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Les PAPES durant le Moyen Age |
Les papes ont exercé une influence considérable sur la société pendant tout le Moyen-Age. En eux se personnifiait l'élément chrétien appelé à régénérer le vieux monde. Saint Pierre est le premier évêque de Rome, qui ouvre la série des papes. Son successeur immédiat est saint Lin. Veuillez consulter la liste complète des Papes. (cliquez) Veuillez consulter la liste des Papes Français et Saints Français. (cliquez) Histoire de l'Eglise Catholique en France : tableau chronologique des principaux événements. (cliquez) Liste des dieux et déesses de la Gaule. (cliquez) Hérésie et Schisme de l'Eglise Catholique. (cliquez) Liste des Conciles Oecuméniques. (cliquez) Les Figures Messianiques. (cliquez) Persécution des Chrétiens dans l'Empire romain. (cliquez) Prophéties des prophètes relatives au Messie. (cliquez) Jérusalem et la Palestine depuis Jésus-Christ. (cliquez) Histoire Sainte : Ancien Testament. (cliquez) Histoire Sainte : Nouveau Testament. (cliquez) |
Au milieu des persécutions, les papes avaient fait la conquête morale du monde romain. Les chrétiens remplissaient même les palais des Césars, lorsque enfin une existence légale leur fut reconnue par Constantin. Le siége de l'Empire était transporté à Byzance : le luxe et la mollesse de l'Orient allaient énerver les Césars dégénérés, tandis que sous l'influence des évêques de Rome, reconnus alors officiellement comme souverains pontifes des chrétiens, l'Occident s'avancerait à grand pas dans les voies de la civilisation moderne. Les empereurs, devenus chrétiens, ne tardèrent pas à se mettre en opposition avec les papes : "ils déposent le glaive défenseur pour disputer sur la théologie".
La papauté du moyen âge commence à jeter son éclat sous Léon Ier, dit le Grand. Nommé évêque de Rome par le peuple et par le clergé, en 440, à l'âge de vingt ans, il rendit, pendant vingt-deux années de règne, les plus grands services à la civilisation. Ses prédications, ses écrits, ses décrétales, ont eu principalement pour objet l'instruction des clercs et des fidèles, le maintien du symbole de Nicée, l'épuration du personnel ecclésiastique et la discipline. Les hérétiques furent combattus par lui avec autant d'énergie que d'autorité. Il continua la lutte de l'orthodoxie contre les erreurs qui attaquaient le dogme de l'Incarnation, base du christianisme, et il soutint avec autant de vigilance que d'énergie la doctrine primitive de l'Eglise, si nettement définie et proclamée sous l'un de ses prédécesseurs au Concile d'Ephèse en 431. Ce fut surtout un négociateur habile. Il maintint avec fermeté la prééminence apostolique de Rome sur Constantinople, prééminence reconnue d'ailleurs par le Concile de Chalcédoine. L'Empire, comme l'Eglise, avait besoin d'un homme tel que saint Léon. L'invasion barbare triomphait en Occident, et parmi les conquérants, ou des idolâtres, Léon domina toutes ces calamités. Rome avait déjà été ravagée, en 410, par Alaric, qui respecta cependant les églises dans lesquelles la population s'était réfugiée. Attila, suivi de sept cent mille hommes, marchait sur Rome pour la mettre à feu et à sang. La résistance était impossible, l'empereur songeait à fuir. Au milieu de ces terreurs et de ce découragement universel, le pape Léon, accompagné d'un personnage consulaire, s'avance au-devant du farouche Attila et le détermine à rebrousser chemin.
Quelques années plus tard, c'est Genséric qui se précipite avec ses Vandales sur l'Italie. Il pénètre dans Rome, mais Léon se présente avec assurance devant le farouche vainqueur, dompte sa férocité et obtient qu'on emploiera ni le fer ni le feu. Ainsi, grâce à sa courageuse intervention, les habitants ont la vie sauve et les monuments sont respectés. C'est ainsi que les circonstances préparaient la puissance temporelle des papes sur Rome, dont ils devenaient les gardiens et les seuls défenseurs.
Mais le génie de Léon ne put retarder la chute de l'empire d'Occident, qui devait disparaître quinze ans après lui. Ses successeurs continuèrent à protéger l'Italie, autant que possible, contre les horreurs de la guerre. Le pape Agapet, accablé de vieillesse, accepta la pénible et périlleuse mission d'aller à Constantinople pour ménager la paix entre l'empereur d'Orient et le roi des Wisigoths. Quelques années plus tard, le pape Pélage Ier abordait courageusement Totila victorieux et préservait la population de Rome du massacre et du déshonneur. Pélage II contenait à son tour les Lombards, maîtres de l'Italie. Il eut pour successeur un des pontifes qui ont le plus illustré le siége apostolique, saint Grégoire Ier, que l'histoire appelle avec raison Grégoire le Grand.
Fils d'un sénateur romain et d'une mère canonisée, Grégoire était préteur ou principal magistrat de la ville de Rome, où son administration lui avait gagné l'estime générale, lorsque son père mourut en lui laissant une fortune considérable. Cette fortune lui servit à fonder sept monastères, et, ayant distribué aux pauvres le reste de ses richesses, il prit l'habit monacal et se retira dans l'abbaye de Saint-André, qu'il avait créée avant d'être promu à la prêtrise. Nommé pape le 3 septembre 590, malgré sa résistance opiniâtre aux voeux du clergé, des sénateurs, du peuple de Rome, il fit immédiatement, selon l'usage, une profession de foi solennelle. Il parvint à convertir les Lombards qui étaient demeurés aeriens et même idolâtres. Cette conversion était une oeuvre immense, car il acquérait par là leur soumission sans coup férir, où plutôt il s'assurait l'alliance d'un peuple belliqueux, dont le voisinage avait si souvent fait trembler Rome.
Ce fut surtout dans ses relations avec la cour de Constantinople que Grégoire montra toute la grandeur de son caractère. Tandis qu'il contenait l'ambition des Lombards pour conserver aux empereurs d'Orient leurs possessions en Italie, il défendait, avec autant d'ardeur que de tact et de fermeté, l'indépendance de l'Eglise et les intérêts des Italiens contre les prétentions injustes de la cour de Byzance. Par lui s'accentuait le rôle de la papauté au Moyen Age : maintenir la pureté du dogme contre les hérésies, et les droits de l'Eglise contre les prétentions théologiques des empereurs ; protéger en même temps la population catholique vaincue et souvent persécutée par de nouveaux maîtres ou païens ou hérétiques ; enfin, porter aux peuples les plus reculés la lumière de l'Evangile.
C'est à ce grand pape que revient la gloire d'avoir converti l'Angleterre, en lui envoyant des apôtres choisis par lui. "L'histoire de l'Eglise, dit Bossuet, n'a rien de plus beau que l'entrée du saint moine Augustin dans le royaume de Kent, avec quarante de ses compagnons qui, précédés de la croix et de l'image du grand roi notre Seigneur Jésus-Christ, faisaient des voeux solennels pour la conversion de l'Angleterre. Saint Grégoire, qui les avait envoyés, les instruisait par des lettres véritablement apostoliques, et apprenait au moine Augustin à trembler parmi les miracles continuels que Dieu faisait par son ministère. Berthe, princesse de France, attira au christianisme, le roi Ethelbert, son mari. Les rois de France et la reine Brunehaut protégèrent la nouvelle mission. Les évêques de France entrèrent dans cette bonne oeuvre, et ce furent eux qui, par ordre du pape, sacrèrent saint Augustin. Le renfort que saint Grégoire envoya au nouvel évêque produisit de nouveaux fruits et l'Eglise anglicane prit sa forme" (Bossuet, Histoire universelle, p. 101, édition de Firmin Didot).
Au milieu de ces graves préoccupations, l'activité de Grégoire le Grand trouvait le temps de veiller au soulagement des pauvres et à l'éducation de la jeunesse : il fit construire à Rome des hôpitaux et des écoles, et il augmenta la splendeur des cérémonies du culte public en introduisant une réforme judicieuse et savante dans les chants religieux. "Saint Grégoire, dit M. F. Clément dans son histoire de la musique religieuse, ne se contente pas de rédiger l'antiphonaire pour les offices de toute l'année ; il établit une école de chant à Rome, et il en surveille en personne les exercices. Pendant que d'autres maîtres étaient chargés de l'enseignement du chant dans une division à Saint-Jean de Latran. On lit dans la vie de ce saint pape, écrite par Jean, diacre, qu'étant obligé de se coucher sur un lit à cause de ses infirmités, il enseignait encore le chant aux enfants, et qu'on conservait la baguette dont il se servait probablement pour marquer la mesure.
Un siècle après Grégoire Ier le Grand, deux papes du même nom qui se succédèrent immédiatement, Grégoire II et Grégoire III, rappelèrent les vertus et surtout la fermeté de leur glorieux prédécesseur. Ils eurent à lutter contre les prétentions étranges des empereurs d'Orient, qui se déclarèrent iconoclastes, c'est-à-dire briseurs d'images. Sous prétexte de quelques abus, amenés par l'ignorance de chrétiens grossiers, Léon l'Isaurien, en 726, publia un édit qui ordonnait de briser les images, c'est-à-dire les crucifix et les statues, dans toute l'étendue de son empire. Jamais le clergé et les fidèles n'avaient vu apparence d'idolâtrie dans le culte des images : on vénérait ces signes sacrés, comme on respectait les portraits de famille. Le patriarche de Constantinople refusa de se soumettre à cet édit, il fut exilé. Le pape Grégoire II, et après lui Grégoire III, condamnèrent hautement cette nouvelle hérésie. Ce dernier répondit à l'empereur, qui lui avait demandé de convoquer un Concile, par ces paroles courageuses : "Vous nous avez écrit d'assembler un concile oecuménique, c'est inutile ; vous seul persécutez les images ; arrêtez-vous dans cette voie funeste, le monde sera en paix, les scandales cesseront. Ne voyez-vous pas que votre persécution contre les images n'est que révolte contre le saint-Siége et Présomption ? Les Eglises jouissaient d'une tranquillité profonde, quand vous avez excité les disputes et les tempêtes ; mettez fin au schisme : il n'y aura pas besoin de concile". Cette fermeté apostolique excita la colère de Léon qui envoya contre Rome une flotte chargée de troupes ; mais elle fit naufrage dans l'Adriatique.
Trasimond, duc de Spolète, et le duc de Bénévent, s'étant révolté contre le roi des Lombards Luitprand, allèrent se réfugier à Rome. Grégoire les accueillit avec générosité et refusa de les livrer à leur redoutable suzerain. Aussitôt Luitprand marcha sur Rome. Grégoire implora le secours de Charles Martel, mais celui-ci s'en excusa, et le bon pape mourut juste à temps pour ne pas voir saccager la Ville éternelle.
Zacharie, d'origine grecque, accepta la succession de Grégoire III dans les circonstances les plus critiques, mais il négocia avec une telle adresse que Luitprand, non seulement rendit au domaine pontifical quatre villes dont il s'était emparé, mais encore y ajouta en donation, par acte irrévocable, les territoires de Sabine, de Narni, d'Ossimo et d'Ancône. En outre ce prince consentit à faire évacuer l'exarchat de Ravenne que ces troupes occupaient. Zacharie eut le même crédit auprès de l'empereur Constantin Copronyme, qui lui accorda, dans l'intérêt de l'Eglise de Rome, des concessions qu'on était loin d'espérer d'un suzerain irrité. Tous les souverains de son temps semblaient vouloir recourir à ses conseils. Carloman, fils de Charles Martel, Rachis, roi des Lombards, se rendirent à Rome pour voir Zacharie, qui les invita l'un et l'autre à entrer à l'abbaye du Mont-Cassin.
Etienne III, élu pape par acclamation pour remplacer Zacharie (en 752), fut porté de la place publique à l'église de Latran, sur les épaules de ceux qui l'avaient acclamé, usage qui s'est conservé depuis dans ce genre d'élection spontanée. Il avait conclu la paix pour quarante année avec Astolfe, roi des Lombards. Mais cet ambitieux monarque ne tint aucun compte de ses engagements, car peu de temps après il chassait de Ravenne l'exarque Eutychius, puis, s'attribuant tous les droits de l'empereur, il prétendit se rendre maître de Rome (en 753). Heureusement cette guerre injuste, menée avec lenteur, donna le temps au souverain pontife de se rendre en France pour conjurer le roi Pépin de délivrer Rome du joug d'Astolfe. L'armée française se montra bientôt au-delà des Alpes. Astolfe dut se soumettre, abandonnant l'exarchat de Ravenne au souverain pontife et livrant des otages. Etienne rentra dans Rome, accompagné du prince Jérôme, frère de Pépin. Mais dès l'année suivante (en 756) Astolfe reprenait les armes, et Pépin, traversant une seconde fois les Alpes, exigeait de lui l'abandon définitif de 22 villes de l'exarchat, avec leurs territoires, et les donnait en propriété pleine et entière à saint Pierre et à ses successeurs. C'est ce qui constitua, avec le duché de Rome, la seigneurie temporelle de l'Eglise romaine.
Peu d'années après, le pape Adrien Ier, qui avait su éviter les piéges politiques que lui tendait Didier, fit appel à l'intervention de Charlemagne. Ce prince, traversant les Alpes, mit le siége devant Pavie, capitale du roi des Lombards, s'empara de Didier, et l'envoya prisonnier au monastère de Corbie. Non content d'avoir délivré Rome, Charlemagne, dans les deux séjours qu'il fit en la ville pontificale, pendant et après la guerre, renouvela la donation, que son père avait fait solennellement au saint-siége, des territoires qui y seraient annexés à perpétuité, et, en confirmant cette donation, il y ajouta la côte de Gênes, la Corse, le Mantouan, la Vénétie, l'Istrie, les duchés de Spolète, de Bénévent, et tout l'exarchat, avec ses trente villes. Adrien eut la consolation de voir le second Concile de Nicée (en 787) condamner l'hérésie des iconoclastes. L'impératrice Irène et son fils Constantin se soumirent à cette décision.
Adrien mourut en 795. Son successeur, Léon III, à son avènement envoya au grand empereur des Francs l'étendard de la ville de Rome et les clefs de la Confession de Saint-Pierre, comme au protecteur de la ville éternelle. L'empereur répondit à cet hommage par le don d'un trésor immense, dépouille de ses ennemis vaincus, et le pape en consacra la plus grande partie à décorer magnifiquement le palais de Latran, ainsi que différentes églises. Un affreux guet-apens, dont Léon III faillit être victime, et auquel il n'échappa qu'en escaladant les murs de Rome pour se jeter dans les bras du duc de Spolète qui venait à son secours avec une armée, lui fourni l'occasion d'aller trouver Charlemagne à Paderborn : l'empereur promit de venir lui-même en Italie pour confondre les ennemis du saint-père. En attendant, il envoya des commissaires qui réintégrèrent le pape dans sa ville pontificale (30 novembre 799). L'année suivante Charlemagne se rendit à Rome. Là, il convoqua l'assemblée du peuple, lui exposa l'objet de sa venue, et somma les accusateurs du pape de comparaître à son tribunal. Comme ils n'osèrent se présenter, il déclara que l'auguste accusé serait admis à se justifier par serment. Alors, dans la basilique de Saint-Pierre, en présence d'une innombrable multitude, Léon monta sur l'ambon et, les mains étendues sur le livre des Evangiles, s'écria : "Je n'ai aucune connaissance d'avoir commis les crimes dont les Romains m'ont injustement chargé". Les voûtes du temple retentirent aussitôt d'acclamations. Le jour de Noël, Charlemagne, étant revenu dans la basilique de Saint-Pierre pour y entendre l'office, s'inclina devant l'autel. Le pape, debout tourné vers lui, posa sur son front une couronne d'or enrichie de pierreries et le proclama empereur, lui donnant ainsi une suprématie véritable sur tous les peuples et princes chrétiens de l'Occident.
Les papes contemporains des successeurs de Charlemagne, sans jeter beaucoup d'éclat, administrèrent l'Eglise avec sagesse, avec douceur, et furent tous favorables aux beaux-arts. Rome leur dut de notables embellissement. Léon IV, en 847, eut d'abord à mettre Rome à l'abri d'une attaque des Sarrasins qui portaient sans cesse leurs incursions jusqu'à ses murs : il fit donc bâtir autour de l'église Saint-Pierre, sous le nom de cité Léonine, une véritable ville munie de hautes tours. Il fortifia également les localités voisines de Rome et fonda une cité nouvelle, nommé Léopolis, qu'il ceignit de murailles. Rome étant dès lors hors de danger, il se plut à contribuer, comme ses prédécesseurs, à l'ornementation des églises, qui reçurent de lui, en objets d'art, une valeur de 5. 971 marcs d'argent. C'est entre le pontificat de Léon IX et celui de Benoît III que les historiens du Moyen Age ont placé l'histoire fabuleuse de la papesse Jeanne, qui se serait fait élire en cachant son sexe et qui aurait été bientôt expulsée, à la suite d'un grand scandale. Mais la fausseté de cette fable est manifeste, puisqu'il n'existe aucun interrègne entre la mort de Léon, décédé le 17 juillet 855, et l'élection de Benoît III.
Nicolas Ier (858-867) anathématisa Photius, patriarche intrus de Constantinople. L'empire étant tombé entre les mains de Michel III, enfant de trois ans, sa mère Théodora avec son oncle Bardas avaient gouverné en son nom. Quand ce prince grandit, Bardas écarta sa mère, et, pour continuer à gouverner seul, il flatta les passions de son neveu. Michel se livra à des désordres si scandaleuses que le vertueux patriarche Ignace lui interdit l'entrée de l'église et excommunia Bardas. En six jours on fit, du laïque complaisant Photius, un patriarche pour remplacer Ignace. Ce fut le prélude de la séparation de l'Eglise grecque. Photius avait ajouté l'hérésie à sa révolte contre le pape, en soutenant que le Saint-Esprit ne procédait que du Père et non du Fils. Son successeur Adrien II, fit présider par ses légats le concile dans lequel fut déposé le patriarche Photius. Il soutint avec fermeté la sentence de son illustre prédécesseur contre Lothaire, qu'il contraignit à renoncer à son adultère avec Valdrade. Quand ce prince se présenta pour recevoir la communion, le pape lui dit à haute voix, en lui présentant l'hostie : "Si tu as renoncé à l'adultère, si tu as rompu toutes relations avec Valdrade, que ce sacrement t'apporte le salut ! mais il se changera en punition si ton coeur est toujours pervers". Cette noble fermeté de langage est d'autant plus louable que, pour soutenir ainsi les droits de la morale, le pape devait braver et blesser un prince à qui il était redevable d'avoir vu Rome délivrée des Sarrasins. Le doute élevé par Adrien sur la sincérité de la conversion du prince était-il fondé ? Nul ne le sait, mais ce qu'il y a de certain, c'est que Lothaire mourut quarante jours après et que sa mort parut l'effet du jugement de Dieu.
Les légats de Jean VIII, successeur d'Adrien, se laissèrent intimider et corrompre, et rétablirent Photius. Trompé par leurs faux rapports, Jean VIII approuva d'abord leur conduite. Mais quand il sut la vérité, il excommunia solennellement, à Rome, Photius et les lâches légats qui avaient trahi leur ministère pour favoriser cet imposteur (en 880). Jean VIII est le premier pape, depuis la chute de l'empire romain, qui eut à décider entre deux compétiteurs à la couronne impériale. Il déclara que, l'empire ayant été conféré à Charlemagne par la grâce de Dieu et le ministère du pape, il le transférait au roi des Francs, Charles le Chauve.
Pendant un siècle et demi, les factions des puissantes familles italiennes et l'arbitraire des empereurs altérèrent ordinairement la libre élection des papes : il en résulta de grands scandales, et des sujets indignes furent élevés au souverain pontificat. Plusieurs fois la rivalité des partis fit surgir des antipapes, et l'on vit jusqu'à trois concurrents se disputer le saint-siége. Il est miraculeux que la papauté se soit maintenue, malgré tant de causes de ruine. Enfin, en 1049, les Romains ayant envoyé demander à l'empereur Henri III un successeur au pape qui venait de mourir, l'empereur rassembla à Worms les évêques et les grands de l'empire, et, d'après leur avis, il choisit pour pape Brunon, évêque de Toul. Avant de se rendre à Rome, Brunon voulut consulter Hildebrand, moine de Cluny, qui jouissait d'une grande réputation de savoir et de vertu. Hildebrand l'accueillit avec beaucoup de respect et d'affection, mais il lui remontra l'indignité d'une élection laïque, et le persuada d'échanger l'habit pontifical contre celui de pèlerin, jusqu'à ce que le peuple et le clergé de Rome eussent procédé librement à sa nomination. Brunon entra dans Rome nu-pieds, et répondit aux acclamations qui l'accueillaient : "Le choix du peuple et du clergé, ainsi que l'autorité des canons, l'emportent sur toute nomination supérieure, je suis donc prêt à retourner dans ma patrie, si mon élection n'a pas le suffrage de tous". D'après le conseil de Hildebrand, on observa les anciens usages : Brunon prit le nom de Léon IX et fut consacré le 2 février et intronisé dix jours après. C'est ainsi que la cour de Rome proclama que les empereurs et les princes n'avaient pas le pouvoir absolu sur l'élection des pontifes. Après avoir été rendu au peuple et au clergé, le droit d'élire le pape devait, par la suite, être attribué aux cardinaux.
Pour réformer les moeurs ecclésiastiques, rétablir la discipline, la liturgie, combattre les fausses doctrines et les hérésies, Léon IX multiplia les conciles : il en tint à Rome, à Verceil, à Paris. Il parcourut la France, l'Allemagne, l'Italie, connaissant de tous les abus et se montrant partout impatient de les détruire. Grâce aux donations impériales, il avait augmenté considérablement la puissance pontificale. Entraîné par son zèle, il accompagna les troupes que l'empereur lui avait envoyées contre les Normands qui ravageaient l'Italie. Ses soldats furent vaincus, et il fut fait prisonnier. Mais les Normand se prosternèrent devant leur captif et le prièrent d'agréer l'hommage de toutes les possessions en Italie : Léon IX obtint donc, en réalité, un avantage qui dépassait ses espérances. La nomination du successeur de Léon IX ne devait plus dépendre du choix de l'empereur. L'illustre Hildebrand, qui dirigeait alors presque souverainement l'Eglise romaine, fit élire tour à tour, dans la forme canonique, quatre papes qui n'eurent besoin ni de l'approbation ni de l'appui du Saint-Empire. Le dernier de ces papes, Alexandre II, venait de mourir (en 1072) après un règne de douze ans. Les évêques délibéraient sur le choix d'un nouveau pontife. Tout à coup ce cri s'éleva des rangs du peuple : Hildebrand pape ! saint Pierre l'a élu ! C'était la voix de Dieu, et Hildebrand, qui était pape de fait depuis tant d'années, fut intronisé sous le nom de Grégoire VII. Son premier soin fut de régler, dans un concile, les affaires d'Italie et de France, de contracter des alliances avec l'Espagne, la Hongrie, et différentes principautés d'Allemagne. Il se crut assez fort pour entreprendre cette lutte ardente, infatigable, qu'il soutint durant son règne, dans l'intérêt de l'Eglise, contre les souverains de l'Europe. Il voulait faire reconnaître l'indépendance du saint-siége. Il voulait frapper de déchéance les abbés et les prélats coupables de simonie, en réprimandant l'empereur et les rois qui trafiquaient des dignités ecclésiastiques. Il voulait aussi corriger les moeurs relâchées des clercs, en condamnant l'insouciance de l'épiscopat. Il s'attaqua d'abord à l'empereur Henri IV. Il menaça ensuite Philippe Ier d'excommunication, s'il ne s'amendait point. Il lança l'anathème contre cinq des principaux domestiques de l'empereur, puis il somma ce monarque de comparaître en personne devant un synode, afin d'y rendre compte de ses actes. Henri IV, vainqueurs des Saxons, irrité de l'audace du pape, convoqua une diète à Worms pour le déposer, et chassa les légats qu'il lui avait envoyés. Pendant ce temps se tramait à Rome, contre le pape, une conspiration dont les chefs étaient Cencius, préfet de la ville, et Guibert, archevêque de Ravenne. Elle éclata la nuit de Noël 1075. Grégoire, blessé au front pendant qu'il célébrait la messe dans la basilique de Saint-Pierre, fut conduit prisonnier, de l'autel dans une tour, où le peuple alla le chercher presque aussitôt pour le ramener à l'autel où il acheva la célébration de la messe. Le pape se montra miséricordieux envers les conspirateurs. Six semaines après, la diète de Worms prononçait sa déposition, à laquelle des évêques adhérèrent solennellement. Grégoire VII n'était ni abattu ni affaibli, il fit anathématiser l'empereur dans un concile tenu à Rome, puis, s'adressant à la chrétienté entière, il la conjura de s'unir à lui pour défendre la religion outragée. Les femmes les plus distinguées de l'Europe, en tête desquelles la comtesse Mathilde, princesse de Toscane, veuve de Godefroi le Bossu, se déclarèrent hautement pour le pape. Une réaction soudaine s'opéra en sa faveur et toute l'Allemagne féodale abandonna le parti de l'empereur, qui dut se retirer à Spire, en attendant la convocation d'une diète dans la ville d'Augsbourg, où seraient examinés les griefs respectifs des deux souverains. Mais, impatient d'être déchargé de la sentence d'excommunication prononcée contre lui, l'empereur alla au-devant du pape qui s'était mis en route pour Augsbourg avec la comtesse Mathilde. Cette femme éminente s'interposa pour le rapprochement des deux adversaires : leur entrevue eut lieu dans la forteresse de Canossa, près de Reggio, et l'empereur, pour obtenir son pardon, se soumit à l'humiliation de le demander aux genoux du pape (en 1077). C'est alors que la comtesse Mathilde fit donation de tous ses domaines patrimoniaux et de tous ses biens meubles à l'Eglise et à la cour de Rome, pour en jouir après sa mort. Le malheureux Henri IV, honteux de la pénitence qu'on lui avait imposée, s'était séparé définitivement de la communion papale. Les conciles se succédèrent. Dans l'espace de deux années Grégoire en réunit jusqu'à sept, qui s'occupèrent des affaires générales de l'Eglise. Il n'avait pas négligé de se faire des alliés, pendant que l'empereur ne trouvait en Allemagne que des ennemis qui s'efforçaient de lui enlever la couronne impériale. Henri IV vint à bout de les battre et se tourna contre Grégoire auquel il avait opposé un antipape. Après les victoires de Fladeheim et de Marsbourg, il franchit les Alpes, écrasa l'armée papale et menaça Rome où Grégoire, toujours plus inflexible, rassembla un huitième concile qui l'excommunia. L'investissement de Rome n'avait pas duré moins de trois ans, lorsque l'empereur sacrifia des sommes énormes qui devaient lui ouvrir les portes de la ville assiégée. Le pape essaya de réunir un nouveau concile pour tenter un dernier effort, mais déjà Henri IV avait pénétré dans Rome avec son antipape, qu'il fit couronner sous le nom de Clément III. Renfermé dans le château Saint-Ange, l'intrépide Grégoire y résista jusqu'à ce que le vieux chevalier normand, Robert Guiscard, duc de la Pouille et de la Calabre, fût venu le délivrer. Alors se tint un dixième concile où fut renouvelée l'excommunication de l'empereur, de l'antipape et de leurs nombreux partisans. Avant que l'empereur fût revenu une cinquième fois sous les murs de Rome, le duc Robert Guiscard jugea prudent de regagner la Pouille, en emmenant le pape avec lui. On apprit bientôt que le souverain pontife était mort à Salerne (le 28 mai 1085).
Grégoire était trop prévoyant pour ne pas songer à se donner un héritier capable de poursuivre ses grands desseins. Entre tous ceux qu'il avait désignés, on choisit Danfier, abbé du Mont-Cassin, qui n'accepta pas sans hésitation un pareil fardeau et qui fut élu sous le nom de Victor III. Le nouveau pape vint donc à Rome, où il occupa avec ses troupes le faubourg du Transtévère et le château Saint-Ange, tandis que l'antipape Clément tenait l'autre côté du Tibre. Mais cette situation anormale ne se prolongea pas longtemps. Victor tomba malade de chagrin au bout de deux mois et alla mourir au Mont-Cassin. Il fut remplacé par Eudes de Châtillon, cardinal-évêque, qui prit le nom d'Urbain II (en 1087). Il était français, élevé dans l'église métropolitaine de Reims, et avait, pendant vingt huit ans, administré comme prieur la célèbre abbaye de Cluny. C'est là que Grégoire VII l'avait connu et lui accordait une confiance absolue. Urbain II ne vit donc rien de mieux que de continuer le règne de son illustre prédécesseur. Mais l'empereur Henri IV fit échouer les projets d'Urbain II, par une invasion soudaine de l'Italie et par la prise de Rome, où il amenait un nouveau antipape, Guibert, qui administra la ville sainte sous la protection des lances allemandes. Forcé d'abandonner le château Saint-Ange, où l'armée impériale le tenait assiégé, Urbain transporta son siége à Bénévent. Il s'y montra plus ferme, plus résolu que jamais, couronnant roi des Romains le prince Conrad, fils de l'empereur, après l'avoir détaché du schisme, et excommuniant Philippe Ier qui avait répudié sa femme pour épouser sa concubine, puis il revint à Rome (en 1094), pour y célébrer pontificalement la messe de Noël. Il chassa l'antipape Guibert et ses adhérents, reconquit l'indépendance de la tiare, et réunit à Plaisance, au milieu des Lombards schismatiques, un concile où se rendirent deux cent prélats, quatre mille clercs et trente mille laïques : protestation imposante en faveur de la paix de l'Eglise, et à laquelle la présence des représentants de l'empire d'Allemagne, de l'empire d'Orient, du roi de France et du roi d'Angleterre donnait une si haute portée. Urbain, la même année, alla présider, à Clermont en Auvergne, sous les auspices de Philippe Ier, un autre concile, dans lequel fut décidée la première croisade (en 1095), qu'il prêcha lui-même par toute la France, puis il rentra triomphalement dans Rome (en 1096), heureux de réaliser la pensée de Grégoire VII, qui avait conçu la première idée de la guerre sainte.
Le concile de Rome, où fut proclamé le droit souverain de l'Eglise de conférer l'investiture des dignités ecclésiastiques, marqua la fin du règne d'Urbain II, mort en 1099, à la veille de ce siècle de lutte et de confusion, sur lequel devait planer sa grande ombre avec celles de Grégoire VII et de quelques autres papes ou docteurs éminents sortis de l'abbaye de Cluny, car la querelle des investitures était loin d'être apaisée. Pascal II imita la fermeté de ses prédécesseurs : le roi de France céda, mais le nouvel empereur Henri V, malgré les engagements formels pris du vivant de son père, fit revivre la prétention de nommer lui-même les évêques et les abbés et de les investir de leur charge. Après être entré dans Rome avec ses troupes, en donnant au pape le baiser de paix, il le fit arrêter avec plusieurs cardinaux et, à l'aide d'une dure captivité, par menaces et par violence, il arracha de Pascal II une bulle dans laquelle ce pontife lui reconnaissait le droit d'annuler les élections canoniques des évêques et des abbés, s'engageant, de plus, à ne point prononcer d'excommunication contre l'empereur. Aussitôt qu'il fut rendu à la liberté, Pascal II, dans un concile qu'il se hâta de convoquer à Rome, reconnut qu'il avait failli, et le concile, d'accord avec lui, condamna de nouveau les investitures ecclésiastiques conférées par le pouvoir civil. Un autre concile, tenu en France, excommunia l'empereur. Henri V parvint à s'emparer de Rome. Pascal II était mort. Son successeur Gélase II dut se réfugier à Cluny. L'empereur fit nommer un antipape qui prit le nom de Grégoire VIII. A la mort de Gélase II, les cardinaux qui l'avaient suivi en France lui donnèrent pour successeur un Français, Calixte II, qui eut la gloire de terminer la querelle des investitures. L'empereur, voyant s'accroître l'irritation des Allemands las de son despotisme, sentit que sa couronne était en péril. Dans une diète réunie à Wurtzbourg, les princes de l'Empire décidèrent, d'accord avec l'empereur, qu'on enverrait des ambassadeurs pour négocier avec le pape, qui était rentré dans Rome aux acclamations du peuple. D'après le concordat conclu et adopté par Henri V à la diète de Worms, l'empereur renonçait définitivement à l'investiture par l'anneau et la crosse, symboles de la dignité ecclésiastique. Il reconnaissait à tous les diocèses et à toutes les abbayes le droit d'élire leurs évêques et leurs abbés. L'investiture des domaines devait être donnée par l'empereur aux dignitaires élus, en Allemagne, avant leur sacre, et après leur sacre dans les royaumes d'Italie et de Bourgogne. Ce concordat fut confirmé dans un concile oecuménique convoqué à Rome par Calixte II, en 1125.
Nous nous sommes étendu outre mesure sur ce qui précède, mais il fallait montrer l'action des papes au Moyen Age, et c'est ici qu'elle a atteint son apogée. Les deux pensées de Grégoire VII sont réalisées : selon l'idée reçue alors, les rois ou empereurs, d'après la volonté des peuples, n'ont d'autorité qu'autant qu'ils sont orthodoxes, et l'obstination sous le lien de l'excommunication équivaut à l'hérésie. Dès lors le pape est regardé comme le chef suprême de la grande république chrétienne, chargé de faire respecter par les princes la morale et la foi, les droits de l'Eglise et les droits des peuples. Il faut donc que l'élection des chefs de l'Eglise soit indépendante de l'influence du pouvoir temporel, puisqu'ils sont appelés à en être les juges. C'est ce que fit reconnaître Hildebrand, par rapport à l'élection des papes, à partir de Léon IX, et c'est ce que la persévérance de ses successeurs vient d'obtenir pour les évêques, sous Calixte II. La seconde pensée de Grégoire VII était de préserver la civilisation chrétienne du joug musulman, en portant la guerre en Orient, et les croisades réalisent cette large conception. Il ne nous reste qu'à esquisser, en quelques lignes, le rôle des papes pendant les derniers siècles du Moyen Age.
Les grandes famille romaines, jalouses du pouvoir, élurent un antipape. A la faveur de ces agitations, Arnaud de Brescia, sous prétexte de créer une république romaine, s'arrogea une sorte de dictature dans Rome. L'empereur renversa le dictateur, qui fut brûlé vif, mais il suscita des antipapes, et Alexandre III, assiégé dans Rome, se déclara allié des villes lombardes, le chef des Guelfes contre les Gibelins, le propugnateur de la liberté italienne. C'est sous ce pontificat qu'il fut réglé (au troisième concile de Latran, en 1179) qu'à l'avenir les cardinaux seuls nommeraient le souverain pontife, sans l'intervention du clergé et du peuple. Les croisades préoccupèrent les esprits pendant les vingt dernières années du douzième siècle. Un des papes les plus célèbres, Innocent III, ouvre le treizième siècle : marchant sur les traces de Grégoire VII, il fit trembler par l'excommunication l'empereur et les rois, et prêcha la croisade contre les Infidèles et contre les Albigeois. Ses deux successeurs immédiats, Honorius III et Grégoire IX, imitèrent son zèle et sa fermeté. Au milieu des mille soucis de sa charge, Grégoire IX sut trouver le temps de faire rédiger une nouvelle collection des lettres et des constitutions de ses prédécesseurs, et des siennes. Ce fut à Raymond de Pennafort, son chapelain et son pénitencier, qu'il confia ce vaste travail, lequel fut exécuté avec beaucoup d'intelligence et de méthode. Cette collection, accueillie avec autant de respect que de reconnaissance, a été nommée depuis les Décrétales. Après ces trois papes éminents, les séditions recommencent dans Rome. Il y eut, jusqu'à la fin du siècle, des vacances prolongées du saint-siége, les cardinaux ne pouvant se mettre d'accord pour l'élection : ce qui fit décider que l'élection aurait lieu en conclave. Après une suite nombreuse de papes qui ne font que passer sur le trône pontifical, Boniface VIII entreprend de marcher sur les traces de Grégoire VII et d'Innocent III. Philippe le Bel, qui voulait détruire tous les vestiges du régime féodal pour s'assurer un pouvoir absolu, ne put supporter les remontrances et les menaces du pape : on sait avec quelle dureté il le fit arrêter à Anagni par un de ses légistes, nommé Nogaret. Le pontife octogénaire, que rien ne put faire fléchir, fut délivré par le peuple, qui chassa Nogaret et ses soldats, mais les mauvais traitements qu'il avait subis hâtèrent sa mort.
Philippe le Bel, qui se sentait gravement compromis, profita des dissenssions que les Guelfes et les Gibelins entretenaient dans le conclave, pour faire tomber le choix des cardinaux sur un Français, Bernard de Got, archevêque de Bordeaux, qui prit le nom de Clément V. Son premier acte fut de venir se fixer en France. Le prestige de la papauté s'amoindrit dès que les papes eurent fixé leur résidence à Avignon : on les regarda en Italie comme inféodés au royaume de France. Rome et les Etats pontificaux tombèrent dans une anarchie complète, et un homme entreprenant, Rienzi, tenta de rétablir l'antique république. Les cardinaux, presque tous Français, nommaient toujours des papes de leur nation. Un de ces pontifes, Grégoire XI, qui avait cru nécessaire de retourner momentanément à Rome, y mourut en 1377. Aussitôt le peuple exigea avec menace que les cardinaux fissent choix d'un pape italien : ils élurent l'évêque de Bari, qui prit le nom d'Urbain VI. Les cardinaux qui étaient resté à Avignon le reconnurent d'abord, mais quand il manifesta l'intention de rester à Rome, les cardinaux déclarèrent son élection irrégulière et ils élurent le cardinal Robert de Genève, ancien évêque de Cambrai, qui prit le nom de Clément VII, et la chrétienté se partagea entre ces deux papes. Ils eurent chacun une suite de successeurs et ce long schisme fut l'agonie de la république chrétienne, qui était l'oeuvre du Moyen Age. Enfin le concile général de Constance, convoqué par un des antipapes, mais confirmé par le pape Grégoire XII, reçut la démission de ce pontife, et le cardinal Othon Colonna, homme pieux et zélé, élu pape d'une voix unanime, prit le gouvernement de l'Eglise sous le nom de Martin V. Bientôt, il alla se fixer à Rome, où il fut reçu avec enthousiasme : sa présence rendait à la ville sainte sa prospérité et sa grandeur. Cependant un des antipapes, suivi de deux cardinaux, eut encore un successeur reconnu par les royaumes d'Aragon, de Valence et de Sicile. Mais il céda enfin aux voeux de la chrétienté et son abdication, en 1429, mit fin au schisme qui s'était prolongé pendant un demi-siècle. Dix ans plus tard, sous le pontificat de Martin V, un autre schisme bien plus ancien parut s'éteindre dans le concile de Florence, auquel s'étaient rendus l'empereur d'Orient et les patriarches de cette Eglise ou leurs légats. Après mûre délibération, les Grecs souscrivirent une profession de foi orthodoxe, et, par la soumission complète de l'Eglise d'Orient à l'Eglise romaine, l'union se trouvait rétablie en 1439. Mais, à leur retour, l'empereur et les patriarches virent éclater un mécontentement si vif parmi le peuple grec, qu'ils n'osèrent maintenir leurs engagements formels : ils cédèrent aux emportements de la multitude et le schisme devint plus profond que jamais. La ruine de l'empire d'Orient suivit de près.
La chute de Constantinople entre les mains des Turcs indiquait trop bien le danger qui menaçait l'Europe : les papes s'efforcèrent de le faire comprendre aux rois et aux peuples. Pie II, qui s'était distingué comme érudit et écrivain, passait pour la plus haute intelligence de son époque. Dans un concile réuni à Mantoue, en 1459, il s'efforça de presser les préparatifs de la croisade. Au bout de cinq années d'efforts, il avait réuni une flotte à Ancône, et il allait s'embarquer, quand la mort le frappa. Ses successeurs continuèrent son oeuvre : les chrétiens remportèrent sur les Turcs des avantages partiels d'heureux augure, mais les peuples chrétiens répondirent faiblement aux appels incessants de la papauté, qui voyait les Turcs menacer sérieusement l'Italie. C'est dans ces circonstances critiques que les cardinaux portèrent leurs suffrages sur un homme d'une énergie extraordinaire, Roderic Borgia, qui prit le nom d'Alexandre VI. On lui imputa des crimes qu'il faudrait plutôt attribuer à des personnes de sa famille. Il lutta contre les oppressions et les brigandages auxquels les grandes familles romaines avaient soumis la ville de Rome, et il s'appliqua courageusement à reconstituer la puissance temporelle du saint-siége. Pie III, élu pour lui succéder, mourut un mois après son exaltation. Le cardinal de la Rovère réunit aussitôt l'unanimité des suffrages, et prit le nom de Jules II. Poursuivant l'idée de l'indépendance de l'Italie, ce pape guerrier soutint une guerre opiniâtre contre Louis XII et s'efforça de reconquérir plusieurs villes d'Italie qui avaient appartenu aux Etats de l'Eglise. Rien ne put l'intimider : ni les armées de Louis XII, ni les menaces des conciles réunis sous le protectorat du roi de France et de l'empereur d'Allemagne. Jules II réunit lui-même un concile à Rome, et cet inflexible vieillard, après avoir provoqué de sages réformes ecclésiastiques auxquelles applaudit l'Europe chrétienne, cita le roi, les membres de ses parlements, pour qu'ils eussent à répondre de leur révolte contre le saint-siége. Mais, épuisé par ses travaux, Jules II mourut en 1513. Son successeur, Léon X, qui s'était réconcilié avec Louis XII, fut obligé de devenir le chef de la ligue italienne contre François Ier. Après la bataille de Marignan, un rapprochement se fit, et la pragmatique, prétexte de tant de dissensions depuis Philippe le Bel, fut abandonnée et remplacée par un concordat conclu en 1516 entre la France et le saint-siége. Léon X, en continuant la politique italienne de Jules II, poursuivait aussi l'idée de la croisade contre les Turcs. Mais cette grande oeuvre de la papauté ne devait se réaliser qu'un demi-siècle plus tard, sous le pontificat de Pie V. A la voix de ce saint pape, les fidèles s'émurent : Chypre était tombée au pouvoir des musulmans, le danger devenait de plus en plus imminent pour toute l'Europe. Le roi d'Espagne, Venise et le pape se partagèrent les frais de l'expédition : on réunit cinquante mille hommes de pied et quatre mille chevaux, et le commandement de la flotte fut donné à don Juan d'Autriche. A la hauteur du golfe de Lépante, le 7 octobre 1571, la flotte chrétienne vit s'avancer la flotte turque, forte de deux cent vingt quatre voiles. La lutte s'engage et les Turcs sont écrasés : ils comptent vingt cinq mille tués et dix mille prisonniers, et quinze mille chrétiens enchaînés sur leurs galères recouvrent la liberté. L'Europe catholique respire, et sa reconnaissance attribue cette victoire prodigieuse à la protection de la Vierge, dont les fidèles récitaient partout le rosaire à l'heure où fut livrée la bataille de Lépante : par une fête annuelle (le premier dimanche d'octobre), elle éternisa la mémoire de cet événement et de cette dévotion.
Afin de suivre l'ordre de la pensée au sujet de la lutte si importante contre l'islamisme alors toute puissant, nous avons point parlé d'un autre événement qui fut la seconde oeuvre capitale des papes au XVIème siècle : le concile de Trente. Les progrès du protestantisme firent juger nécessaire la convocation d'un concile général pour prononcer sur tous les points de doctrine controversés, et opérer les réformes indispensables et depuis longtemps désirées dans la discipline ecclésiastique. La ville de Trente fut le lieu de réunion de cette grande assemblée, parce que sa situation entre l'Italie et l'Allemagne donnait plus de facilité pour s'y rendre à ceux qui devaient y assister. Bien que la tenue de ce concile fût arrêtée d'un commun accord par le pape Paul III et l'empereur Charles-Quint, de concert avec les autres princes chrétiens, l'ouverture s'en trouva différée jusqu'en 1545. Il se prolongea, au milieu d'obstacles qui en firent suspendre plusieurs fois les travaux, jusqu'en 1563, sous le pontificat de Pie IV. Aucun concile n'avait traité un aussi grand nombre de matières, tant pour le dogme que pour les moeurs et la discipline. On abolit les abus qui avaient été signalés par plusieurs docteurs catholiques, avant même que les protestants les eussent mis en évidence. Le catalogue des livres saints reçus comme canoniques fut inséré dans un des premiers décrets du concile. On y déclara que l'interprétation de ces saints livres devait être donnée par l'Eglise, à qui seule il appartenait de juger du vrai sens de l'Ecriture. On traita ensuite à fond les questions controversées : le péché originel, la justification du pécheur, les sept sacrements, la messe, le purgatoire, les indulgences, le culte des saints, etc ... La vingt-cinquième et dernière session se tint le 3 décembre 1563. Mais les espérances de conciliation qui reposaient sur cette assemblée ne furent point réalisées : les églises protestantes rejetèrent les décisions des Pères du concile de Trente, dont ils ne reconnurent pas l'autorité. L'unité de la République chrétienne, oeuvre du Moyen Age, était détruite, et une ère nouvelle imposait de nouveaux devoirs au chef spirituel de l'Eglise catholique.
(par Paul Lacroix)
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