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PERSONNEL DE L'HÔPITAL GÉNÉRAL DU SANITAT DE NANTES

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Lorsque le commissaire de semaine avait fait sa tournée dans les divers quartiers de l'Hôpital général, il laissait aux aumôniers et à la supérieure le soin d'appliquer les prescriptions du Bureau et de veiller à l'exécution des règlements d'ordre intérieur. Le choix du personnel de service n'appartenait qu'aux directeurs des pauvres renfermés ; aumôniers, serviteurs et servantes étaient à leur nomination et ne relevaient que d'eux seuls. Louis XV, dans ses lettres patentes de 1760, leur reconnaît ce droit dans ces termes :

ARTICLE XIV. Lorsqu'il sera besoin de choisir et nommer les aumôniers, les supérieurs, soeurs et autres personnes de l'un et l'autre sexe, nécessaires pour le service et gouvernement intérieur de la maison, voulons que l'élection s'en fasse en plein bureau et à la pluralité des voix, pourvu, néanmoins, que lesdits aumôniers soient approuvés du sieur évêque de Nantes, et seront destituables et révocables à la volonté des administrateurs.

La principale mission des aumôniers était de diriger l'instruction religieuse et morale des pauvres renfermés, mais il ne leur était pas interdit, de surveiller leur conduite et de réprimer les infractions à la règle. Les administrateurs voulaient qu'après avoir exercé leurs fonctions sacerdotales, ils eussent de fréquents rapports avec les pensionnaires, afin de mieux juger ceux qui avaient besoin de leurs conseils. Tous les pauvres renfermés, soit de force, soit de bonne volonté, leur étaient connus, car ils étaient chargés de tenir le registre des entrées, des sorties et des décès. Le règlement suivant fera connaître jusqu'où s'étendaient leurs attributions [Note : Les aumôniers recevaient, au XVIIème siècle, 150 livres par an et 14 sols par enterrement. En 1786, leurs honoraires étaient de 564 livres, et ils touchaient, de plus, le profit de la délivrance des extraits mortuaires].

Règlement pour MM. les aumôniers.

Il y aura deux aumôniers, dont le plus ancien prendra le premier lieu entre eux, ils seront sepmainiers dans tous leurs emplois et les partageront et concerteront entre eux pour leur soulagement particulier et pour le bien et l'édification de la maison.

Leur principal emploi sera de dire les messes qu'ils diront à l'intention de l'hôpital, à l'exception de deux par semaine dont ils se sont réservés l'application, et ce, aux heures marquées, l'une à la chapelle de la cour basse, pour les hommes et les garçons, et l'autre à la chapelle de la cour haute, pour les femmes et les filles. Ils acquitteront tous les services et toutes les fondations de la maison. Instruiront les pauvres des choses nécessaires au salut, les catéchiseront et leur feront de temps en temps des exhortations et leur administreront les sacrements, lorsqu'ils le souhaiteront et qu'ils les trouveront en estat de les recevoir, ayant soin de le faire avec tout l'honneur, la probité et la douceur possible et convenable à l'estat et à la pauvreté de la maison.

Lorsqu'ils porteront le saint viatique aux malades, outre celuy qui porte une lanterne, il y aura deux flambeaux allumés portés par des petits garçons et un dais porté par deux hommes ou deux garçons des plus forts.

Ils auront soin que les chapelles soient toujours propres et les ornements en bon estat, et que la lampe soit toujours allumée en présence du saint Sacrement, et conduiront les enfants aux processions auxquelles ils sont convoqués.

Ils auront soin de faire sonner la cloche aux heures marquées au règlement cy-dessus, et de commettre pour cela ceux qu'ils jugeront les plus exacts et les plus fidèles d'y satisfaire.

Ils auront un livre millésimé dans lequel sera inséré le nom, et surnom de tous les pauvres qui seront admis à l'hôpital, leur âge, le lieu d'où ils sont natifs, la vocation et le temps de leur réception et de leur sortie, et si ce sont des petits enfants, ils prendront le nom de leur père et mère et leur profession, et s'ils décèdent à la maison où a l'Hôtel-Dieu, ils marqueront le jour de leur décès.

Pour estre plus assuré de la réception des pauvres qui seront de temps en temps admis à l'hôpital, crainte que la supérieure ait oublié de les avertir de ceux qui auroient esté mis à la maison, ils sont priés de s'informer d'elle une fois, à chaque semaine, de ceux qui luy auroient esté envoyés, afin de les employer sur leur livre de réception.

Ils auront un livre particulier dans lequel sera inséré le nom et surnom de tous les pauvres qui auront esté pris en mendiant et auront esté envoyés pour être enfermés et détenus prisonniers. Ils marqueront leur âge et le lieu de leur naissance, leur profession et les lieux par où ils ont passé. Ils tâcheront de les consoler, instruire et disposer à s'approcher des sacrements et les porteront à faire un bon et saint usage de leur captivité et de quitter leur métier de gueux, et ils donneront au bureau des jeudys de chaque mois un inventaire exact de tous ceux qui ont esté mis à l'hôpital pendant le mois, soit pour y demeurer, soit comme prisonnier.

Ils auront soin que ceux qui seront receus dans la maison soient confessés et communiés dans 8 ou 10 jours, s'ils sont en âge et disposition de s'approcher des sacrements [Note : En 1653, on avait arrêté que les pauvres seraient obligés de se confesser avant d'être admis]. S'ils ne les trouvent pas en estat, ils emploieront leurs soins pour les en rendre capables au plus tost.

Si tost qu'ils auront connoissance de l'évasion de quelque pauvre, particulièrement d'un homme ou d'un garçon, ils en donneront avis au premier directeur qu'ils trouveront et de la manière dont s'est fait l'évasion, s'ils en ont connoissance.

Ils se trouveront chacun en sa semaine au réfectoire des pauvres pendant le disner et le souper pour faire observer exactement ce qui est porté par le règlement, pour dire le Benedicite et les grâces, en l'absence des directeurs ecclésiastiques, pour y faire faire le catéchisme au repas du matin et une lecture spirituelle à celuy du soir et la prière ensuite.

Ils feront souvent la visite dans tous les départements de l'hôpital pour instruire les pauvres ou pourvoir à leur instruction de la manière qu'ils jugeront le plus utile, et afin de voir s'ils se tiennent dans leur devoir et s'ils remarquent quelque déréglement dans leur conduite, ils y remédieront le plus promptement qu'il se pourra soit par avis spirituel et charitable, soit par quelque châtiment ; MM. les directeurs leur donnant tout pouvoir de correction en leur absence, particulièrement sur les hommes et sur les garçons, et pour ce qui regarde les femmes et les filles, s'il s'en trouve en faute considérable, ils en feront donner avis à la supérieure, afin de les faire châtier si la faute le mérite, et en cas que le déréglement soit notable, ils en avertiront quelqu'un de MM. les directeurs, pour y apporter l'ordre qu'ils jugeront nécessaire.

Ils recevront tous les billets des ciergers qui demanderont des enfants pour des enterrements ou services. L'un d'eux conduira ceux qui iront aux processions. Es prendront les plus petits et moins capables de travailler. Ils auront soin de les faire marcher deux à deux et d'une manière modeste et édifiante. Lorsqu'ils seront arrivés au lieu où le corps du deffunct est exposé, il leur fera chanter le libera et ensuite dire l'oraison, et tâchera de les tenir ensemble et en modestie, lorsque le corps aura esté porté à l'église où il doit être inhumé et les ramènera aussitôt dans le mesme ordre qu'il les avait conduits.

Si quelqu'un d'eux ne peut, pour raison d'affaires pressantes ou d'infirmité, accompagner les enfants aux processions ou qu'il fallût en envoyer en mesme temps en plusieurs lieux, ils auront soin d'en commettre la conduite à un des plus sages et des plus sûrs qui sera obligé de les conduire et ramener, ainsi qu'il est marqué cy dessus, et si quelqu'un avait manqué à son devoir d'en donner avis aussitost son retour, afin que l'on y remédie à l'avenir par un châtiment indispensable.

Après la retraite sonnée, ils feront une courte prière dans la chapelle de la cour basse et prendront soin d'y faire assister tous les hommes et garçons qui pourront y assister et d'obliger ensuite tout le monde de se retirer dans son appartement avec modestie, et de prendre les clefs de la porte qu'ils rendront au matin après l’Angelus sonné.

Ils chanteront la grand'messe à neuf heures les grandes festes, telles que sont le 1er jour de l'an, feste des Rois, la Purification avec la bénédiction des cierges et procession, le mercredi des Cendres avec la bénédiction , le dimanche des Rameaux avec la bénédiction et procession, le Jeudi Saint, le Samedi Saint, le dimanche de Pâques, l'Ascension, la Pentecôte, la Trinité, saint Rogatien et saint Donatien, la feste de Dieu et procession avecq exposition, le salut durant tout l'octave, saint Pierre, l'Assomption, la Nativité de la Sainte Vierge, tous les têtes de saint Nicolas, le premier dimanche des Avents et Noël, et pour lors la messe de la frairie de saint Roch servira de messe ordinaire pour la cour basse, et ils diront pareillement vespres les festes et dimanches, à deux heures après midy.

Ils feront alternativement le catéchisme [Note : A l'origine, cinq ordres religieux étaient chargés de faire le catéchisme tant aux renfermés qu'aux pauvres de la subsistance] l'un dans la chapelle de la cour haute, l'autre dans celle de la tour basse, au moins de 15 en 15 jours, entre une et deux heures après midy.

Ils auront soin de convier tous les pauvres et les porter à approcher souvent et saintement des sacrements et qu'ils communient tout au moins les 4 festes principales de l'année, et si quelqu'un des pauvres s'en dispensoit par paresse ou négligence, ils seront obligés d'en avertir MM. les directeurs ecclésiastiques.

Ils prieront MM. les directeurs ecclésiastiques de leur assister deux fois l'année, savoir : à Pâques et à Noël, de bons et vertueux ecclésiastiques, afin de donner aux pauvres plus de liberté de conscience et le moyen de déclarer avec plus de confiance.

Ils auront chaque année 6 jours de temps pour faire leur retraite et en cas qu'ils ne pussent trouver un prêtre pour mettre en leur place pendant ce temps, ils s'adresseront à MM. les directeurs ecclésiastiques, afin qu'ils puissent leur en procurer en leur place.

Ils auront soin d'aller d'abord souvent chez les maîtres des manufactures, après la publication de ce présent règlement, pour voir si l'on commence et finit le travail par les prières et pratiques de piété marquées et désignées dans le règlement.

Ils tâcheront d'entretenir une sainte intelligence et union avec les sœurs pour le bien et l'avantage spirituel de la maison, évitant d'ailleurs avec elles toute sorte de familiarité.

Le gouvernement intérieur de l'Hôpital général était particulièrement confié à une fille de mérite qu'on nommait intendante, gouvernante ou supérieure. La plupart de celles qui exercèrent ces fonctions au Sanitat appartenaient à des familles d'un rang distingué. La première, Mlle Thérèse de l'Aigle, fut remplacée par Mlle Marie Martin de la Vernade, qui, en 1673, offrit de servir gratuitement les pauvres, de s’habiller à ses frais et de consacrer 200 livres au soulagement des pauvres renfermés, et de laisser tout son mobilier à la maison après son décès. Pour les personnes qui leur succédèrent, quand leur éducation ne répondait pas de leur capacité, on exigeait tout au moins qu'elles eussent fait leurs preuves dans un établissement de bienfaisance.

La supérieure exerçait une surintendance générale sur tous les services et rendait compte de ses observations et de sa gestion directement au commissaire de semaine. C'est elle qui assignait à chaque pauvre admis la place qui lui appartenait, commandait les corvées nécessaires à la propreté ou à l'administration des quartiers, surveillait le travail des femmes, des filles et des enfants dans les ateliers, donnait les permissions de sortie et faisait observer les articles du règlement. En lisant le résumé des devoirs qui lui étaient imposés, on verra que les gouverneurs exigeaient surtout qu'elle exerçât son autorité avec douceur et bonté.

Règlement de Mlle la supérieure

[Note : Il doit avoir été fait vers 1700].

La supérieure sera celle que MM. les directeurs auront choisis et nommés pour tenir ce rang et occuper cette place tant à l'égard des sœurs que de toute la maison.

Elle ne sera pas traitée et nommée soeur comme les autres ; mais sera appelée de tous Mademoiselle ou Madame selon sa qualité.

Elle ne sera jamais établie dans cet employ et dans cette qualité qu'après avoir demeuré trois ans dans cette maison ou dans un autre hôpital général fort réglé et fort considérable.

Elle aura une revue et une surintendance générale sur les maîtres et les maîtresses des manufactures et sur tous les pauvres de la maison qu'elle traitera avec bénignité et charité et dont elle tâchera de gagner les cœurs par ses soins, par sa tendresse, par la douceur de sa conduite.

Elle recevra tous les billets de la réception des pauvres et les fera placer dans les lieux qui leur seront les plus propres et les plus commodes.

Elle sera aussi avertie de tous ceux qui seront amenés pour être détenus prisonniers dans la maison et donnera aussitôt avis à MM. les aumôniers de tous ceux qui auront été mis à l'hôpital soit pour y demeurer, soit comme prisonniers, afin qu'ils en chargent leur registre et qu'ils puissent employer leurs soins spirituels envers eux conformément à leurs besoins. En cas qu'il fut arrivé quelque chose d'extraordinaire et de considérable dans la maison, elle en donnera avis au bureau général qui se tient le premier jeudi de chaque mois.

Elle pourra changer les pauvres de lit et de demeure quand elle le jugera convenable.

Elle emploiera tout autant d'hommes et de femmes ou de filles qu'elle trouvera nécessaire pour les besoins et approprimans de la maison comme serait pour faire les lits, balayer les chambres, les cours, les dortoirs et tous les lieux communs et pour adoucir les emplois les plus pénibles et les plus dégoutants, elle pourra leur donner une plus grande portion de viande ou de vin.

Elle pourra donner quelque nourriture extraordinaire aux pauvres qu'elle connaîtra les plus infirmes et qui ne peuvent vivre de la portion et des vivres ordinaires.

Et pour être mieux informée de leurs infirmités, elle ira au moins une fois la semaine visiter tous les pauvres chacun dans leur chambre, tâchant par de tels soins gagner leurs affections.

Elle aura soin à faire que les enfants s'occupent chacun dans son emploi et aussi à ce que les maîtres et les maîtresses ne les surchargent de travail et ne les traitent pas avec trop de rigueur.

Elle aura soin que le tixier aye toujours de la toile à faire pour le service de la maison.

Elle aura soin que les femmes s'occupent à filer, leur faisant donner et recevoir la filasse par conte ou poids, et, pour les animer à travailler, elle pourra leur faire donner un sou par livre.

Elle aura soin de faire marquer dans un livre le nombre de viande que l'on prendra par chaque jour et de l'arrêter par chaque semaine.

Elle aura un petit livre où elle mettra toutes les charités qui lui seront mises en main pour la maison et dans lequel elle emploiera toutes les mises et comptes pour les menues dépenses et nécessités ordinaires.

Aucune des soeurs, des maîtresses des manufactures et aucun des pauvres ne pourront sortir sans sa permission, à l'exception seulement d'un seul garçon désigné pour le service de chaque maître en sa boutique et qui pourra sortir par son ordre et des garsons qui sortiront par ordre ou pour le service de MM. les aumôniers.

En plaçant les garsons elle aura soin d'en faire mettre un grand garson avec un petit dans un même lit et une grande fille avec une petite par bonne raison.

Elle aura soin de faire travailler les filles qui ont quatorze ans et de les occuper au moins deux fois la semaine dans quelque travail fort et fatiguant afin qu'elles puissent s'accoutumer à des emplois pénibles dans les lieux ou les conditions où elles pourront estre.

Elle procurera autant qu'il sera en elle la propreté et la netteté dans les dortoirs et les chambres des pauvres, dans le linge et les habits des enfants par tous les moyens possibles.

Elle aura un soin tout particulier des chapelles, sacristie, linge et ornement, que tout soit propre et, s'il y manque quelque chose, elle en donnera aussitôt avis à MM. les directeurs afin de pourvoir à ce qui sera nécessaire.

Elle aura soin tous les matins de faire ouvrir les portes du département des femmes et des filles et le soir de leur faire fermer conformément au règlement général et de se faire reporter les clefs ou les mettre entre les mains des sœurs qu'elle jugera plus sûres.

Elle tiendra un mémoire exact des pauvres qui vont à l'hôpital, de leurs noms, de leurs emplois, comme aussi du tems de leur retour.

Elle avertira MM. les directeurs de renouveler l'inventaire des meubles de la maison le lendemain de la fête de la Saint-Jean.

Elle assistera aux prières et exercices spirituels des sœurs, qui se font en commun, comme aussi à leur repas dans leur réfectoire auquel elle dira le Benedicite, le De profundis avec l'oraison Deus veni Largitor et ensuite celle de Fidelium Generalium. Elle aura un soin et une vigilance universelle sur toute la discipline de la maison sous le bon plaisir et sous l'autorité de MM. les directeurs qui lui donnent, pour ce sujet, tout le pouvoir et l'autorité nécessaires qu'elle assaisonnera de tant de douceur et de charités qu'elle fera connaître aux pauvres qu'elle est plustôt leur servante que leur maîtresse et qu'elle ne prétend pas tant leur commander que de leur rendre son commandement salutaire et avantageux.

Elle ne pourra permettre à personne, pas même aux sœurs, qu'à celles qui en ont la conduite, d'entrer au Refuge, s'y ce n'est en cas de rébellion et d'absolue nécessité comme serait la maladie d'une des sœurs employées, pour en avoir le soin et pour les faire châtier, ce qu'elle ne pourra faire faire que par une femme de la maison et sy une des dites pénitentes méritait quelque châtiment extraordinaire qui ne peut être fait par des femmes, elle en donnera avis au bureau.

Les femmes qui furent, à l'origine, chargées de pourvoir aux besoins matériels des pauvres et de les surveiller dans leurs diverses occupations étaient des servantes à gages. Celles qui leur succédèrent, en 1674, étaient des personnes pieuses qui se consacraient au service des malheureux afin de gagner plus facilement le ciel sans vouloir d'autre récompense que les promesses de Dieu. Leurs noms nous sont connus, ce sont Marie Bon, de Nantes ; Thérèse Marion, de Château-Thébaud ; Marie Brignon, d'Angers et Olive Turmeau, de Vue. Elles vinrent supplier les directeurs de les recevoir comme servantes des pauvres pour toute la vie, sans leur payer aucun salaire, à la charge seulement de les nourrir et de les entretenir. Elles sont les premières de cette longue lignée de filles de dévouement qui consentirent à passer leur existence au milieu de la population du Sanitat, pendant les XVIIème siècle et XVIIIème siècles. En 1683, quelques nouvelles filles ayant témoigné le désir de servir les pauvres renfermés avec le même désintéressement, les directeurs s'empressèrent de les admettre aux mêmes conditions que les précédentes.

Afin de sceller leur engagement d'un caractère plus irrévocable, le secrétaire rédigea un traité en forme de règlement, où furent énumérées toutes les obligations auxquelles elles se soumettaient. Je ne puis me dispenser de citer ici cet acte important, car les termes n'en ont jamais été modifiés dans les conventions postérieures passées avec les servantes jusqu'en 1789.

Traité et conventions faites entre MM. l'abbé de Lesrat, de la Poitevinière, Gayot, Mariot et Bouchaud, directeurs de l'hôpital général de Nantes, commissaires députés par délibération du bureau de la direction du 20 mars 1683, à l'effet des présentes et sœurs Olive Trumeau, Perrine Bourgeois, Marie Blondineau, Perrine Clemenceau, Marie Pelé, Hélène Robert, Yvonne de Saint-Aubin, Renée Léonarde, Françoise Bouchaud, étant actuellement au service des pauvres en cet Hôpital général.

Lesquelles ont déclaré que, pour le motif de l'honneur et gloire de Dieu, et pour travailler à leur salut, elles ont résolu de quitter le monde et de se consacrer au service des pauvres le reste de leur vie, sans en prétendre d'autre salaire dans ce monde que d'y être nourries et entretenues toute la vie et faisant bien leur devoir, et, en particulier, elles ont promis et se sont obligées d'obéir à MM. les directeurs de la maison et à la supérieure qu'il leur plaira établir sur elles ; de garder et d'observer exactement tout ce qui leur sera prescrit par le règlement général de la maison et par le leur particulier, de vivre en paix, douceur et union mutuelle, de s'employer fidèlement au service des pauvres, de les traiter avec douceur et charité et d'être fidèles à conserver et ménager le bien de la maison comme le leur propre, sans en pouvoir disposer pour aucun autre usage que le service de la maison et que par l'ordre et commandement de mesdits sieurs les directeurs ; enfin de ne pouvoir se retirer de la maison et du service desdits pauvres ni pour un temps ni pour toujours, que par la permission de mesdits sieurs les directeurs.

Sur quoy lesdits sieurs directeurs et commissaires députés reconnaissant que lesdites soeurs ont fait leur temps de probation et donné des preuves de leur charité et de leur zèle au service des pauvres, les ont reçues et admises en qualité de sœurs servantes des pauvres et se sont obligés à cet effet sur tous les biens dudit Hôpital général de les nourrir et entretenir de tout, saines et malades, jeunes et vieilles, de les traiter honnêtement et avec douceur, de les faire assister, dans les maladies, de médicaments et autres choses nécessaires, de leur procurer les moyens de leur salut pendant leur vie, comme d'un directeur spirituel pour les conduire et confesser, de leur accorder le temps d'une retraite par chacun an, prenant leur tems les unes avec les autres, sans pourtant qu'elles sortent de la maison, de les faire assister de prières après leur mort, comme il sera spécifié cy-après, sans pouvoir jamais les mettre dehors pour aucune des causes cy dessus ; mais seulement en cas de malversation scandaleuse et préjudiciable au bien de la maison, comme serait commerce infâme, larcin de choses considérables, ivrogneries et désobéissances formelles et opiniâtres aux dits sieurs directeurs ou aux personnes établies de leur part, pour leur tenir lieu de supérieure, après que le tout aura été délibéré par assemblée générale du bureau, et en ce cas on les fera conduire par charité en leur pays si elles sont éloignées d'ici, et, en outre, pour leur donner le moyen de gagner leur vie et ôter l'occasion de mal faire, on les paiera et récompensera à proportion du tems et des services qu'elles auront rendus dans la maison, aux frais dudit Hôpital. Si, toutefois, on était obligé de faire sortir lesdites sœurs et tous les pauvres pour raison de maladie contagieuse dont la ville pourrait être affligée, ce qu'à Dieu ne plaise, elles ne prétenderont aucune récompense pour ce changement, mais seulement on pourvoiera à tous leurs besoins jusqu'à ce que les pauvres fussent rétablis dans la dite maison où elles reprendront les soins et les emplois auxquels elles se sont engagées.

Le décès de quelque une des soeurs arrivant dans la maison, les autres sœurs l'enseveliront décemment laissant le corps dans leur infirmerie jusqu'à ce qu'il soit levé pour être porté à l'église lesquelles suivront immédiatement ayant chacune un cierge à la main, et, en considération du service qu'elles rendent aux pauvres, les directeurs feront faire à chacune le service suivant :

Le jour de l'enterrement etc....

Elles pourront faire tous les ans une retraite de six jours sans néanmoins sortir de la maison, si le directeur le juge nécessaire, employant ce tems pour reconnaître devant Dieu les fautes et les négligences dans les emplois et les sources dont elles procèdent afin de gémir devant Dieu à y pouvoir remédier efficacement et pour renouveler leur ferveur au service des pauvres et s'acquitter ensuite plus saintement de leurs obligations.

Lesdites soeurs tâcheront de se porter avec tant de zèle, de douceur et de charité, qu'elles puissent, par la sainteté de leur conduite contribuer à l'édification des pauvres et répandre dans le public la bonne odeur de Jésus-Christ.

Celles qui seront reçues à l'avenir, ne pourront être censées et réputées soeurs de la maison qu'après deux ans d'épreuve et n'en pourront être dispensées pour quelque cause que ce soit, ce temps étant nécessaire pour faire l'épreuve et l'examen de la vocation, et après ce temps expiré, si elles persévèrent dans leurs saintes intentions et si elles en sont jugées capables, elles seront reçues par le bureau de la manière ci-devant spécifiée.

Quand elles entreront dans la maison en qualité de soeurs et pour y examiner leur vocation, elles donneront leur linge, leurs habits et autres hardes par inventaire à la supérieure, qui les fera serrer en un coffre ou lieu sûr et on leur donnera du linge et des habits ordinaires des sœurs.

Toutes les sœurs n'auront aucuns linges ni habits en particulier mais en commun, lesquels se mettront dans une armoire pour servir à toutes les soeurs indifféremment, desquels linges et habits il sera fait un inventaire qui demeurera entre les mains de la supérieure.

Elles accepteront tous les emplois qui leur seront donnés, soit par Messieurs les directeurs, soit par la supérieure, et comme il y en a de plus pénibles et plus fatiguants les uns que les autres, lorsqu'elles s'en trouveront fatiguées et surchargées, elles pourront le représenter humblement à Messieurs les directeurs, que y pourvoiront selon leur prudence.

Elles auront du respect pour tous les ordres de Messieurs les directeurs, qu'elles tâcheront d'exécuter avec promptitude et fidélité, et porteront le même honneur et le même respect à leur supérieure, lui obéissant en tout et ne sortant de la maison jamais sans lui en avoir demandé la permission et sans son consentement, laquelle pourra leur donner une compagne si elle le juge nécessaire.

Elles conserveront tout le bien de la maison et le ménageront avec le même soin et la même fidélité qu'elles apporteraient pour la conservation de leur propre bien et de leurs intérêts.

Elles se comporteront avec les pauvres avec beaucoup de patience, de tendresse et de charité, se souvenant qu'elles se sont données à Dieu pour être des victimes de la charité, qui doivent être consommées au service des pauvres, se servant souvent de ces sentiments pour renouveler la disposition de leur cœur, et pour dévorer saintement les peines et les difficultés que se trouvent souvent dans les emplois.

S'il leur venait quelque insulte de la part des pauvres ou des maîtres des manufactures, elles en avertiront les supérieures pour en donner avis à Messieurs les directeurs, qui les maintiendront et soutiendront en toutes les choses raisonnables et  puniront sévèrement les insultes qu'on leur aurait faites.

Elles n'exigeront point de service des pauvres pour elles en particulier, se souvenant qu'elles ne sont pas venues à l'hôpital pour être servies, mais pour servir ; c'est pourquoi elles ne souffriront pas qu'on fasse leurs lits ou leurs chambres, si ce n'est pour la nécessité de leurs infirmités.

Elles garderont dans les chambres beaucoup de propreté, mais avec tant de simplicité qu'il n'y ait rien qui puisse blesser la pauvreté de la maison, et qui ne ressente la profession qu'elles font d'être servantes des pauvres.

Elles doivent garder exactement cette même modestie et simplicité dans les habits, linges, coiffures et chaussures, éloignant toute propreté affectée qui marque la vanité et mondanité du siècle.

Lorsqu'il se présentera dans les emplois des objets rebutants et fâcheux à la nature, elles tâcheront d'animer leur charité à leur aspect, et les regarderont comme la matière la plus précieuse et la plus propre pour allumer le feu de la charité qui les doit consommer.

Elles se parleront entre elles avec honnêteté et douceur, ne se tutoyant jamais, ni se donnant noms impropres ou de raillerie, mais elles honoreront les unes dans les autres la qualité de servante de J.-C.

Elles garderont la même conduite à l'égard des pauvres auxquels elles ne reprocheront point leurs misères ou leurs dérèglements, et en leur parlant, ne les traiteront pas seulement avec douceur, mais même avec honneur et respect, envisageant et honorant en eux la personne adorable de N.-S., dont ils sont les membres les plus précieux.

Elles seront fort retenues dans leur manière de parler les unes aux autres en présence des pauvres, ne se contestant jamais, crainte de les scandaliser et de leur donner mauvais exemple.

Elles seront fort modestes dans leur maintien et dans leur marcher, ne se tenant jamais sous le bras, ni par la main à la manière des gens du monde.

Elles auront une grande fidélité à exécuter les fonctions de leurs emplois et lorsqu'elles auront fait quelque faute contre les règles qui leur sont marquées, elles tâcheront d'avoir le courage et l'humilité de s'en accuser, au temps de l'examen du soir, en présence de leurs autres sœurs, comme aussi de recevoir en une posture humiliante les réprimandes et les corrections qui leur seront faites par les supérieures, se mettant à genoux et baisant la terre avant d'ouvrir la bouche pour se justifier.

Elles parleront et traiteront avec toutes sortes d'hommes avec honnêteté, mais soutenues de beaucoup de prudence et d'un grand sérieux, évitant toutes sortes de familiarités et n'iront jamais seules dans les chambres de Messieurs les aumôniers et sans permission de la supérieure qui leur donnera une compagne.

Quand elles auront besoin de quelques hardes, linges ou habits, elles ne s'adresseront pas à Messieurs les directeurs, mais à la supérieure, qui aura soin de leur en procurer.

Elles se lèveront en été à quatre heures et demie, en hiver à cinq heures, donnant d'abord leur esprit et leur cœur à Dieu, usant d'une sainte diligence à s'habiller, afin de se disposer plus promptement et plus saintement à faire leur oraison pendant une demi-heure ; la supérieure ou celle qui tient sa place, fera les préparations nécessaires, relira le sujet de l'oraison et en fera la conclusion par cette courte prière : Sub tuum prœsidium.

Elles regarderont cet exercice comme le canal par où doivent couler toutes les grâces nécessaires pour leur satisfaction, et les secours dont elles ont besoin pour soutenir les peines et les difficultés de leurs travaux et de leurs employs. Et pour réussir dans les oraisons avec succès et avec bénédiction, elles observeront exactement le silence, depuis la prière du soir jusques après avoir entendu la sainte messe, ne le rompant que pour le besoin et nécessité des pauvres et de leurs employs disant ce qu'elles auront à dire le plus brièvement et le plus succinctement que faire se pourra.

Elles tacheront d'observer religieusement ce même silence dans l'exercice de leur emploi, et pour s'y rendre plus ponctuelles, elles doivent être convaincues que c'est un des moyens les plus puissants pour contribuer à former et à soutenir leur intérieur, et pour attirer sur elles et sur la maison des graces extraordinaires, et pour l'édification des pauvres.

L'oraison des soeurs étant finie, la soeur qui est préposée pour les dortoirs des filles se rendra personnellement parmi elles et dans les dortoirs pendant qu'elles se lèveront, afin de veiller à ce qu'elles se lèvent aussitôt que le signal du lever sera donné, sans paresse, en silence et avec modestie, et aura soin de faire observer ce qui est marqué dans le règlement, et sera accompagnée d'autres sœurs dans cet emploi si la supérieure le juge nécessaire.

S'il était même expédient que la soeur des dortoirs se trouvât présente au lever des filles, pour les tenir plus régulièrement dans leur devoir, elle quittera son oraison pour s'y trouver exactement avec d'autres sœurs, s'il est nécessaire, lesquelles reprendront dans la matinée un autre temps pour faire leurs oraisons.

Elles entendront la messe qui se dira à l'heure marquée dans le règlement général, tâchant de renouveler chaque jour, assistant au divin sacrifice, celui qu'elles ont fait d'elles-mêmes à N.-S. en qualité de servantes des pauvres.

Elles déjeuneront toutes ensemble en silence, à huit heures en été et à huit heures et demie en hiver, dans le réfectoire, et si quelqu'une par négligence ne s'y trouvait pas dans ce temps, elle sera obligée de demander à la supérieure permission de déjeuner en particulier.

Elles ne mangeront jamais, ni ne boiront jamais de vin hors le réfectoire, si ce n'est en cas d'infirmité et à la connaissance de la supérieure.

Elles s'occuperont chacune dans son emploi le reste de la matinée.

Elles assisteront toutes au repas des pauvres pour les servir et leur distribuer des vivres, à l'exception des portières et cuisinières, ou de celles qui auront quelqu'autre emploi par ordre de la supérieure.

Elles dîneront immédiatement après le dîner des pauvres dans le réfectoire, gardant exactement le silence et écoutant la lecture qui se fera exactement par lesquelles sœurs alternativement, afin de recevoir en même temps la nourriture spirituelle et corporelle. Elles seront servies par portions et leur disner sera toujours précédé d'un petit examen de conscience.

Après le disner, elles auront ensemble demi-heure de récréation, pendant que deux d'entre elles pourront alternativement laver la vaisselle, se faisant aider d'autant de filles et de femmes qu'il sera nécessaire, ce qui se fera modestement.

Chacune ira ensuite à son emploi et à ses occupations.

Elles prendront tous les jours après dîner une demi-heure, à l'heure la plus commode qui leur sera marquée par la supérieure, pour se retirer devant le Saint-Sacrement ou dans leurs chambres, et s'appliquer à quelques exercices de piété, ou à adorer et aimer Dieu dans le fonds de leur cœur.

Les jours de fête et de dimanche, si elles souhaitent employer plus de temps à la prière et à l'oraison qu'aux jours de travail, elles auront la liberté de le faire en cas qu'elles n'aient pas d'occupations ou d'obligation d'emploi marqué et déterminé, mais ce sera dans la chambre commune des exercices ou dans les chapelles, afin que si l'on a besoin de leurs services, on puisse les trouver à point nommé, le tout avec la permission de la supérieure.

Elles ne feront aucuns vœux, ni n'entreprendront aucune mortification corporelle, telles qu'elles puissent être que de l'avis et participation de leurs directeurs, crainte de se rendre inutiles ou à charge à la maison, et au service des pauvres par l'indiscrétion de leur zèle.

Si la supérieure remarquait en quelqu'une des sœurs des pratiques de mortification trop grandes ou trop fréquentes, elle pourra en avertir son directeur, afin qu'il y remédie comme il le jugera à propos.

Lorsque quelqu'une des soeurs aura quelque maladie ou infirmité, elle en donnera incontinent avis à la supérieure et sera obligée d'aller à une infirmerie qui leur est destinée, afin que l'on puisse pourvoir à ses besoins et à son indisposition par des moyens convenables.

Elles apporteront un soin particulier à ne perdre pas un moment de temps dans des emplois inutiles et à s'occuper incessamment, saintement et utilement, se souvenant souvent qu'elles se sont consacrées totalement à Dieu, dans le service des pauvres et que c'est faire une espèce de sacrilége que de dérober des moments si précieux, destinés à des occupations si saintes et dont il faudra rendre un compte si exact et si rigoureux.

Elles tâcheront de s'établir fortement dans l'intérieur, pour ne pas se laisser dissiper par la multiplicité des actions extérieures, considérant souvent qu'il ne suffit pas de faire une chose qui est bonne de soi, mais qu'il faut s'y porter par des dispositions intérieures et que c'est ce qui fait l'âme, la vie et l'excellence de l'action, et pour se faciliter le moyen d'agir d'une manière sainte et méritoire, elles tacheront de faire toutes leurs actions comme dans la vue et dans la présence de Dieu, et dans le dessein unique de lui plaire.

A chaque heure que l'horloge sonnera, elles feront les mêmes aspirations et diront les mêmes prières que font tous les pauvres de la maison.

Immédiatement après le souper et la prière des pauvres, elles iront à leur réfectoire pour souper, y observant les mêmes règles et le même ordre qu'elles ont tenu à leur dîner, à l'exception du seul examen qu'elles ne feront pas pour lors, parce qu'il est remis au temps de la prière du soir.

Après le souper, elles auront une heure de récréation ensemble et en commun, elles n'iront pas laver la vaisselle qui est à laver, ce qui est remis au lendemain au jour suivant.

Elles seront couchées à neuf heures et demie au plus tard, si ce n'est en cas de nécessité et avec permission de la supérieure.

Pour conserver la mémoire de ce présent règlement et le pouvoir observer avec la fidélité nécessaire, l'on en fera lecture tous les premiers lundis de chaque mois, dans la chambre commune des exercices des sœurs, avant la lecture de leurs méditations [Note : En 1787, il y avait 19 sœurs soumises à cette règle]. (Extrait des registres de délibérations).

Quelques jeunes gens entraînés par l'exemple de ces vertueuses filles se présentèrent aussi au bureau du Sanitat pour servir gratuitement les pauvres sous le titre de frères et s'acquittèrent de leur office avec zèle ; mais leur dévouement n'ayant pas rencontré d'imitateurs, l'administration fut obligée de recourir bientôt aux serviteurs à gages.

La mission qu'avaient à remplir les aumôniers et les sœurs au milieu d'une population aussi diverse d'âge, d'origine et de mœurs que celle de l'Hôpital général présentait plus d'une difficulté, car il s'agissait de faire vivre en commun des individus d'un caractère peu sociable, d'habituer au travail des mains jusqu'alors inactives, d'assouplir à la discipline d'une règle des existences perdues dans le vagabondage, d'élever des adolescents dans des idées d'ordre et de travail, enfin de supporter la mauvaise humeur de vieillards aigris par le malheur et les infirmités. Lorsqu'ils étaient parvenus à établir l'harmonie dans ce réceptable de toutes les misères humaines, j'allais dire dans ce pandemonium, il leur restait encore à y semer des principes de conduite pour les mauvaises natures. L'Hôpital général leur semblait créé pour un double but. Ils ne voulaient pas seulement, en réprimant la mendicité, préserver la société des dangers du vagabondage, mais encore transformer tous les vauriens en ouvriers utiles et en citoyens honnêtes, l'établissement devait donc être tout à la fois une maison de correction et une école de moralisation. Pour maintenir leur institution à la hauteur de ses obligations, les directeurs crurent que le plus sûr moyen de réussir était de faire appel aux sentiments religieux des pauvres renfermés en multipliant les pratiques de piété. Le règlement que je vais citer et dont les articles furent observés au Sanitat pendant plus d'un siècle semblera plutôt fait pour une communauté religieuse que pour un Hôpital général, mais il ne faut pas oublier en le lisant que dans l'ancienne société française le Christianisme par son influence universelle présidait à la conception de toutes les entreprises.

Règlement des pauvres renfermés du Sanitat.

[Note : Je n'ai pu trouver l'ancien règlement du Sanitat, qui, dit-on, était imprimé ; mais en faisant ces recherches, il m'en est tombé entre les mains, un qui doit être assez ancien. Je le crois de 1680 environ, peu après, et je fonde cette croyance sur le nom de M. Bouchaud, qui était alors administrateur et qui se trouve inscrit en tête et en marge de cette pièce, ainsi que sur un arrêté de cette époque qui ordonne la révision des anciens règlements de la maison. Le règlement de la Salpétrière a servi de modèle].

La fin principale des Hôpitaux généraux étant de rémédier aux misères corporelles et spirituelles des pauvres mendiants, de les retirer de l'oisiveté et de la vie débordée qui l'accompagne ordinairement ; pour l'exécution d'un ouvrage aussi important à la gloire de Dieu qu'il est utile au public et pour donner moyen aux pauvres renfermés du Sanitat de travailler utilement à leur salut, Messieurs les Directeurs remplis d'un saint zèle et d'une tendresse véritablement paternelle pour eux, ont ordonné et arrêté le présent règlement conformément aux anciens règlements et veulent qu'il soit exactement observé dans tous ses points pour le bon ordre de la maison et l'avantage de tous ceux que la divine Providence y a mis ou conduira dans la suite.

Tous les pauvres, excepté les infirmes, se lèveront diligemment, le matin, au premier son de la cloche, ayant soin de donner leur cœur à Dieu.

L'heure du lever sera, depuis la fête de tous les saints jusqu'à Pâques, à six heures du matin et à cinq heures depuis Pâques jusqu'à la Toussaint. L'on pourra toutefois avancer ou reculer le lever de quelques quarts d'heures lorsque le jour augmentera notablement et que le froid ne sera pas trop rigoureux.

Le maître des garçons et l'une des soeurs préposées, l’un pour le dortoir des garçons et l'autre pour le dortoir des filles, et l'un des hommes et des femmes dans leurs chambres et dortoirs diront chacun en leur semaine d'une voix haute et distincte, dès qu'on sera hors du lit : Mon Dieu que nous adorons de tout notre cœur, nous croyons en vous, nous espérons en vous, nous vous aimons de toute notre âme et de toutes nos forces, nous désirons de vous servir et de vous bénir à jamais. Tous prendront de l'eau bénite en faisant le signe de la croix, s'habilleront en silence et avec modestie et avec diligence, récitant quelques prières ou s'entretenant de saintes pensées, et se peigneront avec soin, feront leurs lits et se tiendront prêts au son de la cloche qui sonnera demie-heure après le lever pour les avertir de se rendre à la chapelle pour y faire la prière qui sera récitée à haute voix par un de Messieurs les aumôniers et ensuite entendre la sainte-messe [Note : Les pauvres changeaient de chemise toutes les semaines et les draps étaient renouveler tous les mois].

Les garçons y seront conduits par leur maître et les filles par les sœurs préposées, en bon ordre, deux à deux, en silence et d'une manière digne de la sainteté du lieu où ils vont entrer et de l'auguste mystère auquel ils vont assister.

Après la sainte-messe, tous sortiront de l'église et retourneront dans le même ordre au lieu qui leur est marqué : les hommes et les femmes dans leur chambre et dortoir ; les garçons dans leur réfectoire sous la conduite de leur maître. On y fera l'école et dire les leçons aux enfants, on fera aussi écrire ceux qu'on en jugera capables : ensuite de quoi, on leur apportera à déjeuner ; mais avant de leur distribuer, on leur fera à tous laver la bouche. Le maître dira ensuite le Benedicite et on en fera de même du côté des filles dans leur réfectoire.

Après le déjeuner, tous les pauvres s'appliqueront au travail, chacun dans son ouvroir. Le maître, en son absence, le plus ancien, dira d'une voix haute : Mon Dieu, nous vous offrons le travail que nous allons faire, pour votre amour, donnez-nous, s'il vous plait, votre sainte bénédiction. On chantera ensuite l'hymne du Saint-Esprit, Veni Creator, pour attirer en soi cet Esprit adorable qui est la source de tout bien et la charité même : comme aussi les hommes et les femmes valides s'occuperont aux ouvrages que Mlle la supérieure ou MM. les directeurs leur ordonneront, sous peine de désobéissance et d'être mis dehors la maison.

Pendant son travail, on aura soin d'élever son cœur à Dieu de tems en tems et lorsque l'horloge sonnera, par quelques courtes et saintes inspirations, en ces termes : Bénie suit l'heure à laquelle N. S. J.-Ch. est né et a été crucifié pour nos péchés, ou Bénie soit la très-sainte Trinité, ou Souvenons-nous que nous mourrons tous et que nous rendrons compte du tems qu'il nous a donné et de toutes les actions de notre vie, ou Souvenons-nous que nous sommes en la présence de Dieu qui voit tout jusques aux plus secrètes pensées de notre âme, ou le Gloria Patri. On divisera ces sortes d'élévations, afin que la répétition ne les rende pas ennuyeuses.

A neuf heures, deux enfans de chaque ouvroir commenceront les litanies du Saint Nom de Jésus que tous les autres répondront dévotement sans s'interrompre du travail.

A dix heures, on gardera le silence dans toutes les boutiques, pendant lequel on fera une lecture spirituelle d'un quart d'heure, dans l'imitation de Jésus, ou quelqu'autre bon livre, afin de pouvoir plus aisément s'entretenir de saintes pensées. Pendant le silence, les sœurs commenceront, dès-lors, à porter le diner aux infirmes.

A onze heures, on sonnera le dîner des pauvres. Ils quitteront tous leur travail, se rendront au réfectoire sans bruit et sans tumulte, et y garderont exactement le silence depuis qu'ils y seront entrés, sous peine de châtiments.

Lorsqu'ils seront placés chacun dans le lieu qui lui est marqué, l'un des aumôniers ou de MM. les directeurs ecclésiastiques, s'il se trouve là, dira le Benedicite, et les Grâces à la fin, que les pauvres réciteront tout bas. La supérieure ou celle qui tient sa place, fera la même chose dans le réfectoire des femmes.

On aura soin, pendant la table, de veiller sur les pauvres et de voir s'ils sont attentifs au catéchisme qui se fera pendant le dîner et commencera aussitôt qu'ils seront servis, et à la lectura qui se fera pendant le souper, au lieu de catéchisme.

Si quelqu'un des pauvres vient au réfectoire après le Benedicite, il n'aura que du pain et de l'eau, à moins qu'il n'ait une excuse raisonnable qu'il sera obligé de déclarer à ceux qui président au réfectoire.

Celui ou celle qui aura commis quelque faute grave sera mis en pénitence à genoux au milieu du réfectoire et n'aura que du pain, et si la faute le mérite, il sera châtié plus rigoureusement par l'ordre de la supérieure ou par l'ordre de M. le commissaire de semaine.

Nul de sa propre autorité ne prendra ni pain, ni autre chose, mais demandera humblement ce dont il aura besoin aux sœurs ou à ceux qui servent au réfectoire. Il y aura sur les tables des vaisseaux pleins d'eau pour les besoins des pauvres et un nombre suffisant de gobelets. Ils pourront aussi avoir des petits pots à l'eau pour leur usage, qui ne serviront qu'à eux ; mais ils ne quitteront point leur place pour aller chercher de l'eau et n'en n'apporteront point d'ailleurs.

On n'emportera du réfectoire ni pain ni autre chose, sous peine de châtiment pour la première fois, et les hommes et les femmes , en cas d'une récidive, seront chassés de la maison, et, pour plus grande précaution et empêcher le mal, ordinairement on les fouillera au sortir, et ceux qui s'y opposeront ou qui ne voudront pas le souffrir, seront chassés de la maison sur-le-champ, sans autre délibération.

Lorsqu'il se trouvera des étrangers au repas des pauvres, celui qui préside au réfectoire les priera honnêtement de garder le silence, crainte que la liberté qu'ils se donneraient de parler et de converser entr'eux ne causât de la dissipation et ne donnât lieu aux pauvres de rompre eux-mêmes le silence. Pour l'empêcher, il y aura dans le réfectoire quelque tableau où sera inscrit en gros caractère le mot : silence.

A la fin du dîner, celui qui a dit le Benedicite dira les Grâces de la même manière, l’Angelus et le De Profundis, avec l'oraison Deus veni largitor, pour les bienfaiteurs de la maison, et l'oraison Fidelium Pour tous les défunts.

Après le dîner, les pauvres auront quelque temps pour se peigner, se nettoyer, s'appliquer à leurs leçons, et pourront rester dans leur cour jusqu'à une heure, où l'on sonnera pour le travail.

Au premier son de la cloche, tous retourneront à leur travail, pour recontinuer jusqu'au soir. On le commencera, comme le matin, par une courte prière ; mais au lieu de Veni Creator, on chantera les commandemens de Dieu.

Les sœurs auront soin de faire le catéchisme et la leçon aux filles dans leur ouvroir, sans que le travail en soit interrompu.

Comme rien n'est plus précieux que le tems et que les pauvres, surtout les jeunes, ont plus besoin de le bien employer pour apprendre à gagner leur vie du travail de leurs mains, n'ayant ni bien ni revenu, on s'attachera beaucoup à leur en inspirer l'amour et à leur donner une grande estime du bon emploi du tems. " Notre vie est incertaine et de peu de durée, d'elle dépend néanmoins notre bienheureuse ou malheureuse éternité ; il importe donc infiniment d'en bien ménager les moments et de nous en servir pour gagner le ciel. — Heureux celui qui, dès sa jeunesse, se soumet à la loi de Dieu, qui courbe sa tête de bonne heure sous l'aimable joug du Sauveur, qui contracte de bonne heure l'habitude de la vertu et de l'assiduité du travail ; elles ne le quitteront point jusqu'au tombeau ; il en recueillera les doux fruits dès cette vie et plus encore après sa mort, pendant que le paresseux n'aura pour partage que l'affliction, la pauvreté et toutes sortes de confusion. — L'oisiveté et la paresse, dit le sage, enseignent tous les vices ; la diligence et l'amour du travail produisent l'abondance de toutes sortes de biens et d'honneurs. — Celui qui fuit le travail est insensé. Il est indigne de vivre et du pain qu'on lui donne. — Le laborieux deviendra riche et opulent ; il sera élevé et verra les autres sous ses pieds ". C'est là quelques-uns des motifs qui doivent exciter les pauvres, particulièrement les jeunes, à la diligence et au travail et qu'on doit leur proposer souvent.

A deux heures après midi, on chantera les litanies de la sainte Vierge ; et, à trois heures, les vêpres, s'unissant de cœur aux saints du ciel et de la terre, qui chantent les louanges de Dieu et bénissent ses saintes miséricordes. On pourra aussi quelquefois, le soir et le matin, chanter des cantiques spirituels.

Depuis quatre heures jusqu'à cinq, on gardera le silence, comme on a fait le matin.

A quatre heures en hiver et à cinq heures en été, on commencera à porter le souper dans la chambre des infirmes. Une heure après, on sonnera la cloche pour le souper des pauvres ; où l'on observera le même ordre qu'on a observé au dîner, si ce n'est qu'après les grâces, on dira les prières du soir, après lesquelles chacun des pauvres se retirera dans sa cour ou dans son appartement. On y pourra passer et se récréer honnêtement ce qui reste de tems jusqu'à 7 heures, et jusqu'à 8 heures et demie en été qu'on donnera le signal de la retraite. Alors tous les pauvres se retireront dans leur dortoir pour se coucher, avant quoi on leur fera une courte prière, afin de finir la journée par la même pratique de religion qu'on l'a commencée. Tous se coucheront ensuite en silence dans une grande retenue et modestie, en se souvenant de leurs fins dernières et que peut-être cette nuit sera le commencement d'une nuit éternelle et du sommeil de la mort. Dans cette pensée, on s'excitera à la douleur de ses péchés et à faire un acte de vive contrition. Tous prendront de l'eau bénite et feront le signe de la croix, pendant que celui ou celle qui a fait les actes de prières au lever dira d'une voix haute : Jésus, fils du Dieu vivant, ayez pitié de nous. Conservez-nous, sainte Vierge, mère de Dieu, nos saints anges, nos saints patrons, priez pour nous. Etant au lit, on tâchera de prendre une posture décente et honnête et de s'entretenir avec Dieu par de saintes pensées.

Lorsque la retraite sera sonnée, le portier aura soin de tenir la porte fermée à clef, sans qu'aucune personne puisse entrer ni sortir sans sa connaissance et fermera la porte en hiver à huit heures et en été à neuf heures, et portera les clefs chez celui qui préside à la maison, et n'ouvrira la porte au matin qu'après le son de la prière, à moins qu'il n'y eût raison pour cela, comme la lessive et les ouvriers travaillant dans la maison.

S'il arrive quelque accident pendant la nuit ou durant le jour, on en donnera avis aussitôt à la Supérieure et à MM. les aumôniers pour y apporter l'ordre nécessaire.

Les maîtres de boutiques n'auront qu'un seul garçon qu'ils puissent employer à les servir et à faire les commissions. Il ne sortira qu'avec un maro qu'il laissera au portier pour le reprendre en rentrant. S'ils en ont besoin d'un second, ils seront obligés de l'aller demander à M. le commissaire de semaine ou au maître des enfants.

Ils ne permettront point que les enfants sortent de leurs boutiques pour leurs nécessités sans permission ou plusieurs à la fois, pour ne pas leur donner occasion de perdre le tems ; ce qui s'exercera avec la même exactitude dans les ouvroirs des filles.

Lorsque le tems de l'apprentissage sera expiré, Mlle la Supérieure pour les filles et le maître des garçons pour les garçons demanderont leur congé au bureau qui ne le leur accordera point qu'après s'être informé s'ils sont instruits et s'ils ont tenu une conduite sage et réglée et où ils doivent aller.

Les enfants, de la conduite desquels on aura été satisfait, qui auront été de bonnes mœurs, d'un esprit docile et soumis, sortant d'apprentissage et ayant obtenu leur congé du bureau, seront habillés aux dépens de la maison. On donnera aux garçons : un habit, deux paires de chausses, deux chemises, deux cravates, un chapeau, des souliers, le tout de neuf. Aux cordonniers on ajoutera : une paire de pince, deux tranchets, une broche, deux aleines et un tablier. Aux menuisiers : un compas et un tablier. Pour les filles, dont on sera également contentes et qui auront eu une conduite régulière et vertueuse, on leur donnera aussi, tout de neuf : un habit, un tablier, une paire de chausses, deux chemises, deux coëffes, deux mouchoirs de cou, et une paire de souliers.

La Supérieure commettra pour nettoyer les deux cours et les lieux communs, ceux ou celles qu'elle jugera à propos pour cela et autant de fois la semaine qu'elle jugera nécessaire. Pour les engager à bien faire, elle pourra leur donner une portion de viande au soir, comme aussi pour faire les lits des chambres des infirmes.

On accordera à personne la liberté de parler aux enfans que sont en apprentissage, si ce n'est aux jours de fêtes et de dimanches, pour ne pas les détourner de leur travail, et on ne leur parlera qu'à la porte, au travers des barreaux et en présence de l'une des sœurs, à moins que MM. les Directeurs et la Supérieure ne jugent à propos de lever cette défense et ne donnent une permission particulière de les voir, ou que ce ne soit des personnes de piété qui viennent les visiter pour les catéchiser et pour les instruire. On en usera de même à l'égard des femmes.

Il est défendu à tous les pauvres de la maison de sortir sans la permission de la Supérieure ou du Commissaire de semaine ; nul ne sortira qu'avec un maro qu'il laissera entre les mains du portier. Donc le portier fouillera fort exactement, et s'il manque à son devoir, sera mortifié et en cas de récidive il sera chassé.

Les pauvres qui tomberont dans des maladies considérables, seront conduits à l'Hôtel-Dieu par ordre de la Supérieure. Les hommes et les garçons seront conduits par un des serviteurs, muni du billet de la Supérieure. Les femmes et les filles par une des sœurs. Ils seront ramenés de la même sorte et à leur retour ils seront obligés de se représenter à la Supérieure qui les placera. Elle leur fera donner de l'extraordinaire selon et autant de tems qu'elle le jugera à propos.

Les pauvres qui auront été reçus au bureau lui apporteront le billet de leur réception. Les enfants avec leurs petits ustensiles ordinaires et les hommes et les femmes avec leurs meubles, dès que les commissaires en auront fait inventaire, elle les fera mettre dans un lieu convenable, si le bureau n'en a point marqué ; et elle fera un état et un mémoire des hardes et meubles qu'ils auront apportés dans la maison, et qui leur seront rendus s'ils sortent dans l'année ; passé lequel temps elles seront confondues dans la maison, en sorte néanmoins qu'elles en auront usage et s'en serviront sans les pouvoir vendre ni donner, ni en disposer en quelque manière que ce soit, non plus que les autres meubles de la maison.

Les jours de fêtes et dimanches, tous les pauvres assisteront à la grand'messe et à vêpres dans les chapelles qui leur seront marquées ; et pour plus grande sûreté, les dortoirs et infirmeries des hommes seront fermés pendant lesdits offices. Ils auront pour l'église, qui est la maison de Dieu, un religieux respect et une crainte salutaire, se souvenant de la grandeur de Dieu qui y est adoré, de l'énormité du crime que commettent ceux qui profanent la sainteté de son temple et des redoutables châtiments dont Dieu les a punis et qu'il leur réserve. On veillera exactement sur ceux qui commettent quelques immodesties et ce sera une espèce de faute la moins pardonnable et qu'on punira plus rigoureusement.

Tous les pauvres ne seront pas moins exacts de se rendre au catéchisme et aux instructions qui leur seront faites les jours de fêtes, de dimanches et de travail, par un de Messieurs les aumôniers, et de s'y rendre aux heures et de la manière qui leur sera prescrite. Ceux qui veilleront à la conduite des enfants, les feront tenir attentifs et modestes pendant le tems que Monsieur l'aumônier leur fera le catéchisme.

L'Hôpital général étant une maison consacrée à Dieu, d'une manière toute particulière, et destinée aux œuvres de piété et de miséricorde, et au soulagement des pauvres qui sont si chers à Jésus-Christ, qui s'est fait pauvre lui-même pour notre amour, tous ceux de la maison auront grand soin de vivre dans la crainte de Dieu et la piété, de l'aimer, de s'entre secourir mutuellement, de se supporter les uns et les autres, et de se pardonner pour l'amour de Jésus-Christ, les fautes que les autres pourraient commettre à leur égard.

Ils approcheront souvent des sacrements, surtout de celui de la pénitence : on y sera obligé au moins les quatre grandes fêtes de l'année et de la Sainte-Vierge, à quoi veilleront soigneusement MM. les aumôniers. Pour ce qui est de la communion, elle leur sera réglée par leurs confesseurs et ils tâcheront de se rendre dignes de la recevoir souvent.

Tous les pauvres auront aussi soin toutes les fêtes de Saint-Jean, de Noël et de juin, de se trouver à la procession qui se fera à Saint-Pierre et aux Minimes.

On pourra donner de tems en tems une après-dînée aux filles, lorsqu'on sera content de leur travail, et les sœurs préposées les mèneront ensemble à la campagne avec la permission de la Supérieure, et seront attentives à ce qu'il ne s'y passe rien que d'honnête et de bien réglé.

Les enfants destinés à porter les boîtes et à quêter dans les églises les jours de fêtes et de dimanches, ne sortiront point de la maison qu'ils n'y aient auparavant entendu la sainte messe. Ils iront ensemble deux à deux chez M. le Trésorier, chercher leurs boîtes, et sur le midi ils s'assembleront pour les lui reporter et s'en venir de la même manière qu'ils sont allés, sans qu'il leur soit permis de changer de lieu ni de poste, ou de la conduite qui leur est prescrite. Lorsqu'ils seront obligés de demeurer en ville la plus grande partie du jour, à cause de quelques dévotions ou fêtes considérables, pour la quête et la garde de leurs troncs, ils iront chez un de Messieurs les directeurs à l'heure du dîner, leur en demander la charité. Aussitôt après dîner ils s'en retourneront à leur poste, s'y comportant avec piété et modestie, sans faire trop de bruit, comme étant dans la maison de Dieu, ayant autant de soin d'implorer sa miséricorde, de toutes les grâces dont ils auront besoin, que de demander aux gens de bien leurs charités et leurs aumônes.

Les garçons qui seront nommés pour aller en ville aux enterrements et aux services, y seront conduits par leur maître au défaut de Messieurs les aumôniers.

Lorsqu'ils iront en procession avec la croix, ils marcheront deux à deux sans se débander, ni s'écarter les uns des antres ; mais d'une manière qui édifie le public et convenable à des pauvres.

Invités de se trouver à une cérémonie lugubre, d'offrir leurs prières pour des gens de bien, des bienfaiteurs de l'Hôpital général, s'il n'y a point de procession et que le maître ne puisse accompagner les enfants qu'on a demandés pour porter des torches, il en commettra un plus grand et plus raisonnable pour conduire les autres de la même manière que ci-dessus qui lui en répondra et l'avertira au retour de ceux qui auront fait quelques fautes contre ce qui leur est prescrit, qu'on punira irrémissiblement selon la qualité de la faute. On pourra aussi récompenser ceux qui auront été commis pour la conduite des autres, en leur donnant une plus abondante portion ou un peu de vin si on le juge à propos. Lorsque quelqu'un des enfants viendra de service ou procession, après les autres, le portier ne manquera pas d'en avertir leur maître ou la Supérieure et de lui donner son nom, afin qu'elle le fasse punir sans rémission, s'il n'a quelque excuse légitime.

Il est défendu à tous tes enfants de rien vendre ni acheter les uns des autres, dans la maison ou dans la ville, ni d'aller chez leurs parents sans une permission expresse, ni de mendier dans les rues, sous peine de châtiment exemplaire.

Il est également défendu à tous ceux de l'Hôpital général de rien faire contre les bonnes moeurs, ou qui puisse introduire le désordre ou le scandale dans une maison consacrée à Dieu, comme lire de mauvais livres, danser, jouer aux dez et aux cartes, dire des chansons ou paroles deshonnêtes, jurer, blasphémer, frapper, médire, injurier, se quereller, désobéir à leurs maîtres ou maîtresses, non plus que faire leurs ordures dans les cours, sous peine de châtiment exemplaire.

S'il y a quelques pauvres qui estiment avoir lieu de se plaindre de l'une ou de plusieurs des sœurs, ils auront la liberté de s'adresser à la Supérieure et de lui en faire leurs plaintes. Mais s'il s'en trouve qui les contristent ou qui soient assez osés pour leur faire quelques mauvais traitements de paroles on autrement, la Supérieure les fera châtier rigoureusement et si la faute le demande, et peut avoir des suites, elle ne manquera pas d'en avertir le bureau pour qu'il y remédie.

Il ne sera point permis à aucun pauvre de coffre fermant à clef et de retenir du pain, ni rien de la maison dans leurs chambres, qu'à la connaissance de la Supérieure et de son consentement.

Ils vivront tous dans une parfaite concorde et une charité sincère, s'aimant et se soulageant les uns les autres, et se regardant tous comme frères en Jésus-Christ, Notre-Seigneur.

S'il arrive quelque dispute ou querelle, celui qui ne voudra pas se réconcilier, et qui demeurera obstiné dans sa colère et dans son inimitié, sera dénoncé au bureau, puni exemplairement et renvoyé même hors de la maison.

On fera le premier lundi de chaque mois lecture du présent règlement dans le réfectoire, pendant le souper. Monsieur l'aumônier et à son défaut, la Supérieure ou une des sœurs y feront leurs réflexions, et auront soin de donner aux pauvres les avis qu'ils jugeront nécessaires sur les manquements qu'on aura faits pendant le mois ; et tous ensemble veilleront soigneusement à son exécution comme en devant rendre compte à Dieu. (Archives du Sanitat).

(Léon Maître).

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