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LA NOUVELLE CHAPELLE DE NOTRE-DAME DU MUR

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I - La Statue sauvée.

Lorsque l'église du Mur (Histoire de Morlaix, page 284) avait été la première fois fermée au culte (1792), on avait détruit tous les emblèmes qui rappelaient la féodalité ; plusieurs arrêtés avaient ordonné d'enlever les statues des saints et celles des rois et des reines, de transporter à l'hospice le linge des églises, de descendre les cloches, de vendre certains objets qui n'étaient d'aucune utilité : mais nous n'avons trouvé aucun document qui nous permette d'affirmer que les objets sacrés, les christs, les statues, les tableaux des églises aient été détruits.

Comme la plupart des objets artistiques qui se trouvent actuellement dans nos églises sont d'une date antérieure à la Révolution, nous sommes porté à croire qu'il n'y a pas eu d'ordre de destruction et que, lors de la fermeture des églises, les fidèles ont pu cacher les statues et les tableaux sans être inquiétés par l'autorité. C'est ainsi que la statue de Notre-Dame du Mur fut transportée, par une personne pieuse de la rue des Nobles, dans la mansarde d'une pauvre couturière, Jacquette Cloarec, qui la conserva précieusement jusqu'au jour où, la paix étant revenue dans l'Église, il fut permis de la rendre à la paroisse.

 

II - La Statue de la Notre-Dame du Mur à Saint-Matthieu.

Lorsque le Consulat eut mis un terme aux discordes religieuses et que le Concordat avec le Saint-Siège eut été conclu, l'église de Saint-Matthieu fut choisie comme paroisse et l'abbé Pitot, ancien curé, put revenir à la tête de son troupeau. Une succursale fut, établie à Saint-Martin et l'église Saint-Melaine devint un oratoire desservi par un vicaire de la paroisse.

La statue de N.-D. du Mur fut portée à Saint-Matthieu et placée sur l'un des autels latéraux. En 1820, l'église Saint-Matthieu menaçant ruine, sa reconstruction fut décidée. Nous souscrivons volontiers à ces paroles de l'Histoire de Morlaix : « De dimensions, égales à celles de l'ancienne église [Note : Cette ancienne église avait été consacrée en 1505 par l'évêque de Tréguier, Jean Calloët de Lannidy], qui avait elle-même remplacé celle de l'ancíen prieuré, la nouvelle église n'a aucun caractère religieux, car on ne peut reconnaître cette qualité à deux rangs de colonnes séparant en trois sections longitudinales et sous un toit commun un assez vaste édifice à fenêtres à plates-bandes ». Il est vrai que l’œuvre de MM. Pouliquen et Eloury, architectes de la ville, et de M. Charpentier, entrepreneur, n'a pas coûté cher : 47,560 fr, 72 c.

Pendant la construction, la Statue de N.-D. du Mur fut envoyée à Saint-Melaine, où se fit tout le service paroissial de 1821 à 1824.

Cette dernière année, elle fut rapportée à Saint-Matthieu le jour de la Première Communion, et mise à l'autel du Sacré-Cœur.

Elle devait y rester jusqu'en 1834.

Ce n'est pas que, dans l'intervalle, on n'ait songé à élever de nouveau dans Morlaix un sanctuaire à l'antique patronne de la cité. Les premiers curés de Morlaix après la Révolution avaient à réorganiser le culte et leur sollicitude dut s'étendre non seulement à la ville mais à tout l'arrondissement de Morlaix. Il fallait aller au plus pressé.

Du moins, dès 1822, nous trouvons la preuve que le culte de N.-D. du Mur attirait toujours la piété morlaisienne.

C'était pitié de voir (et il est encore des vieillards qui s'en souviennent) l'ancien emplacement de la collégiale présentant l'aspect d'une carrière abandonnée où les enfants s'amusaient à leurs jeux, grimpant sur les pierres déshonorées et se cachant au milieu des ruines. Ces ruines parlaient à des cœurs généreux le langage du passé. Nous devons citer M. Lédan, qui fonda une imprimerie à Morlaix en 1804.

Il a décrit avec amour l'ancienne basilique pour que le souvenir n'en fût pas perdu. L'Histoire de Morlaix, que nous avons reproduite, a emprunté bien des extraits à son, travail. Il faisait plus qu'écrire, il agissait.

Nous devons à une communication bienveillante de M. l'abbé Brignou, recteur de Lanneuffret, un Morlaisien curieux de l'histoire de son pays et bien au courant de cette histoire, la connaissance de la lettre suivante. Elle est de M. Sermensan, ancien chanoine de N.-D. du Mur.

« Lesneven, le 2 novembre 1822. J'approuve et je loue, mon cher Alexandre (il s'agit de M. Lédan, imprimeur-libraire, rue du Mur, à Morlaix), le projet que vous avés formé de ranimer la dévotion à la bonne N.-D. du Mur, dans la ville de Morlaix qui doit à son intercession bien des faveurs, et bien des grâces que plusieurs de nos concitoyens ont sans doute oublié. Je verrai avec satisfaction s'élever sur les ruines de cette antique église, à laquelle j'étais aussi attaché de cœur, que par état, une chapelle destinée à rappeler des souvenirs précieux et douloureux, et à rétablir un culte aussi avantageux pour les fidèles qu'agréable aux yeux de Dieu ; mais l'occurrence du rétablissement de l'église de Saint-Mathieu va bien réduire les resources que pourrait vous offrir la pieuse générosité des Morlaisiens, vous n'avés pas mal calculé en vous tournant du côté de nos princes dont les libéralités ne tarissent jamais, lorsqu'elles sont sollicitées par la piété.

Mais lorsqu'on sera instruit que la chapelle que vous voulez établir est réclamée plutôt par la dévotion que par la nécessité, les secours que vous pourriez obtenir seront bien modiques et bien insuffisants ; il vous faudrait auprès de la princesse un puissant protecteur, et je n'ai à Paris ny connaissances ny crédit ; ne pourriés-vous pas, par exemple, engager Mr de la Fluglaie (de la Fruglaye), habitant notable de votre ville, à écrire à M. l'abbé de Trévern [Note : L'abbé Le Pape de Trévern, aumônier de Mme la Dauphine (Duchesse d'Angoulème), est devenu plus tard évêque de Strashourg] natif de Morlaix comme vous et moi, ancien grand vicaire de Langres, ancien commensal du feu cardinal de La Luzerne, nommé par le Roi à l'Evêché de Vannes qu'il a refusé, et dont Mme de Kerangué pourrait vous donner l'adresse à Paris. Je connais sa piété et son zèle, et j'ai tout lieu de croire qu'une telle protection pourrait vous être bien utile, d'après une telle recommandation : au reste, je vous engage à diriger bien prudemment cette affaire, car la vivacité et l'empressement que vous pourriés montrer, ne serviront qu'à provoquer l'enchère qui rendrait l'acquisition que vous projetés plus dispendieuse et plus difficile. Au reste, je serai toujours prêt à favoriser le succès de la bonne œuvre que vous avés entrepris de mes petits et faibles moyens. Je suis votre très dévoué, SERMENSAN prêtre [Note : En 1761, le. Maire de Morlaix est Charles Sermensan, lieutenant de Maire en 1764. Sur le pont de l'Auditoire on lit : « Pont et Lavoir de Charles Sermensan 1765 »], Chanoine honoraire de Quimper ».

Le pieux projet de racheter l'emplacement de Notre-Dame du Mur ne put aboutir, il fallut songer à un autre terrain.

Morlaix : église Saint Mathieu ou Saint Matthieu

III - Construction et Restauration de la nouvelle chapelle du Mur.

Il était réservé à M. Keramanac'h, curé de Morlaix, d'édifier la modeste chapelle de N. D. du Mur. Né à Loqueffret en 1790, M. Jean-Louis Keramanac'h avait toute l'énergie de nos rudes montagnards. Vicaire à Saint-Matthieu de Morlaix en 1816, il avait succédé en mars 1821 à son curé, M. Olivier Floc'h, qui l'avait demandé, appréciant ses qualités, pour son successeur, et lui avait légué son presbytère.

M. Keramanac'h prit à cœur de rétablir le vocable de l'ancienne Collégiale de N.-D du Mur. Il aurait voulu la reconstruire à l'endroit même où s'élevait l'ancien sanctuaire, mais des difficultés qui survinrent l'obligèrent à renoncer à ce projet. De là, le choix de l'emplacement actuel. « Heureuse idée, dit. M. Alexandre, de placer la nouvelle chapelle à côté de l'église paroissiale, dans le cimetière de Saint-Matthieu ».

Il paraît que bien grandes furent les difficultés, puisque M. Alexandre, morlaisien et contemporain des événements, parle dans les termes suivants :

« En 1832, presqu'au surlendemain d'une révolution qui avait fait défense à Dieu de sortir de ses temples [Note : Personne n'ignore, qu'après la révolution de 1830, les processions, même celles de la Fête-Dieu, furent interdites (Circulaire ministérielle du 25 décembre 1830), et n'ont pu avoir lieu, du moins dans un grand nombre de villes, qu'après la révolution de 1848 (N.-D. du Mur. Lédan, page 12)], le vénérable curé de Morlaix, qui a relevé tant de ruines et fait tant de bien dans notre ville, eut le courage, — il en fallait alors — d'édifier une chapelle en l'honneur de N.-D. du Mur. Des difficultés de tout genre, que la sagesse humaine eût considérées comme insurmontables, s'opposèrent d'abord à la réalisation de ce pieux projet, mais la sagesse qui vient d'en haut à d'autres calculs. L'homme de Dieu réussit à renverser tous les obstacles. Par sa bienveillance pour tous, il sut triompher du mauvais vouloir des uns et de l'indifférence des autres. Seul, n'ayant d'autres ressources que la charité de ses paroissiens, qui à la vérité ne lui fit jamais défaut, le saint prètre se mit l’œuvre ».

Aussitôt une personne riche et pieuse, Mme veuve de Trogoff, lui remit une somme de 6,000 fr. La générosité des Morlaisiens fit le reste et ainsi se trouva aplanie la grosse difficulté des ressources à trouver.

Restait à triompher d'une autre difficulté, l'opposition de l'autorité municipale, jalouse de ses droits de propriétaire sur le cimetière de Saint-Matthieu, droits admis par la nouvelle jurisprudence. M. Keramanac'h s'en tira en souscrivant, le 19 mai 1833, une déclaration que la chapelle qu'il se proposait de contruire à ses frais, serait considérée comme propriété communale.

Enfin, tout était prêt. Le nouvel édifice put être béni un an après la fondation, le 8 septembre 1834, fête de la Nativité de la Sainte. Vierge. La bénédiction fut donnée par M. Le Gac de Lansalut, recteur de Garlan, ancíen chanoine de Notre-Dame du Mur, et M. Graveran, curé de Brest, devenu plus tard (en 1840) évêque de Quimper, donna le discours.

La statue de Notre-Dame du Mur fut portée triomphalement dans les rues de la ville et déposée sur son nouvel autel, où elle continue d'être l'objet de la vénération universelle.

Nous avons le discours que Monseigneur Graveran prononça en cette circonstance (Œuvres de Mgr Graveran, t. II, page 241). Son texte exalte la fermeté du curé de Morlaix : Consurgite et ædificate sanctuarium Domino : « Levez-vous, et bâtissez un sanctuaire au Seigneur ». (I Paralip., XXII).

Il ne sait à qui revient le plus grand honneur, au prêtre assez hardi pour ouvrir ces franches communications avec les fidèles ou bien aux fidèles capables de les recevoir.

Dans l'érection de la nouvelle chapelle, l'orateur remarque le but, le temps, le lieu. Le but, s'écrie-t-il, témoigne de votre piété, le temps honore votre courage, le lieu met en lumière votre discernement.

1° Votre piété, vous la montrez en laissant, comme autrefois vos pères, aux générations futures un monument de votre dévotion à Marie, dévotion sainte et utile au salut ; — sainte : les exemples des saints le prouvent, — utile : Marie est notre sœur ; elle est bonne ; — elle est la fille du Père, l'Epouse de l'Esprit, la, mère du Fils, elle est puissante.

C'est bien ce que pense le peuple de Morlaix, car, ici, ce n'est pas l'œuvre exclusive d'une personne ou d'une très faible fraction de la population, c'est le brillant résultat de l'élan général, de la ferveur universelle.

Ici nous citons textuellement :

« Pardonnez, mes frères, si je me range parmi vous et partage votre joie, comme si j'étais l'un des vôtres. Aujourd'hui moins que jamais, je ne puis me résoudre à me croire étranger à votre ville. Si je ne suis pas un enfant de Morlaix par la naissance, je le suis par le cœur depuis plus de vingt ans et certes l'occasion est belle pour m'en prévaloir. C'est à ce titre que je suis venu célébrer avec vous la nouvelle inauguration de N.-D. du Mur. Quel nom ! et quels souvenirs il rappelle ! Mes yeux ne l'ont point vu, ce sanctuaire vénérable élevé par la piété magnifique de vos pères à la gloire de Marie. Mon regard n'a point mesuré les majestueuses proportions de cette tour si renommée dont la tête, élancée loin de la terre, semblait soutenir les espérances du chrétien au-dessus de la région des orages. Il n'en reste plus que la mémoire, et le temps emporte jusqu'aux ruines plus d'une fois arrosées de vos larmes. Mais ces larmes doivent perdre de leur amertume, aujourd'hui qu'il vous est donné de trouver dans cet oratoire une faible image de votre antique splendeur, de reconnaître dans les chants qui réjouissent cette enceinte un écho lointain de ces hymnes sacrés que retentissaient jour et nuit sur vos remparts, comme le cri de la sentinelle en présence de l'ennemi.

Qu'il doit être bien doux à votre piété de rattacher l'heure présente aux jours anciens et de remettre intacte aux mains de vos enfants cette noble tradition de dévotion envers Marie et de dévouement à son culte, qui vous fut transmise comme un dépôt sans prix par vingt générations endormies dans le Seigneur ! ».

2° Le temps n'est pas celui des construction religieuses. Les esprits positifs d'aujourd'hui oublient Dieu et disent volontiers : qu'il garde son ciel, à nous la terre ! Vous avez triomphé de cette indifférence ; ce sera votre honneur un jour. Il a fallu du courage pour aller contre l'esprit du siècle, et faire petit parce que l'on ne pouvait pas faire grand.

Nous citons encore :

« Quand les enfants de Juda, rentrés enfin dans leur chère patrie après les longues douleurs d'une dure captivité, eurent élevé sur les ruines de l'ancien temple un nouveau sanctuaire pour invoquer le Seigneur, le peuple entier en célébra la dédicace solennelle avec des cris de joie et des hymnes de louanges ; et cependant, au milieu de l'allégresse universelle quelques vieillards versaient des larmes, en rappelant à leur mémoire la magnificence à jamais anéantie du temple de Salomon et l'antique splendeur éclipsée sans retour. Vos cœurs comprennent sans effort des regrets si légitimes et peut-être une douleur pareille vient-elle les surprendre au milieu des joies de ce grand jour, quand vous comparez à la masse imposante du premier sanctuaire, les modestes proportions de cet oratoire qui doit en conserver le souvenir sans en retracer la gloire. Je ne chercherai pas à détruire cette impression, car elle se fonde sur un sentiment de justice à l'égard du passé, comme elle peut faire germer le sentiment d'une pieuse émulation dans l'avenir ».

3° Et dans quel lieu s'élève votre sanctuaire ? Dans le lieu le plus propre à exciter chez vous les sentiments qui font la force et la consolation du chrétien.

Près de la Croix de mission. — Cette croix, érigée en 1826, rappelait à Monseigneur Graveran celle qu'il défendit à Brest en 1830, en lui faisant un rempart de son corps, et qui est aujourd'hui dans l'église Saint-Louis de Brest. A Morlaix, la Croix ne fut pas abattue en 1830. La population sut la défendre, et la tradition en fait surtout honneur à la corporation des bouchers qui, en récompense, fut invitée à porter le Christ, lorsque, en 1889, à la suite de l'Adoration prêchée par le R. P. Arthur, franciscain, une nouvelle Croix fut érigée. — Cette Croix doit rappeler aux Morlaisiens les résolutions prises en un jour de ferveur. La chapelle est dans le cimetière : souvenir des morts, pensée de l'éternité ; prier pour eux et se préparer soi-même ; — près de la tombe du vénérable Jagu : Confiance en vos prêtres, qui veillent sur vous. Unis ensemble, ressuscitez, non plus pour édifier de concert les murs fragiles d'un temple matériel, mais pour devenir les temples vivants qu'habite la plénitude de la divinité.

M. Keramanac'h, autant qu'il était en lui, avait fait revivre et refleurir à Morlaix le culte de N.-D. du Mur. En consacrant un sanctuaire, si modeste qu'il fût, à la patronne de Morlaix, il l'avait replacée chez elle de façon à ce qu'elle pût dire aux habitants de toute la ville, quelle que fût leur paroisse d'origine : « Ici, vous êtes chez moi et, par conséquent, chez vous, car je suis votre mère et vous êtes mes enfants ».

Le vénérable curé montra ce jour-là qu'il connaissait son milieu. Il ne voulait pas que le culte de la Patronne de Morlaix pût souffrir de mesquines rivalités de clocher.

Ne pouvant offrir un temple plus majestueux à Celle qu'il appelait sa Dame, du moins voulut-il compléter son œuvre.

Le nouvel édifice, construit dans des conditions défectueuses, ne tarda pas à se lézarder, et on fut obligé de le restaurer jusqu'en ses fondements. Ces travaux furent activement conduits et on put bientôt procéder à une dernière inauguration. M. Keramanac'h avait fait appel à la générosité des habitants de Morlaix. Tous y répondirent de telle façon qu'au moyen de dons volontaires la chapelle put être ornée avec un goût qui fait honneur à M. Edouard Puyo, l'architecte qui dirige les travaux, et à M. Jean-Louis Nicolas, l'artiste qui les exécuta.

Le 4 mai 1857, une procession solennelle eut lieu, présidée par Monseigneur Sergent, évêque de Quimper et de Léon, et l'image de l'auguste Patronne de la cité fut triomphalement portée dans les principales rues de la ville, par quatre prêtres revêtus de dalmatiques.

M. Keramanac'h ne survécut pas longtemps à l'achèvement de son sanctuaire de prédilection : il mourut le 24 août 1860, à l'âge de 70 ans, laissant la réputation d'un prêtre dévoué à Marie, zélé à son devoir, sans crainte et sans faiblesse, très écouté des grands, qui connaissaient sa foi robuste et sa charité sans bornes, accessible aux petits, qui voyaient en lui leur père et leur soutien, digne, après quarante ans de ministère pastoral, d’être pleuré par une population entière qui, sans distinction de paroisse, regretta « le Curé de Morlaix ».

Depuis, Notre-Dame du Mur n'est sortie qu'une fois de son petit oratoire. C'est l'année des grands pèlerinages, en 1873. Elle fut portée solennellement à la Saiette.

Puisse la procession qui va bientôt se dérouler dans les rues de la ville, à l'occasion du sixième centenaire, marquer pour Morlaix le commencement d'une ère nouvelle de concorde et de paix. A l'heure où, non plus seulement l'église, comme le croyaient les plus indifférents, mais la société elle-même est menacée dans ses principes constitutifs et les plus élémentaires, demandons à Notre-Dame du Mur d'être, pour tous ses enfants de Morlaix, un mur et un rampart contre lequel viendront se briser tous les efforts des ennemis de Dieu, de son Eglise, de la famille et de la société !

Morlaix (Bretagne) : la chapelle de Notre-Dame du Mur.

IV - La nouvelle chapelle. Description.

Ayant à décrire la nouvelle chapelle que rappelle et conserve dans Morlaix les glorieux souvenirs de N.-D. du Mur, nous n'oserions l'appeler, avec M. de Kerdanet, « la chapelle élégante qui sert maintenant de sanctuaire à N.-D. du Mur ». Elle a été bâtie à une époque où le problème, en matière de construction d'église et de chapelle, était des plus simples : enfermer, au moins de frais possible, le plus de monde possible dans un espace donné. On comprend que, dans ces conditions, les architectes se missent peu en frais d'imagination.

Toute la décoration extérieure de la chapelle de Notre-Dame du Mur (Histoire de Morlaix, p. 334) se réduit à un portique en granit. Il se compose de deux colonnes et d'un fronton triangulaire, avec de nombreuses réductions de moulures qui permettent à peine d'y reconnaître les éléments de l'ordre toscan.

L'intérieur est simple et polychrôme.

Nous avons décrit ailleurs la Statue. Notre-Dame du Mur, tenant l'Enfant Jésus dans ses bras, est assise sur un trône en bois de chêne doré. Elle est supportée par un ange aux ailes éployées à côté duquel se trouvent deux autres anges portant des candélabres, mais ni l'ange qui porte la Sainte-Vierge, ni ceux qui l'accompagnent n'ont été faits pour cette destination, qui n'est guère de bon goût.

La Statue de la Sainte-Vierge, sans être un travail d'art, est pourtant estimable sous le rapport de l'expression et de l'exécution assez soignée des draperies, qui sont d'une bonne disposition. Elle offre ceci de particulier que l'intérieur a la forme d'une grotte. Lorsqu'on l'ouvre, on peut y voir un groupe représentant la Trinité avec des peintures en émail, qui ressortent sur un fond rouge ; le fond autrefois était d'or, mais l'or a disparu. Ces peintures sont d'un style naïf, très intéressant, et qui n'est pas dénué d'un caractère artistique.

On voit au-dessus de la porte d'entrée principale de la chapelle, un bas-relief qui semble être de la même époque que les sculptures qui se trouvent dans l'église Saint-Matthieu (1re moitié du XVIIème siècle). Elles sont exécutées selon le même système et sont probablement de la même main. La scène représente le Golgotha. Le Christ est attaché à la croix, la Vierge est évanouie et entourée des saintes femmes qui l'ont accompagnée. Malgré la gaucherie relative à l'exécution des figures, c'est une œuvre qui a bien son mérite par l'ordonnance de la composition et le sentiment dramatique.

Le vitrail du fond représente Notre-Dame du Mur et, à ses côtés, saint Jean et saint Matthieu.

Le vitrail du côté de l'Évangile représente la pose de la première pierre de l'église ducale et collégiale, le jour de l'Assomption en présence des cinq évêques. Dans celui du côté de l'Épître se trouve figuré un pèlerinage : la Patronne de Morlaix est portée par des jeunes filles revêtues du costume des artisanes morlaisiennes, la grande cornette et le châle blanc.

Sur les murs et à la voûte, ont été peints différents sujets se rapportant à la Sainte-Vierge.

Tout d'abord, sur le mur d'abside : du côté de l'Evangile, saint Joachim recevant la révélation de l'ange, que l'on peut croire sans témérité avoir été l'ange Gabriel, qui vient annoncer la naissance de Marie, et, du côté de l'Epître, sainte Anne et la Sainte-Vierge.

Ensuite, dans le sanctuaire : du côté de l'Evangile, saint Dominique et, vis-à-vis, Saint Bernard, deux grands serviteurs de Marie ; puis, en descendant par le côté de l'Evangile, N.-D. de Pitié, saint Jean l'Evangéliste ; au fond, des deux côtés de la porte d'entrée, saint Marc, saint Luc ; et, en remontant par le côté de l'Epître, saint Matthieu.

Ces peintures qui décorent les murs de la chapelle n'ont été faites qu'en 1875 ; celles du mur d'abside et de la voûte remontent à 1857.

A la voûte, tau-dessus de l'autel, on voit l'Assomption de la Sainte-Vierge ; puis, en descendant vers le fond de l'église, à droite : le couronnement de la Sainte-Vierge ; à gauche, l'Immaculée ; à droite, le mariage de la Sainte-Vierge ; à gauche, l'Annonciation ; à droite, la Visitation ; à gauche, la Présentation.

Au-dessus de la grande porte : des anges prosternés devant les SS. Cœurs de Jésus et de Marie.

Entre les sujets de la voûte, dont chacun forme un panneau richement encadré, se trouvent de petits anges, trois de chaque côté portant des inscriptions. Du côté où se trouve l'Annonciation, c'est la salutation angélique : Ave Maria — gratiâ plena — Dominus tecum. De l'autre, les inscriptions se rapportent à l'Assomption de Marie : Gaudent angeli. — In cœlum — Assumpta est Maria. — « Les anges se réjouissent, — Au ciel — Est montée Marie ».

Ces peintures, où la poésie s'allie à la simplicité, sont d'un pinceau sobre et délicat. Les arabesques fleuries, les broderies décoratives et les ornements variés de la chapelle sont traités avec goût.

Vitraux et peintures sont l'œuvre de M. Jean-Louis Nicolas, qui a surtout cette originalité à nos yeux, de n'avoir suivi les leçons d'aucun maître et de s'être formé lui-même. Dieu lui a donné une verte vieillesse et l'on pouvait voir, il n'y a que quelques jours, un beau vieillard de quatre-vingts ans montant les échafaudages pour retoucher et rafraîchir lui-même les peintures qui sont l'honneur de sa carrière. Nous ne serions pas étonné qu'il pût encore se faire assister dans son travail des mêmes ouvriers qui en avaient aidé l'exécution première, car l'atelier de M. Nicolas est à l'instar des vieux ateliers corporatifs de nos pères : on y reste quand une fois on y est entré et on y meurt. Le travail ne s'y fait pas pour cela plus mal ; au contraire.

Ajoutons pour mémoire, qu'au-dessous du chœur de la chapelle, se trouve une crypte avec une statue de saint Avertin, qui, est invoqué par les fidèles pour la guérison des maux de tête. Sa chapelle se trouvait autrefois dans l'enceinte du cimetière de Saint Matthieu, ce qui explique la présence de cette statue toujours dans le même cimetière. Le 16 juillet 1678, le procureur de la paroisse Saint-Matthieu, Jean Cozten, sieur du Rascoët, fournissant aveu des maisons et des héritages qu'il possède en la dite qualité débute ainsi : « Le terrain soubz l'église et cimetière dudict Saint-Matthieu, la chapelle de Saincte-Marguerite et celle de Saint Everzin y estant au fief du prieur dudit Sainct-Matthieu  » (Histoire de Morlaix, page 307).

(abbé L. Stéphan).

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