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L'ABBAYE DU TRONCHET ET PLEUDIHEN |
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§ 1. — IMPORTANCE ET FONDATION DE CETTE ABBAYE.
Jadis, au point de vue religieux, Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance) se rattachait non seulement à l'évêché de Dol, mais encore, sous certain rapport, à l'abbaye bénédictine de Notre-Dame du Tronchet, située à l'Est de la paroisse assez rapprochée de Plerguer et à l'orée du bois du Mesnil. Le mot latin truncetum indique précisément un lieu riche en troncs, en souches d'arbres.
Nous l'avons dit, cette abbaye possédait l'important prieuré de l'Hôtellerie à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance). D'autre part, elle y jouissait de dîmes ou rentes appréciables, et à ce titre, elle avait le devoir de contribuer aux grosses réparations de l'église, à l'entretien du recteur et au soulagement des pauvres.
Les bâtiments de l'abbaye du Tronchet se voient encore au début du XXème siècle dans le bourg de la paroisse récente, à laquelle elle a donné son nom. D'après Guillotin de Corson, l'ancien manoir abbatial a été complètement transformé. On l'a remplacé par un hôpital moderne.
Après la dernière reconstruction, le monastère proprement dit formait un carré et entourait un cloître intérieur. Toute la partie située à l'Est et contenant l'entrée principale est aujourd'hui détruite. Au début du XXème siècle, il ne reste debout que le bâtiment méridional, dont la façade présente cinq fenêtres et qui sert alors de presbytère.
L'entrée occidentale aujourd'hui usitée, avec son bel escalier, était jadis la porte réservée aux pauvres, celle où se faisait la distribution des aumônes. Quoique entièrement découvert, le cloître est encore complet. Les arcades en plein cintre reposent sur des piliers carrés. Chaque côté, offrant huit travées, a 75 mètres de longueur. Sans être monumental, ce cloître est réputé intéressant et digne d'être conservé.
L'église abbatiale, encore existante et toujours consacrée au culte, se compose d'une seule nef terminée par un chevet droit. La façade présente une porte flanquée de colonnes, de niches et de pilastres dans le style du XVIIIème siècle. La tour, posée au milieu, est couronnée par trois petits dômes superposés.
Au Sud sont deux portes, l'une ouvrant sur le cloître. Dans le choeur, il reste encore quelques-unes des anciennes stalles, au nombre de vingt-quatre et d'assez bon goût. Les seigneurs de la Barre-Guéhenneuc, entre autres, y avaient, devant l'autel Saint-Éloi, leur enfeu, dont il ne reste plus trace.
En 1912, au cours d'une excursion aux environs de Dol, avec les membres de la Société archéologique de Rennes, M. Bourde de la Rogerie, archiviste d'Ille-et-Vilaine, invitait ses compagnons de voyage à poursuivre, après Guillotin de Corson, l'histoire du monastère du Tronchet. A cette étude, surtout pour le XIIIème siècle, nous apportons notre faible contribution en utilisant, outre le volume de D. Taillandier sur les abbayes de Bretagne, les vieilles chartres, presque toutes latines, du manuscrit consacré par Dom Germain à Notre-Dame du Tronchet et conservé à Paris, Bibliothèque nationale, Fonds des Blancs-Manteaux, F. 22 325.
En résumant ce manuscrit, on constate que l'abbaye du Tronchet était importante. A un moment donné, elle eut un abbé mitré. Elle fut favorisée par les rois d'Angleterre et de France, par les évêques de Dol, par les seigneurs de Combourg, Coetquen, Dinan, Plouer, Plesguen, par les De Rochefort, maîtres de Châteauneuf. Elle posséda des biens à Saint-Pierre de Plesguen, Miniac-Morvan, Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), Plouer, Dinan et surtout Plerguer. Outre les prieurés de Saint-Pétreux et de la Barre dans cette dernière commune, de Saint-Colomban de la Mare en Miniac-Morvan, de Roz-Landrieux..., elle détenait dans son voisinage des métairies, des étangs avec des moulins et plusieurs journaux de taillis et de bois de haute futaie.
L'abbé et les religieux avaient droit de haute, moyenne et basse justice, cep et collier attachés devant la maison de la métairie des Lauriers ; justice patibulaire en ladite paroisse de Plerguer ; droit de mesurage et étalonnage, ordre et police, corvée et apprécis.
Pour l'exercice de leur juridiction, existaient divers officiers, savoir : sénéchal, alloué, procureur fiscal, greffier, notaires, sergents, tous institués par ledit seigneur abbé, avec droit de sceau, confection d'inventaires, création de tutelles, bannies .... En 1697, le sénéchal rendant la justice s'appelait M. Jean Jagault, sieur des Vallées, en Saint-Hélen.
Le sceau du monastère, posé sur une pièce relative au différend de Boniface VIII et de Philippe le Bel, était ovale, représentait la Sainte Vierge assise, tenant l'Enfant Jésus, et portait l'inscription : t Sigillum capituli Beatœ Mariœ (de Truncheto).
Fondation du Tronchet au XIIème siècle. — D'après une charte latine de 1229, reproduite ci-dessous, Jodome (ou Gilduin), de Dol, chevalier, tout en ratifiant les donations faites par ses ancêtres à Notre-Dame du Tronchet, indique comme fondateur de cette abbaye Alain, fils de Jourdain, sénéchal de Dol.
NOTE : CHARTE LATINE, RATIFIANT EN 1229 LA FONDATION RÉCENTE DE L'ABBAYE NOTRE-DAME DU TRONCHET. UNIVERSIS prœsentes litteras inspecturis, Jodomus de Dolo, miles, salutem in Domino. Noveritis universi, quod ego, pro salute animœ meœ omnes eleemosynas et dominationes, quas Alanus, filius Jordani, Senescallus Dolensis, fundator Abbatiœ Beatœ Maria de Truncheto et antecessores mei et omnes alii fideles fecerunt dictœ abbatiœ et fratribus ibidem Deo servientibus ac servituris, ratas habeo et confirmo, volens et concedens quod easdem habeant et possideant in perpetuum liberas, pacificas et quietas, nichil michi juris proprietatis, possessionis et redevanciœ hœredibus meis retinens in eisdem, in quorum testimonium prœsentes litteras dedi eisdem, sigillo meo sigillatas. Datum, anno Domini 1229, mense Aprili. Extraite des titres de l'abbaye du Tronchet, conservés à Paris, à la Bibliothèque nationale, F 22 325 p. 621, cette charte montre que jadis nihil et mihi se prononçaient niki et miki, comme cela se fait encore aujourd'hui à Rome.
D'après un manuscrit de Marmoutiers, communiqué le 27 septembre 1647 par Mathieu Gohier, religieux de ce couvent, au R. P. Constantin de Navarre, prieur du Tronchet, c'est en effet Alain ci-dessus, revenu de la croisade vers 1150, qui, du consentement de l'ermite Gauthier et de ses frères, réunis pour prier Dieu dans le sanctuaire du Tronchet, aurait remis ce sanctuaire à Hugues, archevêque de Dol de 1156 à 1162.
Ce prélat, avec l'approbation du pape Alexandre III, fonda alors au Tronchet, sous le vocable de Notre-Dame, un couvent pour quatre religieux de l'abbaye de Tyron près de Chartres. Le nouveau monastère dut assez longtemps envoyer un délégué au Chapitre de l'abbaye–mère et recevoir d'elle ses abbés, dont les deux premiers s'appelèrent Raoul et Guillaume.
Ce dernier, vers 1200, en présence du Chapitre de Dol, accepta les donations faites à l'autel de Notre-Dame du Tronchet par Alain de la Chapelle et ses frères, voulant témoigner leur reconnaissance de ce qui avait été fait pour leur mère.
§ 2. — LE TRONCHET AU XIIIème SIÈCLE.
Alain de la Chapelle, ci-dessus, avec Raoul et Godefroy de Miniac, est témoin de la cession du domaine Saffredi, consentie par Godefroy, fils de Main, à l'abbaye du Tronchet, qui a versé cent écus d'Angers pour réparer ses délits et brigandages et qui promet de lui réserver une chapelle, d'y célébrer l'office divin, un annuel pour lui et ses proches, enfin d'y recevoir et entretenir un moine de sa famille. Cette cession, suivant la coutume, est approuvée par les héritiers du défunt, parmi lesquels Thomas Taon, chevalier.
Ce dernier, d'après une attestation, 1222, de Jean, évêque de Dol, bienfaiteur lui-même du couvent, 1226, ratifie aussi la donation faite au Tronchet de dîmes possédées à Plerguer par Guillaume Bienaimé, en route pour le pays de Jérusalem.
D'autres écrivains l'ont déjà noté et l'abbaye du Tronchet en fournit ici une nouvelle preuve, les monastères mettaient à la disposition des particuliers des capitaux, qui leur permettaient de payer leurs dettes, de tenter, avec des voyages lointains, des défrichements importants et autres entreprises dispendieuses, utiles au progrès. En même temps, comme à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), ils fondaient sous le vocable de La Madeleine des hôpitaux pour les lépreux ; ils établissaient des hôtelleries et assuraient le passage des rivières, telles que la Rance, pour les voyageurs pauvres.
En 1221, le sire de Coetquen donne et lègue la totalité de ses dîmes de Saint-Pierre de Plesguen à l'abbaye du Tronchet, en échange du manoir épiscopal de Dinan, acquis par elle, cédé ensuite pour les Frères Prêcheurs de la ville. Il s'agit ici d'Olivier de Coetquen, d'après un acte récognitif de 1241.
L'abbé Jean, successeur de l'abbé Gautier, vit les Dinan, comme les Coetquen, s'intéresser à son abbaye. En mai 1234, l'illustre Gervaise de Dinan lui donna, avec les jardins adjacents, la maison de Godefroy de Querhens et celle de Raoul Querquedri, qui était située devant le puits et était de la place de Gourmil. Elle exempta l'abbaye de tout droit coutumier. Mais elle spécifia que chaque maison n'aurait qu'un locataire, par souci sans doute de l'hygiène, dont on pouvait se préoccuper dès ce temps-là.
En octobre 1263, Alain d'Avaugour (Lavaugor), chevalier, seigneur de Mayenne et de Dinan, fils d'Henri, fondateur des Cordeliers de Dinan, rappelle dans un acte que ses aïeuls maternels, Gervaise de Dinan et Juhel de Mayenne, mari de cette dernière, ont donné à l'abbaye du Tronchet la moitié du manoir et jardin occupés par Gourmil ci-dessus, puis par Jeanne, sa fille, dans la ville de Dinan, sur laquelle sont ainsi fournis de très anciens renseignements.
Alain transfère les droits en question aux Frères Mineurs ou Cordeliers de Dinan, du consentement de l'abbé du Tronchet, à qui, en retour, il cède totalement le manoir de Jeanne Reine, fille de Gauthier Trébiul, situé entre les immeubles de Godefroy de Lamballe et Rivallon Porreel et s'étendant de la place du Marchix (e vico dou Marcheil) à la rue de la Boulangerie (ad vicum de Bolengeria).
Le second, comme le premier immeuble, est concédé avec droit de bouteillage, de ventes, d'amendes et de place. Mais les donateurs se réservent le droit de haute justice, c'est-à-dire le droit d'infliger la peine de mort ou de mutilation aux malfaiteurs.
C'est par suite des donations ci-dessus sans doute que le vieil obituaire de Saint-Sauveur de Dinan, conservé à la mairie, relate dans cette église en 1422 une chapellenie de Raoulet Lechat, fondée sur une maison du Marchix, qui était tenue par l'abbé et le couvent du Tronchet.
Avec les seigneurs de Dinan, celui de Plouer gratifie l'abbaye du Tronchet. En 1243, Raoul de Plouer, chevalier, certifie que cette abbaye, dans la paroisse de Plouer, à la Fosse-Gorhand, a reçu une vigne et un champ en culture, de Raoul de la Touche (Tosca), d'Agathe son épouse, de Robert, Roand et Abraham leurs fils. D'accord avec sa propre épouse et Rualen, son aîné, Raoul de Plouer confirme cette donation, se réservant seulement le droit de dîme et de bouteillage sur les deux immeubles. En 1251, cette même donation est ratifiée devant Godefroy, dit Leesfant, chevalier, sénéchal d'Alain de Dinan, par Hamon Ruffier et ses trois fils, qui y avaient sans doute intérêt.
Ce fut peut-être là l'origine du baillage de la Moinerie, en Plouer, que possédait la même abbaye, au dire de Guillotin de Corson [Note : D'autres, plus vraisemblablement, attribuent la Moinerie de Plouer aux religieux de Léhon. Ces religieux, que Nominoé trouva disséminés dans la vallée de la Rance, auraient eu primitivement des établissements à Plouer dans une région appelée dès le VIème siècle Léhon (lande fortifiée, en anglo-saxon), à savoir sur toute la côte nord-ouest de la plaine de Mordreuc jusqu'au port Saint-Hubert. Précisément ce port, comme celui opposé et tout voisin de Saint-Jean, durant le moyen âge, a porté le nom de port d'Establehon ou d'Estable-Léhon, c'est-à-dire garnison ou fort de Léhon. On appelait jadis establies les soldats qui gardaient les châteaux et estables les lieux où ils résidaient. Il semble donc qu'avant d'appartenir aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, le port d'Establehon a pu être occupé par les moines de Léhon. Les mêmes moines, toujours à Plouer, mais plus au Sud, possédaient plusieurs fiefs importants, formant un grand baillage. Le chef-lieu ancien de ce baillage aurait été situé sur la côte, entre la Moignerais et la Moinerie, deux noms significatifs. C'était le château de Plumeoiseon, dont on voit encore quelques ruines au Chêne-Vert, qui, au XVème siècle, était réputé " forteresse notable, en position avantageuse sur la Rance " et qui, en 1364 au premier traité de Guérande, fut momentanément et exceptionnellement confisqué sur le possesseur, le sire de Tréméreuc, coupable d'avoir barré la route aux Anglais, amis du nouveau duc].
Dès cette époque, le Tronchet eut aussi des intérêts à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance). Au témoignage de Juhel de Mayenne, seigneur de Dinan, déjà cité, l'abbaye acquit toutes les dîmes entre Dolet (Dorletum) et Farma (Carma ?), appartenant à Jean de Farma, à Jean Blanchet, à Borreche Olivier, fils de Philippe, et à son épouse, moyennant trente écus d'Angers, versés à ceux-ci en présence de J. de Malonido, sénéchal de Dinan.
A ces dîmes, le Chapitre de Dol, en 1244, en ajouta d'autres entre Dolet et Farma, pour lesquelles les moines du Tronchet lui cédèrent celles qu'ils avaient reçues en Epiniac de la dame de Landal. Le tout ainsi réuni dut former le baillage du Breil, en Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), attribué au Tronchet par Guillotin de Corson.
En 1246, avec l'approbation de l'évêque de Saint-Malo, Jean, abbé du Tronchet, cède à Thomas de Rochefort, chevalier, contre les dîmes de son fief de Saint-Suliac ou de Saint-Solen (Sancti Sulini), toutes celles qu'il possédait dans son propre fief du Val-Hervelin, en Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance).
Cette même année 1246, d'après l'acte en vieux français reproduit plus loin et dressé par Robert Hervé, sénéchal d'Henri d'Avaugour (Avalgnor), seigneur de Dinan, Agnès, fille de Guillaume de Coetquen et épouse de Geoffroy Le Blanc, vendit à l'abbaye du Tronchet tout ce qu'elle possédait à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance).
NOTE : VENTE DE BIENS A PLEUDIHEN, CONSENTIE PAR AGNES DE COETQUEN, EN FAVEUR DE L'ABBAYE DU TRONCHET, EN 1246. Tos ceuz qui verront et orront ces lettres, Robert Hervé, Seneschal Monsir Henri de Avalgnor en la terre de Dinan en icel temps, salu en nostre segnior. Sachez que Agnez, la fille de Guillaume de Quoiquem, o le assentement et o la volonté de Gefrey Le Blanc, son segnior, a vendu par devant nos, comme par devant cort, à l'abbaye du Tronchet, tot quand ele avait et poiet avoir en droiture et en saisine, en la paroisse de Pludihen, au feu que l'en appelle le feu de Calpec, a aveir a l'abeie et à tenir toz jors, mes en pez, comme sa dresture sauve la dresture monsegnor et à ses hers, et cele vente furent les bans fez et les ventes paiez et en furent fait quant que deit estre fet de ventes et usages et as coutumes de Bretagne. Donné en l'an de nostre segnor 1246.
En 1286, le Tronchet eut à s'entendre au sujet de deux pièces de terre, près du village de Caim, avec Jean-Marie de Caim, fils de Pierre-Marie. Peut-être s'agit-il ici du hameau encore existant de Cains, en Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance).
L'abbaye du Tronchet eut également des fondations dans la paroisse de Miniac-Morvan. Étienne, évêque de Dol, lui donna là, dès 1245, la chapelle de Saint-Colomban de la Mare. En 1252, elle y reçut de Jourdain Roussel et de Hervé Aubery les dîmes possédées par eux dans le fief qu'ils tenaient du vicomte de Poudourie, chevalier, et de Jean Ruffier, écuyer.
En 1254, elle obtint une donation analogue de Jean de Hirel, chevalier, du consentement de Mabille, son épouse, et de Hamon, son fils aîné. Ce double consentement, généralement constaté dans les donations faites à l'abbaye, prouve qu'elles n'étaient pas surprises à la faiblesse du donateur.
En 1295, le Tronchet conclut avec Amicie, veuve de Jourdain de Gouillon (Goyllon), un arrangement touchant une pièce de terre sise à Miniac. Ledit arrangement porte le sceau de Châteauneuf-la-Noë et l'écusson des de Rochefort, vairé, avec lambel à trois pendants.
Pour clore l'histoire du XIIIème siècle, disons que le Tronchet contracta une première union de prières, sous l'abbé Martin, avec Saint-Melaine de Rennes, en juin 1259, et une deuxième, sous l'abbé Pierre Mahé, avec Saint-Jacut de la Mer, en 1274. La première union devait être renouvelée plus tard.
Enfin en 1279, un témoignage de Jean Mahé, évêque de Dol et frère de l'abbé Pierre Mahé montre qu'Henri II, roi d'Angleterre, duc de Normandie et d'Aquitaine, comte d'Angers, concéda une foire de trois jours pour l'Assomption au Tronchet et notifia cette concession aux évêques, comtes, juges et autres de ses ministres en Bretagne, notamment de Rathel.
Il serait possible que Jean Mahé ci-dessus, évêque de Dol, fût originaire de Saint-Pierre de Plesguen. On voit en effet, en 1298, Philippe Barbe et Hennorate, son épouse, vendre à l'abbaye du Tronchet une dîme de Saint-Pierre, dans le territoire de Jean Mahé.
En 1251, la veuve de Robert Barbe, Jeanne, mariée en secondes noces à Hamon le Roux, fait au Tronchet la donation de sa dîme de la Touche en Plesder, que ratifie, en 1299, Guillaume de Coetquen, et en plus la donation de la moitié de la dîme de l'Hôpital, en Pleugueneuc (Plogenoit).
§ 3. — LE TRONCHET AUX XIVème ET XVème SIÈCLES.
En 1314, Guillaume de Vaujoyeux (de Valle Jocosa), écuyer, et Stacie, son épouse, avec Théobald, leur fils aîné, cèdent à l'abbaye du Tronchet toutes les dîmes qu'ils possèdent dans la paroisse de Plerguer (Plouargar). C'est peut-être aussi dans cette paroisse que se trouvait la Moignerie attribuée à la même abbaye par Guillotin de Corson et fixée par lui à Plouer.
En 1334, l'abbé Mathieu abandonne à ses moines le trait de Beillac, en Miniac-Morvan, qui lui appartient personnellement.
En 1375, le Tronchet fut gratifié de dîmes à Saint-Pierre par noble et puissant Geoffroy de Plesguen, qui, avant de partir pour Saint-Jacques en Galice, fit son testament, en prenant pour exécuteur de ses dernières volontés un religieux, Frère Jean Jocelin, prieur de Roz-Landrieux. Ce seigneur du diocèse de Dol voulut aussi envoyer en son nom un pèlerin à Saint-Pierre de Rome et un autre à Sainte-Marie de Rocamadour, dans le Lot, ce qui montre ces trois pèlerinages usités alors en Bretagne, avec celui de Jérusalem.
Avant 1379, fut fondé à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), par Bonabe la Bégasse, le prieuré important dit Saint-Lunaire, puis Saint-Nicolas de l'Hôtellerie, déjà maintes fois cité.
Cette fondation eut lieu sous l'abbé Robert Pépin, qui conclut aussi un acte de fraternité avec l'abbaye Saint-Gildas des Bois, près de Nantes. L'avant-dernier abbé, décédé en décembre 1354, s'appelait encore Guillaume Pépin, nom de famille commun dans la région.
Les abbés suivants, Raoul Tournevache et Guillaume Le Roux, ce dernier décédé en 1400, abbé aussi de Saint-Méen, cherchèrent à se soustraire définitivement à l'autorité de l'abbaye-mère de Tyron. Ils furent appuyés par l'évêque de Dol, qui, commis par le pape pour juger le différend, décida qu'il suffisait à l'abbé Alain Costard, élu par les moines du Tronchet, d'être confirmé par l'ordinaire du diocèse.
En 1415, « en la cour de Rennes, fut présent noble écuyer Jean de Guitté, segnor d'Anneville, fils aisné et hair (héritier) principal de noble chevalier Messire Jean de Guitté, son père, naguères décédé, lequel Jean a confessé que, pour et afin que le corps dudit feu son père fût enterré et ensepulturé en l'église du moutier de N.-D. du Tronchet, devant l'autel de Sainte-Catherine, à l'exue (sortie) du choeur dudit moutier, a donné 20 livres de rente. Signé : P. DE LAUNAY, passe (notaire) ».
En 1436, l'abbé Gilles Raguenel, sans doute de la famille de la Bellière, fut élu par les moines et bénit par l'évêque de Dol en son manoir des Ormes, en Epiniac. Il mourut en 1473, ayant eu plusieurs difficultés avec Raoul et Jean de Coetquen.
Le 1er mars 1457, il avait conféré à Olivier d'Irodouer, prêtre du couvent du Tronchet, le prieuré de Saint-Petreuc (Sancti Petroci) près de l'étang de Beaufort, en Plerguer.
L'abbé François de Beauchesne reçut du pape ses bulles en 1478 et fut mis en possession, au nom du duc de Bretagne, par le sire de Coetquen, grand-maître d'hôtel de Bretagne. Jean, cardinal d'Angers, légat du Saint-Siège en France, lui accorda, le 22 juillet suivant, le droit de porter l'anneau, la mitre et les autres ornements pontificaux.
Son successeur, Jean du Chastelier, obtint encore pour son couvent des lettres de sauvegarde.
§ 4. — L'ABBAYE DU TRONCHET DE 1500 A NOS JOURS.
Tristan de Vendel, recteur (de S. Pierre) de Plesguen, protonotaire du Saint-Siège, chanoine de Dol, devint en 1508 abbé du Tronchet. Il y donna, l'année suivante, asile et facilité de tenir leur chapitre aux religieux de Saint-Melaine de Rennes, obligés par la peste de quitter leur propre couvent.
Pour reconnaître ce service, le cardinal Robert Guibé, évêque de Vannes, fit son vicaire général confirmer au Tronchet l'ancienne union de prières avec Saint-Melaine, dont il était abbé commendataire. Furent témoins de cet acte : nobles et vénérables Gilles de Chateaubriand, fils aîné de noble et puissant Guillaume, seigneur de Beaufort en Plerguer et du Plessix-Bertrand en Saint-Coulomb, avec Jacques de Vendel, sr. du Vauluisant, et Théobald du Cleuz, seigneur de Martigné.
Noël du Margat, originaire de la paroisse de Caulues (Caun), à 3 ou 4 lieues de Dinan, religieux du Tronchet, prieur de Combourg, devenu en 1516 à son tour abbé commendataire de Saint-Melaine de Rennes, remit à ses ex-confrères la lettre du cardinal Guibé, précisant ainsi la confraternité ci-dessus :
« L'abbé du Tronchet, dans ses voyages à Rennes, a droit de se faire recevoir à Saint-Melaine, comme s'il était le chef de ce couvent même. Il est reconnu grand-vicaire de l'abbé présent ou absent. Il en fera les fonctions. A Saint-Melaine on célébrera le service pour les abbés défunts du Tronchet, comme pour ceux de Saint-Melaine, avec les messes et suffrages ordinaires. Les moines du Tronchet, venant à Saint-Melaine, y seront considérés et placés selon le temps et la profession, comme ceux de la maison ; et à leur mort, on leur rendra les mêmes devoirs que pour les propres moines de Saint-Melaine. Les religieux du Tronchet pourront se réfugier à Saint-Melaine, en cas qu'ils seraient mal avec leur propre abbé, jusqu'à ce qu'ils l'aient apaisé. Enfin un monastère assistera l'autre en toutes ses affaires, et en signe de fraternité, les deux abbés s'embrassent ».
Depuis et y compris Tristan de Vendel, le couvent du Tronchet, comme tant d'autres, fut, jusqu'à la Révolution, détenu par les abbés commendataires, engagés ou non dans les ordres sacrés, nommés par le pouvoir civil. D'ordinaire ils ne menaient point la vie religieuse dans l'abbaye, n'y avaient même pas leur résidence, mais touchaient le gros des revenus, évalués à 2.200 livres, dépensant le moins possible pour l'entretien et les réparations des bâtiments, où certains d'entre eux ne jetèrent jamais les yeux, ne laissant que le strict nécessaire aux moines et la portion dite congrue au recteur de Plerguer.
Ayant cessé, depuis le concile de Trente, de desservir cette cure, l'abbaye du Tronchet convint, le 21 décembre 1605, avec le titulaire M. Pierre Boutevilain, de remplacer sa pension en argent par les dîmes de Villegate et de Mirlou.
Dans les conditions faites par la commende au monastère du Tronchet, quoi d'étonnant à ce qu'au bout d'un siècle, il soit tombé en décadence au point de vue matériel et religieux, et à ce que, malgré le zèle des prieurs, les vrais chefs spirituels des moines, il ait eu besoin de réformes !
En 1607, il ne s'y trouvait plus qu'un seul religieux, Dom Gilles Lebret. Antoine Revol, évêque de Dol, alla alors trouver à Léhon le saint P. Noël Mars, qui venait de réformer avec succès cet autre couvent de Saint-Benoît, et qui avait été établi vicaire général des Bénédictins de Bretagne. Il le pria d'établir aussi la réforme dans l'abbaye du Tronchet.
Quoique le Père en eût le pouvoir, il n'osa pourtant l'entreprendre sans avoir reçu l'ordre exprès de son supérieur général, le P. Jaunay. L'évêque de Dol le pressa de lui écrire. Le général consentit à cet établissement et vint lui-même au Tronchet trouver l'abbé commendataire Jean Le Prévost, dont l'oncle et prédécesseur, François Le Prévost, avait été inhumé, en 1603, dans l'église abbatiale, et conclut avec lui un arrangement, qui fut exécuté le 7 août 1607.
Le P. Mars se rendit dans l'abbaye à réformer, avec six religieux, et en prit possession, après une exhortation pathétique, qui tira les larmes des yeux de Mgr. Revol et de tous les assistants.
Après une courte absence, le P. Noël Mars revint au Tronchet, où le P. Louis Jousselin, visiteur des Bénédictins de Touraine, l'avait nommé prieur, en le maintenant vicaire général de la province de Bretagne. S'étant fait remplacer par un sous-prieur, à cause de sa mauvaise santé, il alla mourir en 1611, âgé de trente-quatre ans seulement, à Léhon, où il fut inhumé dans l'église, laissant une mémoire vénérée.
Les résultats de la réforme ci-dessus ne persistèrent pas longtemps au Tronchet. Aussi, après la dissolution de la Congrégation bénédictine de Bretagne, celle de Saint-Maur fut chargée par l'abbé commendataire, Charles de Rosmadec, d'y reprendre la même oeuvre. Elle réussit à rendre la prospérité spirituelle et matérielle au Tronchet. Elle fit notamment, de 1642 à 1679, rebâtir sur une colline, à l'endroit actuel, l'abbaye établie précédemment dans un lieu marécageux et dès lors malsain, là où se trouve le village du Tronchet.
La première pierre des nouveaux bâtiments conventuels fut bénite le 11 juillet 1642 par le prieur claustral, Dom Navarin. Mais pour l'église abbatiale, le fondement ne fut posé qu'en 1659 et l'édifice fut achevé seulement en 1679. Au-dessus de la porte principale est une fenêtre de style rayonnant, à doubles meneaux, avec quatre feuilles, dernier vestige de l'église abbatiale précédente, et reste de l'ancien monastère.
En 1685, il n'est plus question de la foire de trois jours pour l'Assomption, accordée au Tronchet par le roi d'Angleterre en 1279. Mais les religieux déclarent « estre en droit de faire tenir un marché au village du Tronchet, franc et libre de tout droit, au jour de vendredy de chaque semaine, et deux foires, aussi franches et exemptes de droits, la première au jour Saint-Blaise, 3ème de février, et la seconde au jour de Saint-François, 4ème d'octobre, avec droit de jouir aux-dits marchés et foires de tous droits, profits et émoluments et mesme avec droit de faire bastir halle et estaux à ce sujet ».
Ces deux dernières foires, ainsi que le marché du vendredi, avaient été concédées à l'abbaye du Tronchet par le roi de France Henri IV, par lettres patentes de mai 1598.
En 1687, au nom du couvent du Tronchet, Dom François Quénet, bénédictin de Saint-Maur, rendit au roi de France pour le prieuré Saint-Nicolas de l'Hôtellerie en Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), un aveu qui a déjà été cité et qui est textuellement reproduit en entier ici bas :
AVEU POUR PLEUDIHEN DU PRIEUR DE L'OSTELERYE, DOM FRANÇOIS QUÉNET, RELIGIEUX BÉNÉDICTIN DE LA CONGRÉGATION DE SAINT-MAUR, RENDU LE 27 MAI 1687 (Archives de la Loire-inférieure, B. 840). [Note : Ce prieuré de l'Ostelerye était jadis bien placé pour exercer l'hospitalité envers les voyageurs pauvres, puisqu'il bordait presque la voie romaine de Corseul à Baguer-Pican, passant par Taden (Père des chemins) et appelée « la vieille route de Dinan », dans une enquête de 1181 sur les biens de l'église de Dol, d'après les Preuves de Dom MORICE, I, col. 682].
Aveu de vieilles masures et murailles de l'antien logement et mettairye du Prieur.
Item un jardin et petit verger contenant deux tiers de journal de terre.
Item un clos et pièce de terre « le champ du Priou », trois journaux de terre.
Item un autre clos, « le Clos Martin », trois journaux.
Item le clos au Priou, quatre seillons.
Item un dixmereau en Pleudihen et S. Hélen à la dixième gerbe.
Autre dixmereau appelé Peslan.
Autre dixmereau de la Furetais.
Autre dixmereau du fief Gingast.
Autre dixmereau à la Bégaudière.
Les Pasturettes ont été aliénées.
Une jurisdiction, moyenne et basse justice, avec création d'officiers, savoir : sénéchal, procureur-fiscal, greffier, sergents, notaires, droits de sceaux et inventaires et tous autres droits appartenant à cette justice, de laquelle dépend le baillage et le fief de l'Ostellerye, s'estendant au village du même nom et de la Bégaudière, auquel sont hommes vassaux : escuier François de Saint-Meleu, François Deviaux, Guion Gicquel, Jean Lecourt, Marguerite Belhôte, Laurent Rouxel... pour raison de quoy doivent aud(it) prieuré par froment trois boixeaux, mesure de Chasteauneuf, au terme de Noel ; par deniers, 66 sols, 6 deniers, au terme de Saint-Gilles, et par corvée au terme de Noel, quatre corvées, deux tiers de corvée, avec droit de sergentise sur lesd. vassaux, pour la cueillette du baillage.
Et à cause dud. prieuré, le sieur prieur paye décime au Roy, son souverain seigneur, est obligé de dire ou faire dire une messe en basse voix, par chaque sepmaine, à l'autel Sainct-Nicolas, dans l'église de Pleudihen.
De plus seize boixeaux de seigle au chapitre de Dol.
Fait à Nantes le 27 mai 1687. Sur parchemin.
A Plerguer même, les moines du Tronchet eurent des difficultés avec Melchior de Pugnaire, gentilhomme provençal, docteur de la Sapience à Rome, nommé en 1674 par le pape recteur de ladite paroisse et décédé en 1686. Ils durent payer les dîmes novales, c'est-à-dire les dîmes pour les champs nouvellement mis en culture, mais furent reconnus exempts des dîmes vertes (de lin) et d'agneaux.
A Plerguer encore, à Noël, pour la messe de minuit, les mêmes bénédictins devaient une charretée de paille à étendre dans l'église.
En 1749, le couvent du Tronchet, gros décimateur à Pleudihen (Pleudihen-sur-Rance), fut, comme il a déjà été dit, sollicité par cette paroisse de contribuer aux grosses réparations de l'église. En 1750, le prieur Dom Lebreton consentit à consolider le vitrail du pignon du chœur ; mais, sur son refus de faire davantage, il fut cité en justice, en 1751-1752, pour s'entendre condamner à participer à la réfection des couvertures, des lambris et du parquet du choeur.
Dissoute un instant en 1766, la communauté du Tronchet subsista jusqu'à la Révolution. Elle avait alors pour abbé commendataire, depuis 1786, Alexandre de Saint-Sauveur, vicaire général de Vannes, et elle était représentée par trois religieux, sous la direction du prieur Dom Gouallic, qui fut enfermé à Saint-Melaine de Rennes en 1792, puis déporté.
Au dire de Robidou, qui, originaire de Plerguer, tient ce renseignement de ses compatriotes, un seul des religieux demeura, après la fermeture du couvent, dans la localité, parmi les paysans qu'il aimait et dont il était estimé. On l'appelait le « Cheminier », parce que de tout temps il s'était employé à tenir les routes avoisinantes en bon état dans l'intérêt des cultivateurs, de leurs chevaux et de leurs charrettes.
A partir de 1810 et surtout depuis 1826, la chapelle du Tronchet est transformée en église curiale. Une partie des bâtiments claustraux sert de presbytère et la localité elle-même est devenue le bourg d'une paroisse nouvelle, agrandie en 1855, constituant, avec la paroisse voisine de Plerguer, la grande et belle commune de ce nom.
Une fois de plus, malgré la Révolution et la perversité des hommes, un couvent a donné naissance à une famille paroissiale. C'est ainsi que, grâce à la divine Providence, qui sait tirer le bien du mal, tout effort religieux a un bon et durable effet, même ici-bas.
(abbé Eugène Brébel).
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