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LE MARECHAL DUC DE LA MEILLERAYE |
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Un des hommes de guerre dont la partie du Poitou formant le département des Deux-Sèvres doit tirer le plus d'orgueil, est sans contredit le maréchal de La Meilleraye.
Charles de La Porte était d'une famille de la Gâtine, à position sociale peu élevée, et qui vivait ignorée au manoir, alors orné d'une seule tourelle, qu’on appelait la Meilleraye [Note : Le château de la Meilleraye appartenait, en 1403, à la maison de Liniers, l'une des plus anciennes du Poitou ; et en 1564, à Marguerite de Chaillé, veuve de Louis de Maraffin]. C’était une haute justice placée tout au plus à deux lieues de l'historique château de Parthenay, possédé durant des siècles par les Parthenay-l'Archevêque, dont l'origine se perd dans la nuit des temps ; pendant quelques années, par le connétable de Richement, et ensuite par le valeureux bâtard d'Orléans et sa descendance. Mais, doué de grands moyens, et facilité par une protection toute-puissante, le possesseur de cette humble habitation, finit par arriver, à l'aide de beaux faits d’armes, à l'apogée de la grandeur militaire. Sans doute il y eut là quelque peu de faveur ; mais elle se fixa sur le mérite, tandis que trop souvent la faveur s'attache à la médiocrité. |
On a dit que La Meilleraye était le petit-fils d’un apothicaire de Parthenay, et la Biographie universelle l'a répété. Il est positif qu’il eut pour aïeul paternel François de La Porte, seigneur de la Lunardière, qui, parti de Parthenay pour aller étudier à Paris, y devint l'oracle du barreau. Ce fut lui qui, en qualité de bâtonnier de l'ordre des avocats, adressa la parole à Christophe de Thou, pour se plaindre de la manière dont ce premier président avait traité à l'audience l'illustre du Moulin, qui, savant au dernier point, rendait ses pensées avec beaucoup de difficulté [Note : François de La Porte, alors bâtonnier des avocats au parlement de Paris, fut en effet chargé, par son ordre, de demander une réparation au premier président, Christophe de Thou pour une interruption, avec des paroles peu obligeantes, dans une plaidoirie où Charles du Moulin avait été diffus au dernier point. De Thou, qui rendit sans doute ainsi un témoignage au prodigieux savoir de l'avocat qu’il avait interrompu, parvint à satisfaire la susceptibilité du barreau. On peut cependant douter que La Porte, en adressant la parole au chef de la première cour de justice du royaume, ait été jusqu’à lui dire, ainsi que le prétend Papyre Masson, dans l'Eloge historique de Dumoulin, qu'il avait insulté, dans ce jurisconsulte, quelqu'un qui en savait plus qu'il n'en saurait jamais : Cum hodie Molinoeum collegam verbo loeseris quid abs le factum putes ? Loesisti hominem doctiorem quam unquam eris].
Le père du personnage qui nous occupe aujourd'hui fut Charles de La Porte, premier du nom, qui devint possesseur de la terre de la Meilleraye, vers l'an 1600 [Note : Le premier acte de la collection de dom Fonteneau, relatif à Charles de La Porte, premier du nom, est du 24 mars 1602 ; et cet individu est qualifié de seigneur du Châtel de la Mesleraye, de la Lunardière et de la Flocelière-Sainte-Vierge ; cette dernière terre était située à Sainte-Verge, près de Thouars], et épousa Claude de Champlais, d'une famille noble de l'Anjou. Mais le père de ce Charles de la Porte, le célèbre avocat au parlement, avait eu d'un premier mariage [Note : Ce mariage eut lieu en mai 1548] avec Claude Bochard, fille d'Antoine, seigneur de Farenvilliers, et conseiller au parlement de Paris, une seule fille, Suzanne de La Porte, qui, par son mariage avec François Duplessis-Richelieu, devint la mère du célèbre cardinal de Richelieu. Ainsi, ce fut d’un second mariage avec Madeleine Charles, fille du seigneur du Plessis-Piquet (contracté en 1549), que sortit le premier Charles de La Porte, et aussi, son frère germain, Amador de La Porte , qui entra dans l'ordre de Malte, et y parvint aux plus hautes dignités [Note : Les preuves pour l'entrée dans l'ordre de Malte, étaient plus faciles, dans les temps anciens, qu’aux époques plus rapprochées de nous. Dans le principe, on établissait la noblesse de ses ancêtres par des certificats et des déclarations ; et l'on sait que ces actes sont souvent le fruit de la complaisance. Or, plus tard, pour les réception, on ne s'arrêtera qu'aux actes authentiques et aux aux autres titres de famille].
On le voit des lors, Charles de La Porte, deuxième du nom, dont il est question ici, était cousin germain du cardinal de Richelieu. Mais le tout-puissant ministre, beaucoup plus âgé que La Meilleraye [Note : Le cardinal Richelieu naquit le 5 septembre 1585, et la naissance de Charles de La Porte ne date que de 1601 et 1602. Il se trouve donc une différence d'âge de quatorze ou quinze ans entre les deux cousins germains. Cette différence est très grande, surtout dans la jeunesse], ne vit en lui qu’une espèce de fils d’adoption, qu’un neveu. il le traita en effet comme tel, et aussi les écrivains du temps parlent du faible que le despote couvert de la pourpre romaine avait pour son jeune parent.
Ici se présentent des questions qui, un demi-siècle en arrière de nous, auraient été d’une grande importance, et qui, au temps où nous vivons, sont à peu près sans intérêt, au moins pour le plus grand nombre. La famille de La Porte, dont le maréchal de la Meilleraye commença l'illustration, était-elle ou non une branche de l'antique maison de la Porte-Vezins en Anjou [Note : On trouve les La Porte de La Meilleraye que les mêmes armes que les La Porte-Vezins : de gueules, à un croissant d’argent, chargé de trois mouchetures d'hermine ; mais ce fait ne prouve rien, parce qu'autre fois une famille nouvelle et riche usurpait les armoiries d'une famille ancienne et pauvre, à qui elle était de quelque utilité. Aussi, si des La Meilleraye se placèrent dans cette position, ils cherchèrent à se l'assurer, en reconnaissant comme parents des gentilshommes de la Gâtine placés dans une position difficile, les seigneurs de la Renbourgère et de Villeneuve, qui, dans l’opinion publique descendait de la maison de la Vezin], dont un des membres [Note : Suivant Joseph Aubert de Parthenay, dans son Discours généalogique des seigneurs qui ont possédé Parthenay, ce fut Raoul de la Porte, seigneur de la Lunardière, qui vint pour commander à Parthnay, en 1530 ; et marié avec Madeleine Chapelay, fille du seigneur du château de Perdoudale, aujourd'hui Chalendeau près de Parthenay, il aurait eu de cette union François de la Porte, célèbre comme avocat, et à qui, dans la généalogie des seigneurs de la Meilleraye, on se garde bien de donner ce titre] aurait été placé, prétendait-on, par le duc de Longueville, en 1530, pour commander à Parthenay, dans la Gâtine, à Vouvent et à Mervent ?. Un modeste pharmacien de Parthenay était-il, au contraire, un des aïeux du brave natif de la Gâtine du Poitou, qui fut jugé digne par son roi et par ses compagnons d'armes de recevoir le bâton de maréchal sur la tranchée d'Hesdin ? Jadis, une telle origine, seulement présumée, aurait fait rougir un général d'armée, et surtout un courtisan. Mais, comme on l'a dit, les temps sont changés, et, sans que le prestige légitime attaché aux races historiques soit détruit, on tient généralement compte, sans distinction d'opinions politiques, à Masséna et à Cathelineau d’être arrivés d'un point de départ peu élevé, au plus haut degré de l'échelle du commandement. |
Charles de La Porte, né en 1601 ou 1602, fut d'abord élevé dans les principes de la réforme, qu'il abandonna par la suite. Entré de bonne heure dans le service militaire, il eut pour guide son oncle, Amador de La Porte.
Les premières années de La Meilleraye nous échappent mais en 1628, nous le trouvons déjà arrivé au grade de colonel, et employé avec son régiment au siège de la Rochelle. Cantonné près du fort de la Fond, ce régiment était exposé aux sorties fréquentes des assiégés. A une de ces escarmouches, un combat singulier, à l'épée et au pistolet, s'engagea. entre La Meilleraye et La Cottencière-Bessay [Note : La famille de Bessay existe encore en bas Poitou y et possède la terre qui lui a donné son nom, terre dont elle jouit depuis le XIIème siècle, sauf une légère interruption qui eut lieu dans le XVIIIème siècle dernier. On prétend assez généralement que cette famille est une branche de la maison de Lusignan, dont un cadet épousa l'héritière de la terre de Bessay, à charge d’en prendre le nom. Le château de Bessay est aussi un de ceux dont la construction est attribuée à la Merlusine, être moitié femme et moitié poisson. Jonas et Giron de Bessay ont beaucoup marqué dans les guerres de religion. La terre de la Cottencière, que possédait le Bessay dont il est question ici, se trouvait à très peu de distance du château de la Roche-sur-Yon, autrefois la Roche-sur-Oyon, Rochasuper-Oyon], gentilhomme du Bas-Poitou, réfugié à la Rochelle. On ne sait pas précisément ce qui entraîna l'engagement ; mais il fut prémédité à l'avance. D'après un auteur (Mémoires de Bassompierre), La Cottencière provoqua La Meilleraye. Suivant d'autres écrivains (Mémoires de Tallemant des Réaux. — Mémoires du cardinal de Richelieu), la provocation fut en sens contraire, et le royaliste présenta le défi au protestant, avec les circonstances qu'on va indiquer La Meilleraye, qu'on représente comme brave y fanfaron et même violent, aurait envoyé un trompette en ville, pour savoir qui voudrait faire le coup de pistolet avec lui. Ce messager plus avancé, La Cottencière, qui se serait trouvé là, aurait accepté aussitôt le défi.
Toujours est-il que les deux champions, rendus à cheval sûr, le terrain, quittèrent leurs vêtements et ne gardèrent que leurs pourpoints. Le protestant eut l'avantage de tirer le premier, mais son arme ne partit point. Mieux pourvu, La Meilleraye tira deux coups de pistolet sans toucher La Cottencière y et fit un détour pour le prendre par derrière. En ce moment, le dernier qui avait encore un de ses pistolets chargé, le tira et blessa à mort le cheval du colonel, qui s'abattit sous son maître. Cet événement donna tout l'avantage à l'officier protestant, qui en usa noblement envers son adversaire ; car au lieu de le combattre, il se porta à son secours. De là naquit entre les deux acteurs de ce combat un durable attachement.
Mais, à cette époque, les duels étaient sévèrement défendus, et l'on ne put voir dans cette rencontre un simple fait de guerre. Aussi, La Meilleraye fut traduit devant un conseil de guerre, qui le condamna à la dégradation. Mais cet officier supérieur, parce qu'il était proche parent du cardinal, obtint aisément sa grâce ; et lorsqu'on avait vu peu avant [Note : Peu auparavant, le 22 juin 1627, François de Montmorency-Bouteville et Rosmadec, son cousin, avaient été exécutés à Paris, sur la place de Grève, pour s'être battus en duel] un Montmorency et un noble Breton du premier rang perdre la tête sut un échafaud, pour s’être battus en combat singulier. La Meilleraye, au contraire, reprenait le commandement de son régiment, un mois après la décision qui l'avait déclaré indigne de servir à l'avenir dans les armées françaises. Etait-ce la de la justice ?.
On était encore au commencement du mémorable siège de la Rochelle quand les assiégeants essayèrent de détourner les sources qui abreuvaient la ville. Le 11 avril 1628, on s'aperçut que la fontaine du Pilori commençait à baisser, et le maire Guiton, celui qui a donné tant de célébrité à son nom, envoya un corps de cavalerie vers le champ de Mars, pour disperser les pionniers des assiégeants, qu'on croyait occupés à rompre les canaux de la Fond. Sur cela, le maréchal de Bassompierre détacha quelques cavaliers de sa garde pour observer ; et bientôt, des deux côtés, on envoya de l'infanterie. Alors, sur l'ordre du maréchal, La Meilleraye se porta en avant avec cinquante mousquetaire de son régiment, pour couper la retraite des Rochelais. La présence de ces forces opposées occasionna un combat sanglant ; mais après quelques heures, les soldats de La Meilleraye, n'ayant plus de munitions, firent retraite, tandis que leur colonel, qui tenait toujours bon, restait exposé au feu des ennemis. Ce brave allait être entouré et obligé de se rendre, quand Bassompierre lui-même arrive à son secours. Alors les combattants se retirèrent chacun de leur côté et en bon ordre (Mémoires de Bassompierre).
Charles de La Porte eut ensuite a combattre l'étranger, et il survit dans les guerres de Piémont, de 1629, entreprises par Louis XIII, dans un hiver rigoureux. Le 6 mars, il se fit remarquer à l'attaque du Pas-de-Suze [Note : Le combat du. Pas-de-Suze a fait le sujet d'un tableau commandé par le cardinal de Richelieu, et qui se trouve au Musée historique de Versailles], sous les yeux du monarque, qui chassa le duc de Savoie de cette position, défendue par trois barricades. L'année suivante, La Meilleraye se distingua encore au combat de Carignan.
Ce fut aussi vers cette époque que Charles de La Porte contracta une alliance conforme au point élevé où il avait su se placer. Il épousa, en 1630, Marie Ruzé, fille d'Antoine Ruzé, marquis d'Effiat, maréchale de France. Il naquit bientôt un fils de cette union, Armand-Charles de La Porte, qui devint, par son mariage, duc de Mazarin.
La Meilleraye retourna ensuite en Aunis, et il y était lors de la reddition de la Rochelle. Alors le cardinal de Richelieu, sentant la haute importance de la place, se fit donner, par lettres-patentes, le titre de lieutenant-général du roi au gouvernement de la Rochelle, pays d'Aunis, Brouage et îles adjacentes. Mais, occupé au loin et plus en grand, il plaça, pour le représenter dans ce gouvernement, son oncle, Amador de La Porte, bailli de Morée, élevé à la dignité de grand-prieur de France, et chargé du poste d'ambassadeur de l'ordre de Malte en France. Amador de La Porte avait été nommé gouverneur d'Angers en 1619, du Havre-de-Grâce en 1626 ; et, homme doux et conciliant, il était parvenu à se faire armer précédemment des peuples qu'il avait été appelé à administrer, et il en fut de même en Aunis [Note : « C'était un homme de bien et un homme d'honneur. Je l'ai vu fort aimé à la Rochelle, dont il était gouverneur, avec le pays d'Aunis, Brouage et les îles. Depuis sa mort, la religion de Malte a démembré le grand-prieur, à cause qu'il n'était plus que pour des princes et des gens de la faveurs » (Mémoires de Tallement des Réaux)]. On sent qu'Amador de La Porte exerçant toute l'autorité dans cette contrée, La Meilleraye, son neveu, dut y jouer un grand rôle. Nous en trouvons une preuve lors de l'entrée d'Anne d'Autriche à la Rochelle, le 19 novembre 1632, époque où Amador de La Porte mit tout en oeuvre pour bien faire les honneurs de son gouvernement à la reine. Ce fut le régiment de son neveu qu'il employa pour servir d'escorte à cette princesse, et la Meilleraye fut la recevoir en avant de Tasdon. A la barrière de Saint-Nicolas, le grand-prieur, assisté de son neveu, présenta à Anne d'Autriche les clefs des tours de Saint-Nicolas, de la Chaîne et de la Lanterne. De plus, il avait en main un marteau, comme pour faire comprendre à la reine qu’elle n'avait qu’à dire un mot, et qu'elle verrait tomber à ses pieds les débris de ces fortifications.
La reine entendit un Te Deum dans l'église, de Sainte-Marguerite, et fut ensuite, conduite par les deux de La Porte, l'oncle elle neveu, à l'hôtel qui était préparé pour elle. Le soir, un souper splendide lui fut offert, au gouvernement, par le grand-prieur, qui en fit les honneurs avec La Meilleraye. « L’eau, la terre et la mer, dit quelqu’un qui assista à cette fête, y concertaient à l’envi toutes les raretés du monde, et faisaient de ce beau chaos l'image de la création. Les monstres marins, les bêtes des déserts et les oiseaux les plus inconnus étaient venus en foule adorer leur nouvelle reine, et, par hommage, à mesure qu’elle mangeait, lui baiser la bouche et les mains ». Le lendemain, il y eut des feux d'artifice, des joutes sur l'eau, et des danses. Les fêtes furent beaucoup du goût de la cour et d'Anne d'Autriche, qui prolongea son séjour à la Rochelle. Touchée de cet accueil gracieux, elle obtint du roi la mainlevée du séquestre des biens de la commune. C'était ce que l'oncle et le neveu de La Porte avaient sollicité, et les Rochelais leur en eurent une vive reconnaissance.
La Meilleraye avait aidé puissamment son oncle le grand-prieur a faire les honneurs de son gouvernement de l'Aunis. En reconnaissance, il fut lui-même élevé au grade d'officier général, et nommé, toujours dans l'année 1632, lieutenant pour le roi en Bretagne, capitaine et gouverneur des ville et château de Nantes et tour de Pirmil. Par ces mots, on entendait le gouvernement de Nantes et du comté Nantais.
La Meilleraye n’eut pas le bonheur de conserver longtemps la compagne qu'il s’était choisie. Marie Ruzé d'Effiat mourut le 22 août 1633, âgée seulement de 20 ans.
Charles de La Porte, alors qualifié de marquis de La Meilleraye, reçut, à la promotion de cette même année, le collier de l'ordre du Saint-Esprit.
En 1634, Louis XIII se décida a faire la guerre au duc de Lorraine, et il entra avec une armée dans ses états.
A la suite du siège de la Mothe, place située dans cette province même où La Meilleraye avait donné de nouvelles preuves de courage, et surtout montré une grande capacité, il fut nommé à un emploi qu'il ne dut néanmoins, on peut l'assurer, qu'à la faveur qui s'attachait aux proches parents du cardinal de Richelieu. Charles de La Porte obtint le poste que Sully avait rempli après les services les plus signalés ; en un mot, il devint grand-maître de l'artillerie.
Ce fut en cette qualité qu’il servit dans les guerres du comte de Bourgogne et des Pays-Bas. Il concourut notamment au gain de la bataille d'Avein [Note : Le musée de Versailles a encore le tableau commandé par le cardinal de Richelieu pour conserver le souvenir de la bataille d'Avein. La notice du musée rappelle, avec raison, que ce fut dans cette guerre que se formèrent les plus grands capitaines de l'époque. La France avait alors quatre armées sur pied], où les maréchaux de Châtillon et de Brézé défirent l'armée espagnole commandée par le prince Thomas de Savoie, qui voulait empêcher les troupes françaises de joindre celles des Etats généraux. Ces troupes réunies forcèrent Tillemont, s'emparèrent de Diest et d'Arschot, et vinrent investir Louvain, dont La Meilleraye commanda le siège ; mais les troupes françaises furent obligées de lever ce même siège, le 5 juillet 1635.
Le grand-maître de l'artillerie dirigea encore en personne le siège de Dôle, en Franche-Comté.
Resté veuf bien jeune et avec un seul enfant, La Meilleraye se remaria, en mai 1637, avec Marie de Cossé, fille de François de Cossé, duc de Brissac.
Une année française se porta en Flandre, et y agissait en 1639, sous Louis XIII lui-même, et commandée par le maréchal de Châtillon. Dans une telle position, la présence du grand-maître de l'artillerie était inévitable. Celui-ci se distingua particulièrement au siège d'Hesdin, place qui se rendit le 30 juin, et il obtint sur la brèche le bâton de maréchal de France [Note : On trouve au cabinet des estampes de la bibliothèque du Roi, carton 22, un dessin qui représente le Roi donnant à la Meilleraye le bâton de maréchal, sur les murs d'Hesdin. Il y a aussi une autre estampe intitulée : L’espagnole à l'apothicaire, sur la prise d'Hesdin. On voit que c’est une raillerie et on en connaît déjà la portée]. On a dit encore que Charles de La Porte, et à cette occasion on rechercha quelle était sa famille, n’avait dû cet avancement si marqué qu'au grand attachement que lui portait son parent le cardinal premier ministre. Mais on a pu depuis s’en convaincre, le militaire ainsi distingué avait rendu des services signalés, et il était d'une haute capacité. Bien d’autres ont obtenu le bâton de commandement sans l'avoir aussi bien gagné.
La manière dont La Meilleraye fut pourvu de celle nouvelle dignité mérite d'être mentionnée ici. Louis XIII prit sa canne, et la présentant au récipiendaire, il lui dit : « Je vous fais maréchal de France. Voilà le bâton que je vous en donne : les services que vous m’avez rendus m’obligent à cela. Vous continuerez à me bien servir ». Le natif de la Gâtine voulut s’excuser : « Trêve de compliments, lui dit le roi ; je n’ai jamais fait un maréchal de meilleur coeur que vous » (Voir Dictionnaire portatif des faits et dits mémorables de l'histoire). Devenu à la fois maréchal de France et grand-maître de l'artillerie, La Meilleraye défit, le 2 août 1639, les troupes du marquis de Fuentès, et, dans le cours de la même année, força le château de Ruminghen, en Flandre, à capituler, et le rasa ensuite.
L’année suivante (Voir Annales belges, p. 406), au mois de juin, le maréchal de La Meilleraye reçût l'ordre d’aller rejoindre les maréchaux de Châtillon et de Chaunes, afin d'entreprendre le siège d'Arras [Note : Le musée de Versailles a un tableau qui, pour le siège d'Arras, représente l'investissement de la place], qui commença le 10 de ce mois. Malgré le titre de grand-maître de l'artillerie qu'avait La Meilleraye, la principale direction de ce siège fut donnée à Châtillon, à qui on croyait le plus d'habileté parce qu'il était l'élève du prince Maurice.
Averti de l'investissement de la place, le cardinal-infant, gouverneur des Pays-Bas, se rendit à Lille, y réunit une armée, et proposa, dans un conseil de guerre qu'il assembla, les mesures les plus énergiques, pour obliger les Français à lever le siège d'Arras. Les généraux se trouvèrent divisés sur le parti à prendre : les uns auraient voulu attaquer les lignes ; les autres prétendaient qu’on ne devait pas exposer d'une manière aussi téméraire des forces d'où dépendait le sort des Pays-Bas catholiques. Dans l'armée française régnait la même indécision. Le maréchal proposait, pour le cas de l'attaque, de sortir des lignes, afin d’aller au-devant des Espagnols ; et le maréchal de Châtillon ne voulait pas qu’on levât les quartiers. Dans une telle position, on se détermina à demander les ordres du roi, et le cardinal de Richelieu, qui se trouvait avec Louis XIII à Douai, fit cette réponse à la fois remarquable et singulière : « Je ne suis, dit-il, ni homme de guerre ni capable de donner mon avis sur ce sujet. Lorsque le roi vous donne à tous trois le commandement de ses armées, il vous en juge capables : il lui importe fort peu que vous sortiez ou que vous ne sortiez pas de vos lignes ; mais si vous manquez de prendre Arras, vous m'en répondrez sur vos têtes ».
Quoi qu’il en soit, les maréchaux de La Meilleraye et de Chaunes étant sortis de leurs lignes pour aller au-devant d'un convoi, le cardinal-infant remporta d'abord un léger avantage, et finit néanmoins par être repoussé. Dans le même temps, La Meilleraye battit le marquis de Fuentès, et concourut ainsi, d'une manière efficace, aux événements qui amenèrent la reddition d'Arras.
Enfin, le 9 août 1640, malgré la proximité d’une armée espagnole, forte de trente mille hommes environ, qui occupait Roeux et Mouchy-le-Pieux [Note : Turenne a occupé la même position en 1654], Arras capitula entre les mains de Châtillon, de La Meilleraye et de Chaunes. Le lendemain, l'armée aux ordres de ces trois maréchaux entra dans cette ville, qui depuis est toujours demeurée française [Note : On trouve l'indication suivante dans un recueil : « Une anecdote assez singulière se rattache au siège d'Arras, en 1640. Nos soldats, sous la conduite, des maréchaux de Châtillon et de La Meilleraye, étaient en vue d'Arras, le 13 juin ; l'armée du cardinal-infant les avait suivis pied à pied, et les bloquait dans leurs lignes, tandis que la nombreuse garnison de la ville les harcelait du côté des murailles. Cette position était critique ; les Espagnols, pour railler les Français, gravèrent, sur la porte qui regardait notre camp, celte inscription : " Quand les Français prendront Arras, les souris mangeront les chats ". Un fait d'armes fit bientôt justice de cette bravade. Les deux maréchaux, redoutant la privation des vivres qui commençaient à leur manquer, et les renforts qui tous les jours arrivaient au camp espagnol, pressaient la cour de leur envoyer un convoi. Après les temporisations trop ordinaires en pareil cas, le cardinal de Richelieu accueillit leur demande, et se concerta avec eux pour la sûreté de l'exécution. Le convoi prêt, le cardinal donna ordre à Du Hallier de l'escorter, et le maréchal de La Meilleraye sortit du camp pour aller au devant de lui avec trois mille fantassins et trois mille cavaliers. Les Espagnols, qui en eurent vent, profitèrent de ce moment pour attaquer les lignes des Français, et la première fut forcée, malgré la résistance opiniâtre du maréchal de Châtillon. Pour comble d'embarras, la garnison fit au même instant une vigoureuse sortie. Prise entre deux feux, notre armée devait périr : le courage la sauva. Sortant tout-à-coup de leur seconde ligne, les Français attaquèrent avec résolution, et par le flanc,, les Espagnols, qu'ils mirent en désordre et repoussèrent énergiquement. Au fort du combat arriva le maréchal de La Meilleraye, et bientôt après Du Hallier, suivi du convoi. A cette vue, les Espagnols, déjà ébranlés, prirent la fuite. La déroute fut complète ; ils laissèrent douze cents morts dans nos lignes. Cette défaite entraîna la chute de la place, qui, se démentant elle-même, se rendit le 10 août 1640. Alors les Français se contentèrent d'effacer une seule lettre de l’inscription précédente, et rétorquèrent ainsi spirituellement la prophétie espagnole : " Quand les Français rendront Arras, les souris mangeront les chats " ». L’auteur de la caricature (donnée dans le recueil) a ignoré ce détail curieux de la lettre retranchée, ou n’en à pas voulu tenir compte : au lieu du mot rendront il a écrit ont pris ].
Le maréchal de La Meilleraye continua d'être employé en Flandre, en 1641. Aire, assiégé par lui depuis deux mois, se rendit le 26 juillet [Note : Le musée de Versailles a un ancien tableau qui représente le siège d'Aire, et l'on dit, dans la notice, que le maréchal de La Meilleraye et le comte de Gurche étaient à ce siège. Ce fut le premier qui commandait l'armée et qui emporta la place. Aussi, dans un carton du cabinet des estampes de la bibliothèque du Roi, je trouve un dessin en profil d'Aire, pris, y est-il dit, par le maréchal de La Meilleraye]. Mais le cardinal- infant arriva bientôt avec des forces supérieures pour reprendre la place. Dans une telle position, le maréchal se retira, dans la nuit du 9 août, en laissant Aire avec des moyens de défense assez énergiques. Il en résulta que cette ville ne fut occupée par l'ennemi que le 7 septembre. La prise de la Bassée, de Lens et de Bapaume, par La Meilleraye, dédommagea du défaut de conservation de son autre conquête.
En 1642, le maréchal de La Meilleraye fut chargé du commandement de l'armée destinée à entrer en Espagne, et ouvrit la campagne le 1er août par le siège de Collioure, ville qui fut forcée de se rendre le 10 du même mois [Note : La prise de Collioure est le sujet d'un tableau, en 1836, par M. Lecomte, et placé au musée de Versailles. « Le Roussillon, dit la notice, appartenait encore à l'Espagne, et Louis XIII le voulut prendre. Il arriva à Narbonne le 10 mars ; le 16, il investit Collioure. La place fut vigoureusement défendue et vigoureusement attaquée. Le 10 avril, la capitulation fut signée et la place remise au roi »]. Aussitôt il entreprit, avec le maréchal de Schomberg, un siège bien plus important, celui de Perpignan. La place investie, Louis XIII se rendit à l'armée le 13 avril, et en partit le 23 mai, pour aller prendre les eaux en Languedoc. Enfin, la garnison espagnole capitula, après plus de trois mois de tranchée ouverte, et les Français entrèrent à Perpignan le 9 septembre [Note : Trois tableaux du musée de Versailles représentent la prise de Perpignan. Les deux premiers sont de l'époque et commandés par Richelieu, et l'autre est dû au pinceau, de M. Lecomte. Le cardinal écrivait au roi après cet événement : « Sire, vos armées sont dans Perpignan, et vos ennemis sont morts »].
Ensuite La Meilleraye soumit à la France, en peu de mois, tout le reste du Roussillon.
Ce fut dans cette même année que Henri II d'Orléans, duc de Longueville, sur les instances du cardinal de Richelieu, vendit les seigneuries de Parthenay et de la Gâtine à Charles de La Porte, qui, d'abord simple châtelain de La Meilleraye, devint ainsi possesseur du manoir féodal de son suzerain, et obtint une suprématie féodale sur une notable partie de la province du Poitou. C'était seulement pour la seconde fois, que la baronnie la plus importante peut-être de tout le royaume passait d'une famille dans une autre.
Mais peu après, un événement grand à la fois pour la France et même pour l'Europe, fut la mort du cardinal de Richelieu, qui régnait de fait et depuis, longtemps, sous le nom de son maître, comme premier ministre. Ce fut le 4 décembre 1642 que La Meilleraye perdit ce protecteur [Note : Le deuil du cardinal de Richelieu fut conduit par les maréchaux de Brezé et de La Meilleraye] qui avait facilité d'une manière toute particulière un parent qu'il chérissait, et à qui, avec raison, il avait reconnu une haute capacité. Or, Richelieu, après avoir détruit tout-à-fait l'ancien édifice de la monarchie française, en anéantissant les libertés des corporation, en détruisant le pouvoir des grands et en fondant un gouvernement despotique et sans-contrôle, laissait derrière lui un de ses élèves, qui devait suivre les mêmes errements, en substituant au commandement sévère et à une volonté ferme et décidée la fourberie et l'astuce ultramontaines. L'Italien Jules Mazarini [Note : C’est en 1630 que Jules Mazarini, employé dans la diplomatie de la cour de Rome, vint à Lyon trouver Louis XIII et Richelieu. Celui-ci dit qu'il venait de parler au plus grand homme d'état qu'il eût jamais vu, et il chercha à se l'attacher. S’étant fait homme d'église, d'homme de guerre qu'il était, Mazarin fut nommé, en 1634, vice-légat d'Avignon, et se dévoua tout-à-fait à la France, où il vint au commencement de 1639 : il fut nommé cardinal le 16 décembre 1641] entra bientôt au conseil, et ne tarda pas à devenir, lui aussi, premier ministre, comme l'avait été Richelieu. Celui-ci avait recommandé son parent, son ami de coeur, à son successeur, et La Meilleraye. se rattacha plus tard à Mazarin, plus intimement encore, qu'à Richelieu, à l'aide d’une alliance qui devait apporter dans la maison de La Porte presque tous les biens que l'avide Italien s’empressa d'acquérir, pendant le temps qu’il fut au pouvoir.
Arriva la mort de Louis XIII (14 mai 1643), qui ne changea rien dans la position de La Meilleraye. Plus que cela, il fut, quelques mois après (Décembre 1643), chargé d'un des gouvernements les plus importants, celui de la province de Bretagne. Le maréchal était à Nantes, occupant les fonctions de gouverneur particulier de cette ville, lorsqu'il reçut un courrier qui lui apportait la lettre du roi qui l'appelait à une plus haute position. Il s'empressa, de faire part de cette nouvelle au maire de Nantes, le 21 décembre, en l'invitant à donner lecture des lettres-parentes qui l'élevaient à la dignité de gouverneur de Bretagne, aux différentes autorités de la ville, qu’il convoquerait à cet effet dans la grande salle de la maison commune. La Meilleraye annonçait qu'il se rendrait à la séance, accompagné de son fils. On ne trouve point la relation de ce qui se passa dans cette circonstance solennelle (M.F.J. Verger, Archives curieuses de Nantes).
A Nantes, le maréchal se montra extrêmement zélé pour les établissements de bienfaisance et pour tout ce qui pouvait contribuer au bien-être de la population. On en trouve la preuve dans ce qui se passa, le 9 août 1644, à la réunion générale du corps municipal. Nous passons le cérémonial et nous arrivons au récit des propositions du gouverneur Bretagne (M.F.J. Verger, Archives curieuses de Nantes), « Monseigneur le maréchal ayant entré, est-il dit, dans la grande salle, après avoir prins place dans une chese de velours qui lui auroit estée préparée sur une tapisserie ung peu élevée au haut du grand bureau, auroit faict entendre à l’assemblée qu’estant proche de son départ, il auroit voulu assurer l'assemblée de la continuation de son affection et protection en toutes occasions, dont il croioit avoir ressamment rendu deux témoignages ; l'un pour l'achèvement de l'oeuvre de l'hospital, qui doit estre basty en la petite prée de la Magdelaine, pour le soulagement et commodité des pauvres ; l'autre, en l'establissement de la société et compagnye du commerce, pour l’accroissement et augmentation du bien de tous les habitants et qu'il souhaitoit estre continué, et conjuroit toute la communauté d'y contribuer et vivre en paix, bonne union et intelligence, affin d'esviter et oster la jalousye qui pourroit naistre entre les corps de la ville et solliciter des charges publiques, il jugeoit qu'il étoit très-expédiant d'y apporter à l'advenir un ordre plus exact, qui est, qu'aux jours accoutumez, pour le 1er jour de may, à commencer du 1er may prochain, et continuer d'an en an, il soit faict trois lystes ; l'une, de MM. les officiers de la chambre des comptes, officiers de finances et habitants notables, qui vivent noblement ; l'autre, de MM. du siège, des autres officiers de judicature, advocats et procureurs ; et la troisième, de marchands, pour de chacune desdictes lystes, estre, par les suffrages et picqûres des habitants, choisys et esleus ung pour maire et deux pour eschevins, et estre envoyez au roy, pour y estre pourveu par sa majesté ; et veu le peu de temps qui reste jusqu’au 1er may, que se doibt faire l'élection, les bons services rendus par les officiers qui sont à présent en charge, particulièrement de la provision, ordre et distribution des bleds, dans le temps de disette ; que même les deux années delà nomination et continuation de M. le maire sont expirées, après avoir trouvé à propos qu'ilz continuassent l'exercice de leurs charges jusques à la prochaine élection, comme chose qu'il panse debvoir estre utille et agréable à la ville, non préjudiciable aux droits et privilèges d'icelle, qu’il désire maintenir en tout ce qui dépend de luy. — Ce qui auroit été ainsi agréé et arresté par ladicte assemblée, après avoir très-humblement remercié mondit seigneur ».
En effet, le maréchal de La Meilleraye ne tarda pas à partir pour le Nord, où il eut un commandement dans l'armée aux ordres du duc d'Orléans. Il concourut au siège de Gravelines, qui se rendit le 28 juillet 1644, après une vive résistance, puisqu'il y eut quarante-huit jours d'investissement de la place et quatre assauts. Après la capitulation, une altercation très vive s’engagea entre La Meilleraye et le maréchal de Gassion, pour savoir à qui revenait l'honneur de prendre possession de la place. Le prince la termina en faveur du premier, à raison de son titre de commandant du régiment des gardes. Il aurait semblé que sa qualité de grand-maître de l'artillerie devait plutôt être le motif déterminant pour lui donner gain de cause dans cette contestation.
Le maréchal de La Meilleraye concourut aux autres faits d'armes de cette campagne, notamment à la prise de Courtray et de Mardick.
En 1646, La Meilleraye était de retour à Nantes, où il continuait à s'occuper des moyens d'améliorer la position de cette ville importante. Le 14 mars, il posa solennellement, sur un terrain par lui donné, la première pierre de l'Hôtel-Dieu, dans la petite prairie de la Madeleine ; et, le 20 du même mois, le corps municipal de Nantes déclara le maréchal et Marie de Cossé, son épouse, fondateurs de ce bel établissement, comme ayant donné le terrain pour l'édifier, et une somme de 6.000 livres pour les constructions. Il fut par suite arrêté que les noms du maréchal et de la maréchale seraient prononcés dans les prières publiques de cet hospice, que leurs armes seraient placées sur la façade des bâtiments immédiatement au-dessous de celles du roi, et qu'une plaque de marbre ou de bronze rappellerait leurs bienfaits (M. F. J. Verger, Archives curieuses de Nantes).
Plus tard, La Meilleraye fut employé en Italie. Là, de concert avec le maréchal du Plessis-Praslin, il prit Piombino, le 9 octobre 1646, et Porto-Longone, le 29 du même mois. Par ces succès, on répara l'échec éprouvé par l'armée navale française, le 4 juin précédent, devant Orbitello, affaire dans laquelle le duc de Maillé-Brézé fut emporté par un boulet, à l'âge de 27 ans, et l'on hâta de beaucoup la conclusion de la paix avec la cour de Rome.
En 1648, le maréchal de La Meilleraye changea tout-à-fait de rôle. De général d'armée, il devint surintendant des finances, en remplacement de Paticelli d'Eméry, qui fut un des plus habiles ministres des finances, pour l'art d'inventer de nouvelles taxes, et de faire arriver, par tous les moyens, de l'argent dans les coffres de l'Etat. La Meilleraye avait réellement des connaissances dans cette partie ; ce que Voltaire révoque en doute, puisqu'il dit que, s'il avait la probité de Sully, il n'avait pas ses ressources. Suivant les errements de son prédécesseur, et, pour augmenter les revenus de l'Etat, le maréchal taxa arbitrairement à de grosses sommes les financiers et les traitants, et obligea ainsi beaucoup de ces derniers à faire banqueroute. On agissait ainsi, sous le règne du bon plaisir, contre ceux qui faisaient avec l'Etat des marchés avantageux ; mais ce moyen de faire rendre gorge ne réussissait pas toujours, et il en fut de même dans la circonstance. Les dispositions du nouveau surintendant ayant eu un mauvais résultat, il abdiqua le gouvernement des finances, en 1649. Dans les troubles de la Fronde, où figura l'héritier des anciens possesseurs de Parthenay et de la Gâtine du Poitou, le duc de Longueville, et surtout la duchesse de Longueville, soeur du prince de Condé, le maréchal de La Meilleraye resta fidèle au parti de la cour ; et il ne pouvait guère en être autrement, à cause de son attachement à Mazarin. Il se fit surtout remarquer dans la journée des barricades par son grand calme et sa fermeté. En effet, le peuple tirait sur les troupes, et il sut les maintenir et arrêter ainsi de grands malheurs. Pour récompenser La Meilleraye du service qu'il avait rendu par sa présence d'esprit, il fut nommé, pour négocier la paix avec les frondeurs, et il signa le traité de Ruel, du 11 mars 1649, qui semblait devoir mettre fin aux troubles qui désolaient la France. Malheureusement il n'en fut pas ainsi.
Nous avons vu que La Meilleraye avait eu de son premier mariage un seul enfant, Armand-Charles de la Porte. Il le maria, le 2 février 1661, avec une des plus belles femmes de son siècle, Hortense de Mancini, nièce du cardinal Mazarin [Note : Elle était fille de Michel-Laurent Mancini, baron romain, et d'Hiéronyme Mazarini, soeur puînée, du cardinal] qui avait été demandée en mariage par Charles II, roi d'Angleterre détrôné, et par le duc de Savoie. Cette alliance, qui apportait dans la maison de La Porte une dot de plusieurs millions, à la charge par l'époux de prendre le nom de Mazarin, mit le maréchal. plus en faveur encore, s'il était possible, sous ce cardinal ministre que sous son prédécesseur. Mais Mazarin ne tarda pas à mourir (le 9 mars 1661), laissant son immense fortune à Hortense Mancini et à son époux.
Jamais l'union ne fût plus mal assortie que celle du fils unique du maréchal de La Meilleraye et de la nièce du cardinal Mazarin. Belle, jeûne et légère, Hortense Mancini aimait le monde au-dessus de tout, et était entourée d'adorateurs. Armand-Charles de La Porte, extrêmement laid [Note : Madame de Sévigné a dit que la figure du duc de Mazarin présentait la justification de la belle Hortense Mancini. Voir La lettre de Mme de Sévigné à sa fille, datée, du 27 février 1671], jaloux, avare, et d'une piété outrée, entendait que les caprices de sa jeûne moitié cédassent à ses exigences, et que celle-ci devait, sans la moindre difficulté, le suivre à Parthenay, ou dans les villes, de guerre qui faisaient partie de son gouvernement. On sait que, plus tard, il s’ensuivit un esclandre ; qu'aidée de son frère Philippe Mancini, duc de Nevers, qui lui procura une escorte et des chevaux, Hortense quitta son mari et partit pour Rome, où elle joignit sa soeur la connétable Colonne. Là, elle criait, comme sous la ligue : Point de Mazarin ! Et retirée ensuite en Angleterre, où elle avait pour société Saint-Evremont et d'autres Français, elle y mourut [Note : Son mari, Armand-Charles de La Porte, mourut au château de La Meilleraye, à l'âge de 82 ans, le 9 novembre 1713] dans une position minime, tandis que son époux disposait en France des immenses trésors qu’elle lui avait apportés.
Armand-Charles de La Porte étant devenu duc de Mazarin, par son mariage et par la mort du cardinal de Mazarin, il avait pu dès lors ceindre la couronne ducale avant son père. Mais celui-ci ne tarda pas à arriver à la même dignité : car la Gâtine du Poitou, Parthenay et la terre de La Meilleraye furent érigées pour lui en duché-pairie, sous, le titre de duché-pairie de La Meilleraye, par lettres-parentes données par Louis XIV, au mois de décembre 1663 [Note : Ces lettres-patentes furent enregistrées au parlement le 15 dudit mois. Charles de La Porte y est qualifié de comte de Secondigny, baron de. Parthenay et de Saint-Maixent]. Ainsi un simple manoir de la Gâtine devenait le chef-lieu de cette importante contrée, avec un titre féodal bien supérieur à celui qu'elle avait eu dans le principe. Mais le duc de La Meilleraye n'eut jamais la puissance, souveraine à peu près, dont avait joui l'ancien baron de Parthenay, et de la Gâtine.
Note : Les armes du cardinal Mazarin portait : « d’azur à la hache d’armes ou consulaire d’argent posée en pal, au pied fiché, entourée d’un faisceau de verges d’or lié d’argent à la fasce en devises de gueules, chargée de trois étoiles d’or ». C’est Armand-Charles de la Porte, duc de la Meilleraie, fils du vieux maréchal de la Meilleraie, qui se démit de sa charge de grand-maître en faveur de son fils Armand. On sait que le cardinal Mazarin avait cinq nièces du nom de Mancini, qu’il prit soin de doter et d’établir ; Hortense et Marie-Anne (depuis duchesses de Bouillon) restaient à pourvoir, lorsque le ministre, sentant la mort approcher, fit son testament. Il légua des biens considérables au duc Armand de la Meilleraie, à condition qu’il épouserait Hortense, sa nièce, et prendrait les armes de Mazarin et le titre de duc de Mazarin. Le mariage eut lieu le 28 février, et le cardinal mourut le 6 mars 1661, léguant au jeune roi la majeure partie de sa fortune qui s’élevait, dit-on, à plus de cent millions. Dernier trait d’habileté du ministre qui, tout en calmant sa propre conscience, assurait ses biens à sa famille par le don que le roi voudrait lui en faire. En effet, un brevet du 6 mars donne en pur don, à ce ministre et à ses héritiers, tous les biens acquis par lui durant son ministère. Mazarin pouvait compter sur la générosité reconnaissante du jeune roi qu’il avait marié, et dont il avait été le parrain et le gouverneur. Une dernière remarque : Jules Mazarin, quoique cardinal évêque de Metz, abbé de Cluny, etc., n’était ni diacre ni prêtre. Le duc Mazarin avait des titres qui le rattachaient à notre pays, puisqu’il était encore comte de Marle, de La Fère et de Rozoy en Thiérache. En effet, on lisait sur une ancienne cloche de la paroisse de Rozoy, refondue dernièrement, ces mots : J’AI ÉTÉ NOMMÉE HORTENSE PAR TRÈS HAUT ET TRÈS PUISSANT SEIGNEUR, ARMAND CHARLES DUC DE MAZARIN, MAYENNE ET DE LA MEILLERAIE, PRINCE DE PORCIEN, PAIR DE FRANCE, COMTE DE ROZOY, ET PAR HORTENSE MANCINI, SON ÉPOUSE, 1687. Hortense, quoique morte à Londres, en 1699, fut enterrée à Rozoy, où l’on montre encore son épitaphe : CI GIST DAME HORTENSE MANCINI, DUCHESSE DE MAZARIN, COMTESSE DE ROZOY. Le duc de Mazarin, son mari, mourut en 1713. Un dernier mot avant de clore cette note que j’aurais voulu rendre plus intéressante. On sait que cette union ne fut pas heureuse ; Armand était d’un caractère austère et d’une dévotion outrée à ce point qu’il forçait les nourrices qui allaitaient ses enfants à suivre rigoureusement les jeûnes et abstinences de l’église afin d’habituer leurs nourrissons aux pratiques religieuses. Sa jeune femme, enjouée et amie du plaisir, ne pouvait s’accommoder d’un époux si bizarre ; aussi Hortense le quitta furtivement en 1668 et se retira a Londres, puis à Rome, sans jamais vouloir revenir près de son mari, malgré l’intervention du roi ; du reste sa conduite, soit à Londres, soit en Italie, est loin d’avoir été irréprochable. Cette séparation donna lieu à un procès célèbre devant le parlement de Paris, où le duc et la duchesse se déshonorèrent l’un l’autre par les écrits les plus ignominieux (en 1688). C’est à ce procès qu’il faut attribuer la décadence de la maison de la Meilleraie (M. Mayeux).
Cardinal Richelieu. |
Cardinal Mazarin. |
Rendue tout entier, dans les dernières années de sa vie, à l'exercice de ses fonctions de grand-maître de l'artillerie, le maréchal duc de La Meilleraye mourut, comme Sully, son plus illustre prédécesseur, à l'arsenal à Paris, le 8 février 1664, à l'âge de 62 ans. Son corps d'abord déposé dans l'église des Jésuites de la rue Saint-Antoine, fut ensuite porté à Parthenay, où on l'inhuma dans l'église collégiale de Sainte-Croix [Note : La table de marbre sous laquelle repose La Meilleraye, et qui est élevée de quelques pieds, n’a plus son inscription, qui a été effacée pendant la Révolution] ; son coeur fut déposé à l'abbaye de Celles.
Le maréchal duc de La Meilleraye n’avait eu, comme on l'a dit, qu'un seul fils de sa première femme, Marie Ruzé d'Effiat. Il n’ en eut point de Marie de Cossé-Brissac, qui survécut longues années à son époux [Note : Marie de Cossé-Brissac mourut le 14 mai 1710].
Le maréchal duc de La Meilleraye, qui dut sans doute beaucoup à sa parenté avec le cardinal de Richelieu, fut, après tout, digne par ses grandes qualités des divers postes élevés où il arriva successivement. Comme militaire, il se montra d'une excessive bravoure, capable de concevoir les meilleures dispositions et de les exécuter. On le vit maintenir dans les troupes placées sous ses ordres une discipline sévère, et prêcher l'exemple par sa patience et par sa sobriété. Placé à la tête de l'artillerie, La Meilleraye se livra particulièrement à l'étude de tout ce qui concerne cette arme, et il fut considéré comme le meilleur officier général de son temps pour la conduite d’un siège.
J’ajouterai que le maréchal de La Meilleraye, homme très instruit lui-même, protégeait les savants. Lié d'amitié avec Descartes, ce fût lui qui se chargea de lui faire passer sa pension en Hollande (A. D. de La Fontenelle de Vaudoré).
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