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LES ORIGINES PAROISSIALES DE PLERGUER, MINIAC-MORVAN ET SAINT-DOMINEUC |
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La découverte et la publication d'une vie inédite de saint Malo, évêque d'Aleth [Note : Le ms. de cette Vie, actuellement en Angleterre, a été copié par Dom Chamard ; cette copie, annotée par dom Plaine et M. de la Borderie, a été publiée par la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine, dans ses Bulletins et Mémoires, T. XVI], écrite au IXème siècle par l'évêque Bili, a pour notre diocèse une importance capitale. Elle précise, en effet, une foule de faits jusqu'alors inconnus ou controversés, se rapportant à l'existence de notre saint évêque breton. On y voit que Malo, né en Grande-Bretagne vers l'an 510-520, eut pour maître, dans son bas-âge, saint Brendan, abbé de Lancarvan ; qu'après de longues pérégrinations à travers l'Océan, il aborda sur nos côtes vers 550, sous le règne de Commore, roi de Domnonée ; qu'il séjourna d'abord dans l'île de Césanabre, près du prêtre Festivus, et n'eut que plus tard des relations avec l'ermite saint Aaron, habitant le rocher occupé aujourd'hui par la ville de Saint-Malo ; qu'il fut demandé pour évêque par le clergé d'Aleth, et occupa quarante années ce siège épiscopal ; que forcé d'abandonner Aleth, il se réfugia à Saintes, près de l'évêque saint Léonce, et qu'il y mourut le 45 novembre vers 621.
Telles sont les grandes lignes de la vie de saint Malo ; entrons maintenant dans quelques détails se rapportant à nos paroisses rurales et faisant connaître des localités et des hommes dont les noms se retrouvent encore parmi nous après plusieurs siècles écoulés.
Ainsi, lorsque saint Malo retiré à Saintes, consentit à revenir à Aleth pour pardonner à ses diocésains qui l'avaient gravement offensé, il traversa, dit l'auteur de sa Vie, les paroisses de Plerguer et de Miniac-Morvan, dont l'existence est ainsi constatée à cette époque fort reculée. Arrivé à Plerguer [Note : « In quo itinere dum veniebat (S. Machu) ad plebem propriam nomine Arcar ; » en 1181, Plerguer portait le nom de Plo-Argar], saint Malo y rencontra un homme de bien, nommé Bili, qui, entendant le saint évêque prêcher, et le voyant chasser les démons du corps des énergumènes, lui donna en toute propriété un village appelé de son nom la Ville-Bili [Note : « Vir bonus Bili nomine eum predicantem audiens, dœmoniaque a multis energumenibus ejicientem, villam quœ ejus nomine Bili vocatur, in hereditate œterna dedit illi (Vita S. Machuti) »].
De Plerguer, saint Malo entra dans une paroisse limitrophe appelée Miniac, qui ne peut être que celle de Miniac-Morvan ; il y reçut également le don d'un village nommé Léilian [Note : « Atque inde procedens, aliam, in plebe quœ vocatur Meniac, villam nomine Ledian, Deo donante, invenit (Vita S. Machuti) ». Dans une traduction française de la Vie de saint Malo, par Bili, que vient de publier dom Plaine, la plebs quœ vocatur Meniac, est traduite par le Minihic-sur-Rance ; nous préférons de beaucoup retrouver cette localité à Miniac-Morvan, comme dom Plaine lui-même l'avait précédemment indiqué (Bull. de la Société arch. d'Ille-et-Vilaine, T. XVI)].
On connaît l'érection de Saint-Domineuc en paroisse au commencement du XIIIème siècle; c'était auparavant une terre sise en Tinténiac et un fief appartenant dès le XIème siècle à l'abbesse de Saint-Georges de Rennes. Mais on ignorait jusqu'à présent ce qu'était le saint personnage dont le nom est demeuré à cette petite localité. Aussi honore-t-on comme patron de Saint-Domineuc, — depuis plusieurs siècles au reste, — saint Docmaël, évêque selon les uns, simple abbé suivant d'autres.
Mais voilà que la Vie de saint-Malo, par Bili, nous fait connaître un pieux personnage appelé Domnech, contemporain et disciple du bienheureux évêque d'Aleth, et habitant dans son diocèse ; tout porte à croire qu'il s'agit ici de saint Domineuc, et de la localité qui porte encore son nom ; voyons donc ce qu'en dit notre vieil hagiographe.
Domnech, fervent chrétien [Note : « Servus Dei nomine Domnech erat serviens die ac nocte secundum suam imbecillitatem Deo (Vita S. Machuti) »], s'employait jour et nuit, suivant ses forces au service du Seigneur ; formé à l'exercice de toutes les vertus par saint Malo lui-même, il habitait une petite cellule construite dans la campagne. Un jour qu'il y priait avec ferveur, le roi gouvernant alors le pays d'Aleth, nommé Mélian, vint à passer par là [Note : « Qui dum erat orans (Domnech) in cubili suo, princeps qui tunc regnabat in pago Alet, nomine Melian, transiens, etc. (Ibid.) »] ; à la vue de cet humble ermitage, le prince demanda quel en était l'habitant, et apprenant que c'était Domnech, il ordonna qu'on le lui amenât, ce qui fut exécuté. Que possédez-vous ? dit Mélian à Domnech. — Rien que ma cellule et elle me suffit, répondit le solitaire. — Au nom du Seigneur Jésus, dont vous êtes le fidèle serviteur, reprit le roi, prenez deux boeufs et attelez-les à une charrue : je vous donne toute la terre qu'ils pourront entourer en labourant depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher [Note : « Totam terram quam de ortu solis usque ad occasum poterunt circuire (Ibid.) »], et que Dieu punisse quiconque osera vous contester cette propriété !
Voilà donc Domnech devenu maître d'un terrain d'une certaine étendue ; il le fit fructifier, acheta des bestiaux et prit même à gage un serviteur ; c'est alors qu'apparaît sur la scène la douce et aimable figure de saint Malo.
Le saint évêque, quittant un jour sa ville d'Aleth, entreprit de visiter les monastères qu'il avait fondés dans les environs, afin d'y réchauffer le zèle de ses disciples et de leur donner une nouvelle preuve de sa paternelle affection. Comme il approchait de l'ermitage de Domnech, il rencontra un pauvre petit enfant se cachant dans un fossé [Note : « Machutus repperit unum pauperculum se in fossam abscondentem (Ibid.) »] : Pourquoi te caches-tu de la sorte ? dit le saint, — je faisais paître les pourceaux de mon maître Domnech, répondit le pâtre, lorsqu'une truie, suivie d'une nombreuse portée, s'est trouvée prise d'un mal auquel elle a succombé ; voilà déjà trois jours que ce malheur m'est arrivé et je me cache encore, n'osant rentrer à la maison de mon maître.
Ce disant, le berger montre au bon saint Malo la truie étendue sans vie et huit porcelets grognant autour d'elle, et suçant en vain ses mamelles desséchées. On connaît la douce compassion qu'éprouvait Malo pour toutes les créatures du bon Dieu [Note : Montalembert a raconté, dans les Moines d'Occident, ce charmant trait de la vie de saint Malo, laissant un roitelet faire son nid dans les plis de son manteau déposé sur une vigne] ; aussi est-il ému de la douleur du pauvre petit pâtre : il s'approche donc du cadavre et toucha la truie de son bâton ; l'animal, rendu à la vie, se leva aussitôt, et pendant que ses petits affamés bondissent de joie en s'attachant gloutonnement à son sein redevenu fertile, le berger, non moins joyeux, court à toutes jambes vers son maître et lui apprend ce qui s'est passé.
Domnech accourut aussitôt au-devant de saint Malo et se prosternant à ses pieds, il s'écria : O élu du Seigneur, accordez-moi la faveur de passer la journée dans mon ermitage et acceptez, je vous en supplie cette terre qui m'a été donnée, afin d'assurer ainsi le salut éternel de mon âme. L'évêque d'Aleth releva le pieux solitaire, et comprenant qu'il se dessaisissait de sa propriété pour vivre dans une plus grande perfection chrétienne et pour expier peut-être les sentiments d'amour-propre que lui avait pu causer la donation du roi Mélian — il accepta le don de la terre qu'il lui offrait, puis il entra sous le toit de Domnech et il y demeura, non seulement toute la soirée, mais encore la nuit suivante, et ne reprit que le lendemain ses pérégrinations apostoliques.
Voilà comment la Vie de saint Malo, par Bili, nous fait connaître les origines des paroisses de Plerguer, Miniac-Morvan et Saint-Domineuc, car cette dernière localité a évidemment conservé le nom du solitaire qui la reçut de Mélian, et la transmit à saint Malo. Et ce n'est pas un des traits les moins touchants dens leur naïveté qui abondent dans la vie du bienheureux évêque d'Aleth, que cette simple et rustique histoire du petit berger et de son troupeau, émouvant le coeur paternel du bon saint Malo !
(abbé Guillotin de Corson).
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