GWERZ "MARKIZ TREDE"

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MARKIZ TREDE

LE MARQUIS DE COATREDREZ

I I
Selaouet holl, hag a klewfet

Ur werz a zo newez-savet;

Ur werz a zo newez-savet,

D'ur plac'hik iaouank ez e gret:

Ecoutez tous, et vous entendez

Une gwerz nouvellement levée (composée);

Une gwerz nouvellement composée,

C'est à une jeune fille qu'il a été fait:

D'ur plac'h iaouank bet anleuvet,

War hent Leon, ' vont d'ar Ieodet,

Anleuvet gant markiz Trede,

Euz ann hent, war he inkane.

A une jeune fille qui a été enlevée,

Sur le chemin de Léon, en allant au Guéodet(Yaudet);

Enlevée par le marquis de Coatredrez,

De dessus le chemin, sur sa haquenée.

II II
'N aotro Trede a c'houlenne

Euz ar plac'hik p'hi rankontre:

- Plac'hik iaouank, d'in-me laret,

Pelec'h ez et pe ez oc'h bet?-

Le seigneur de Coatredrez demandait

A la jeune fille, en la rencontrant:

- Jeune fille, dites-moi,

Où allez-vous, où avez-vous été? -

-D'ar pardon d'ar Ieodet ez ann,

'Wit koves ha komunian;

'Wit koves ha komunian,

Gonit ar pardon, mar ghellan.-

- Je vais au pardon du Guéodet,

Pour me confesser et communier;

Pour me confesser et communier,

Gagner le pardon si je puis. -

'N aotro Trede a lavaras,

D'ar plac'h iaouank 'vel m'hi c'hlevas;

- Wit d'ar pardon n'ez iefet ket,

Ganin da Drede a teufet:

Le seigneur de Coatredrez répondit

A la jeune fille, sitôt qu'il l'entendit:

- Quant au pardon, vous n'y irez point,

Vous viendrez avec moi à Coatredrez:

Plac'hik iaouank me ho tisko

Da vont oc'h unan dre'n hentjo! -

- Salv-ho-kraz aotro, iskuset,

M'unan dre'n hentjo n'ez on ket.

Jeune fille, je vous apprendrai

A aller toute seule par les chemins!

- Sauf votre grâce, seigneur, excusez-moi,

Je ne suis pas toute seule par les chemins;

M'unan dre'n hentjo n'ez on ket,

D'eva dour feunteun 'oann chomet:

D'eva dour feunten 'oann chomet,

Ha ma re a-rok a zo et. -

Je ne suis pas toute seule par les chemins,

J'étais restée à boire de l'eau de fontaine;

J'étais restée à boire de l'eau de fontaine,

Et les miens sont allés devant. -

Ann aotro Trede a lare

Na d'he palefrinier neuze:

- Didoles-te d'in war ma marc'h,

A-c'hane 'tiskouro hi gwalc'h! -

Le seigneur de Coatredrez disait

A son valet d'écurie, en ce moment:

- Jette-la moi sur mon cheval,

De là elle discourra à satiété!-

- Salv-ho-kraz, ma mestr, na rinn ket,

Glac'hari 'r plac'h n' c'houlennann ket.

N' c'houllann glac'hari hi c'halou,

Ur plac'h fur eo, plac'h-a-feson! -

-Sauf votre grâce, mon maître, je ne le ferai point,

Je ne veux pas désoler la fille;

Je ne veux pas navrer son coeur,

C'est une jeune fille sage, une honnête fille!-

'N aotro Trede 'vel ma klewas,

Diwar he varc'h a ziskennas;

Diwar he varc'h eo diskennet,

Ur fasad d'he baotr 'n euz roet.

Le seigneur de Coatredrez, dès qu'il entendit,

Descendit de cheval;

Il descendit de cheval,

Et donna un soufflet à son valet.

Ur fasad d'he baotr 'n euz roet,

A-vriad er plac'h eo kroget;

A-vriad er plac'h eo kroget,

War gein he varc'h 'n euz hi laket.

Il a donné un soufflet à son valet

Et a pris la jeune fille à bras le corps;

Il a pris la jeune fille à bras le corps,

Et l'a mise sur son cheval.

Ur mouchouar gwenn ampezet

War hi geno hen euz laket,

'Wit n' vije ket anavezet

Gant ann dut o vont d'ar Ieodet.

Un mouchoir blanc empesé

Il lui a mis sur la bouche,

Pour qu'elle ne fût pas reconnue

Par les gens qui allaient au Guéodet.

'R plac'hik iaouank a lavare

A-biou d'hi re pa dremene:

- En han' Doue, mar am c'haret,

Kompagnunes ma zikouret! -

La pauvre jeune fille disait,

En passant auprès des siens (de sa société):

- Au nom de Dieu, si vous m'aimez,

Ma société, secourez-moi! -

- Allas! ho sikour n'hellomp ket,

P'eo 'n aotro Trede 'n euz ho c'hoantaet

Ar palefrinier a lare

Na d'ann aotro Trede neuze:

- Hélas! nous ne pouvons vous secourir,

Puisque c'est le seigneur de Coatredrez qui vous a désirée! -

Le valet disait

Au seigneur de Coatredrez, en ce moment:

- Lemet 'r mouchouar d'war hi geno,

Taoli ra 'r gwad a vouchado! -

- Lez-hi da daol 'r pez a garo,

Ar merc'hed ' zo leun a ardo!...-

- Otez le mouchoir de dessus sa bouche,

Elle rejette le sang à pleine bouche! -

-Laisse-la en rejeter tant qu'elle voudra,

Les femmes sont pleines d'artifices!...

III III
'N aotro Trede a lavare

D'he c'houarneres p'arrue:

- Na laket ar beer uz ann tân,

D'ar plac'hik ha d'in-me d'hon c'hoan! -

Le seigneur de Coatredrez disait

A sa gouvernante, en arrivant:

- Mettez la broche au feu,

Pour le souper de la jeune fille et le mien. -

Ar plac'hik iaouank a lare

D'ann aotro Trede, p'hen kleve:

- Debret, evet' r pez a garfet,

Ewit-on me na goaninn ket. -

La pauvre jeune fille disait

Au seigneur de Coatredrez, en l'entendant:

- Mangez et buvez tant qu'il vous plaira,

Pour moi, je ne souperai point. -

Ar plac'hik iaouank a lare

D'ar gouarneres en noz-se:

- Gouarneres, mar am c'haret,

Gret ma'z inn gant-oc'h da gousket. -

La pauvre jeune fille disait

A la gouvernante, cette nuit-là:

- Gouvernante, si vous m'aimez,

Faites que j'aille coucher avec vous. -

-'Wit ganin-me na gouskfet ket,

Ho kwele 'r gambr uhel 'zo gret;

Ho kwele 'r gambr uhel 'zo gret,

Gant 'n aotro Trede da gousket. -

- Pour avec moi vous ne coucherez pas,

Votre lit est fait dans la chambre haute;

Votre lit est fait dans la chambre haute,

Pour coucher avec le seigneur de Coatredrez. -

Ann aotro Trede a lare

D'ar plac'hik iaouank en noz-se:

- Na deut-c'hui ganin d'ar jardinn,

Da glask ur bouket louzou-finn:

Le seigneur de Coatredrez disait

A la pauvre jeune fille, ce soir-là:

- Venez avec moi au jardin,

Pour cueillir un bouquet de fines fleurs:

Da glask ur bouket louzou-finn,

A varjolain a durkantinn;

A varjolain hag a lavand,

A zere ouz-oc'h plac'hik koant. -

Pour cueillir un bouquet de fines fleurs,

De marjolaine et de thym;

De marjolaine et de lavande,

Qui vous sied, fillette jolie. -

Ar plac'hik iaouank a lare,

'N kichenn ar jardin p'arrue:

- Adieu ma mamm, adieu, ma zad,

Bikenn n'ho kwell ma daoulagad!

La pauvre jeune fille disait,

En arrivant auprès du jardin:

- Adieu, ma mère, adieu, mon père,

Jamais ne vous reverront mes yeux!

Aotro, prestet d'in kontellou,

Da droc'ha treid ma boukedou;

Da droc'ha treid ma boukedou,

A zo re-hir euz a dreunchou. -

Seigneur, prêtez-moi des couteaux,

Pour couper les tiges de mes fleurs;

Pour couper les tiges de mes fleurs,

Qui sont trop longues des tiges. -

Ann aotro Trede, pa glewas,

He zorn 'n he c'hodel a voutas,

He zorn 'n he c'hodel 'n euz boutet,

Ter c'hontel d'ez-hi 'n euz tennet:

Le seigneur de Coatredrez, quand il entendit,

Mit la main dans sa poche;

Il a mis la main dans sa poche,

Et en a retiré trois couteaux pour elle:

Unan troad-duz, unan troad-gwenn,

Un' all c'houezet en aour melenn:

En hini troad-duz 'eo kroget,

'N kreiz hi c'halon deuz-hi plantet!

Un a manche noir, un a manche blanc,

Un autre en or jaune soufflé:

C'est celui à manche noir qu'elle a pris,

Et elle se l'est plongé au milieu du coeur!

Pa zistroas 'n aotro en dro,

'Oa 'r plac'h iaouank war he geno;

'Oa 'r plac'h iaouank 'n kreiz ar jardinn,

Hi fenn 'n tal penno hi daoulinn.

Quand le seigneur se détourna,

La jeune fille était sur la bouche;

La jeune fille était au milieu du jardin,

La tête auprès de ses genoux.

Ma lavare c'hoas ann d'en-fall,

......................................................

- Penamed daoni ma ine,

N' voas ket et gwerc'h dirag Doue! -

Et il disait encore, le méchant,

...........................................

- Si je ne craignais de damner mon âme,

Tu ne serais pas allée vierge devant Dieu! -

IV IV
Ann aotro Trede a lare

Da holl dut he di en noz-se:

- Arru ez e gwall bell ann noz,

Poent da bep-den mont da repoz! -

Le seigneur de Coatredrez disait,

A tous les gens de sa maison, cette nuit-là

- La nuit est fort avancée,

Il est temps à chacun d'aller reposer. -

Ar gouarneres a lare

D'ann aotro Trede en noz-se:

- 'Lies am boa ho kelennet,

War-benn ar gwinn hag ar merc'hed.

La gouvernante disait

Au seigneur de Coatredrez, cette nuit-là:

- je vous avais souvent averti

Au sujet du vin et des femmes;

Ispisiall war-benn hou-man,

'Zo c'hoar-vager da Gernenan:

Na euz servijer en ho ti,

Na oar ho nozwez koulz ha c'hui. -

Mais surtout au sujet de celle-ci,

Qui est soeur de lait de Kerninon :

Il n'est pas de serviteur en votre maison

Qui ne connaisse votre nuit aussi bien que vous. -

- Mar karet n'am diskuilfet ket,

Me 'roio d'ac'h peb a gant-skoed;

Ni hi lienno, archedo,

'Zono d'ez-hi ar glaz tano! -

- Si vous voulez ne pas me trahir,

Je vous donnerai à chacun cent écus;

Nous l'ensevelirons et la mettrons au cercueil,

Et lui sonnerons un glas mince (peu bruyant)! -

V V
N' doa ket kanet ar c'hog d'ann de,

Oa toret 'r perzier en Trede;

Ez oa perzier Trede toret,

Gant Kernenan hag he baotred.

Le coq n'avait pas encore chanté le jour,

Que le portail de Coatredrez était brisé;

Le portail de Coatredrez était brisé

Par Kerninon et ses gens.

'Nn aotro Kernenan 'lavare

En maner Trede, p'arrue:

- Demad ha joa holl en ti-ma,

'N aotro Trede pelec'h ema? -

Le seigneur de Kerninon disait,

En arrivant au manoir de Coatredrez:

- Bonjour et joie à tous dans cette maison,

Le seigneur de Coatredrez, où est-il? -

Ar palefrinier a laras

D' 'n aotro Kernenan, p'hen klewas:

- Et eo en un tammik afer,

Na deuio ket henoz d'ar ger. -

Le palefrenier répondit

Au seigneur de Kerninon, en l'entendant:

- Il est allé à une petite affaire,

Il ne reviendra pas cette nuit à la maison. -

- Gaou a lares, palefrinier,

E-medi sur da vestr er ger,

Rag te zo kustum mont gant-han,

War ann hentjou da verc'hetan! -

- Tu mens, palefrenier!

Ton maître est à la maison,

Car tu as l'habitude d'aller avec lui

Sur les chemins arrêter les filles. -

'N aotro Trede, 'vel ma klewas,

Gant 'r vinz d'ann traon a diskennas,

Gant 'r vinz d'ann traon e diskennet,

Ur gwall salud braz hen euz bet.

Le seigneur de Coatredrez, dès qu'il entendit,

Descendit par l'escalier tournant;

Il est descendu par l'escalier tournant,

Il a reçu un bien mauvais salut.

- Aotro Trede, d'in-me laret,

D'am c'hoar-vager oc'h euz-c'hui gret? -

- E-medi duze er jardinn,

Hi fenn 'n tal penno hi daoulinn! -

Seigneur de Coatredrez, dites-moi

Qu'avez-vous fait de ma soeur de lait? -

- Elle est là-bas dans le jardin,

Sa tête auprès de ses genoux! -

-Ma c'hoar-vager a t'euz lazet,

Hi revanch renkann da gavet! -

- Kernenan, les d'in ma buhe,

Me a roi did ma holl leve! -

Tu as tué ma soeur de lait,

Et il faut que je la venge! -

- Kerninon, laisse-moi la vie,

Et je te donnerai toutes mes rentes! -

- N'eo ket mado a c'houlennann,

Buhe 'wit buhez a renkann;

Ma c'hoar-vager a t'euz lazet,

Hi revanch renkann da gavet! -

- Ce n'est pas des biens que je demande,

Vie pour vie, voilà ce qu'il me faut:

Tu as tué ma soeur de lait,

Et il faut que je la venge! -

D'ar zal vraz neuze ez int et,

Da c'hoari 'r c'hleze ar fleuret;

Markiz Trede hen euz kollet,

Kernenan hen euz-han treuzet!

Alors ils sont allés dans la grande salle,

Pour jouer de l'épée et du fleuret:

Le marquis de Coatredrez a perdu,

Kerninon l'a traversé (de son épée).

Kriz 'vije 'r galon na oelje

'Bars en Trede neb a vije,

'Welet ar zal-vraz o ruia,

Gant gwad ar markiz o skuilla!

Dur eut été le coeur de celui qui n'eut pleuré,

S'il avait été à Coatredrez,

En voyant la grande salle qui rougissait

Par le sang du marquis, qui coulait!

'N aotro Kernenan a lare

En maner Trede, d'ar pred-se:

- Laket ho torn endann he benn

M' vo roet d'ez-han 'nn absolvenn! -

Le seigneur de Kerninon disait

Au manoir de Coatredrez, en ce moment:

- Mettez votre main sous sa tête,

Pour qu'on lui donne l'absolution! -

RENAOU, ar boutaouer-koad, en paroz Tregrom - 1854 RENAN, le sabotier, commune de Trégrom - 1854