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BREST ET LE FINISTÈRE sous LA TERREUR |
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Maximilien de Robespierre, ou Maximilien Robespierre, est un avocat et homme politique français né le 6 mai 1758 à Arras et mort guillotiné le 28 juillet 1794 à Paris, place de la Révolution. Il est l'une des principales figures de la Révolution française et demeure aussi l'un des personnages les plus controversés de cette période. En effet le 10 mars 1793, la Convention avait créé le tribunal révolutionnaire destiné à juger les crimes commis contre la République. Au début, le tribunal travailla avec une relative modération, mais après la promulgation de la loi sur les suspects (17 septembre 1793) tout changea. Robespierre érigea la Terreur en proclamant la légitimité du nouveau gouvernement révolutionnaire. On supprima, comme nous allons le voir dans le Finistère, l'audition des témoins et on abrégea les plaidoiries. La loi du 22 prairial an II (10 juin 1794) réduisit les procès à de simples comparutions devant les juges. Alors commença la " Grande Terreur ". Il s'agissait, semble-t-il, moins de punir que d'anéantir les suspects. La dictature de Maximilien de Robespierre prend brutalement fin le 27 juillet 1794. Selon le calendrier révolutionnaire, ce jour est le 9 thermidor An II de la République française.
AVANT-PROPOS.
Adonné, depuis plus de trente ans, à la recherche soutenue de tout ce qui pouvait faire apprécier dans ses détails le grand mouvement de la Révolution de 89 au sein des populations bretonnes, j'ai eu l'insigne bonneur, comme je l'ai dit ailleurs, de joindre à tout ce que j'ai recueilli moi-même dans les dépôts publics, la correspondance, la pensée et souvent jusqu'aux souvenirs vivants des hommes éminents qui, comme HOCHE, GUEZNO, GUEUMEUR, PRIEUR, DARU, PETIET, Auhert DABAYET et beaucoup d'autres, prirent une part si décisive à tout ce qui se passa dans l'Ouest. A cette source inépuisable de documents, j'ai pu ajouter la correspondance des chefs vendéens eux-mêmes, et comme CAMBRY, quand il inventoriait en l'an III les parchemins et les pièces qui n'avaient point encore été convertis en gargousses et en munitions de guerre, j'ai pu sauver beaucoup de débris, et je suis parvenu à former une collection assez riche et assez complète pour éditer aujourd'hui le texte que je soumets à l'appréciation consciencieuse de mes concitoyens, plutôt comme un fait que comme une œuvre d'art.
Quand, il y a plus de vingt ans, je publiai sur l'ensemble des départements Bretons, les six volumes qui, sous le titre d'Histoire de la Révolution dans les départements de l'Ouest, ont défrayé en détails de toute espèce tant de metteurs en scène qui y ont puisé à pleines mains pour leurs romans, leurs prétendus mémoires et ce qu'ils ont appelé des histoires pittoresques, il fut dit par quelques-uns que c'était une rage d'impartialité qui s'était emparée de moi, et qu'il serait difficile de me contredire. — J'acceptai et j'accepte encore aujourd'hui ce jugement comme le plus honorable qui pût être porté de mon livre.
Celui que je publie, et qui est comme le complément de celui que j'ai publié en 1832, méritera, j'en ai le profond sentiment, le même suffrage, la même attestation de vérité et d'exactitude…. Qu'on me pardonne, à ce titre, d'avoir ainsi conservé le trait toujours exact des physionomies que j'avais à reproduire, au lieu d'avoir surchargé ma palette de couleurs plus ou moins chatoyantes sous lesquelles ce trait se serait inévitablement perdu.
J'ai déjà eu souvent l'honneur, pour ma première publication, de me voir copier, extraire, traduire même ; quelquefois en étant cité, souvent aussi en étant oublié ; qu'il en soit encore de même, et je n'aurai aucune raison de me plaindre.
Et à ce sujet, qu'on me permette ici de remercier les amis nombreux et dévoués qui, en remarquant avant moi ce qu'on m'avait emprunté, quelquefois sans trop de mesure, m'ont ainsi confirmé dans la ligne de parfaite impartialité que je me suis toujours efforcé de suivre, et que, parmi eux, il me soit surtout permis de nommer mon ami LEVOT, le savant Bibliothécaire de la Marine à Brest, auquel je dois tant d'utiles renseignements, la communication de pièces si précieuses, et qui, tourmenté comme moi de la manie de savoir et de conserver, prépare pour la ville et le port de Brest une précieuse histoire où le pays et les hommes d'étude trouveront le souvenir de tant d'efforts accumulés pour la création et le développement d'un établissement qui forme aujourd'hui l'une des gloires de la France.
Mes remerciements aussi à M. FLEURY, l'obligeant et laborieux Archiviste de la ville de Brest, pour la parfaite courtoisie avec laquelle il a bien voulu me communiquer tout ce que possède le dépôt qu'il dirige, fait que je regrette de n'avoir pas toujours rencontré ailleurs.
A CONSULTER (cliquer).
1°. Mission des Représentants envoyés près des côtes de Brest et de Lorient en Août 1793.
3°. Les Clubs. — Les Comités Révolutionnaires. La Commission administrative du Département du Finistère.
9°. Femmes, — Paysans, — Matelots, — Simples Militaires devant le Tribunal révolutionnaire.
10°. Procès et Immolation des vingt-six Administrateurs du Finistère.
10°. Arrivée de la nouvelle du 9 Thermidor à Brest, — suites et révélations des affidés de la Terreur.
COURTES REFLEXIONS.
Aucune Révolution peut-être n'entraîna plus d'excès que la Révolution française.
Le nombre et l'importance des changements opérés en furent, sans contredit, la première cause ; — mais la nature et le caractère de l'esprit français, si mobile, si impressionnable, furent aussi pour beaucoup dans les crimes qui ont été commis, cela n'est pas douteux.
Quoi qu'il en soit de ces causes et de leurs suites, que devons-nous penser aujourd'hui, placés que nous sommes à près d'un siècle des événements, que devons-nous penser de la Terreur comme moyen révolutionnaire ; — de la Terreur comme moyen de salut et de succès dans l'incroyable crise où se trouvèrent engagés la France et l'Europe après la chute du trône et l'exécution de Louis XVI ?
Il y a aujourd'hui, comme il y eut après le 9 Thermidor, comme il s'en trouva après les événements de 1848 et de 1851, des hommes qui persistent à dire que si la République ne s'est fondée à aucune de ces époques, c'est que les Républicains n'ont été ni assez énergiques, ni assez osés pour faire tout ce qui devait être accompli contre les classes, contre les individus, contre les intérêts qui ne se rangèrent pas d'eux-mêmes sous le rude niveau d'une brutale égalité, en contradiction avec la nature elle-même.
Qu'à chaque reprise de cette affreuse lutte, promptement poussée jusqu'aux plus cruels excès de la surexcitation populaire, il se retrouve toujours des hommes prêts à retrousser leurs manches et à tout détruire de leurs mains, c'est ce dont on ne peut douter, et il n'est localité, si obscure qu'elle soit, qui ne doive rester bien convaincue, qu'il s'y trouverait, à jour dit, quelqu'enfant perdu de la Marianne, disposé à faire, en moment opportun, toute la besogne que les frères pourraient demander. — Quelques mois de 48 et quelques journées de 1851, nous ont appris tout ce que les doctrines de 1793, amendées par la science nouvelle des économistes de tous degrés sauraient faire à un moment donné.
Aussi ne serait-ce rien leur dire que de répéter, pour la millième fois, que le régime de la Terreur fut un régime atroce, que les instincts les plus ignobles et les passions les plus haineuses y jouèrent un rôle infâme ; que tout ce qui était honnête fut sacrifié ..... — A cela ils répondent que sans cette énergie et sans le sang qui fut répandu, le pays et la nationalité eussent péri ; — que sans ces mêmes excès, les bras et la volonté des masses fussent restés inertes ; — que sans la crainte et la Terreur, les ennemis de la Révolution eussent triomphé .....
Eh ! bien, soit ; admettons pour un instant cette argumentation ; soyez , comme vous le dites, les seuls et vrais patriotes du pays, les seuls qui aient aperçu le danger, puis comptons, ou plutôt, en restant sur les lieux, près des faits et des choses, voyons qui vous avez sauvé, qui vous avez préservé du danger, ce que vous avez fait pour le pays, pour son avenir, pour sa prospérité future, car c'est bien là le but que vous vous êtes donné, celui aussi qu'il fallait atteindre.
Nous ne discuterons pas les chiffres de vos réquisitions, l'importance relative de vos levées d'hommes, le nombre des détenus et des émigrés, la valeur des biens confisqués, le nombre et l'importance des têtes qui ont roulé de l'échafaud sur la place publique ; nous ne rechercherons même pas vos actes arbitraires et pleins de violence, vos menaces, vos surprises, vos spoliations de tous genres, vos coups frappés indistinctement à droite et à gauche .... Tout cela fut nécessaire, dites-vous, et si le char en marche a écrasé quelques malheureux, qu'importe, pourvu qu'il soit arrivé ! ! !........
Mais vous le savez mieux que nous, c'est qu'il n'arriva pas, c'est qu'il ne pouvait arriver, c'est qu'il n'arrivera jamais par la voie violente et pleine de colère que vous donnez ainsi pour la seule praticable.
Et, en effet : — à la fin de 1792, vous aviez la France entière et ses inépuisables ressources à votre disposition. Sans chefs, sans généraux, presque sans officiers comme sans administrateurs, on parvint à tout organiser, à tout faire, à tout prévoir dans l'administration comme dans l'armée, et les jeunes soldats du pays, triomphant partout de l'ennemi, grandirent et portèrent au loin le nom glorieux de la France.
Croyez-vous bien et pouvez-vous dire que la mort du Roi, que l'expulsion de tant de prêtres respectables, que les injures prodiguées à tant de nobles sentiments et de pieuses croyances, que ces haineuses préventions contre quelques classes d'hommes et ces soupçonneuses catégories de suspects et de modérés n'aient été pour rien dans les embarras qui suivirent ?
Vous n'oseriez et ne pourriez le dire.
Mais une fois entré dans ce régime, sous prétexte qu'il fallait la force et la Terreur pour arracher les dernières ressources du pays et faire marcher tout le monde en criant la liberté ou la mort, qu'arriva t-il ?
Je me renferme, toujours dans le Finistère et les départements de l'Ouest, et je vois, pièces en mains : — que les prisons étaient pleines d'hommes, de femmes, d'enfants, de suspects de tous rangs et de toute origine, appartenant à la noblesse comme à la bourgeoisie, au clergé comme à la nombreuse classe des cultivateurs, aux plus humbles conditions des travailleurs vivant de leurs bras et de leurs services journaliers ; — que partout, jusques dans les plus petites villes, les prisons et les maisons de détention se multiplièrent sans pouvoir renfermer tous ceux qu'on voulait détenir [Note : Dans plusieurs villes, comme à Quimper et à Morlaix, dans le Finistère, on fut obligé de laisser une partie des suspects dans leurs familles et sur parole].
Que si les églises et les maisons religieuses furent promptement veuves de leurs anciens habitués qu'on ne put saisir, parce qu'ils avaient fui à l'étranger, on imagina, pour les frapper encore, de catégoriser parmi les suspects les frères et les sœurs des absents, jusqu'à leurs plus éloignés parents, jusqu'à leurs domestiques dont la fidélité seule fut un acte contre-révolutionnaire. Et sur ce point, je vois qu'en matière d'émigration et de classification, le père répond de son fils, le fils du père, la femme de son mari, la mère elle même de ses fils, quel que soit l'âge de ceux-ci ou de celle-là.
Quand ainsi, au milieu d'une crise sans égale, tout a été en quelque sorte livré au cours désordonné des passions populaires portées, jusqu'au fanatisme le plus aveugle ; quand tout a été demandé au nom du salut public, je vois, pièces sur table, que le maximum lui-même n'a paré à rien ; que les réquisitions, les levées en masse, comme les spoliations par voie de garnisaires et de commissaires extraordinaires n'ont conduit qu'à une misère commune, à un dénûment absolu.
J'en ai pour preuve les délibérations des villes de Rennes, de Nantes, de Brest, de Lorient, d'Auray, de Quimperlé, de Chateaubriand, de Vitré, etc., etc., qui s'accordent, dès la fin de l'an II, à dire que les populations qu'elles représentent manquent de tout, que le pain est à 40 sols argent la livre dans ces localités, que tous les magasins sont dépourvus de vivres et de marchandises ; que les militaires sont arrêtés dans leur marche, faute de linge et de chaussures ; qu'il y a des équipages qui ont passé l'hiver à la mer sans chemises et sans vêtements ; que la ration du soldat a été successivement réduite de vingt-quatre à douze onces et même à huit ; qu'on ne blute plus aucune farine ni pour les militaires ni pour les citoyens ; enfin que si de prompts arrivages n'ont lieu, il faudra dans les seuls ports de Brest et de Lorient congédier 50 à 60,000 hommes et désarmer la flotte ; faits qui sont chaque jour reproduits et confirmés par la correspondance des Représentants Brue, Guezno, Guermeur, dans le Morbihan ; Faure, Tréhouart, Topsent, et Champeaux, à Brest ; Hoche, Petiet et Daru pour les troupes en mouvement. Quant aux villes, on a un instant voulu rendre leurs officiers municipaux responsables des approvisionnements, et ils ont été égorgés ou obligés de fuir dès qu'ils ont essayé de pénétrer dans les campagnes. Vainement on a mis les troupes à leur disposition : les cultivateurs ne veulent plus des assignats, ne veulent même plus du numéraire qu'on leur offre, et le conseil municipal de la ville de Rennes est obligé, dans ces tristes circonstances, de refuser une allocation de 150,000 francs, espèces que le Comité de Salut public met à sa disposition et dont il ne peut faire emploi.
Et comment cela aurait-il été autrement ? Les réquisitions avaient tout épuisé dans les campagnes, les blés, les fourrages, les bois, les chanvres, les chevaux, les bestiaux de toute espèce, et jusqu'aux hommes et aux enfants eux-mêmes commandés pour aller brûler les brandes et les fougères qui devaient alimenter les ateliers nationaux de cendres et de salpêtres……….. et pour tout cela, des assignats et du papier qui n'avaient plus de cours.
Au dépourvu de tout, l'Etat lui-même ne savait plus à qui s'adresser, et en même temps qu'un arrêté du Comité de Salut public accordait aux cultivateurs, après bien des sollicitations, dix millions de livres de fer pour être échangés contre les derniers blés qu'ils pouvaient avoir [Note : Un agent spécial, nommé Chambon, qui fut envoyé pour cet objet par les Représentants en mission dans l'Ouest, près du Comité de Salut public, ne passa pas moins de deux mois dans les avenues du Comité et de la Convention avant d'arracher cet arrêté qu'il annonçait chaque jour et qu'on remettait incessamment. Et quand l'arrêté eut décidé la livraison aux Représentants des côtes de Brest et de Cherbourg des dix millions de fer qui existaient dans les magasins de la commune de Châteaubriand, il arriva, qu'en raison des distances et de la difficulté des transports, la mesure fut sans aucun résultat, comme il n'était que trop facile de le prévoir]. Les Représentants en mission sur les lieux, malgré ces mesures et les dispositions déjà prises, craignant de voir la récolte elle-même ne pas se faire, engageaient un des leurs, Mathieu, à rendre un dernier arrêté, par lequel on prescrivit aux généraux des armées de Cherbourg, de Brest et de l'Ouest, de faire faire les récoltes par des détachements de troupes cantonnées partout où cela serait possible ; aux administrations des districts et des communes de concourir à cette opération par des ouvriers agricoles qui seraient payés par l'Etat sur le produit des blés récoltés ; — de réunir tous les blés ainsi obtenus dans les magasins de la République et de les distribuer par moitié entre les chefs-lieux de district et les magasins de l'armée, sauf à en remettre le prix aux propriétaires après estimation faite par les administrations de district ; d'aviser ensuite aux ensemencements à faire, en achetant ou faisant fabriquer les instruments nécessaires à cette opération, à des prix qui seraient eux-mêmes soldés en blé provenant de la récolte [Note : Cet arrêté, en douze articles, portait en considérant, « que le nombre des bras disponibles était insuffisant dans la plupart des communes rurales, et que les cultivateurs étaient presque partout empêchés de faire leurs récoltes ». Daté de Rennes, du 24 Thermidor an III, il formait dans son libellé laconique une sorte de résumé des doctrines et des conséquences auxquelles tous les désordres de la Terreur avaient conduit la nation d'une manière presque fatale. Le solde du travail comme de la propriété y était réglé en nature et en blé comme dans une société qui n'aurait pas eu de numéraire. Un article (VIII) porte que si des enfants en bas âge ont été abandonnés dans quelques communes, les quantités nécessaires à leur subsistance seront prélevées et confiées à un homme probe, qui sera chargé de pourvoir à leurs besoins ainsi qu'à ceux des vieillards des deux sexes].
Voilà où on en était à la fin de l'an II, voilà dans quelle situation se trouva le pays en l'an III surtout, après un an au plus de ce régime sans raison comme sans prévision, qui eut la spoliation, l'emprisonnement, le maximum et les réquisitions forcées pour base, la Terreur et les tribunaux révolutionnaires pour moyens. — La crainte et l'intimidation avaient pour un instant aidé à satisfaire aux excessifs besoins de la crise ; mais le cours des événements et les faux assignats dont le pays fut promptement inondé, amenèrent l'inévitable dépréciation de ceux du Trésor, qui perdirent 20, 30, 60 et 100 fois de leur valeur [Note : Nous avons des mercuriales de Landerneau et de Carhaix, qui portent, à cette date, le quintal de froment (50 kilog.) à 1,333 francs et 1,500 francs : — la viande de vache à 15 et 16 fr. la livre]. — Vainement on essaya dans toutes les communes de déjouer la circulation des faux assignats ; — vainement on désigna les receveurs des deniers publics et des commissions spéciales pour ces vérifications comme pour les poursuites à faire. — Les administrateurs des districts et des départements déclarèrent, de toutes parts, aux Représentants en mission, qu'on ne trouvait plus de collecteurs pour les contributions à recouvrer, et que les ventes publiques, notamment celles des biens et des meubles d'émigrés, ne pouvaient plus se faire [Note : Correspondance des Représentants en mission avec les administrations locales des départements de l'Ouest].
Et ce seraient les hommes qui avaient amené un tel état de choses qu'on persisterait à faire passer comme les sauveurs du pays, quand tant de désastres découlèrent directement et sans intervalle des mesures qu'ils avaient prises ! — Mais il faudrait être aveugle pour le soutenir, et plus aveugle encore pour croire que le sang répandu et les excès commis purent servir la cause désespérée des hommes qui s'étaient jetés en dehors de toutes les voies honnêtes, sous prétexte de sauver le vaisseau de l'Etat, qu'au lieu de mener au port, comme ils l'avaient annoncé, ils allaient faire sombrer, si une main forte et habile, guidée par le plus grand génie des temps modernes, n'était venue l'arracher à une perte assurée.
Non, encore une fois, LA TERREUR ne fut et ne sera jamais un moyen de salut public, car dès qu'elle est un moyen d'intimidation, elle est aussitôt une faute pour le parti même qui l'emploie, une cause certaine de compromission pour les hommes qui s'en servent, parce que le sang qu'ils répandent comme la crainte qu'ils inspirent, en faisant naître des excès sans noms, paralysent aussitôt toutes les facultés du pays qu'il aurait fallu conserver plus vives que jamais.
Touchons-nous au moment où les masses comprendront enfin cette irrésistible logique de la justice humaine, dérivant elle-même de la justice de Dieu … — Nous n'osons trop le croire ; mais nous pouvons être sûrs au moins, qu'en s'avançant dans l'ère du travail et du progrès, qui classent et définissent de mieux en mieux les intérêts de tous, les sociéiés humaines trouveront dans ces mêmes intérêts, chaque jour plus solidement établis, autant d'obstacles qu'il deviendra de plus en plus difficile de renverser. — Quelques guerres sociales de l'antiquité durèrent dix et douze ans, celles des temps modernes, en pays civilisés, s'abrègent de siècle en siècle : — quelques mois et quelques jours ont suffi plusieurs fois pour en amener la fin. — L'irrésistible logique des faits en aura un jour complètement raison.
(Armand du Chatellier).
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