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REVENUS CASUELS ET COMMUNS DE L'HOTEL-DIEU ET DU SANITAT DE NANTES

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Quêtes et Confréries. — Amendes de Police. — Droits de cuve et de pont. — Octrois. — Viande de Carême. — Courtage du roulage.

Une requête de 1532 et les considérants d'un arrêt du Conseil de la même époque, nous apprennent que le primitif Hôtel-Dieu du Port-Maillard n'avait pas de revenus assurés. Toute sa fortune reposait sur la générosité du conseil des bourgeois, dont la bourse commune pourvoyait aux nécessités les plus impérieuses. Lorsqu'il fallut faire face aux dépenses de construction d'un nouvel établissement sur le bord de l'Erdre, Louis XII et son successeur furent obligés d'autoriser la levée d'un octroi spécial, sans lequel l'entreprise eût été impossible. « Les princes de ce pays ont, depuis 30 ans, ordonné quelques deniers par année, pour fere ung corps de logeix pour recuillir pauvres en la ville dudit Nantes, lequel a esté faict par le soign et dilligence des habitans de ladicte ville, et quant ledict hospital fut commencé, n'y avoit aucun revenu pour icelluy hospital entretenir » [Note : Requête de 1532. Titres de l'Hôtel-Dieu. (Arch. du dép.)].

La charité publique n'a commencé à pourvoir à la dotation de l'Hôtel-Dieu, qu'après sa translation au bord de l'Erdre et après 30 ans d'existence, le nouvel asile n'avait pas moins de 300 livres de rentes bien constituées. Par une déclaration de biens faite devant les commissaires de la réformation des domaines, en 1554 [Note : Chambre des Comptes de Bretagne. (Arch. dép.)], nous savons qu'à cette date il possédait à Nantes une maison et deux érails, des métairies dans les paroisses de Goulaine, de Sainte-Luce, du Loroux et de Missillac, qui toutes réunies, produisaient un revenu de 114 livres et de plus une quantité de rentes foncières dont la recette s'élevait à 454 livres.

Ce patrimoine a toujours èté en augmentant dans le cours du XVIIème siècle. En 1721, le fermage des immeubles rapportait 12,148 livres, les rentes foncières 1,900 et les rentes constituées 6,269 livres.

En 1772, les chiffres avaient doublé.
Fermes et loyers………………………. 27.814 livres.
Rentes foncières et constituées……………………13.753 livres.
En 1790, les fermes et loyers produisaient. 47.351 livres.

La progression que nous venons de constater, quoique très-marquée, n'a jamais été cependant en rapport avec le nombre des pauvres assistés, ni avec l'accroissement de la population à Nantes ; le produit de la dotation immobilière n'a jamais couvert plus de la moitié des dépenses. Pour combler le déficit, on aurait pu recourir à une levée d'imposition extraordinaire, mais on préférait le plus souvent solliciter la générosité du public par de fréquents appels. En raison de l'hospitalité qu'il accordait à tout venant, l'Hôtel-Dieu voulait, que chaque paroisse de l'évêché de Nantes fournit son aumône, et pour s'épargner les soucis de la collecte, les gouverneurs des pauvres affermaient le produit des quêtes rurales au plus haut enchérisseur, à l'exemple du roi qui baillait les impôts aux traîtants. Bastien Verdun, en 1541, se rendit adjudicataire de ce nouveau monopole moyennant la somme annuelle de 35 livres. Il est permis de croire qu'il en fit un métier lucratif, car il aima mieux prendre la fuite que de rendre des comptes.

Les quêtes en ville, aujourd'hui complètement abandonnées par l'administration des hospices, étaient autrefois le moyen le plus fréquemment employé pour subvenir aux besoins de l'Hôtel-Dieu, et le public ne se lassait pas de donner à ceux qui venaient tendre la main pour les pauvres. L'abondance des aumônes périodiques ainsi versées entre les mains des quêteurs, explique assez bien pourquoi les dons et legs étaient si rares. Le lecteur se souvient qu'au chapitre VII, j'ai cité un règlement de 1568, qui relate tout le mécanisme de l'organisation des quêtes dans les paroisses, je me contenterai donc de rappeler ce fait ici en quelques mots. Les surintendants de la charité désignaient des quêteurs parmi les notables, un laïque et un ecclésiastique dans chaque quartier, et ceux-ci versaient les fonds qu'ils recueillaient entre les mains d'un receveur général, qui centralisait les fonds. La charge de chaque receveur particulier de paroisse consistait à passer dans toutes les maisons, pour demander à chacun le chiffre de l'aumône qu'il entendait verser par semaine, et à tenir compte des recettes sur un registre qui était arrêté chaque jour par le curé.

Quand la détresse exigeait de grands sacrifices de la part de la population, le Parlement de Bretagne accordait la permission d'imposer une taxe forcée à ceux qui ne contribuaient pas à la subsistance des pauvres suivant leurs moyens. En 1624, les membres du Chapitre de la cathédrale furent taxés de la manière suivante :
Dignitaires. ………………………………………………… 65 sols.
Chanoines logés…………………………………………… 33 sols.
Chanoines…………………………………………………… 23 sols.

L'Hôtel-Dieu avait encore une ressource précieuse dans le concours que lui prêtaient les associations pieuses de la ville. Il existait à Nantes, pendant, le Moyen-Age et dans les temps plus modernes, une foule de confréries dotées de rentes et de biens-fonds, dont les membres s'excitaient non-seulement à la pratique de la charité mutuelle, mais encore à la bienfaisance envers tous les malheureux. Leur organisation avait plus d'un trait de ressemblance avec nos sociétés de secours mutuels, puisque les confrères qui étaient dans le besoin étaient visités et secourus sur la bourse commune de la confrérie ; ce qui les distingue surtout de nos sociétés modernes, c'est leur caractère religieux. Quand un confrère était malade on lui donnait des consolations, on priait pour lui de son vivant et après sa mort. Chaque confrérie avait des saints particuliers qu'elle honorait avec grande pompe, afin d'entretenir la piété parmi ses membres, un lieu de réunion où elle tenait ses assemblées, des registres de délibérations et des prévôts ou procureurs syndics qui représentaient ses intérêts, une chapelle pour ses offices particuliers et un chapelain.

Pendant la famine qui sévit à Nantes, en 1545, on eut recours à un rôle de cotisation où furent portés d'office tous les corps constitués. Voici les noms des confréries qui furent imposées :
Confrérie de la Véronique : 100 livres.
Confrérie de Notre-Dame des Clercs : 5 livres.
Confrérie du Saint-Sacrement : 60 livres.
Confrérie de la Passion : 30 livres.
Confrérie de la Chandeleur : 60 livres.
Confrérie de Sainte-Catherine : 20 livres.
Confrérie de Notre-Dame des Carmes : 25 livres.
Confrérie de Saint-Jacques : 5 livres.
Confrérie de Saint-Crespin : 12 livres.
Confrérie de Saint-Bonaventure : 5 livres.
Confrérie de Sainte-Anne : 5 livres.
Confrérie de Saint-Eloy : 4 livres.
Confrérie de Saint-Honoré : 10 livres.
Confrérie de Saint-Jean : 60 livres.
Confrérie de Notre-Dame des Avents : 100 livres.
Confrérie de Notre-Dame de la Cité : 25 livres.
Confrérie de Notre-Dame de Montserrat : 10 livres.

Toutes les fois que la ville fut frappée d'un fléau quelconque, ces confréries furent toujours appelées à verser leur contingent d'aumônes. L'Hôtel-Dieu en reçut de nombreuses subventions, notamment dans le cours du XVIème siècle. Les confréries ont joué un rôle si important dans l'exercice de la bienfaisance à Nantes, que je ne puis me dispenser de faire connaître par quelques détails leurs mœurs intimes. Au lieu de citer le texte, je résumerai les principaux statuts de la confrérie de Saint-Pierre et de Saint-Paul, qui paraît être la plus ancienne, en me basant sur l'acte du rétablissement qui eut lieu en 1398, après les désastres de la guerre :

1° Les personnes des deux sexes furent admises à l’origine, mais les femmes en furent exclues au XIVème siècle ;

2° Les confrères étaient tenus d'assister aux messes et vêpres dites la veille, le jour et le lendemain de la fête des patrons 29 juin ;

3° Celui qui était coupable de négligence ce jour-là payait 6 deniers ;

4° Celui qui soulevait une rixe et troublait l'office payait 10 deniers ;

5° Les gens de bonnes vie et mœurs seuls étaient admis La confrérie était spécialement réservée aux clercs, aux chevaliers et écuyers, cependant elle accueillait aussi les notables qui, par leur fortune et leur situation, pouvaient contribuer à la soutenir ;

6° Le droit d'entrée était de 2 fr. d'or et de 2 livres de cire pour les ecclésiastiques ; de 4 fr. d'or pour les laïques ;

7° Chacun était, tenu d'assister à l'enterrement de son confrère et d'y porter un cierge qu'il donnait aux amis du défunt et de faire dire une messe à son intention ;

8° Dans l'assemblée générale qui avait lieu une fois chaque année, on élisait deux prévôts, gens d'église et deux jurés séculiers ou ecclésiastiques auxquels on commettait l'administration du temporel de la confrérie et l'exécution de ses décisions ;

9° Un dîner, sans superfluité de viandes, devait avoir lieu le jour de la fête de Saint-Pierre et de Saint-Paul ;

10° Quant un frère manquait à ses devoirs d'honnêteté dans sa vie privée, les prévôts l'avertissaient et l'exhortaient en secret, puis s'il ne s'amendait pas, le chapitre de la confrérie, averti publiquement, prononçait son exclusion ;

11° Quand un membre était malade ses confrères étaient tenus de le visiter, de l'exhorter à bien mourir et même de lui porter des secours s'il était dans l'indigence (Série G. Titres de la cathédrale - Arch. dép.).

L'esprit d'association était autrefois si vivace chez nos pères qu'il dominait toutes les institutions, celles de la société civile comme celles de la société ecclésiastique et formait la base de toute entreprise. C'est qu'en effet l'union est un stimulant et une force dans l'industrie, dans le commerce comme dans les œuvres religieuses et il faut regretter que les excès commis au nom de ce principe l'aient fait exclure de nos habitudes.

Le tableau suivant contient la nomenclature à peu près complète de toutes les confréries qui ont existé à Nantes sous l'ancien régime :

Confréries des paroisses de Nantes et de la banlieue.

CONFRÉRIES : ÉGLISES OU ELLES ÉTAIENT DESSERVIES.

Confrérie de la Véronique : Les Jacobins.

Confréries de Notre-Dame-des-Avents, de Saint-André et de
Saint-Sébastien :  Saint-Clément.

Confrérie de la Passion, Confrérie de Notre-Dame-de-Consolation, supprimée en 1768, Confrérie de Toussaints, fondée en 1365, Confrérie du Saint-Sacrement, érigée en 1464, Confrérie de la Trinité : Sainte-Croix.

Confrérie de Sainte-Cire : Notre-Dame.

Confrérie du Saint-Sacrement, érigée en 1613, Confrérie de la Chandeleur, Confrérie de Sainte-Catherine, Confrérie de Saint-Nicolas-des-Clercs, Confrérie de Notre-Dame : Saint-Nicolas.

Confrérie de Saint-Pierre et Saint-Paul, rétablie en 1398, Confrérie de la Charité, érigée en 1656 : La Cathédrale.

Confrérie de Saint-Roch et Saint-Sébastien, érigée en 1643 : chapelle du Sanitat.

Confrérie de Notre-Dame-de-Bon-Secours, supprimée en 1768 : Chapelle de Bon-Secours.

Confrérie de Saint-Antoine et Saint-Sébastien, existait au XVIème siècle : Saint-Saturnin.

Confrérie de Saint-Bonaventure, Confrérie de la Sainte-Vierge, érigée en 1493 : Les Cordeliers.

Confrérie de Saint-Jean-Baptiste, éteinte en 1577 : Commanderie de Saint-Jean-de-l'Hôpital.

Confrérie de Notre-Dame, érigée en 1475, Confrérie de Saint-Jacques : Les Carmes.

Confrérie de Notre-Dame-de-Vie, Confrérie de Saint-Crespin : Saint-Jacques de Pirmil.

Confrérie de Saint-Georges et Saint-Agapit, fondée en 1652 : Saint-Donatien.

Confrérie de Notre-Dame-des-Avents, fondée en 1463 : Saint-Similien.

La fortune immobilière de l'Hôpital général s'est formée encore avec plus de lenteur que celle de l'Hôtel-Dieu et n'est jamais parvenue à un chiffre aussi élevé. A la fin du XVIIème siècle, les biens-fonds et les rentes ne produisaient pas plus de 5,500 livres et en 1781, les revenus de cette nature ne dépassaient pas 30,000 livres. Les directeurs du Sanitat furent donc obligés, comme leurs collègues de l'Hôtel-Dieu, de recourir aux quêtes, et nous allons voir encore ici que les pauvres renfermés trouvèrent leur meilleur appui dans les confréries.

Les premiers essais qui furent tentés pour établir un Hôpital général à Nantes furent à la charge, non pas de la ville, mais des personnes charitables qui voulaient voir cette institution prendre racines. Avant de jeter les bases de leur entreprise, les patrons s'étaient assuré le concours d'un bon nombre de riches habitants dont les promesses avaient été portées sur une liste qu'on nommait le rôle des dons volontaires. Leurs libéralités recueillies tous les mois formèrent avec une collecte faite chaque trimestre dans les paroisses l'unique ressource des pauvres renfermés pendant plusieurs années. La nouvelle création acquit ensuite l'adhésion de quelques compagnies qui s'engagèrent à verser une subvention annuelle. La Chambre des Comptes, qui avait le droit de faire passer en franchise de traite 200 pipes de vin d'Anjou, céda spontanément son privilége au Sanitat qui le vendit à un hollandais 2,700 livres.

Aux premiers élans de générosité qui se manifestèrent autour d'eux, les promoteurs de l'œuvre purent fonder de longues espérances sur le zèle de leurs souscripteurs, mais ils s'aperçurent bientôt que la charité est un feu dont l'ardeur s'éteint bien vite quand il n'est pas réveillé par un stimulant quelconque. Sur l'avis du duc de la Meilleraie, gouverneur du château de Nantes, qui patronait alors toutes les entreprises de bienfaisance, on convoqua une assemblée composée du maire et des échevins en charge, de leurs prédécesseurs immédiats, des gouverneurs des pauvres et de quatre députés de chaque paroisse, afin d'examiner quels seraient les moyens à employer pour se procurer des ressources fixes. C'est dans cette réunion (1657) que fut prise la résolution de créer une confrérie. Les députés chargés de consulter les habitants de leurs divers quartiers ayant rapporté un avis favorable, le doyen du chapitre, le maire, l'alloué et quelques notables furent chargés de rédiger un projet de statuts qui fut communiqué aux assemblées paroissiales. La constitution proposée fut accueillie partout, par une approbation unanime. Comme les affiliés de l'association n'étaient tenus qu'à une cotisation annuelle de 12 livres, un grand nombre d'habitants envoyèrent leur souscription avec empressement pour profiter des bienfaits spirituels que promettait l'abondance des prières mises en commun. Les personnes les plus distinguées tinrent à honneur de figurer en tête des registres de la confrérie. Le duc de la Meilleraie, dont la générosité était inépuisable, se fit inscrire pour une somme annuelle de 2,000 livres et se vit de suite porté par les suffrages de ses confrères au nombre des trois prévôts avec le doyen de la cathédrale et le maire de Nantes. Tous les membres du chapitre sollicitèrent leur inscription sur les listes des bienfaiteurs et le Présidial en corps promit de fournir 600 livres de rente.

Dans une assemblée générale tenue le 17 janvier 1657, les statuts de la confrérie qui porta depuis le nom de confrérie de la Charité, furent définitivement arrêtés puis soumis à l'évêque qui les approuva par mandement du 26 janvier de la même année. La cour de Rome, elle aussi, les ratifia en adressant dès le mois d'avril suivant une bulle d'indulgences sous le sceau d'Alexandre VII. Afin d'indiquer au public les importants résultats qu'on attendait de la nouvelle institution, il fut convenu qu'elle serait inaugurée solennellement par une procession générale qui se fit le 18 mars de la même année. La pompe en était rehaussée par la présence de tous les ordres religieux et par l'assistance du clergé de toutes les paroisses.

Les statuts de la confrérie de la Charité sont un tableau de mœurs qu'il me paraît utile d'insérer ici pour montrer comment nos ancêtres pratiquaient la fraternité sur le terrain de la bienfaisance.

Statuts de la Confrérie de la Charité.

Gabriel de Beauvau, par la grâce de Dieu, avons érigé et érigeons par ces présentes ladite confrérie de la Charité pour qu'elle subsiste et soit entretenue à l'avenir conformément aux articles desdits statuts, lesquels nous approuvons et confirmons selon la forme et teneur qui en suit :

1er ART. — Les confrères sont conviés de ne laisser écouler aucun jour sans demander à Dieu la charité puisqu'elle seule suffit. Comme il a pleû à Dieu inspirer le dessein de cette confrairie le 27 décembre, jour de Saint-Jean l'évangéliste et que d'ailleurs cet apôtre a uniquement recommandé la charité ; ce même jour a été Choisy pour la dévotion solennelle de la consfrairie pour laqu'elle on dira ce jour une messe à basse voix sur les sept heures du matin à l'autel de Notre-Dame de l'église cathédrale, afin d'y laisser le Très-Saint-Sacrement exposé pendant toute la journée et pour l'adorer seront députés par les prévots de laditte confrairie deux des confrères par chacune heure du jour.

2ème ART. — A l'issue de la grand'messe du chœur sera soné un apeau de la grosse cloche et célébré au même autel une messe solennelle par un de Messieurs de l'église député du Chapitre avec la musique, à laquelle messe seront faites prières à Dieu pour sa Sainteté et pour l'église universelle, pour le Roy, pour la paix et concorde entre les princes chrétiens et pour cet effet sera chanté en musique le psalme Exaudiat, ensuitte de quoy le prêtre officiant chantera les oraisons propres et les confrères sont conviés de s'y trouver et les pauvres tant renfermés que de la subsistance obligés de s'assembler au Sanitat pour venir de là processionnellement assister à laditte messe.

3ème ART. — Après la susditte messe solennelle, les confrères s'assembleront dans l'une des chapelles de laditte église pour élire deux prévots de la confrairie lesqu'els en auront le soin et la conduitte. Le prédicateur sera convié de prêcher de la charité ce jour là.

4ème ART. — Complies étant dites sera chanté un salut par la musique pour serrer le Très-Saint-Sacrement par celuy qui aura officié où sera fait pareillement prière pour sa Sainteté et sa Majesté comme y est cy-dessus ordonné.

5ème ART. — Lesdits confrères s'étudieront vivre ensemble avec une amitié véritablement fraternelle et s'il se rencontre parmy eux quelque sujet de différend ils sont conviés de les terminer par l'avis de leurs confrères suivant ces paroles de l'apôtre : si fieri potest, quantum ex vobis est, pacem cum omnibus habentes (Ro. 12) sic non est inter vos sapiens quisquam qui possit judicare inter fratrem suum sed frater cum fratre judicio contendit (1. Cor 6.) si faire se peut en contribuant ce qui est en vous, ayez la paix avec tous les hommes ; n'y a-t-il donc point d'homme sage parmy vous qui termine les différends des frères, mais les uns plaident contre les autres.

6ème ART. — Lesdits confrères auront grand soin de faire instruire leurs enfants et domestiques, de les élever dans l'amour et crainte de Dieu et de les assister aussi temporellement, car comme dit le même apôtre : si quis autem suorum et maximè domesticorum curam non habet fidem negavit et est infideli deterior. (1. ad Tim. 5.).

Celui qui n'a pas de soin de ceux de sa maison, il a renié la foy et est pire qu'un infidel.

7ème ART. — Ils embrasseront avec zèle et vigilance les quêtes qui se feront en leurs paroisses pour la direction et les fonctions d'icelles lorsqu'ils y seront apellés.

8ème ART. — Toutes personnes et de tous sexes pourront être receuës à laditte confrairie en promettant et signant sur le livre d'icelle de payer au moins douze livres par chaque année.

9ème ART. — Quand un des confrères sera malade ou dans le besoin, les autres seront soigneux de le visiter et assister spirituellement et temporellement et d'en avertir les prévôts si la chose le mérite afin d'y pourvoir.

10ème ART. — A la mort d'un des confrères, les prévôts auront soin qu'il soit célébré une messe à basse voix dans la chapelle des quatre évangélistes ; les confrères, seront avertis par un questeur afin de s'y trouver si leur commodité le permet et sont conviés d’exciter leur dévotion pour comunier ou faire quel qu'autres actions pieuses et les prêtres dire chacun une messe pour le repos de l'âme du deffunt.

11ème ART. — L'aumônier des renfermés dira pareillement une messe des morts à l'intention du confrère décédé et les pauvres renfermés s'y trouveront pour faire leurs prières à même fin.

12ème ART. — Les pauvres de la subsistance diront un Pater et un Ave pour le même sujet au prochain jour de la distribution et avant de la recevoir.

13ème ART. — Il y aura indulgences plénières pour les confrères au jour où ils entreront dans laditte confrairie, au jour de Saint-Jean l'évangéliste et au temps de leur mort en s'efforçant d'y produire un acte d'amour de Dieu.

14ème ART. — Les confrères s'efforceront d'être fidèles dans l'observance des susdits statuts sans néantmoins avoir intention de s'y obliger sous peine de péché même véniel.

Donné en nôtre prieuré de Grammont le 26ème jour de janvier 1657, ainsy signé : GABRIEL DE BEAUVAU, évêque de Nantes.

Le pape Alexandre VII, par sa bulle du 13 avril 1357, a confirmé cette confrérie et concédé des indulgences plénières et d'autres moins étendues.

Cette pieuse association de frères et de soeurs entretint la charité de ses membres jusqu'à la fin du XVIIème siècle sans trop de relâchement et parvint à récolter d'abondantes aumônes qui, dans certaines années, s'élevaient jusqu'à 7 et 8,000 livres ; mais dans le cours du siècle suivant on vit, décroître sensiblement le nombre des fervents affiliés [Note : En 1756 les cotisations ne dépassaient pas 300 livres]. Elle se serait sans doute annihilée complètement si quelques protecteurs des pauvres n'avaient, en 1774, émis le vœu qu'elle fût rétablie solennellement. Cédant aux instances qui lui étaient faites, le bureau de l'Hôpital général tenta une démarche à l'évêché pour obtenir un mandement de restauration. M. Mauclerc de la Muzanchère qui, deux années auparavant, avait fait un appel chaleureux à la générosité publique en faveur de l'Hôtel-Dieu, ne refusa pas d'élever la voix de nouveau pour les pauvres et invita par un mandement spécial toutes les âmes pieuses à s'inscrire sur les registres de la confrérie de la Charité. Son appel fut entendu, car la première quête produisit 5,052 livres. Ce magnifique résultat ralluma le zèle de tous et la confrérie reprit un essor qui ne défaillit pas jusqu'en 1790.

Les habitants de la Fosse n'avaient pas attendu la création de la confrérie de la charité pour apporter le secours de leurs aumônes à la direction du Sanitat ; dès 1643, ils avaient formé entre eux une confrérie sous l'invocation de saint Roch et de saint Sébastien. Leur but était d'implorer la protection de ces deux saints pour détourner de la ville le fléau de la peste et de les honorer dans de fréquentes cérémonies qu'ils célébraient dans la chapelle même de l'Hôpital général. Ils avaient même la permission d'y tenir leurs assemblées, et, en retour de cette hospitalité, le Sanitat recevait d'eux 70 livres par année.

Les corporations, elles aussi, apportaient le contingent de leurs offrandes en certaines occasions à l'Hôtel-Dieu. Les compagnons des corps de métier payaient 10 sous le jour où ils acquéraient la maîtrise, les notaires un écu en prenant possession de leur office et les avocats deux écus.

La direction des pauvres renfermés ne tarda pas à s'applaudir d'avoir appelé à elle le concours de toutes les bourses moyennes et petites par le canal des confréries, car beaucoup de ceux qui lui avaient prêté le plus sérieux appui au début lui firent tout à coup défection.

Les Flamands, qui avaient au XVIIème siècle le monopole du haut commerce, à Nantes, promirent, en 1656, de verser 300 livres par an ; mais ils se lassèrent bientôt de payer cette cotisation, pourtant bien faible pour eux. En 1662, pour les contraindre à continuer leurs charités, l'administration porta plainte contre eux devant le Présidial, par une requête où elle disait : « qu'il n'était pas raisonnable que les Flamands qui faisaient presque seuls le trafic et qui possédaient les plus beaux logements de la Fosse, et presque tous les magasins de la ville, restassent sans contribuer à la subsistance des pauvres ». En 1658, les notables et les fabriciens de la paroisse Saint-Clément furent aussi assignés en justice pour avoir refusé leur contribution, et en 1677, il fallut employer les mêmes rigueurs contre la plupart de ceux qui avaient souscrit pour de grosses sommes ; mais toutes ces injonctions restèrent sans succès, quoiqu'il fût remontré par l'avocat de l'aumône que l'Hôpital général n'aurait pas été fondé sans l'assurance de ces dons volontaires. Pour dédommager les pauvres de ces pertes, le Présidial accorda au Sanitat la permission exclusive de quêter dans toute la ville et de placer des troncs dans les hôtelleries et les églises de la ville et des faubourgs. Il n'est pas sans intérêt de montrer ici, en quelques mots, comment s'exploitait ce monopole.

Dans chaque paroisse, les marguilliers étaient tenus d'élire tous les mois un quêteur collecteur, lequel recueillait toutes les charités de son quartier et les portait au trésorier du Sanitat [Note : La recette des quêtes était ordinairement de 2 à 3,000 livres ; mais, dans certaines circonstances, elle s'élevait très-haut. En 1748, on recueillit 17,558 livres]. Cette fonction était obligatoire pour les élus et ceux, qui se rendaient coupables de négligence étaient passibles d'amende. En 1658, les gouverneurs de l'Hôpital se plaignirent au Présidial que les fabriciens omettaient de remettre chaque mois, régulièrement, les boîtes aux quêteurs. Un fabricien de Saint-Clément, pour avoir négligé de quêter à son tour dans sa paroisse, fut condamné à payer une indemnité de 70 sous, qui fut évaluée d'après le produit des quêtes faites pendant les trois années précédentes. Je pourrais en citer bien d'autres, auxquels on infligea pareille amende.

On suppléait souvent à la tiédeur de ces quêteurs officiels, en envoyant à travers les rues de la ville quelques enfants trouvés qui présentaient leurs boîtes soit dans les maisons soit aux portes de la ville. Trois fois par semaine un âne chargé de portoirs parcourait les rues avec un conducteur qui sonnait une clochette pour avertir ceux qui avaient des restes à donner. Les marchands de blé et de poisson avaient l'habitude de faire, à chaque marché, une part pour les pauvres, qu'on recueillait de cette façon. Au XVIIIème siècle, les directeurs de l'Hôtel-Dieu ne se firent pas scrupule d'imiter leurs collègues du Sanitat et de solliciter aussi des dons en nature. Des dames quêteuses allaient en leur nom faire des collectes périodiques de linge, de confitures et d'argent pour les pauvres malades.

Afin d'émouvoir les cœurs charitables par le spectacle des misères à soulager, les gouverneurs de l'Hôpital général prirent l'habitude de mener tous les ans une procession générale à laquelle assistaient les pauvres renfermés et les pauvres de la subsistance. Ceux qui s'abstenaient de paraître à cette cérémonie s'exposaient à être rayés du rôle de la charité. Le défilé se rendait du Sanitat à la Cathédrale le jour de la Saint-Jean-Baptiste, et aux autres fêtes à l'église des Minimes, afin de traverser la ville dans toute sa longueur. Ces processions se répétaient encore à la Saint-Jean de Noël, à la Saint-Thomas et à la Saint-Joseph, quand les besoins exigeaient un appel plus pressant à la charité publique.

Aux quêtes et aux libéralités dont je viens de parler, et qui formèrent, à l'origine, la plus grosse part du revenu casuel des Hôpitaux de Nantes, venait se joindre le produit de divers monopoles et impôts qui méritent d'arrêter l'attention du lecteur à cause de leurs rapports étroits avec l'histoire du commerce. Le plus ancien monopole qui ait été exercé au nom des pauvres, est celui des droits de cuve et de pont. Tous les navires chargés de blé ou de sel qui s'amarraient à la cale de la poterne du château de Nantes, ne pouvaient mettre à terre leur cargaison sans prendre les planches de passage appartenant à l'Hôtel-Dieu et quand ils vendaient leurs marchandises il leur fallait user des mesures de la même maison. Le fermier qui s'était rendu adjudicataire de l'exploitation payait, en 1672, 90 livres de fermage et 110 livres en 1713. Il est à présumer, d'après une défense portée dès 1550 contre les usurpateurs de ce droit, que l'origine en devait remonter à une concession des ducs de Bretagne comme celui de pêcher un jour par semaine au-dessus et au-dessous des ponts de Nantes (Voir série E., corporations, Archives départementales).

Il est constaté que, dès 1526, les contraventions aux règlements de voirie et d'ordre public et aux statuts des corporations étaient frappées d'une amende qui profitait à l'Hôtel-Dieu. Lorsqu'à la fin du XVIème siècle les magistrats municipaux furent investis du rôle de juges de police simple, ils ne manquaient pas d'attribuer les amendes prononcées au trésorier de l'Hôtel-Dieu, pour l'aider à payer les gages du chirurgien et du médecin des pestiférés. Charles IX approuva cette application par lettres de 1569, et Henri III la confirma dans les termes suivants :

4 juillet 1577. — Henry, par la grâce de Dieu, roy de France et de Pologne, à nos amés et féaux les gens de nos comptes en Bretaigne, juges ordinaires et prévôtaires de Nantes ou leurs lieutenants et à tous autres, nos justiciers et officiers, salut.

Nos chers et bien aimés les maire et échevins de la ville de Nantes nous ont, en notre conseil privé, fait remontrer que du temps qu'ils, ou leurs prédécesseurs, exerçoient et avoient juridiction sur la police dudit lieu, auparavant que nous eussions, par arrêt de nostre conseil privé, ordonné qu'elle seroit tenue par les juges et officiers ordinaires dudit Nantes, les amandes qui étoient par eux adjugées, sur les contrevenants et délinquants étoient ordonnées aux pauvres de l’Hôtel-Dieu des pestiférés à stipendier un médecin, un chirurgien et un barbier détenus pour la cure des malades et atteints de peste, suivant la volonté du feu roi dernier deceddé, notre très-cher seigneur et frère, exprimée par ses lettres patentes du septième janvier mille cinq cent soixante-neuf, dont la copie collationnée est cy attachée sous le contre scel de nostre chancellerie.

Lequel hôpital est à présent nécessiteux à raison de ce que vous, juges ordinaires et prévôtaires qui exercez maintenant la ditte police, faittes difficulté d'ordonner les amandes que vous y adjugez estre employées à l'effet susdit, d'autant que n'en avez reçu aucun commandement de nous, à l'occasion de quoy s'il arrivoit un accident de peste en la ditte ville, où elle est fort fréquente àccause de l'air de la mer, les malades d'icelle maladie ne recevoient tel traittement seroit nécessaire pour leur cure et guérison à fautte de moyen, nous suppliant très-humblement lesdits maire et échevins et suivant la bonne et louable coutume de tout temps en ce observée, vouloir sur ce déclarer nos vouloir et intention et leurs en faire expeddier lettres de provision nécessaires :

A ces causes, désirant le contentement et satisfaction desdits suppliants et de nos autres sujets manants et habitants dudit Nantes, même que le bon ordre cy devant commencé à la cure desdits malades et entretenement dudit hôpital et mises servants à iceluy soit à l'avenir continué par le moyen des dictes amandes adjugées en la jurisdiction de la police dudit Nantes ; avons dit, déclaré et ordonné, et, par la teneur de ces présentes, disons, déclarons et ordonnons en continuant les vouloir et intention de notre feu seigneur et frère que les amandes adjugées en la ditte police depuis l'union d'icelle aux juridictions desdits juges ordinaires et prévôtaires ; ensemble, celles qui à l'avenir seront adjugées pour le regard de la dite police seront mises ès mains des gouverneurs des pauvres de la ditte ville de Nantes pour estre employées tant à substanter lesdits pauvres, à l'entretenement des médecin, barbier et chirurgien destinés à la cure des dits malades de peste et à leur aliment, dont les gouverneurs rendront compte ainsi qu'ils ont de coutume.

Si vous mandons et à chacun de vous enjoignons le contenu en cette notre présente déclaration faire, entretenir, garder et observer de point en point, selon sa forme et teneur, sans y user d'aucune difficulté, restrinction, modification. Et outre, vous dits juges ordinaires et prévotaires de tenir la main à faire payer les dittes amandes et pour évitter à déception et abus faire délivrer les rôles d'icelles avec contraintes nécessaires auxdits gouverneurs des pauvres pour les lever et y contraindre les condamnés comme pour nos propres deniers, dettes et affaires.

Ce que voulons estre fait par le premier notre huissier ou sergent sur ce requis auquel donnons de ce faire pouvoir nonobstant opposition ou appellations quelconques pour lesquelles et sans préjudice d'icelles ne volons estre différé. Car tel est notre plaisir.

Donné à Poictiers, le quatrième jour de juillet, l'an de grâce mil cinq cent soixante dix-sept, et de notre règne le quatrième [Note : Le produit des amendes de police a beaucoup varié ; il était ordinairement de 200 livres, cependant il s'élevait quelquefois beaucoup plus haut. En 1747, il monta à 472 livres].

Loin de diminuer, le produit des amendes ne fit qu'augmenter dans les deux siècles qui suivirent. Toutes les fois qu'un siége de justice prononçait une confiscation de biens ou condamnait un criminel à la peine capitale, les juges n'omettaient jamais de faire une réserve au profit des pauvres. Je n'en citerai qu'un exemple. Les quatre principaux chefs de la conspiration de Pontcallec, qui furent décapités à Nantes, furent condamnés à payer une amende de 10,000 livres que les deux hôpitaux se partagèrent.

Le plaisir, lui aussi, payait sa dette à l'indigence comme le crime. Toutes les fois qu'une troupe de comédiens venait à Nantes jouer la farce ou le vaudeville, elle s'engageait toujours devant la mairie soit à verser une somme fixe, soit à donner le produit d'une représentation. Elle était assimilée, dans ce cas, à ceux qui exploitent un privilége et considérée pour cette raison comme passible d'un impôt. On sait qu'il était d'usage autrefois dans l'administration de ne jamais concéder aucune exploitation ou aucun monopole sans assujettir l'adjudicataire à une redevance qu'on nommait pot de vin. La gratification allait, le plus souvent, à la caisse des pauvres. Les fermiers de l'octroi nommé le Trépas de Loire, ont, pendant longtemps, accepté leur bail dans ces conditions. En adjugeant le bail de l'éclairage des lanternes de la ville en 1703, la mairie de Nantes avait eu soin de stipuler dans le cahier des charges que tous les bouts de chandelle seraient mis de côté pour les hôpitaux [Note : On sait que l'usage d'éclairer les rues avec des lanternes remonte au règne de Louis XIV]. Le roi n'agissait pas autrement dans ses lettres de concession. Suivant l'article VI des conditions imposées à la Compagnie des Indes, les régisseurs étaient tenus de payer à l'Hôtel-Dieu un franc pour mille sur le produit de la vente de ses marchandises à Nantes.

L'abstinence de la viande pendant le carême était autrefois observée avec une grande rigueur : les malades, les vieillards et les enfants étaient seuls admis à s'en écarter, aussi le commerce de la boucherie se réduisait à un très-mince produit pendant six semaines de l'année. Dans les villes, même de l'importance de Nantes, on ne voyait pas plus d'un boucher exposer de la viande ; un étal suffisait aux besoins des rares acheteurs qui se présentaient. L'appât qu'offrait le métier de boucher de carême était donc peu séduisant, et celui qui l'exerçait devait se croire à l'abri de toute convoitise. Il vécut, en effet, sans trouble pendant le cours du moyen-âge ; mais, au XVIIème siècle, sa situation devint un objet de compétition. L'Etat et les villes étaient, dans un tel embarras pour créer des ressources aux hôpitaux, que toutes les puissances cherchaient avidement de tous côtés ce qui était matière à monopole et accaparaient ce qui leur semblait bon à prendre, si minime que fût le gain.

La corporation des bouchers fut dépossédée de son métier pour six, semaines chaque année et la vente de la viande pendant le carême fut érigée en privilége au profit des pauvres. Les hôpitaux en adjugeaient l'exploitation par bail de trois années au plus offrant enchérisseur, et le boucher qui s'était rendu acquéreur avait seul le droit de tenir boutique ouverte. Son monopole était tellement exclusif que les bateliers de la Loire qui voulaient tuer un bétail pour leur approvisionnement devaient lui payer 100 sous par bœuf abattu.

Le boucher de carême ne dépendait plus de sa corporation, il devenait le gérant des intérêts des pauvres et devait se conformer aux clauses et conditions qu'il plaisait aux directeurs des hôpitaux de lui imposer. Il ne lui estait pas permis de vendre au premier venu et comme il l'entendait, son bail ne l'autorisait pas à vendre la viande plus d'un sou par livre au-dessus du tarif ordinaire. Quiconque venait acheter à son étal était obligé de lui produire une attestation de médecin ou de recteur de paroisse. S'il omettait de réclamer ce certificat de dispense, il s'exposait à une amende de 100 livres, d'après les défenses portées par le lieutenant de police.

Le monopole ne fut pas de suite mis aux enchères. On commença d'abord par réclamer au boucher de carême une gratification dont le chiffre s'éleva peu à peu de 100 à 300 livres. L'Hôtel-Dieu, qui jouit seul pendant plusieurs années de cette source de revenu, n'eut recours à l'adjudication qu'au milieu du XVIIème siècle. Un arrêt du Parlement du 17 février 1650 décida que les deux hôpitaux de Nantes partageraient le bénéfice de la viande de carême ; cependant le Sanitat, n'entra en possession de sa part qu'en 1673.

Il y a une différence si considèrable entre le résultat des premières enchères au XVIIème siècle et celui des dernières au XVIIIème siècle, que je crois intéresser le lecteur en citant quelques chiffres. A partir du jour où les hôpitaux sont en jouissance de leur privilége, on remarque une extension toujours croissante dans le commerce de la boucherie de carême. Cette coïncidence toute fortuite doit être uniquement attribuée au relâchement des mœurs et de la discipline ecclésiastique qui s'est manifesté au XVIIIème siècle.

En 1668, l'adjudicataire payait 560 livres et, en 1673, 618 livres. Quarante années après, le produit était quatre fois plus fort. En 1716, Pierre Loiseau prit le bail de la viande de carême pour la somme de 2,510 livres.

L'époque des enchères n'arrivait jamais sans donner lieu à de nombreuses rivalités qui soulevaient des plaintes dans le public et aux hospices. Tantôt les bouchers se liguaient ensemble pour avoir l'adjudication à bas prix, tantôt enchérissaient les uns sur les autres d'une façon déraisonnable et se dédommageaient sur les acheteurs en vendant de mauvaise viande ou en exigeant un prix supérieur au tarif. On crut remédier à tous ces inconvénients en 1736 en adjugeant le privilège à quatre maîtres bouchers pour 500 livres payables par chacun ; mais, en 1739, on revint par intérêt à l'adjudication libre qui monta à 5,050 livres. Vers la fin du XVIIIème siècle, on parvint à un chiffre trois fois supérieur. Le boucher qui prit le bail paya 8,000 livres en 1780 et 19,500 livres en 1785. On voit que la ville de Nantes n'avait pas fait une mauvaise spéculation en fondant des espérances sur la boucherie de carême.

Les marchands qui avaient du gibier ou de la volaille à vendre se tenaient tous dans la cour de l'Hôtel-Dieu et payaient au receveur :

Par chaque poularde, chapon, perdrix ou lapin, 1 sou ; par chaque couple de poulets et de pigeons, 1 sou.

Après avoir épuisé tous les expédients imaginables pour recouvrer insensiblement la subvention que doit à ses pauvres toute société civilisée, les gouverneurs des hôpitaux s'aperçurent que les ménagements n'augmentaient pas leurs recettes. Ils prirent donc au commencement du XVIIIème siècle la résolution de recourir encore à la taxe forcée ; mais au lieu d'employer les rôles comme aux époques précédentes, ils demandèrent à frapper d'un impôt spécial la consommation. Leur requête ne tendait pas à introduire une innovation. En l'année 1545, qui fut une époque de famine, Henri II, alors dauphin de France et duc de Bretagne, autorisa les bourgeois de Nantes à consacrer la moitié du produit des droits d'octroi à nourrir leurs pauvres, qui s'élevaient alors à 12,000. On se rappelle que Louis XII, Charles IX et Louis XIV ont accordé la même permission toutes les fois que les hôpitaux se sont trouvés dans la nécessité de faire des dépenses extraordinaires. Les premières constructions qui se firent sur la tenue de l'Asnerie pour l'ouverture du Sanitat, furent en partie payées au moyen des 5,000 livres que le roi permit de prendre sur les octrois, et nous avons vu au chapitre de l'Hôtel-Dieu, bâti sur la prée de la Madeleine, que l'octroi levé sur les vins étrangers amenés de la Haute-Loire avait également été affecté en partie aux dépenses des nouveaux bâtiments. Le contrôle qu'exerce le pouvoir central sur l'emploi des deniers communaux n'est point, on le voit, un abus engendré par la centralisation moderne.

Lorsqu'au XVIIIème siècle les deux hôpitaux de Nantes furent dans l'impossibilité de soulager tous les indigents malades ou sans travail, Louis XV permit, comme ses prédécesseurs, de recourir aux ressources des octrois. En 1721, date des premières lettres , la ville de Nantes fut autorisée à lever en sus des taxes fixées au tarif ordinaire une augmentation de 6 deniers sur chaque pot de vin vendu en détail dans la ville et les faubourgs. Le fermier des octrois devait verser les deux tiers du produit au trésorier de l'Hôtel-Dieu et l'autre tiers au trésorier du Sanitat. Le commerce avait accepté d'abord ce surcroît de charges comme une nécessité temporaire mais il fut obligé de le supporter jusqu'à la fin du XVIIIème siècle sans obtenir de répit. Non-seulement la concession fut prorogée sans interruption, mais encore deux arrêts, l'un du 24 juin 1747, l'autre du 28 juin 1750, l'aggravèrent en permettant de doubler la taxe pendant neuf années consécutives. De plus, en 1759, un nouvel arrêt du Conseil d'Etat, pour remplacer le doublement, ordonna la perception d'une taxe de 3 livres par barrique de vin provenant des vignobles non compris dans l'évêché, et la levée d'une autre taxe de 40 sols par barrique de bière étrangère, le tout pendant six années.

Chaque fois que les gouverneurs des pauvres poursuivaient le renouvellement de ces droits d'octroi, ils rencontraient parmi les juges consulaires une vive opposition qui donnait lieu de part et d'autre à une avalanche de mémoires aigres-doux. Pour apaiser leurs adversaires, ils proposèrent plusieurs fois de percevoir l'impôt des pauvres sous une autre forme, mais ils ne parvinrent jamais à se mettre d'accord avec les corps constitués de la ville et avec le pouvoir royal. L'usage des loteries qui leur avait été permis au XVIIIème siècle et au commencement du XVIIIème leur ayant été refusé en 1747, ils sollicitèrent, sans plus de succès, l'abandon des bénéfices vacants de l'évêché. On croyait, en 1756, rallier toutes les adhésions, en remplaçant la taxe sur la consommation, par un impôt sur les loyers, lorsque la résistance du Présidial et du Chapitre de la cathédrale fit échouer toutes les combinaisons du projet. On revint au système ancien et la caisse des hôpitaux ne cessa pas de s'alimenter à la recette de l'octroi des six deniers levés sur chaque pot de vin vendu en détail.

Voici un aperçu du produit de cet impôt, en réunissant les deux tiers de l'Hôtel-Dieu au tiers du Sanitat :
En 1723 : 19,000 livres.
En 1756 : 30,000 livres.
En 1772 : 18,278 livres.
En 1782 : 29,970 livres.
En 1786 : 12,397 livres.
En 1789 : 5,638 livres.

Pendant que les négociants de Nantes se débattaient contre la prorogation des droits d'octroi, la municipalité de son côté cherchait les moyens de remplacer l'impôt toujours impopulaire par le produit d'un monopole quelconque. Elle crut que le problème serait résolu si elle s'emparait de l’une de ces nombreuses charges que le roi Louis XIV avait érigées en fonctions officielles. On sait que ce prince est l'un de ceux qui out le plus créé d'offices et de titres honorifiques pour grossir ses « parties casuelles ». Il n'était guère de profession, sous son règne, qu'on pût exercer sans obtenir un brevet royal ou des lettres maîtrises. Afin de délivrer la province des embarras que causaient au public les facteurs, courtiers et commissionnaires de rouliers créés par édits de 1704 et de 1705, les Etats de Bretagne acquirent ces offices, afin qu'ils ne pussent revivre sans leur permission.

La ville de Nantes, qui voulait augmenter les revenus casuels des hôpitaux, sans alourdir ses contributions, prit le parti de rétablir le privilége de courtier des transports par terre au profil des hôpitaux, sans prendre garde à l'opposition qui pourrait lui venir des Etats, et le 26 mars 1749, elle adjugea le susdit monopole à Jean Leguay, aux conditions suivantes :

1° Ce commis facteur ou courtier tiendra un registre qui sera chiffré et millésimé par le lieutenant-général de police, ou, en son absence, par le premier juge de police qui fera ses fonctions, sur lequel registre il inscrira sans laisser aucun blanc, par datte du jour et d'heures, les noms des voituriers, roulliers, qui se présenteront avec leurs charettes pour avoir une voiture, les noms de ceux qui voudront faire voiturer, leurs marchandises avec la quantité d'icelles et le lieu de leur destination, le départ des roulliers, leur domicile ordinaire, leurs marques et le prix de leurs voitures sur les peines qui échoiront.

2° Il fera partir les marchandises les premières inscrites par les roulliers qui auront requis les premiers la voiture sans aucune préférence ni acception de personne, si ce n'est lorsqu'il y aura concurrence entre un roullier de cette ville et des roulliers des autres villes qui se seront fait inscrire le même jour, auquel cas seulement il sera tenu de donner la préférence au roulier de Nantes, qui aura même le choix de la voiture s'il s'en trouve plusieurs à prendre, à peine des dommages-interêts des voituriers et des marchands chargeurs.

3° Il sera tenu de représenter et communiquer son registre au bureau à la première réquisition qui lui en sera faite à peine de destitution en cas d'insistance.

4° Il ne pourra rien exiger soit des marchands chargeurs, soit des rouliers, par forme de présent, de repas ou autrement, quand même il luy serait offert volontairement au-delà du prix de la voiture, d'un cent pesant qui luy sera payé par le rouiller pour tout droit de commission ou de courtage, sous la peine portée par l'article 3 et de restitution du quadruple de ce qu'il aura reçu en outre.

5° Lorsque les roulliers, arrivans chargés en cette ville voudront emploier ledit courtier pour leur décharge et pour se procurer le paiement de leurs voitures, il sera tenu de donner ses soins parce qu'ils lui paieront seulement trente sols par chaque charrette pour sa commission , lequel droit de commission il ne pourra exiger qu'au cas que les roulliers s'en retournent à vuide, sur les peines portées par les articles 3 et 4, et sans néanmoins que lesdits roulliers soient obligés de rien payer, s'ils font leur décharge sans son ministère dont il leur sera libre de se passer.

6° Il ne pourra avoir à luy ny charrettes, ny chevaux de roulages, ny s'intéresser directement ny indirectement avec aucun roullier, il ne pourra tenir auberge ny prendre aucun intérêt ou société avec aucun hoste ou cabaretier, sur les peines portées par l'article 3.

Pour qu'il ne soit point distrait dans ses fonctions, il jouira, outre les droits qui lui sont attribués, de l'exemption du logement effectif des gens de guerre parce qu'il paiera par chacun an, au profit des deux hôpitaux de cette ville, la somme de cinq cents livres par moitié applicable à payer les sonneurs des clochettes, pour la répurgation des rues et aider à parfaire les gages des chasse-gueux.

Les hôpitaux jouissaient depuis onze ans des revenus de ce monopole lorsque les Etats de Bretagne, munis d'un arrêt du Parlement, signifièrent en 1760 au courtier la défense expresse d'exercer son office plus longtemps. Un mémoire fut de suite envoyé par les deux bureaux pour obtenir la restitution du privilège, mais cette démarche resta sans succès.

Quelques années après, cette perte fut compensée par une autre faveur dont personne ne contesta la jouissance aux pauvres, je veux parier des droits du papegault qui furent concédés aux hôpitaux de Nantes, vers 1770 [Note : Cette concession fut faite en vue de pourvoir à l'entretien des enfants trouvés]. Pendant plusieurs siècles, les rois ont attribué des privilèges aux plus adroits chevaliers qui se livraient au tir de l'arbalète. Celui qui abattait l'oiseau suspendu à une certaine hauteur était nommé roi et à ce titre il jouissait de l'exemption des charges publiques, plus du droit de vendre en franchise cinquante tonneaux de vin. Au XVIIIème siècle, l'exercice du tir était tout-à-fait suranné, il n'avait plus de raison d'être depuis que l'Etat entretenait des troupes qui dispensaient les bourgeois du maniement des armes, ce n'était plus qu'une occasion de dépenses, de querelles, de procès et d'accidents, disent les contemporains. Un arrêt du Conseil, du 7 mai 1770, décida que les droits attribués à l'abatteur du papegault deviendraient désormais le privilège des hôpitaux de Bretagne. Au lieu d'exploiter leur franchise, l'Hôtel-Dieu et le Sanitat la cédèrent au fermier des impôts de la province pour une rente de huit cents livres qu'ils partageaient dans les mêmes proportions que les droits d'octroi.

(Léon Maître).

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