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DICTIONNAIRE DES TERRES ET DES SEIGNEURIES COMPRISES DANS L'ANCIEN COMTÉ NANTAIS

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ESSAI SUR LE DICTIONNAIRE DES TERRES ET DES SEIGNEURIES COMPRISES DANS L'ANCIEN COMTÉ NANTAIS ET DANS LE TERRITOIRE ACTUEL DU DÉPARTEMENT DE LA LOIRE-INFÉRIEURE.


INTRODUCTION.

Les histoires particulières des provinces embrassent un horizon qui est trop vaste encore, pour qu'elles puissent recueillir une foule de faits dont la mémoire mérite cependant d'être conservée et qui ont au moins un intérêt local.

Dans un ordre de subdivision inférieur à celui des provinces, et qui permet de ne négliger aucun détail, on a écrit les histoires de plusieurs villes et de quelques localités de moindre importance ; mais ce sont là des travaux isolés qui laissent entre eux d'immenses lacunes.

Les auteurs qui ont travaillé sur les détails d'un pays avec un plan d'ensemble, ont adopté la division par paroisses ou communes, et de ce système sont nés les dictionnaires de provinces ou de départements. Aux points de vue géographique, statistique, descriptif et autres, qui se rapportent directement au sol, ce choix ne laisse rien à désirer, sinon que, par la nature même des choses, qui ne varient pas de commune à commune, il expose à des redites fastidieuses qu'on pourrait peut-être éviter en modifiant légèrement ce plan. C'est ainsi, par exemple, que les considérations géologiques se plient déjà très-difficilement aux limites administratives et exigeraient un chapitre à part pour être convenablement traitées.

Ce léger inconvénient, s'il existait seul, ne mériterait guère d'être signalé ; mais, ces dictionnaires ont, avant tout, la prétention d'être historiques ; et sous ce rapport, qui intéresse seul la grande masse des lecteurs, la division consacrée par l'usage n'a aucune raison d'être, car la paroisse rurale n'a jamais formé une unité dans l'ordre politique et ne présente dès-lors aucun corps saisissable pour l'histoire.

Cependant les auteurs de ces dictionnaires avaient, d'après leur titre, un programme à remplir ; ils ont donc raconté longuement, à chaque article, les faits d'un intérêt général qui, par hasard, se sont passés dans telle paroisse plutôt que dans telle autre, et à l'accomplissement desquels elle a été le plus souvent fort étrangère. Ils auraient été tout aussi fondés à y placer les biographies des personnes célèbres que chaque paroisse a produites ; s'ils se sont bornés à citer leurs noms, ils devaient, par analogie, se contenter de rappeler que tel fait s'était passé en tel lieu, à moins qu'ils n'eussent à rapporter quelque particularité inédite.

C'est un vice que de découper l'histoire générale par lambeaux pour les répartir çà et là ; en les isolant de ce qui les a précédés et de ce qui les a suivis, on ôte à ces épisodes une grande partie de leur intérêt, et cet assemblage d'anecdotes incohérentes ne remplit aucun des buts que l'historien doit se proposer, c'est-à-dire d'instruire et de satisfaire l'esprit.

En dehors des villes, dont les communautés, plus ou moins émancipées avaient une existence réelle , la seule subdivision de la province qui vécût de sa vie propre était la terre ou la seigneurie, véritable molécule élémentaire de la société, dans son organisation féodale. Au point de vue historique, c'est donc cette unité qui devrait servir de base à un dictionnaire de province.

Le père du Paz avait parfaitement compris cette vérité, quand il a écrit, non pas un recueil de généalogies, comme le titre général de son ouvrage le dit mal à propos, mais bien l'histoire de plusieurs grands fiefs de Bretagne ; car les généalogies pures ou les filiations ne sont employées dans son livre que comme accessoires et pour rendre raison de la transmission des terres qui sont l'objet principal de son travail. Le plan de cet ouvrage était excellent, et chaque fois qu'on le consulte, on regrette que ce judicieux dominicain n'ait point eu de successeurs pour nous donner l'histoire de tous les grands fiefs de la Bretagne sur le plan qu'il avait si heureusement inauguré.

Un dictionnaire des terres, qui aspire à être complet, sans avoir la prétention d'atteindre ce but, doit se renfermer dans des limites infiniment plus resserrées qu'un recueil d'articles choisis arbitrairement et toujours peu nombreux. L'auteur, pour rester dans une juste mesure, doit considérer que la chose qu'il importe surtout de connaître pour toutes les terres, c'est la succession des familles qui les ont possédées ; les époques et les moyens des changements de mains. Là se borne réellement l’histoire de la plupart d'entre elles, et la tâche de l'auteur qui en traite dans leur ensemble ne va pas plus loin.

La matière, ainsi réduite à sa plus simple expression, n'en conserve pas moins un grand intérêt, soit qu'on la considère intrinsèquement, soit qu'on l'envisage dans les applications qu'on en peut faire.

Pour justifier la première assertion, il suffit de remarquer la curiosité avec laquelle la plupart des propriétaires recherchent par quelles mains ont passé les terres qu'ils possèdent, et comment elles sont successivement arrivées jusqu'à eux. Tout homme s'identifie naturellement avec la terre qui l'a nourri, et, pour peu qu'il pense, son intérêt ne se borne pas à sa propriété ; il s'étend encore aux terres de son voisinage. On peut dire avec vérité que c'est bien là ce qui constitue réellement l'histoire de la paroisse, car c'est cette connaissance qui donne la vie à chaque manoir, à chaque ruine, à chaque lieu dont les ruines mêmes ont disparu.

Sous le rapport des applications, nous remarquerons que la connaissance des propriétaires des terres est indispensable pour avoir l'intelligence complète de l'histoire, par suite de l'usage vicieux où elle est de ne désigner quantité d'individus que par le nom seul de leur terre. Faute de cette connaissance, on ne reconnaît pas les personnages qu'elle met en scène, et l'on s'expose à commettre les plus grossières bévues.

« C'est un vilain usaige, dit Montaigne (Essais, livre 1er, chap. XLVI) et de très-mauvaise conséquence en rostre France, d'appeler chascun par le nom de sa terre et seigneurie et la chose du monde qui fait le plus mesler et mescognoistre les races ». Or, la science des races ou des généalogies est absolument nécessaire pour bien comprendre l'histoire pendant toute la durée du régime féodal, où l'individualité ne parvenait jamais, quelque prononcée qu'elle fût, à s'isoler de son entourage ; en sorte qu'il faut compter non-seulement avec la personne, mais encore avec tout ce qui lui appartient. Bien peu de gens sont en état de reconnaître immédiatement à quelle famille appartenait le seigneur de tel fief à une époque donnée, même parmi les plus grands fiefs ; cette connaissance n'a jamais été le partage que de quelques organisations privilégiées ; un aide-mémoire en ce genre est donc un livre généralement nécessaire.

Dès qu'il s'agit de retrouver le nom patronymique d'un individu, au moyen du nom de terre sous lequel il est désigné, il est clair que l'ordre alphabétique est celui dans lequel les terres doivent être rangées pour la facilité des recherches. Cette application n'est pas d'ailleurs la seule à laquelle cet ordre convienne le mieux ; il satisfait encore au désir que l'on éprouve en maintes circonstances d'avoir quelques renseignements sur une terre qui est nommée sans que sa position soit assignée. Il ne suffit pas de savoir que telle personne possédait une terre de tel nom ; il faut encore pouvoir dire au juste où cette terre était située, un personnage est beaucoup mieux connu quand on l'a ainsi localisé. Ce n'est pas là une exigence nouvelle que nous faisons surgir, nous ne faisons que constater l'existence d'un sentiment fort répandu ; si les biographes attachent un grand prix à fixer positivement le lieu où le hasard a fait naître le personnage dont ils écrivent la vie, il est plus intéressant sans doute de connaître celui où son existence s'est écoulée, celui auquel ses intérêts les plus directs étaient attachés.

L'histoire des terres est un flambeau qui éclaire les recherches locales ; alors même qu'elle est encore incomplète, elle ne laisse pas que de fournir aux archéologues de nombreux jalons pour les guider dans leurs investigations ; le nom seul d'un seigneur est souvent pour eux une indication féconde, aussi cette histoire a-t-elle toujours été regardée comme l'une des parties essentielles d'un Dictionnaire de province ou de département. Si donc, Ogée, Girault de Saint-Fargeau ou autres, qui se sont occupés de ce sujet, avaient traité convenablement cette partie, il serait superflu sans doute de la remanier en se bornant à intervertir l'ordre qu'ils ont suivi ; il suffirait d'ajouter à leurs livres une table alphabétique des terres avec renvoi aux paroisses où il en est parlé.

Mais sous ce rapport, comme sous beaucoup d'autres, le Dictionnaire de Bretagne laisse infiniment à désirer ; les omissions, les assertions fausses ou hasardées, le défaut absolu de recherches y frappent tous les yeux attentifs ; c'est un livre très superficiel. Ce Dictionnaire, s'il avait été bien exécuté, aurait été un monument d'un grand prix : un digne et utile supplément à l'histoire des Bénédictins. Tous les matériaux nécessaires pour faire un excellent ouvrage existaient sous la main avant 1790, et il est d'autant plus regrettable qu'ils n'aient pas été utilisés alors qu'une grande partie de ces richesses n'existe plus aujourd'hui. Ogée, distrait par d'autres devoirs, ne pouvait consacrer à son œuvre tout son temps, comme il l'aurait fallu ; il fut obligé de s'adjoindre un collaborateur : sa faute fut de l'avoir mal choisi ; il avait besoin d'un chercheur de faits, il prit un littérateur ; il subit l'influence de son époque.

Les sources que l'on peut consulter avec le plus de fruit pour dresser un dictionnaire des terres, sont :

1° Les anciennes enquêtes ou réformations des paroisses.

2° La collection des aveux et des hommages rendus aux ducs et aux rois pour les terres qui relevaient directement de la couronne.

3° Les bonnes généalogies, telles que celles du P. du Paz ; celles que l'abbé le Laboureur a publiées à la suite de l'histoire du maréchal de Guébriant ; celles qui ont été données dans l'histoire des grands officiers de la couronne, et quelques autres dressées avec soin et sur titres.

4° Les extraits qui nous restent de la réformation générale de la noblesse de Bretagne exécutée de 1668 à 1671.

5° La grande histoire de D. Morice.

6° Les titres des particuliers.

7° Les archives judiciaires.

8° Les états des juridictions de Bretagne dressés par les subdélégués.

Les originaux des anciennes enquêtes ou réformations des paroisses n'existent plus ; ils ont été condamnés au feu par la commission préposée à Nantes, au triage des titres en 1792. Cinq registres sur trente-trois et une toute petite liasse sur un grand nombre d'autres, ont seuls échappé par hasard. Pour l'évêché de Nantes, l'unique débris du naufrage consiste dans l'enquête de la paroisse de Fégréac, de l'an 1440.

Sous le rapport de la statistique , cette destruction a été une perte irréparable ; car ces enquêtes avaient pour objet le chiffre et le mouvement de la population dans chaque paroisse, l'état de richesse des habitants, en un mot, tous les éléments d'un cadastre pour la répartition de l'impôt. Elles fournissaient, à quatre siècles de distance, les points de comparaison les plus sûrs et les plus curieux pour les économistes.

Dressées de 1426 à 1536, ces enquêtes étaient depuis longtemps devenues inutiles à l'administration, par suite des changements considérables survenus dans l'état des choses qu'elles constataient ; mais on s'en servait toujours pour prouver quel était l'état des personnes et des terres à l'époque où elles avaient été faites. Les terres et les personnes se divisaient en deux catégories que les commissaires avaient dû distinguer dans leur travail : 1° les nobles , qui étaient sujets au service militaire, s'équipaient et servaient un certain temps à leurs frais et payaient l'impôt du sang, charge assez lourde à une époque où l'état de guerre était le plus ordinaire et où il n'existait pas encore d'armées permanentes et régulières. Le service habituel aux armes était réputé noblesse et emportait l'exemption, comme le prouve l'extrait suivant de l'enquête de N.-D. et de Saint-Brice de Clisson, faite en 1427 : « Guillaume Simon n'a point accoutumé de payer ni contribuer pour ce qu'il met son fils en armes à toutes les fois que monsieur le duc mande ses subjects se lever sus en armes ». 2° Dans la deuxième catégorie étaient rangés tous ceux qui ne marchaient qu'en cas d'extrême nécessité, mais qui, pour prix de leur repos ordinaire, payaient l'impôt foncier, nommé fouage, parce que les feux ou ménages servaient de base à son assiette.

Ces enquêtes n'étant plus employées que pour prouver la qualité de noblesse aux XVème et XVIème siècles, on les désignait généralement sous le nom d'anciennes réformations de la noblesse, et ce fut cette domination impropre qui détermina sans doute leur condamnation. Longtemps avant l'époque de leur destruction, on en avait fait de nombreux extraits au point de vue de l'état des personnes et des terres ; c'est-à-dire donnant pour chaque paroisse les noms des terres nobles et ceux de leurs possesseurs. Ces extraits sont aujourd'hui la source la plus sûre et la plus abondante où l'on puisse se renseigner pour dresser un dictionnaire des terres.

Les enquêtes des paroisses mentionnaient non-seulement les terres proprement dites, mais encore les simples métairies nobles. Nous n'avons pas rejeté ces dernières de notre Dictionnaire, à cause de l'intérêt qui s'attache aux noms de leurs possesseurs, et en général à tout ce qui se rapporte à une époque déjà reculée. Nous les avons même rangées sans distinction au nombre des terres, car beaucoup de ces métairies étaient d'anciennes terres, ou sont devenues depuis des terres habitées, ou enfin étaient plus considérables que des terres proprement dites. Il ne nous a pas semblé que la présence d'un manoir fût la condition nécessaire d'une terre, et nous aurions été trop difficile en exigeant l'adjonction d'une justice, que les enquêtes ne mentionnent pas.

Les terres n'ont pas eu plus de fixité que les familles ; de grandes terres se sont réduites à presque rien, et d'autres, qui étaient peu de chose dans l'origine, ont pris un grand accroissement. Quantité de gentilhommières ont été absorbées par de riches voisins, et réduites à l'état de simples métairies ; des métairies nobles, des terres même, qui sont mentionnées dans les anciennes enquêtes, ont complètement disparu, et sont aujourd'hui perdues ; les unes par suite de transformations et de changements de noms, les autres pour avoir été morcelées jusqu'à l'infini, et s'être transformées en villages ; ainsi qu'on ne s'étonne pas si l'on ne retrouve plus aujourd'hui dans quelques paroisses, plusieurs des noms que nous y avons cités, et qu'on ne nous l'impute pas à erreur.

Après les anciennes enquêtes, la collection la plus utile à consulter pour l'histoire des terres, est celle des aveux rendus aux ducs, puis aux rois. Cette collection, qui a été conserve intacte à la Chambre des comptes, remonte à l'an 1400 environ. Les aveux anciens sont généralement très-laconiques, et ne mentionnent que la terre dont l'avouant est possesseur, et la seigneurie qu'il tient directement du prince ; ou bien s'il s'étend davantage c'est pour donner une longue nomenclature des rentes qui lui sont dues.

Mais plus tard il détaille tout ce qui relève de lui, en arrière fief du souverain, et fait ainsi connaître les deux premiers degrés de juridiction dans la hiérarchie féodale.

Parmi les terres et seigneuries qui relevaient directement de la couronne, on comptait les fiefs les plus importants, mais il y avait aussi bien des terres infimes ; et dans le second degré de la hiérarchie, il n'est pas rare de rencontrer des possessions féodales du premier ordre, en sorte que les aveux dont il s'agit, laissent subsister de grandes et importantes lacunes. Pour en donner un exemple, il suffit de citer la déclaration du baron d'Ancenis, où il se borne à dire que de lui relève la bannière de la Muce-Ponthus ; or, cette seigneurie, déclarée sans plus de détails, avait sous sa juridiction la paroisse de Petit-Mars tout entière ; les quatre cinquièmes de celle de Ligné, et les trois quarts de celle des Touches ; en sorte qu'au dessous d'elle, et en troisième degré hiérarchique, se trouvaient des terres et des juridictions fort importantes, que les aveux rendus au souverain ne mentionnent en aucune façon.

En outre de l'aveu, nommé aussi minu ou déclaration, le vassal noble devait à son suzerain la foi et l'hommage, et il lui était délivré un acte de sa réception. Les hommages faits au souverain étaient inscrits sur des registres particuliers à la Chambre des comptes ; ces registres ne remontent pas aussi haut que les aveux ; ils ne vont guère au-delà de 1550 ; ils sont même incomplets, mais ils n'en sont pas moins utiles à consulter, parce qu'ils servent à combler quelques lacunes qui existent dans les aveux.

Les grands recueils généalogiques sont assez connus pour qu'il soit inutile d'entrer à leur égard dans aucun détail ; c'est une source que l'on aurait tort de négliger.

Les registres qui contenaient les arrêts prononcés par la chambre établie pour la réformation de la noblesse de Bretagne de 1668 à 1671, auraient fourni une riche moisson pour l'histoire des terres, qui est liée si intimement avec celle des familles, mais ces registres n'existent plus ; ils ont été brûlés à Rennes, en 1792. Les extraits de ces arrêts qui nous restent, peuvent encore fournir bien des renseignements utiles, malheureusement ceux qui les ont faits ont singulièrement négligé les dates.

On peut extraire de l'Histoire de Bretagne, par les bénédictins, beaucoup de documents relatifs aux terres les plus importantes, et l'on trouverait difficilement ailleurs ce qui concerne les époques les plus reculées.

Les archives particulières sont généralement très-pauvres aujourd'hui ; ce qui en reste est dispersé çà et là, ignoré souvent de ceux qui les possèdent ; c'est un grand obstacle à ce qu'on puisse utiliser ces épaves de la révolution, qui méritent cependant un examen sérieux, comme concernant directement l'état et la transmission des terres. Les bénédictins se plaignaient d'avoir éprouvé de nombreux refus de communications de ce genre ; serait-on plus heureux aujourd'hui ?

Sous l'empire du droit coutumier, les questions de propriété, de juridiction et autres relatives à la terre, obligeaient le plus souvent de remonter à des époques extrêmement reculées, pour y prendre son point de départ ; le plus vieux titre était le meilleur, par suite de cette maxime, que le vassal ne pouvait jamais prescrire contre son seigneur. De là vient qu'en quantité d'arrêts, de mémoires, de factums et autres pièces judiciaires, on trouve des histoires de terre et de seigneurie fort complètes et appuyées sur de bons titres. Toute la difficulté consiste ici à avoir la patience nécessaire pour aller déterrer un renseignement utile, au milieu d'un fatras de procédures.

A deux reprises différentes, en 1717 et en 1766, les intendants de Bretagne demandèrent à leurs subdélégués des rapports sur les juridictions qui s'exerçaient dans l'étendue de leurs subdélégations. Ces rapports qui sont conservés dans le fond de l'intendance, à Rennes, ne sont pas dressés sur un plan uniforme ; il y en a de bien faits, de très-détaillés, mais d'autres sont tout-à-fait sommaires et incomplets. En général, les rapports de 1717 sont mieux soignés que ceux de 1766 ; ce sont ces derniers dont Ogée s'est servi pour son Dictionnaire. On ne peut en tirer pour le sujet qui nous occupe, que les noms des possesseurs des justices, à ces deux époques.

Après avoir exposé quelles sont les sources principales où l'on peut puiser les éléments d'un bon dictionnaire des terres, nous devons signaler la perte d'un recueil d'autant plus regrettable qu'il tenait à lui seul lieu de tous les autres, et pouvait, à la rigueur, dispenser de toutes recherches.

La réformation générale des familles nobles était à peine terminée que le grand Colbert, dont le vaste génie voulait porter l'ordre et la régularité dans toutes les parties de l'administration, prescrivit pour les terres, une mesure analogue à celle qu'il venait de faire exécuter pour les personnes.

Par édit de novembre 1672, une Chambre royale du domaine fut établie à Rennes, pour la réformation générale des justices seigneuriales en Bretagne.

Toutes les personnes possédant haute, moyenne ou basse justice furent assignées devant cette Chambre pour justifier, par titres authentiques, de la concession ou de la possession immémoriale desdites justices, et cette mesure comprenait non-seulement les justices qui relevaient prochement du roi, mais encore toutes les autres, à quelque degré qu'elles fussent. La possession se prouvait en montrant des actes de juridiction du degré que l'on prétendait posséder avec les ratifications nécessaires, ou bien en faisant voir que dans tous les aveux rendus au seigneur supérieur et reçus par lui, les seigneurs de ce fief s'étaient inféodés de ce droit. La longue suite d'aveux qu'on était obligé de produire en cette circonstance avait obligé tous les possesseurs de justices à d'immenses recherches pour établir et pour justifier les droits de leurs seigneuries.

Les registres des arrêts de la Chambre royale du domaine ont été brûlés à Rennes avec ceux de la Chambre établie pour la réformation de la noblesse ; malheureusement, il ne paraît pas qu'il ait été fait aucun extrait des arrêts rendus par la Chambre du domaine, en sorte que ses travaux sont complètement perdus ; on ne s'occupait guère alors des terres, tout l'intérêt se reportait sur les familles.

Cette perte est d'autant plus regrettable que l'histoire des justices a plus d'intérêt encore que celle des terres ; aucune terre importante n'était dépourvue de justice, et l'histoire de l'une est généralement celle de l'autre ; la justice était d'une qualité plus relevée que la terre et la véritable marque de la seigneurie. Enfin, les justices étaient infiniment plus stables que les terres ; tandis que celles-ci pouvaient toujours se morceler selon le caprice de leurs propriétaires, tout démembrement de la justice était interdit depuis très-longtemps.

Il était admis en principe que tout fief inférieur avait pour origine un démembrement du fief immédiatement supérieur ; ces démembrements s'étaient opérés librement d'abord, mais on avait bientôt senti la nécessité d'interdire absolument ceux des justices, dont le fractionnement jetait les juridictions dans un cahos inextricable. Quand on fit cette défense, il était déjà tard, et la confusion avait fait de grands progrès ; c'est par eux que s'expliquent les anomalies étranges qu'on remarque dans plusieurs juridictions qui ont dû être distraites, réunies ou subordonnées par une pure fantaisie de leurs possesseurs, les traitant comme choses dont ils pouvaient disposer à leur gré. Comment pourrait-on se rendre raison autrement de certaines bizarreries, par exemple de voir relever de la vicomté de Donges la partie de la terre de Vair, qui est située dans la paroisse d'Anetz Par de là Ancenis. Il y avait même des seigneuries , comme la baronnie de la Roche-en-Mort, qui consistaient uniquement en fiefs détachés les uns des autres et séparés par d'immenses distances ; elle avait juridiction supérieure dans les paroisses de Nort , Nozay, Quilly, Saint-Mars-de-la-daine, Saint-Julien-de -Vouvantes, le Pin, Vritz Soudan , Louisfert , Saint-Vincent-des-Landes , Saint-Aubin-des-Châteaux , Maumusson , Saint-Herbion , etc. On ne conçoit pas que ces fiefs épars aient jamais pu faire partie d'une seigneurie continue.

Une seigneurie, telle qu'on l'entend généralement, était une propriété complexe, composée de deux parties distinctes, qui n'étaient pas nécessairement réunies dans la même main ; d'une part, le domaine foncier ou la terre ; de l'autre, le fief, justice ou juridiction féodale. Le produit de la terre était ce qu'il est encore aujourd'hui ; la revenu du fief consistait dans les rentes féodales ; les droits de justice et les casuels ou impôts de mutation qui se paient maintenant à l'enregistrement. Ces deux sortes de propriétés étaient souvent séparées et tenues par des mains différentes ; de la deux personnes se qualifiant simultanément dans les actes, de seigneurs d'un même lieu, ce qui jette parfois dans un étrange embarras. A la rigueur, le possesseur de la terre aurait dû s'appeler sieur, et celui de la seigneurie seigneur ; mais cette distinction subtile n'était point observée. On prenait encore le titre de terres que l'on ne possédait pas réellement, mais sur lesquelles on avait des prétentions, suivant en cela l'exemple des souverains, et pour éviter la prescription ; c'est ainsi qu'après la mort d'André de Chauvigny, de nombreux compétiteurs s'intitulèrent barons de Retz.

Aucune limite n'étant imposée au fractionnement du domaine foncier, il en résulta que les terres de quelques seigneuries furent aliénées par parcelles tellement minimes, qu'elles finirent par perdre leur nom et par disparaître complètement : alors la justice, qui subsistait toujours dans son entier, prit le nom de fief en l'air, parce qu'elle ne reposait plus sur aucune terre. Le même résultat était encore amené par la faculté que l'on avait d'aliéner séparément le fief et la terre.

Dénuées de tout signe matériel, ces justices perdirent souvent leur nom primitif pour en prendre un nouveau, qui fut celui des familles qui les avaient possédées pendant longtemps, ou bien celui du lieu où elles s'exerçaient, et qui, par emprunt de territoire, pouvait être situé hors de leur juridiction ; ou bien encore tout autre nom que l'usage leur imposa. Ces variations sont autant de chances d'erreurs auxquelles il est bien difficile d'échapper complètement.

Au milieu de ce labyrinthe, les arrêts de la Chambre du domaine étaient le seul fil qui pût nous guider sûrement ; faute de ce document, le Dictionnaire des terres et des seigneuries ne peut plus être recomposé qu'à l'aide de matériaux épars et incohérents, auxquels il est difficile de donner une liaison assurée. On trouve bon nombre d'indications de propriétaires de terres à diverses époques dont on ne peut se servir, parce que la situation de ces terres n'est pas indiquée, et qu'il en existe plusieurs du même nom. Cette incertitude est cause qu'on ne peut utiliser immédiatement tous les matériaux qu'on a recueillis ; il faut, pour les employer à propos, attendre qu'ils s'éclaircissent et se complètent par d'autres, d'où il résulte que ce Dictionnaire ne peut pas être produit d'un seul jet, mais doit résulter de perfectionnements successifs.

L'essai que nous donnons aujourd'hui ne doit être considéré que comme un premier pas en ce genre de recherches ; comme une suite de jalons posés sur la route à suivre et qui peuvent guider utilement dans des investigations subséquentes. Nous nous sommes beaucoup plus attaché à donner des repères certains qu'à en multiplier le nombre, parce qu'il est plus facile de combler une lacune que de rectifier une erreur.

Le moindre article, pour le faire complet, exige des recherches tellement multipliées, qu'il ne nous paraît pas que ce soit là le but qu'on doive se proposer dans un Dictionnaire d'ensemble, où la masse des renseignements doit l'emporter sur la perfection des détails ; ce serait employer la meilleure partie de son temps sur un incident et faire de la monographie. Il est presque impossible, vu la dispersion des documents, qu'un homme seul puisse mener ce travail à bonne fin ; or, le meilleur moyen de faire un appel aux personnes de bonne volonté est de publier les notes déjà recueillies, sans se préoccuper de leur état d'imperfection.

Si, comme nous l'espérons, ce genre de recherches locales, qui n'a pas encore été essayé jusqu'ici, vient à être goûté, non-seulement le temps y apportera de grands perfectionnements, mais il sera imité dans les autres départements de la Bretagne, et nous pourrons un jour posséder un résumé historique de toutes les terres de la province, au moyen duquel chaque pas qu'on y ferait rappellerait un souvenir. Notre but serait rempli, si notre ballon d'essai devait amener un pareil résultat ; s'il déterminait l'édification de ce vaste monument tout national, auquel chaque ouvrier, si humble qu'il soit, peut utilement apporter sa pierre.

Le Dictionnaire des seigneuries comporterait naturellement quelques détails sur l'importance de leur domaine territorial, comme sur l'étendue de leur juridiction directe, sur les fiefs qui en relevaient et ceux auxquels elle devait obéissance ; nous n'avons pas compris cette partie dans notre travail. L'étendue des domaines a été chose si variable qu'elle ne pourrait être bien traitée que dans des monographies ; les détails dans lesquels il faudrait entrer à cet égard, dépassent les bornes d'un Dictionnaire général. Quant à l'importance des juridictions et au rang qu'elles occupaient dans la hiérarchie féodale, M. de la Borderie se propose de traiter cette partie d'une manière complète dans sa Géographie féodale de la Bretagne ; ne pouvant espérer faire aussi bien que lui, nous avons dû la lui abandonner entièrement.

Le cadre que nous avons adopté nous limite rigoureusement au territoire du comté nantais, tel qu'il existait en 1789, et à celui du département de la Loire-Inférieure ; nous avons même pris le soin, dans une note spéciale qu'on trouvera plus loin, de déterminer exactement ces deux territoires.

Cependant nous avons pensé qu'il était utile de déroger à cette règle générale pour quelques grandes seigneuries limitrophes du comté nantais et qui lui avaient même appartenu anciennement. Mais en donnant place à ces grandes seigneuries, nous n'avons pas jugé qu'il y eût lieu d'admettre dans notre Dictionnaire les terres et juridictions inférieures qui en relevaient. Tels sont les motifs pour lesquels on trouve les articles : Bouin, Chantocé, Chantoceaux, Montaigu, Montfaucon, Roche-Servière et Tiffauges.

 

Comté nantais  L'évêché de Nantes, le comté nantais, et la Loire-Inférieure

Comté nantais  Les paroisses du comté nantais et des communes de la Loire-Inférieure

Comté nantais  Les terres et seigneuries du comté nantais

 

(Ernest de Cornulier).

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