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LE NOUVEAU PALAIS DE LA CHAMBRE DES COMPTES A NANTES

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En 1750, le président de la Chambre des Comptes, H.F. de Becdelièvre, opte pour la construction d’un nouvel édifice. Le projet de reconstruction est confié à l'architecte Jean-baptiste Ceineray (1722-1811). La première pierre est posée le 6 septembre 1763. Les travaux ayant pris du retard en raison principalement de difficultés financières, la Chambre des Comptes n'occupera les lieux que de 1782 à 1791.

Depuis 1791, le palais de la Chambre des Comptes est occupé par les bureaux de la Préfecture de la Ville de Nantes.

Le nouveau palais. — Devis. — Ressources.

Palais de la Chambre des Comptes de Nantes

La translation de la Chambre des Comptes ayant été officiellement décidée, il fallut s'occuper des fonds nécessaires pour la reconstruction de son palais. La première question à trancher était de savoir qui en paierait les frais. Le palais devant servir au Roi et à la province, n'était-il pas convenable de partager la dépense entre l'un et l'autre ?

Ce premier point fut décidé par le contrôleur général des finances dans la lettre suivante datés du 2 septembre 1760.

Monsieur, J'espérois que la dépense à faire pour la reconstruction du bâtiment de la Chambre des Comptes de Nantes dont il a été cy-devant dressé, sous les ordres du Conseil, des plans et devis, pourroit s'imposer sans inconvénient sur la Province conformément à l'usage pratiqué depuis longtems dans les autres provinces et généralités du royaume, où les frais de la reconstruction des auditoires ou palais de justice s'imposent en entier sur les justiciables du ressort. Mais M. Le Bret, qui a été consulté sur cela, ayant assuré que la province de Bretagne étoit hors d'état de suporter cette charge et que, pour pourvoir aux frais de la reconstruction projettée montant à 240.000 livres, il ne voyoit de ressources que dans la bonté du Roy et dans les secours que pourroient fournir les Etats de la Province, j'en ay rendu compte à Sa Majesté qui paroit disposée à concourir aux frais de cette reconstruction, dans la même proportion que les Etats y contribueront eux-mêmes : ce qui est d'autant plus juste qu'ils ont le même intérêt à la conservation du dépôt confié à la Chambre. Il n'est donc plus question que de sçavoir ce que les Etats pourront faire de leur côté. C'est sur quoy je vous prie de les pressentir et de les engager à fournir dans cette occasion le plus de secours qu'il sera possible. J'espère même que vous voudrez bien me faire part du succès de vos démarches à cet égard afin que je puisse prendre sur le tout les ordres définitifs de Sa Majesté. Je suis, etc...

Les Etats sollicités à ce sujet firent, dans leur séance du 17 novembre 1760, une première allocation de 40.000 livres. Le Roi par un arrêt du Conseil d'Etat du 26 décembre de la même année donna la même somme ; et en 1762, les lettres patentes que nous publions vinrent confirmer ce don de 80.000 livres et régler leur mode d'emploi.

Louis, par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre, à nos amés et féaux conseillers les gens tenant nostre Chambre des Comptes à Nantes, salut. Nous estant fait representer l'arret rendu en nostre Conseil d'Etat, nous y étant, le 26 décembre 1760, par lequel nous aurions destiné la somme de 40.000 l. pour être employée au rétablissement du bastiment de notre Chambre des Comptes de Nantes et ordonné que cette somme seroit payée sur les ordonnances du sieur Le Bret, Intendant et commissaire départi pour l'exécution de nos ordres dans notre province de Bretagne, à l'entrepreneur de la reconstruction dudit bastiment, suivant l'employ qui en seroit fait en dépense, sous son nom, dans nos Etats des bois de ladite province de Bretagne qui seroient arrestés en notre Conseil pour les ordinaires des années 1761 et 1762 à raison de 20.000 livres par an ; par lequel arrest nous aurions encore ordonné qu'en rapportant, par le receveur général des domaines et bois de ladite province, ledit arrest avec les ordonnances dudit sieur intendant et quittances dudit entrepreneur sur ce suffisantes, ladite somme de 40.000 livres seroit passée et allouée en dépense dans ses états et comptes Ses ordinaires des mêmes années ; et nous étant fait aussi représenter une délibération des Etats de notre dite province de Bretagne du 17 novembre de la même année 1760, par laquelle il a été fait fonds de pareille somme de 40.000, pour aider à la reconstruction dudit bastiment ; sur les representations qui nous auroient été faites, nous aurions reconnu qu'une economie bien conduite sous les yeux des officiers de notre dite Chambre des Comptes seroit préférable à toute autre voye, tant pour la solidité de la construction de cet édiffice que pour en menager la dépense et prévenir toutes les difficultés qui pourroient survenir de la part d'un entrepreneur, dans le cas où la nécessité exigerait quelque changement soit dans les plans, soit dans les devis ; par autre arrest de notre Conseil d'Etat da 22 may 1762,nous aurions expliqué nos intentions à cet égard, et ordonné que, pour l'exécution d'iceluy toutes lettres nécessaires seroient expédiées à quoy voulant parvenir ;

A ces causes, de l'avis de notre Conseil qui a vu led. arrest dont extrait est cy attaché sous notre contrescel, nous, conformément à iceluy, et de notre science certaine, pleine puissance et autorité royale, avons confirmé, et par ces présentes, signées de notre main, confirmons, en tant que de besoin, le don par nous fait d'une somme de 40 000 livres à prendre sur le fonds de nos bois de. notre dite province, suivant l'arrest de notre Conseil du 26 décembre 1760, pour servir à payer partie du prix du bastiment de notre dite Chambre des Comptes de Nantes ; et aprouvant et autorisant la délibération des Etats de notre province de Bretagne du 17 novembre de la même année 1760, par laquelle ils ont fait un fonds de pareille somme de 40.000 livres pour estre employée au paiement des ouvrages dudit bastiment, nous ordonnons que le don par nous fait de la dite somme de 40.000 livres, ensemble le fonds de pareille somme fait par les Etats, seront employés sans aucun divertissement au payement des travaux mentionnés aux devis et détails estimatifs, qui ont été ci-devant dressés par le sieur Ceineray architecte, et autres qui seront jugés nécessaires pour la perfection dudit bastiment dont nous avons bien voulu vous confier la direction œconomique ; à l'effet de quoy lesdites sommes et celles qui pourront estre destinées à l'avenir au même usage, soit par nous, soit par les Etats de notre dite province, seront remises et payées au receveur des Epices de notre dite Chambre : savoir le don par nous fait et ceux que nous pourrons faire par la suite à ce sujet, sur les ordonnances du sieur Intendant et Commissaire départi en Bretagne et le fonds déjà accordé par les Etats, et ceux qui pourront l'estre par eux à l'avenir, sur les ordonnances du sieur Gouverneur pour nous en notre dite province, et en son absence sur celles du Commandant en chef et dudit Commissaire départi, ou, en cas d'absence du dit sieur Gouverneur et dudit sieur Commandant en chef, sur celles dudit sieur Commissaire départi seul.

Voulons qu'en raportant, par le receveur général de nos domaines et bois de la dite province, le présent arrest, ou copie d'icelui deument collationnée, avec les ordonnances susdites et les quittances du receveur des épices de notre dite Chambre des Comptes sur ce suffisantes, ladite somme do 40.000 livres et autres qui seront par nous destinées à cet objet soient passées et allouées en dépense dans les états et comptes dudit receveur général, partout où il appartiendra, sans difficulté, en vertu dudit arrest et des présentes et sans qu'il en soit besoin d'autres.

Si vous mandons que ces présentes vous ayez à faire registrer et le contenu en icelles garder observer et exécuter selon leur forme et teneur sans y contrevenir, car tel est notre bon plaisir. En témoin de quoy nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes. Donné à Versailles le vingt-deuxième jour de may l'an de grâce 1762, et de notre règne le quarante-septième. Signées. Louis. Plus bas : par le Roy, signées PHELYPEAUX, et scellées (Archives départementales. Livre des Mandements, T. LIII, f° 9).

Ces lettres patentes assignaient pour la nouvelle construc­tion une somme de 80.000 livres. Sans rechercher si d'autres allocations n'étaient pas venues suivre cette première, quelques auteurs ont avancé que l'hôtel de la Préfecture n'avait coûté que ce faible prix.

Un tel monument pour 80.000 livres ! Qu'on nous ramène donc au XVIIIème siècle, et nous verrons les administrations ne pas hésiter à s'endetter, (ce qu'elles n'aiment pourtant guère faire, on le sait), pour faire même d'une caserne un véritable palais.

La vérité est tout autre. L'exposition des faits montrera que la main d'oeuvre était alors plus considérable, et, que, dès ce temps, entre les devis dressés pour un monument et le prix auquel il revient en réalité, il y avait parfois un écart de moitié.

D'après la première estimation donnée par Ceineray, avant toute étude, à M. Gellée de Prémion, le monument devait revenir au moins à 200.000 livres, au plus à 300.000. Le devis dressé sérieusement par notre architecte monte d'après une estimation renfermée dans une lettre du 4 juin 1760, à la somme de 236.317 livres 17 sols 8 deniers. A la date du 2 septembre il est porté en chiffres ronds à la somme de 240.000 livres.

La charge de la construction devant être supportée moitié par le Roi, moitié par la province de Bretagne, il fut d'abord décidé que le Roi prendrait chaque année pendant huit ans sur les revenus de sa forêt du Gavre une somme de 15.000 livres, et que les Etats feraient pendant six ans une allocation annuelle de 20.000. En ce qui concerne le Roi, cette décision fut ensuite modifiée, et il procéda comme les Etats par annuités de 20.000 livres qu'il prenait sur les revenus de ses bois en Bretagne.

Mais on ne tarda pas à se convaincre qu'on serait plus vite à bout des 240.000 livres que du travail entrepris. Dès l'année suivante, dans sa lettre du 13 août 1761, Ceineray, après une étude plus approfondie des difficultés qu'il devait rencontrer, entrevoyait que la dépense pouvait aller de 290.000 à 291.000 livres ; et ce chiffre ne devait pas encore être son dernier.

Les Etats, dans leurs tenues successives de 1762 et de 1764, avaient déjà renouvelé leur allocation annuelle de 20.000 livres. Avec celle qu'ils avaient décrétée en 1760, ils avaient payé leurs 120 000 livres. Le Roi, de son côté ayant fait les mêmes versements, les 240.000 livres portées au devis se trouvaient épuisées et le monument était encore loin d'être fini. En 1766, les Etats allouèrent une nouvelle somme de 40 000 livres à prendre sur leurs exercices de 1767 et 1768. Avec les 40.000 livres que le Roi obligé, par son engagement, de suivre la générosité des Etats, devait fournir pour sa part, on arrivait à une somme de 80.000 livres qui, ajoutée à celle des 240.000 livres du premier devis, donnait pour la dépense déjà faite celle de 320.000 livres.

La Commission de la Chambre des Comptes crut devoir composer pour sa justification le mémoire suivant qui abonde en détails intéressants sur la conduite des travaux.

MÉMOIRE (Archives départementales, C. 490) : Les Commissaires nommés par la Chambre des Comptes de Bretagne pour veiller suivant les ordres du Roy à la construction de son nouveau Palais exposent qu'il est nécessaire de faire de nouveaux fonds pour mettre cet édifice à sa perfection. Mais comme les fonds faits jusqu'icy semblent déjà excéder le prix auquel on avoit porté cet objet par une première estimation, ils ont l'honneur de remettre sous les yeux du Roy et de ses ministres qu'il fut fait en 1760 un projet d'édiffice dont le devis estimatif montait à environ 245.000 livres mais que ce projet n'a pas eu lieu et qu'on y en a substitué un nouveau sur les observations de Messieurs de l'Académie d'architecture et par les ordres de Messieurs les Commandant et Intendant de Bretagne et de feu M. de Courteille intendant des finances, authorisés par le Roy à ordonner en cette partie. Telle est la principale raison de l'insuffisance de la première estimation, le nouveau plan étant infiniment plus orné et plus coûteux que l'ancien : d'ailleurs son estimation n'avoit compris que la construction de l'édiffice, et il faut observer que, quoique les officiers de la Chambre des Comptes aient fait à leurs propres frais la dépense considérable de leur transport, de celui de leurs papiers et de leur établissement au couvent des Cordeliers, il a cependant été pris sur les fonds destinés au bâtiment près de 40.000 livres pour le paiement des plans et de tout ce qui y a rapport, le salaire de l'architecte, le loyer de la maison des Cordeliers et celui du garde d'archives et autres frais nécessaires et ordonnés par le Roy et qui continueront jusqu'à la perfection de l'ouvrage quoiqu'ils n'aient pas été ni pu estre compris dans l'estimation qui en a été faite.

Plusieurs circonstances ont concouru à augmenter la dépense. Celle des fondations a été excessive. Lors de leur ouverture à plus de 40 pieds de profondeur et 20 pieds au dessous du lit de la rivière, il survint pendant quatre mois de l'été des pluies continuelles. Les nouvelles publiques ont annoncé cet événement et fait honneur à l'habileté de l'architecte qui sçut vaincre les obstacles, épuiser les eaux, soutenir les terres à plusieurs reprises, mais qui fut obligé, pour y réussir à des frais incroiables et absolument imprévus.

Les fonds destinés aux bâtimens n'aïant été faits qu'à raison de 40.000 l. par chaque année, il n'a pas été possible de faire, dans les temps utiles, l'amas des matériaux qui depuis le commencement de l'entreprise ont, à la connoissance publique, presque doublés en raison de la quantité d'édiffices commencés à la fois sur les bords de la Loire et dans la ville de Nantes ; et la même cause a fait augmenter aussi la main d'oeuvre qui d'ailleurs a dû monter à proportion des prix excessifs des denrées.

L'architecte malade depuis longtemps, est actuellement dans un état à ne pouvoir travailler ni même répondre. Ainsi les Commissaires ne peuvent estimer ce qu'il reste à faire et en apprécier la valeur. Dès que l'architecte pourra travailler, ils lui en feront faire un état exact avec l'estimation du prix des ouvrages. Ils ne peuvent quant à présent que rendre, en général, compte de l'état actuel qui annonce un besoin pressant de nouveaux fonds.

La cage du bâtiment est à sa fin. On achève d'y poser la couverture.

Il reste à faire le grand escalier à deux rampes, tous les planchers, les platfonds, le pavage, carelage et parquets, l'enduit intérieur, une partie des scultures extérieures et toutes les intérieures, toutes les menuiseries généralement en croisées, portes et lambris, toute la serrurerie avec les grilles des archives, vitrages, peintures, toutes les cheminées et (ce qui est un objet considérable) les armoires des archives, les bureaux, bancs, la chapelle et tous les meubles, les égouts et aqueducs pour le passage des eaux tant du bâtiment que de la place, les perrons, l'esplanation et pavage tant de la place que du contour des bâtimens, ce qui entraîne l'extirpation du rocher et de la tour voisine.

Ce mémoire accompagné de l'estimation de travaux à faire, surprit désagréablement le contrôleur général des finances. Loger une administration dans un palais ! C'est pour Paris ou pour Versailles. Mais pour une ville de province, n'est-ce pas un peu prétentieux ?

Sauf rectification, ce sentiment ne fut peut-être pas tout-à-fait étranger à la rédaction de la lettre suivante datée de Versailles, la ville où les palais ne coûtent rien. Le nom de M. Dagay, inscrit simplement à l'un de ses angles désigne qu'elle fut adressée à l'Intendant de Bretagne, qui était alors François-Marie, comte d'Agay chevalier seigneur de Villers.

A Versailles, le 27 décembre 1768. MONSIEUR, Messieurs de la Chambre des Comptes de Nantes, demandent de nouveaux fonds pour achever le bâtiment qui est destiné à leur logement, et m'ont envoyé un état des dépenses qui y restent à faire et qui montent à plus de 118.000 francs. Je n'ai pu me dissimuler, en examinant cet état, que ces dépenses iraient même beaucoup plus haut. Il est bien étonnant qu'un bâtiment présenté d'abord comme un objet de 240.000 francs ait déjà coûté 320.000 francs, ce qui fait 80.000 francs au-delà de ce qui avait été d'abord demandé, et qu'il faille encore une somme aussi exhorbitante pour l'achever. S'il est juste et nécessaire de ne pas laisser une pareille entreprise imparfaite, il ne l'est pas moins de mettre des bornes aux dépenses qu'elle peut occasionner, d'éviter toutes celles qui seraient superflues et de veiller à l'emploi des fonds qui y sont destinés. Vous voudrez bien, en conséquence, vous faire représenter les plans qui ont été arrêtés, faire vérifier les ouvrages qui ont été faits, et l'emploi des deniers qui ont été fournis jusqu'à présent, et pareillement vérifier et estimer ceux qui restent à faire et m'envoyer le tout le plus promptement qu'il vous sera possible avec les observations dont vous jugerez les différents objets susceptibles, et votre avis sur la manière la plus avantageuse dont il pourait être procédé à. la confection des ouvrages qui restent à faire ; je vous joins ici l'état que M. de Becdelièvre m'a adressé. Quant aux autres pièces qui peuvent vous être nécessaires, vous les trouverez, soit dans vos bureaux, soit à la Chambre des Comptes, et je préviens M. de Becdelièvre de la mission dont je vous charge, afin qu'il vous procure tous les renseignements qui peuvent vous être nécessaires. Je suis Monsieur, Votre très humble et très affectionné serviteur, D' INVAU (Archives départementales, C. 490).

L'Intendant répondit en faisant le plus bel éloge des Commissaires de la Chambre et de Ceineray, et en montrant les avantages qu'il y avait pour tout le monde à assurer les ressources pour terminer promptement les travaux.

Saint-Brieuc, 15 janvier 1769. MONSIEUR, J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 27 du mois dernier, par laquelle, en me témoignant votre étonnement de ce que le bâtiment de la Chambre des Comptes de Nantes présenté d'abord comme un objet de 240.000 livres ait déjà coûté 320.000... et qu'il faille encore plus de 118.000 pour l'achever, vous me chargez de faire vérifier les ouvrages qui ont été faits, etc... Les détails économiques de cet ouvrage ont été confiés à Mrs. de la Chambre des Comptes, et je me suis assuré qu'ils s'en acquittent avec un zèle et une vigilance qui a peu d'exemples, jusqu'au point que depuis le commencement de la construction jusqu'à présent, il y a toujours sur les travaux deux de ces Messieurs qui se relèvent alternativement à tour de rolle et qui veillent avec beaucoup de soin à la vérification du nombre et du prix des journées d'ouvriers, à l'achat et aux frais de transport des matériaux. Il y a, de plus, des commissaires choisis par la Chambre qui se font rendre tous les deux mois un compte soutenu de quittances et de l'état controllé des journées.

L'ouvrage est dirigé par le sr. Ceineray, habile architecte, dont la probité est reconnue à Nantes généralement. Son salaire annuel n'est porté qu'à 2.000 livres. Aussi MM. de la Chambre sont-ils persuadés que l'honneur le conduit beaucoup plus que l'intérêt. Vous pouvez donc compter, Monsieur, qu'il ne s'est glissé aucun abus dans la partie économique, et que Mrs. de la Chambre veillent à cet objet avec autant d'attention qu'ils le feraient si la dépense de la construction du palais était sur leur compte. Ce n'est donc point leur faute si les dépenses montent beaucoup plus haut qu'on ne l'avait prévu. 

Par les dispositions de l'arrêt du conseil qui ordonne la construction du Palais, MM. les Commandant et Intendant en cette province ont été chargés de veiller à la construction du plan dressé par le sieur Ceigneray architecte et de faire, s'il en était besoin, les changemens convenables. C'est sur leur ordre que, pour donner au bâtiment plus de noblesse et de solidité, on a refondu le premier plan et qu'on a considérablement augmenté la dépense. Le plan rectifié sous les yeux de M. de Courteille par l'avis de l'Académie d'architecture est entre les mains du sieur Ceineray, signé de M. le duc d'Aiguillon...

Puis après avoir rappelé les détails renfermés dans le mémoire que nous venons de reproduire, l'auteur de la lettre continue ainsi :

L'état de ce qui reste à faire, montant à 118.526 livres 15 sols qui a été dressé avec soin par le sr. Ceineray dont on ne doute ni de la probité ni des talens, doit être regardé comme exact. Cependant s'il avoit été possible à MM. de la Chambre d'obtenir dans le cours des années 1769 en 1770, un fond de 120.000 livres au lieu de 80.000 qu'ils ont à espérer, le bâtiment seroit promptement porté à sa perfection, et il en résulteroit quelques avantages : le premier d'économie ; en ce que les frais annuels de loyers et salaires consomment plus de 5.000 livres par an ; le second, de décence et d'utilité publique ; en ce qu'il est essentiel de hâter le retour de la Chambre dans un lieu convenable pour l'exercice de ses fonctions, et surtout de retirer promptement les titres du Roy et de la province d'un lieu très humide où ils se pourrissent.

Le 3ème c'est que la Chambre ne se dissimule point que la demande qu'elle fait tous les deux ans et au Roy et aux Etats devient disgracieuse, et ennuyeuse, et que Sa Majesté, son conseil de finance et la province désirent ardament la fin de cette entreprise. Je suis avec beaucoup de respect...

Le contrôleur général répondit sur un ton qui contraste avec celui de sa première lettre. Ce n'est plus le ton rogue d'un employé qui s'emballe sans vouloir entendre raison ; c'est le ton poli de l'homme bien élevé qui cherche à revenir sur ses actes pour s'en faire pardonner l'emportement, et détruire la mauvaise expression qu'il a conscience d'avoir produite en se laissant aller à un moment de mauvaise humeur.

A Versailles, le 20 janvier 1769. MONSIEUR, J'ay reçu votre lettre du 15 de ce mois en réponse à celle que je vous avois écrite le 27 décembre dernier relativement aux ouvrages qui restent à faire pour la perfection des batiments de la Chambre des Comptes de Nantes. Je n'ai jamais douté que Messieurs de la Chambre des Comptes n'eussent pas parfaitement repondu à la confiance qu'on leur a témoigné sur cet objet. Ce que vous remarqués sur leur zele à surveiller eux-mêmes les travaux et les dépenses, me confirme dans l'opinion que j'avais à cet égard. Mais ayant mis sous les yeux du Roy la demande qu'ils ont faite de nouveaux fonds, et Sa Majesté ayant désiré, pour pouvoir statuer sur leur quotité, avoir une connoissance exacte des ouvrages qui restent à faire de leur necessité et l'objet de leur dépense, il est necessaire que vous me procuriez ces éclaircissements. Ils doivent resulter : 1° de la comparaison de ces ouvrages avec ceux annoncés par les plans qui ont été arrêtés, afin de reconnoitre s'ils y sont compris, si ils sont indispensablement necessaires ; 2° de l'estimation de ces differens ouvrages afin de pouvoir fixer d'une manière invariable l'objet de la dépense. Il est donc necessaire que vous vous fassiés presenter les plans qui ont été arrêtés définitivement et les devis relatifs à ces plans qui ont dû être dressés ; que vous fassiés verifier si les ouvrages restant à faire et contenus dans l'état fournie par Messieurs de la Chambre des Comptes et que je vous envoye sont compris dans ces plans et devis, si tous ces ouvrages sont nécessaires, si on ne pourrait pas diminuer la dépense de ceux qui n'intéressent par la solidité du bâtiment, soit parce qu'elle auroit été portée trop haut, soit même en retranchant tout ce qui tendroit à une magnificence à laquelle les circonstances actuelles ne permettent pas de se livrer. Vous voudrés bien faire faire une estimation détaillée de chacun des objets, m'envoyer votre avis sur leur necessité, et sur la manière que vous croirés la plus convenable pour leur exécution soit en continuant à les faire faire par économie, ou en prenant la voye de l'adjudication. Vous voudrés bien aussi vérifier si tous les ouvrages annoncés comme n'étant pas compris dans les devis sont indispensables, faire faire l'estimation détaillée de ceux que vous jugerez tels, examiner surtout avec soin si tous ces ouvrages doivent être à la charge du Roy ou de la Province ; ou si quelques-uns, notamment l'aplanissement de la place, le pavé de cette place, l'ouverture de la rue, la démolition des murs de ville ne devroient pas être faites par la ville à ses frais, et m'envoyer votre avis sur le tout.

J'ai principalement remarqué dans l'état différons objets qui m'ont paru susceptibles d'économie : neuf cheminées de marbre, une ou deux dans les pièces principales seroient bien suffisantes, les autres pourroient être en pierre ; des parquets dans cinq bureaux : cette dépense, ou au moins la majeure partie, peut être économisée en substituant des carreaux au moins dans le plus grand nombre des bureaux.

La quantité de sculpture ne pourrait-elle pas être réduite, au moins celle en bois.

La dépense de l'achèvement de l'escalier me paroit bien forte et pourroit peut être se trouver susceptible de quelque économie, ainsy que celle de la menuiserie et de la ferure des armoires, au pourtour des murs du dépôt des archives. Si la nécessité contraint de faire ce qui est indispensable, si il est d'une bonne économie de ne point plaindre les dépenses qui tendent à la solidité des ouvrages, le malheur des circonstances exige aussy qu'on se renferme uniquement dans ces objets ; et MM. de la Chambre des Comptes sont assurément trop bons citoyens et magistrats pour ne pas sentir la nécessité de ne point s'écarter de ces principes, et ne pas désirer de donner l'exemple de la fermeté inébranlable à s'y conformer. Je suis Monsieur, Votre très humble et très affectionné, D'INVAU.

Les dernières observations de cette lettre sont des plus judicieuses. Quand les ressources abondent, on comprend qu'on mène l'entreprise d'un trait jusqu'à sa dernière perfection. Mais quand on manque de finances, sans jamais hésiter à faire actuellement les dépenses qui tendent à la solidité des ouvrages, ne peut-on pas remettre à plus tard celles qui n'ont pour objet que le fini des travaux ? Pourquoi se presser d'embellir de plafonds, de sculptures et de peintures des salles qui ne devront servir qu'à un moment qu'on ne peut encore prévoir ? Il suffit pour l'embellissement d'une ville que l'extérieur d'un monument soit complètement achevé. Ceux qui ne pénètrent pas à l'intérieur attendront patiemment une ornementation qu'ils n'auront guère l'occasion de voir ; ils ne seront nullement jaloux si on laisse à d'autres l'occasion de la payer.

Cette correspondance ne resta pas sans fruit. Elle procura à la Chambre des Comptes une nouvelle allocation de 20.000 livres de la part des Etats et de 20.000 de la part du Roi.

Cependant les fonds alloués tardaient à venir, et la Chambre, à bout de finances, se décida à suspendre provisoirement les travaux. Dans sa séance du 10 juillet elle arrêta de faire venir Ceineray à son bureau, le lendemain, pour lui notifier cette mesure. Sa délibération du 11 juillet nous fait connaître l'état exact de ses fonds : elle n'avait encore aucune dette, c'était pour ne pas en contracter que la prudence lui faisait prendre cette décision.

La Chambre en conséquence de son arrêté du jour d'hier, les gens du Roi mandés, et venu au bureau M. Oliv. René de Kermasson substitut du procureur général du Roy lequel en qualité de receveur des deniers destinés à la reconstruction du Palais de la Chambre a déclaré n'avoir dans sa caisse qu'une somme de 9.000 livres qui est le restant fait de tous les fonds jusqu'à ce jour pour ladite reconstruction, sur laquelle somme de 9.000 livres il est dû celle de 1.200 livres aux Révérends Pères Cordeliers pour le loyer des apartements où la Chambre tient ses séances et celles de 300 livres due au s. Perrier garde des archives pour son loyer et ouy le s. architecte touchant l'état actuel de la batisse dudit palais, a ordonné et ordonne provisoirement aud. Ceineray de congédier samedi prochain, 15 du présent mois de juillet, tous les ouvriers employés audit bâtiment ; comme aussi de rendre au 1er août prochain pour tout délai un compte général en recette et dépenses des deniers qu'il a reçus et employés à lad. reconstruction et de ceux provenant de la vente des matériaux de l'ancien bâtiment et de remettre au greffe de la Chambre tous les plans du nouveau palais. La Chambre a arresté qu'il sera écrit incessament par MM. les Commissaires à M. le duc de Duras, commandant dans la province et à M. l'intendant pour les prier de pourvoir à de nouveaux fonds (Archives départementales. Livre des Audiences de la Chambre B, 672, f° 56).

Grâce à la visite du duc de Duras et de l'Intendant de Bretagne les travaux ne furent suspendus que peu de temps.

Les Commissaires chargés par la Chambre de veiller à la construction de son nouveau palais, ont fait raport au bureau que M. le duc de Duras et M. l'Intendant de Bretagne se sont transportés sur ce bâtiment le jeudi 24 août dernier, et qu'aiant été instruits par lesd. Commissaires que la Chambre par son arrêt du 11 juillet dernier avoit ordonné la cessation des travaux jusqu'à la rentrée des fonds ordonnés par le Roy et par les Etats, mesdits sieurs les Commandant et Intendant ont insisté sur la nécessité de continuer d'employer les fonds de 20.000 livres faits par le Roy, et de 20.000 assignés par la Province en la dernière assemblée des Etats suivant et au désir de leur délibération du 5 mars 1769.

Sur quoi la Chambre, semestres assemblés, délibérant a chargé ses Commissaires d'ordonner au s. Ceineray architecte de faire incessament un plan et devis des armoires destinées à ses archives et de conclure en conséquence un marché qui sera par ledit architecte envoyé à MM. les Commissaires des Etats et ensuite exécuté jusqu'à la concurrence de 20.000 livres accordées par les Etats, sauf à être achevé lorsqu'il y aura des fonds à suffire. Et quant à la somme des 20.000 livres accordée par le Roy, la Chambre a pareillement ordonné suivant l'avis de mesd. sieurs les Commandant et Intendant qu'elle sera employée, à mesure qu'elle rentrera, aux travaux qui seront jugés les plus pressés (Archives départementales, B. 672, f° 60).

Malheureusement la Chambre ne pouvait pas réussir à toucher les 20.000 livres accordées par les Etats dans leur délibération du 5 mars 1769. Elle éprouvait alors le supplice de Tantale à la suite de difficultés survenues au sujet du fronton de son palais.

En accordant ces 20.000 livres les Etats avaient mis pour condition que « l'écusson des armes de la Province sera placé » sur le bâtiment dudit palais « mi-parti des armes de France, et mi-parti des armes de Bretagne, de la même façon qu'il l'est sur le Palais du Parlement à Rennes ».

Les Etats tenaient expressément à ce que l'on remplit cette condition. Ils avaient pris à leur charge la moitié des frais de la reconstruction de ce palais. L'apposition à son fronton des armes pleines de France leur paraissait une main-mise du Roi sur un monument construit aussi avec les ressources de la Bretagne : leur susceptibilité bretonne n'était pas seule en jeu ; ils voulaient inscrire sur le monument leurs titres de propriété à côté de ceux du Roi.

Avant de délivrer les 20.000 livres promises, ils nommèrent une Commission chargée de s'assurer si cette condition avait été remplie (Archives départementales, C. 491). Le 22 janvier les Commissaires des Etats de Bretagne répondirent que les « armoiries du Roy et de la Province ne se sont point trouvées telles qu'elles doivent être, conformément à la délibération des Etats ». Par réponse du 30, leurs « co-députés » les invitèrent à constater par un procès-verbal l'état des choses. En conséquence les Commissaires se transportèrent le 5 février, au nouveau palais. Ils reconnurent que « dans le fronton au-dessus de la porte d'entrée soutenu de quatre colonnes, vers le midi, est sculpté en relief sur pierre l'écusson de France plein avec tous ses attributs, et au derrière dudit Palais, du côté du nord dans le fronton, aussi soutenu de quatre colonnes et vers lequel il n'y a que des ouvertures de croisées, est aussi sculpté en relief sur pierre l'écusson plein de Bretagne avec les attributs des trois Etats ».

Les Etats s'offusquèrent de voir ces armes pleines de France sculptées sur la façade principale pendant que les armes de Bretagne étaient reléguées ainsi au second plan.

Leur Commission considérant que les conditions prescrites par la délibération des Etats du 5 mars 1769 n'avaient point été remplies, arrêta, le 13 février 1770, que la somme de 20.000 livres ne seraient pas délivrées (Archives départementales, C. 491).

La situation demeurait critique : faute de ressources, il était impossible de continuer le bâtiment. Il y eut à ce sujet une longue correspondance échangée entre Nantes, Rennes et Versailles, sans qu'il en sortît aucune solution.

Enfin M. Gellée de Prémion interrogé sur l'état de la question fit, à la date du 9 août 1770, un mémoire dans lequel il expose les faits et les accompagne de remarques faites avec le bon sens le plus judicieux.

« Il me reste pour vous satisfaire sur un article de votre lettre du 11 juillet dernier, à examiner la difficulté des Etats au sujet des écussons mis sur les deux faces de ce bâtiment. Ces deux faces ont chacune un fronton semblable soutenu de quatre colonnes. Sur l'un sont les armes du Roy avec tous les attributs qui conviennent à la Majesté roïale ; sur l'autre les armes de la Province avec la couronne ducale accompagnée des attributs des trois Etats.

Je sais qu'avant de se déterminer sur ces écussons la question des armes mi-parties fut longtemps agitée entre les commissaires de la Chambre et l'architecte. L'Académie d'architecture fut consultée. Sur son avis, M. de Courteille régla le parti qu'on a pris. Les commissaires de la Chambre qui n'étoient chargés que de l'économie de la construction ne pouvoient que suivre ce qui étoit décidé par ceux qui avoient la partie ordonative.

Je suis persuadé qu'on s'est arrêté à ce qu'il y avoit de mieux. Il me semble que vous fûtes de cet avis, ainsi que M. le duc de Duras, lorsque vous vites ensemble, l'an passé, ce bâtiment. On peut dire qu'il a deux façades égales : l'une sur une place, l'autre sur un quai. C'est cette dernière qui porte les armes de Bretagne. Elle est beaucoup plus exposée aux regards que l'autre, puisqu'outre le quai qui est une promenade publique pendant les beaux jours, elle est vue d'un pont auquel aboutissent les routes de Rennes, de Vannes et un grand fauxbourg de Nantes. Les ermines sont multipliées sur l'une et l'autre façade autant que les fleurs de lis. Si l'on eût opté (sic) pour les armes mi-parties, il eût donc fallu les répéter des deux côtés, ce qui est contre l'usage. Comment eût-on pu arranger les accompagnement analogues ? Enfin la chose est faite ; elle a été réglée par ceux qui avoient droit de le faire, elle ne peut porter préjudice aux droits de le province puisqu'il y a parité entière dans les ornemens. Il en couterait 12 à 15.000 livres pour réformer ces frontons qu'il faut démonter en entier. Il est donc à désirer qu'on les laisse subsister dans l'état qu'ils sont ».

Ce qui peut avoir donné des doutes, c'est l'exemple du palais de Rennes. Mais la différence est considérable. On ne pouvait pas se dispenser à Rennes de mettre les armes mi-partie, parce que ce palais n'a qu'une façade sur la place, le derrière a sa façade opposée ne pouvant être vue. Il y a même à Rennes un exemple qui justifierait peut-être ce qui a été fait à Nantes : sur le fronton entre le présidial et l'hôtel de ville, on ne voit que les armes de Sa Majesté (Archives départementales, C. 491).

Les Etats se rendirent à l'excellence de ces raisons. Dans leur séance du 12 novembre 1770, pour ne pas se déjuger, ils approuvèrent d'abord, « l'opposition formée par la Commission intermédiaire, au délivrement de la somme de 20.000 l. qu'ils avaient accordée par délibération du 5 mars 1769... attendu que l'écusson des armes de la Province n'a point été placé sur ledit bâtiment de la manière prescrite par la délibération susdite. Cependant vû la difficulté de changer les frontons sans une dépense considérable, et la nécessité de pourvoir à la sûreté des titres des Etats, ils donnent main-levée de ladite opposition ; ordonnent néanmoins que le surplus de ladite délibération aura son plein et entier effet ».

Il n'est pas hors de propos de faire remarquer que la question des armes à placer au fronton du palais de la Chambre des Comptes a été tranchée dans ce siècle d'une façon à laquelle ni la Chambre ni les Etats ne pouvaient songer. Sur la façade principale du palais on a biffé les fleurs de lys, et l'écusson ne porte plus qu'un champ d'azur. Sur la façade qui donne sur le quai Ceineray, des blocs de pierre informes enfoncés dans le fronton attendent ce qu'il plaira au sculpteur d'en dégager.

Avec cette somme de 20.000 livres, les Etats en accordèrent un peu plus tard une autre de 15.000, ce qui porta à 35.000 livres la nouvelle somme à donner par le Roi.

En 1776 dans leur séance du 20 novembre les Etats allouèrent encore une somme de 35.000 à prendre sur deux exercices, savoir 17.500 en 1777, et 17.500 en 1778. Le Roi ayant de son côté accordé ses 35.000 livres ce fut encore de ce chef une seconde somme de 70.060 livres (Archives départementales, C. 492).

En résumé, il y eut donc d'alloué par le Roi et par les Etats pour la construction du palais de la Chambre, à différentes époques jusqu'à 1776.

1760, 1762, 1764. : 240.000 livres.

1766 : 80.000 livres.

1774 : 70.000 livres.

1776 : 70.000 livres.

Total : 460.000 livres.

Si à cette somme on ajoute 10.000 livres que le Roi donna en 1782 pour l'ameublement de la Chambre, il est facile de voir qu'on est loin des 80.000 livres que, d'après quelques auteurs, une entreprise aussi importante aurait coûté. 

Ville de Nantes  L'architecte Jean-Baptiste Ceineray

Ville de Nantes  Les travaux du nouveaux Palais de la Chambre des Comptes

Ville de Nantes  Les Archives du Roi et de la Province de Bretagne

 

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La Préfecture

Le palais de la Chambre des Comptes avait été construit aux frais du Roi et de la Bretagne, à l'usage de toute la province. C'était le département de la Loire-Inférieure qui devait le plus en profiter.

La Chambre ayant été supprimée le 2 septembre 1790, par un édit de l'Assemblée nationale, son palais resta vacant. Plusieurs auteurs ont rapporté que la Préfecture y fut installée en 1800. Il faudrait ici s'entendre sur les mots.

Les Etrennes nantaises de l'an IX (1800-1801), les premières qui eurent l'occasion de mentionner la Préfecture, la mettent place de la Liberté, c'est-à-dire place Louis XVI.

Préfecture de Nantes

Ce fut, en effet, sur la place Louis XVI, appelée tour à tour place de la Liberté ou place Joséphine, à l'hôtel d'Aux, que le préfet habita jusqu'en 1828 [Note : Il tenait cet immeuble en location. En 1811, il y eut au Conseil général projet d'acquérir l'hôtel d'Aux estimé de 150 à 160.000 francs, pour y fixer la Préfecture. En 1819, le Conseil revint sur ce projet d'acquisition]. Or d'après l'usage du temps, la Préfecture était l'habitation du préfet : on la distinguait des Bureaux de l'Administration qui étaient, eux, à l'ancienne Chambre des Comptes. Ce sont donc ces bureaux, distincts de la Préfecture, qui durent être installés en 1800 dans l'ancien Palais de la Chambre.

Cette différence entre la Préfecture et ses bureaux est expressément indiquée dans tous les projets qui ont rapport à la réunion de l'une et des autres. En 1825, on chargea Ogée « des travaux pour l'établissement de la Préfecture de Nantes dans l'ancien palais de la Chambre des Comptes, occupé par les bureaux de l'Administration générale du Département ».

Ces projets se rattachaient à une décision prise en 1823 par le Conseil général : d'après cette décision le Palais de la Chambre devait servir de logement au Préfet. Le local disponible étant trop étroit, on dut acquérir, des héritiers du sieur Suireau, restaurateur, la maison remplacée en 1898 par le bureau de poste de la Préfecture, et un terrain appartenant à M. Demangeat.

On construisit, en 1826, sur ce terrain une aile parallèle à l'autre qui se trouvait du côté de la rue d'Argentré, près de la maison de M. de Régnon [Note : En 1824, il avait été question d'ouvrir, à la place de ces deux ailes, des ruelles de 5m20 de largeur, allant de la place de la Préfecture au quai, mais ce projet qui, en isolant la Préfecture, empêchait ses bureaux de s'agrandir, ne tarda pas à être abandonné].

A cette occasion, on conçut le projet d'isoler le Palais de la Préfecture de la place, par une cour fermée d'une grille, Comme le terrain appartenait à la Ville, on le lui échangea pour un autre situé dans la corderie Brée, afin que la Ville pût aussi faire une place derrière l'Hôtel des Monnaies (Ecole des sciences, en 1898), alors en construction. Cet échange avait été autorisé par une ordonnance royale du 4 mai 1825. La grille qui ferme la cour fut faite par Bertrand Fourmaud, ingénieur mécanicien, et était placée en 1829.

La construction des deux ailes était à peine terminée, qu'on cherchait à transférer la Préfecture dans un autre endroit. On songea un instant à la fixer au Bouffay, à la place du Palais de Justice qui, de son côté, serait venu remplacer la Préfecture au palais de la Chambre des Comptes.

La majorité du Conseil général avait été sinon pour cette première translation, du moins pour la seconde. Depuis 1819, il lui souriait de voir les tribunaux occuper ces belles et vastes salles édifiées pour la Chambre des Comptes.

La minorité repoussait ce projet, par intérêt pour la conservation de ce beau palais. Elle tremblait à la pensée de voir « détériorer ce palais par une population nombreuse dont les sabots et les souliers ferrés briseront en peu de temps ces parquets faits avec tant de soin », sans parler d'autres dommages longuement énumérés dans l'exposé de son opinion.

Le projet de translation de la Préfecture au Bouffay fut bientôt abandonné. Il eut contre lui deux projets dont on s'occupa plus sérieusement. Les uns voulaient la transporter à l'Oratoire, les autres sur le Cours Henri IV. Ceux qui la voulaient à l'Oratoire faisaient remarquer qu'il n'était occupé que par trente gendarmes auxquels on pourrait facilement construire une gendarmerie. Avec l'acquisition de l'hôtel Lelasseur qui séparait la chapelle de l'Oratoire de la maison de Belle-Isle, et des constructions nouvelles, le projet demandait 480.000 francs pour son exécution.

Il en coûtait 10.000 francs de moins pour la construction d'un nouvel hôtel à l'extrémité du Cours Henri IV. C'était un admirable emplacement pour un monument.

Il est certain que les architectes d'alors réclamaient sans cesse cette extrémité du Cours pour y placer les édifices dont ils étaient chargés.

C'est ainsi qu'on y plaça successivement le Muséum en 1824, la Préfecture en 1831 et années suivantes, le Palais de Justice en 1839, et peut-être d'autres monuments encore. On les y plaça ... en projet seulement, ce qui était beaucoup moins coûteux. Mais, en réalité, le Cours Henri IV qui espérait peut-être enrichir encore sa beauté de celle d'un monument remarquable, après tant de projets, a fini par ne rien avoir. Les différents palais qu'il attendait ont fait comme Cambronne qui le garde : ils ne se sont pas rendus.

Pendant plusieurs années, à chacune de ses sessions, le Conseil général remit sur le tapis la question de la translation de la Préfecture sur le Cours Henri IV : on y aurait construit un nouvel hôtel, sur le plan de Saint-Félix Seheult. En 1835, il adopta, à la majorité de 18 voix contre 8, 1° le projet de translation du Palais de Justice du Bouffay à l'hôtel de la Préfecture ; 2° le projet de la translation de la Préfecture sur le Cours Henri IV, sans voter cependant les fonds nécessaires pour ces deux déplacements.

Mais toutes ces études et toutes ces démarches n'aboutirent à rien, et la Préfecture est restée dans le palais que ses bureaux occupaient depuis le commencement du siècle.

Cependant, comme le local devenait trop étroit pour le service des bureaux de l'Administration, on a, depuis, acquis les immeubles voisins pour l'agrandissement de ces bureaux. Le Conseil général eut à s'occuper de cet agrandissement en 1855. Sa Commission était d'accord en principe pour la reconstruction des bâtiments élevés en 1826 ; elle ne différait d'avis avec le Préfet, que sur les plans à adopter.

« Le plan qui a été soumis, dit-elle dans son rapport, présente le double inconvénient de trop rapprocher les futurs bâtiments de ceux de l'hôtel, et de ne pas harmoniser les lignes des nouvelles constructions avec celle du bâtiment principal. En adoptant ce plan, on compléterait la faute qui a été commise lorsqu'on a, pour ainsi dire, plaqué au seul monument moderne que possède la ville, la construction vulgaire et disgracieuse qui forme l'aile nord de la Préfectures ».

Cependant, malgré l'avis de la Commission, et sur la proposition du Préfet, le Conseil général vota les 193.000 francs nécessaires pour l'expropriation des immeubles nos 4 et 5 du quai Ceineray, et pour la reconstruction des bureaux.

L'oeuvre de Ceineray a-t-elle gagné à ces nouvelles constructions, et les accessoires qui ont déjà le défaut de trop masquer les côtés de l'ancien palais de la Chambre des Comptes le font-ils bien ressortir dans toute sa majesté ? (G. Durville).

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