte-Glé et écuyer Jean Nault, sieur de la Villyroas, et Yves Michel
; lequel vaut à chacun de rente, à la dite dame de la Vallière 19 sols, 11 deniers
aux termes St-Gilles, et par froment en espèce dubs au terme de St-Michel en
septembre, à la maison du Plessis-Balisson, 4 boisseaux et, par avoine menue,
deux boisseaux six godets ; lequel fief s'étend environ sur 25 journaux de
terre.
Plus deux tourelles et emplacements de moulin ruinés, l'un près la maison de la Ville-Asselin, l'autre appelée la tourelle de Largentaie, étant sur un tertre qui joint au chemin qui conduit d'un bout, de Ploubalay à la Ville-Asselin et de l'autre au tertre Jouaslin, près et environ joignant le chemin qui conduit du dit lieu de la Roche au lieu et manoir du Pontbriand ».
« Et pour cause
desquelles choses ci-dessus déclarées, qui sont dépendantes de la maison, manoir
et emplacement de chasteau et maison forte de la Roche, chapelle, colombier
garennes, prés, prairies, dixmes, et aux fiefs qui en dépendent es paroisses de
Lancieux et de Ploubalay et qui relèvent d'autres seigneuries, la dite dame a
tout ferme droit de Juridiction, Haute, Basse et Moyenne, sceaux, confection
d'inventaires, création d'officiers et tous autres droits appartenant aux hautes, basses et moyennes
justices et prééminences es dites paroisses de Lancieux et Ploubalay et
reconnoit devoir, sur le bailliage de la Fardelaye, au dit seigneur du
Plessis-Balisson trois sols qui se payent par la main du sergent bailliager
chacun an institué au bailliage ».
(A. Lemasson).
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