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COMMANDERIE DU TEMPLE DE CARENTOIR

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Les chevaliers Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem ayant perdu l'île de Rhodes, en 1522, reçurent quelques années plus tard, de l'empereur Charles-Quint, l'île de Malte où leur Grand-Maître fixa sa résidence. On les nomma depuis ce temps Chevaliers de Malte.

L'ordre de Malte était composé de huit langues, c'est-à-dire d'autant de nations, savoir : Provence, Auvergne, France, Italie, Aragon, Allemagne, Castille et Angleterre. Ces huit langues avaient leurs chefs à Malte. La langue de France se subdivisait en trois grands prieurés, ceux de France, d'Aquitaine et de Champagne. Son chef à Malte prenait le titre de Grand-Hospitalier. Enfin chaque grand prieuré renfermait un certain nombre de commanderies. Lorsque les chevaliers eurent perdu Malte, ils se réfugièrent en Italie où Grégoire XVI autorisa l'installation de leur Ordre à Rome en 1831.

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HISTOIRE

de

LA COMMANDERIE DU TEMPLE DE CARENTOIR

La commanderie de Carentoir, au diocèse de Vannes, relevait du Grand-Prieuré d'Aquitaine, l'un des plus considérables de la Langue de France. Il y avait, en effet, dans les derniers siècles, en Bretagne (non compris le Comté de Nantes), «trois grandes-commanderies composées chacune de plusieurs membres qui avaient été eux-mêmes jadis bénéfices séparés en titre de Commanderie, puis, avec le temps ; réunis pour former des dotations plus importantes ». Ces trois grandes commanderies étaient celles de la Feuillée, de la Guerche et de Carentoir ; nous nous proposons ici d'étudier cette dernière à l'aide des documents inédits que nous avons puisés aux archives départementales de la Loire-Inférieure et d'Ille-et-Vilaine, et aux Temples de Carentoir, chef-lieu de la commanderie, et de la Coëffrie, résidence des commandeurs.

 

Bretagne : Templiers de Malte et Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem

I - Notions préliminaires

Avant de commencer l'histoire de la commanderie Carentoir, il nous faut d'abord dire quelques mots de la situation générale des Templiers et des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem en Bretagne. L'origine de ces deux ordres militaires offre une différence sensible. Les Templiers furent, dès leur naissance, une association guerrière, instiguée pour la conservation et la défense des Lieux-Saints conquis par les Francs en Palestine. Fondé en 1118 par quelques chevaliers croisés, dont Hugues de Payen était le chef, installé par Beaudouin II dans une maison sur l'emplacement du Temple de Salomon, d'où il prit son nom, l'ordre du Temple reçut sa confirmation solennelle au concile de Troyes, en 1128, et ce ne fut qu'après cette date qu'il commença à s'étendre et à acquérir des domaines dans les états occidentaux. On sait qu'au moment de sa suppression il possédait en Europe neuf mille couvents ou seigneuries.  

Un siècle après leur fondation, les Templiers reçurent, en 1217, du duc Pierre de Dreux et de la duchesse Alix, sa femme, des lettres confirmatives touchant leurs possessions en Bretagne. Dans ces lettres Pierre Mauclerc relate les noms des princes, ses prédécesseurs qui avaient successivement enrichi l'ordre du Temple de leurs largesses ; c'est d'abord Conan III, dit le Gros, fils d'Alain Fergent « contes Conanus pioe memorioe » ensuite le comte Hoël, fils désavoué du même Conan ; le comte Alain-le-Noir et son fils Conan IV ; le comte Geoffroy et la comtesse Constance. Pierre ratifie tous leurs dons et énumère ensuite les concessions qui lui sont propres, prenant soin de les distinguer de celles qu'il vient de ratifier.

Malheureusement pour nous, nous ne trouvons point Carentoir mentionné dans les dons du duc Pierre. Il est assez probable que cette commanderie datait de plus loin, et il est bien regrettable que cette charte ducale ne descende pas dans le détail des donations faites par les prédécesseurs du duc et confirmées par lui. Peut-être y aurions-nous rencontré notre commanderie.

Parlons maintenant de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem appelé successivement ordre de Rhodes et de Malte. Les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem dit M. de La Bigne-Villeneuve, ont une origine plus humble mais plus ancienne que les Templiers. Ce fut d'abord au milieu du XIème siècle, une société de frères-servants, d'Oblats, employés par les bénédictins de Sainte-Marie de la Latine à Jérusalem, pour servir les malades et les pèlerins dans un hôpital dédié sous le vocable de Saint-Jean. On les appela : Fratres Sancti Joannis in Jerusalem, - Fratres Jerosolimitani hospitalis, - Hospitalarii. C'est par une cause accidentelle, pour protéger les pèlerins et les malades, qu'ils devinrent ordre militaire et firent un corps à part, commandé par un chef indépendant des moines, leurs supérieurs primitifs. En 1113, une bulle de Pascal II adressée à Gérard, prévôt de l'hôpital de Saint-Jean-Baptiste de Jérusalem, énumère les possessions déjà nombreuses de la nouvelle religion, tant en deçà qu'au-delà de la mer, et organise définitivement la constitution des Frères-Hospitaliers. Il est tout naturel de croire que, dès-lors, ils reçurent quelques libéralités des princes et des seigneurs bretons qui allaient aux Croisades.

En 1160, en effet, le duc Conan IV confirma solennellement les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem dans la possession de tous leurs biens en Bretagne. Dom Morice, en publiant cette charte, a cru mal-à-propos qu'il s'y agissait des commanderies du Temple : c'est une erreur comme l'a fort bien prouvé M. de La Bigne-Villeneuve.

II est donc certain qu'aux XIIème et XIIIème siècles les deux ordres des Templiers et des Hospitaliers avaient d'importants établissements en Bretagne : la charte de Pierre Mauclerc ne nomme qu'un petit nombre des possessions du Temple, mais celle de Conan énumère une grande quantité de terres appartenant aux chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem.

On connaît la déplorable fin de l'ordre du Temple. Le roi Philippe-le-Bel, forma la résolution d'abolir les Templiers accusés de crimes nombreux et de saisir tous leurs biens. Philippe envoya ordre à tous ses baillis de s'assurer des Templiers de leur ressort. "Les mesures furent si bien prises que le 13 octobre de l'an 1307 tous les Templiers qui étaient dans le royaume furent arrêtés. Le roi fit aussi saisir tous leurs biens et nomma des Commissaires pour les administrer. Pierre de Bailleux et Jean Robert, chevaliers, furent envoyés en Bretagne pour y recueillir tous les biens meubles et immeubles des Templiers. A peine ces deux commissaires furent-ils arrivés à Nantes qu'ils se mirent en devoir de faire l'inventaire des effets qui étaient dans le Temple, en présence d'un notaire et de plusieurs témoins. Mais les bourgeois les chassèrent en leur déclarant que le roi n'avait aucun droit sur ces effets et que tous les biens des Templiers en Bretagne appartenaient au duc".

Peu de temps après, le concile de Vienne prononça la dissolution définitive de l'ordre du Temple, en 1312, et donna tous les biens de cet ordre aux chevaliers hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Cette décision du concile fit loi en Bretagne et "c'est une opinion fort bien autorisée, dit M. de Blois, que nos ducs ne cherchèrent pas à profiter du malheur des chevaliers du Temple et que leurs biens en général passèrent à ceux de Saint-Jean-de-Jérusalem".

Lorsque l'on parle des commanderies bretonnes, qui appartinrent toutes depuis le XIVème siècle aux Hospitaliers connus plus tard sous le nom de Chevaliers de Malte, il faut donc distinguer la double provenance des dotations de leur ordre : l'une a pour principe les libéralités faites directement aux Hospitaliers eux-mêmes ; l'autre se rapporte à la confiscation lancée par le roi Philippe-le-Bel contre les Templiers.

C'est ici l'occasion, dit encore M. de La Bigne-Villeneuve, de remarquer que, parmi les possessions des chevaliers de Malte, tous les lieux, qui portent le nom de Temple (et ils sont nombreux), dénotent habituellement que là fut un établissement primitif de Templiers ; de-même que tous les lieux, villages, chapelles isolées, auxquels est affecté le titre d'Hôpital, le vocable de Saint-Jean, doivent être rangés au nombre des propriétés originaires des Hospitaliers. Je crois que cette règle souffre peu d'exceptions, s'il en existe.

Terminons ici ces généralités qui nous seront fort utiles dans le cours de ce travail et entrons au coeur même de notre sujet.  

 

Bretagne : Templiers de Malte et Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem

II - Le temple de Carentoir à l'époque des Templiers

Nous venons de dire que la charte confirmative des biens des Templiers donnée en 1217, par Pierre Mauclerc, ne mentionnait point le temple de Carentoir. Cette commanderie devait exister cependant déjà, et elle pouvait faire partie des donations faites par les prédécesseurs du duc. J'en trouve la preuve dans la construction de l'église du temple de Carentoir, dont l'arcade romane séparant la nef du choeur, annonce une haute antiquité. Je remarque de plus, qu'il fallait bien que le temple de Carentoir eût une certaine importance au temps même des templiers pour que leurs successeurs, les hospitaliers, en fissent le chef-lieu de leur commanderie, de préférence à leurs propres hôpitaux. Enfin, je signale la tradition populaire qui a conservé le souvenir des moines rouges, et qui raconte qu'on vint un jour surprendre les chevaliers du temple dans leur château de Carentoir et qu'on les y massacra impitoyablement.

Voilà tout ce que nous savons, au reste, du temple de Carentoir à l'époque des templiers. Rien ne nous prouve, en effet, que les autres, temples dont nous allons bientôt parler, dépendissent en ce temps-là de Carentoir. On ne connaît pas assez l'organisation de l'ordre du temple en Bretagne pour faire même des suppositions sous ce rapport. Les documents écrits nous manquent et le peuple n'a conservé souvenir que de la terrible chute des chevaliers.

 

Bretagne : Templiers de Malte et Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem

III - La Commanderie de Carentoir aux XVIème et XVIIème siècles

Les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, devenus propriétaires des biens du temple en Bretagne, les réunirent à leurs propres possessions, et formèrent ainsi l'importante commanderie de Carentoir, que vont nous faire connaître les aveux et déclarations de 1551, 1574, 1677, 1680 et 1681.

Nous allons d'abord donner la liste des divers membres de cette commanderie :

Dans le diocèse de Vannes :

1° Le temple de Carentoir, paroisse de ce nom ;

2° Le temple du Guerno, anciennement paroisse de Noyal-Muzillac (aujourd'hui paroisse dudit lieu) ;

3° Le temple de Questembert, paroisse dudit lieu ;

4° Les deux temples de Limerzel, paroisse dudit lieu ;

5° Le temple de Fescal, paroisse de Péaule ;

6° Le temple de Lantiern, paroisse d'Arzal ;

7° Le temple de la Vraie-Croix, paroisse de Sulniac, et les temples de Gorvello, même paroisse de Sulniac et de Molac, paroisse dudit lieu ;

8° L'hôpital de Malansac, paroisse dudit lieu ;

9° L'hôpital de Villenart, paroisse de Ploërmel, et le temple de Guillac, paroisse dudit lieu ;

10° Le Pont-d'Oust, paroisse des Fougerêts, et le temple de Saint­Congar (ou Saint-Congard), paroisse dudit lieu ;

Dans le diocèse de Saint-Brieuc :

11° L'hôpital de Quessoy, paroisse dudit lieu ;

12° L'hôpital de la Croix-Huis, paroisse de Pléboulle ;

13° Saint-Jean de Port-Stablehon, paroisse de Saint-Suliac, diocèse de Saint-Malo ;

14° Roz-sur-Couesnon, paroisse dudit lieu, diocèse de Dol ;

15° Le temple de la Coëffrie, paroisse de Messac, diocèse de Rennes.

Nous étudierons successivement chacun de ces établissements commençant par le chef-lieu, c'est-à-dire le temple de Carentoir qui donnait son nom à toute la commanderie. La déclaration que fit le 17 mars 1574 "noble personne, frère Jehan, commandeur de la commandrye de Carantouair" décrit en termes malheureusement trop brefs le temple de Carentoir : "La mayson et manouayr de la commandrye de Carantouer avecques l'église, cimetière et mayson presbytérale dudit lieu, en l'évesché de Vannes. Une justice patibulaire assise sur les landes du temple et au jouaignant du grand chemin qui conduist de la ville de Ploermel au port de Bellé" (Archives de Loire-Inférieure).

Nous avons entre les mains un long et curieux titre, dont la première et dernière pages ont été très fâcheusement déchirées. Nous n'en connaissons donc pas la date précise, mais comme c'est un état des améliorations de la commanderie de Carentoir faites par Gilles du Buisson, commandeur de cette commanderie, et comme d'un côté nous y trouvons mention d'un acte passé en 1642 et que de l'autre nous savons que Gilles du Buisson n'était plus commandeur en 1645 nous donnons approximativement la date 1644 (mitoyenne entre 1642 et 1645) à ce titre qui nous sera d'un grand secours pour notre travail.

Or ce titre s'exprime ainsi au sujet de Carentoir : "Item au derrière de ladite église (du temple de Carentoir), vers amont sont les vieilles mazières où autrefois était le logis et manoir du commandeur qui a esté desmolli par l'injure des guerres civilles fors une grange qui est pour serrer les gerbes de la dixme qui appartient du tout en ladite paroisse du temple audit-commandeur, qui se lève pour la pluspart à la dixiesme, tant de grains que fillaces" (A noter que l'aveu de 1677 est plus explicite : "Il est aussy deub sur les terres y subjectes la dixmes, partie à la dixiesme et partie à la quinxiesme gerbe, tant de grains que de fillaces et les prémices sur les bestes à laine" - Archives de Loire-Inférieure).

Il résulte de ce qui précède que dès le XVIème siècle le temple de Carentoir était une paroisse ayant son église, son cimetière et son presbytère distincts des église, cimetière et presbytère de Carentoir. On voit aussi que le manoir, résidence du commandeur, existant encore en 1574, fut détruit pendant les guerres de la Ligne, peut-être bien en 1594 lorsque les Anglais, auxiliaires de l'armée du maréchal d'Aumont, incendièrent le château de La Gacilly. Nous verrons plus loin qu'à partir de cette époque les commandeurs de Carentoir logèrent au manoir du temple de la Coëffrie, en Messac, toutes les fois qu'ils séjournèrent en Bretagne.

"Et au costé dudit logix (la grange de Carentoir) sont les jardins appelés le clos, plantés d'arbres fruitiers au côté desquels est un petit bois de haulte futaie autour duquel et desdits logix et grange est la prée le tout se joignant ensemble et pouvant contenir environ de huit journaux le tout bien mesnagé. Item du ceste de ladite église, du côsté d'amont, est le logix presbytéral composé de chambres haultes et grenier au-dessus, et au dessous est un appart quy sert de cuisine, au costé de laquelle est un cellier et d'aultre une estable, le tout couvert d'ardoise en bon estat. Il y a un petit jardin au devant cerné de vieilles murailles dont jouist ledit recteur, avec les oblations pour tout salaire" (Etat de 1645).

Remarquons bien ces derniers termes : ils nous expliquent les procès qui surgirent plus tard entre les commandeurs et les recteurs du temple, lorsque ces derniers réclamèrent les dîmes de la paroisse.

"Plus sur toute ladite paroisse sont deubs à ladite commanderye, nombre de rentes, tant par argent que bleds comme il appert par les adveux que ledit du Buisson s'est fait rendre depuis qu'il est en pocession de ladite commanderye ; le roolle se peult monter à la somme de environ 16 livres Tous lesquels hommes subjects dudit lieu doibvent par chacun an deux corvées. Plus à une mousquetade dudit bourg du temple est un moullin à vent réédifié tout de neuf par ledit du Buisson, commandeur susdit, où tous les hommes sujects de ladite commandrye, qui sont soubs la banlieue, sont sujects de porter moudre leurs bleds, au debvoir mouture qui est le saiziesme, à peine d'amande" (Etat de 1645).

Ce moulin existe encore sur la lande au nord du temple, sur sa porte on voit les restes d'une vieille inscription et deux écussons portant jadis probablement les armoiries de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem. Du pied de ce moulin l'on jouit d'un admirable coup d'oeil sur la vallée de l'Aff.

"Audit lieu (du temple), y avait aultrefoys un four à ban qui estoit une rue par où l'on va de l'église au cimetière, mais il est ruisné parce qu'il n'y a point de bois en ce cartier-là pour le chauffer, et aussy que les habitants ont faict accord avec ung commandeur pour certaine rente par bled pour avoir licence de faire des fours chez eux" (Etat de 1645).

Notons ici que le cimetière du temple n'entourait pas l'église comme c'était en ce temps la coutume partout. On s'y rendait par la rue du Chauffault, et il se trouvait, je pense, là où il est encore maintenant. Il est probable que cette rue du Chauffault tire son nom de l'ancien four banal.

"Et est ledit lieu errigé en haulte justice, moyenne et basse, et pour marque de ce il y avait une justice patibulaire proche ledit moullin, avec droit de deshérance, lods et ventes, espaves , gallois, successions de bastards et tout ferme droit" (Etat de 1645).

Le gibet de la juridiction du temple avait, comme l'on voit, disparu vers le même temps que le manoir seigneurial, puisque nous avons dit qu'il se dressait encore sur la lande en 1574.

Quant à la juridiction elle-même, elle s'exerçait, au temps du commandeur du Buisson, "tous les vendredys, ou quand le cas y escheut, par les officiers de ladite seigneurie (du temple), dont est séneschal escuier François Mallet, sieur de la Boissière, escuier Jan Marguadet, sieur de la Tousche, procureur fiscal, Jan Thorel, greffier" (Etat de 1645).

De ces trois personnages, le premier est, je pense, le même que François Mallet, sieur de la Boissière et de la Geslinaye, marié à Guyonne Gouro, vivant en 1635. Le deuxième devait être le propriétaire du manoir de la Touche-Marcadé, voisin du temple. Et le troisième appartenait à une famille bourgeoise importante dans le bourg du Temple, où elle laisse encore son nom à un antique logis, après avoir donné un recteur et plusieurs officiers de juridiction à la paroisse.

Notons également que l'auditoire où s'exerçait la juridiction du Temple était le « chapitreau » qui existe encore au devant de l'église, et que la prison seigneuriale avoisinait le presbytère ("Au-devant de laquelle église est le chapitrel soubs lequel a de coustume de s'exercer la juridiction dudit lieu aux jours accoustumez par les officiers, qui sont le séneschal, alloué, lieutenant, procureur, notaire et sergent ... et tout contre la maison presbitéralle estait autrefois la prison de la juridiction" - Aveu de 1677). 

Remarquons enfin que le commandeur du Buisson affermait tout son domaine du Temple de Carentoir : "Duquel est fermier M. Jan Marchand soubs et de par ledit du Buisson, pour lui en payer par chacun an, avec ledit moullin, la somme de deux cents cinquante livres tournois et une mine d'avoine, ferme passée par M. Jan Thorel, lesquels Marchand et Thorel sont demeurants en ladite parouesse du Temple" (Etat de 1644). 

Nous allons maintenant compléter cette intéressante description du vieux Temple de Carentoir par divers extraits d'un aveu rendu au roi, le 3 juillet 1677, par "frère René Chevrier, chevalier magistral de l'ordre de Saint-Jean de Hiérusalem, commendeur d'icelle commenderie de Carentoir".

Et d'abord parlons, de l'église du Temple : "Est ladite églize parroachialle et son cimetière fondée en l'honneur du glorieux patron de l'Ordre, monsieur saint Jean-Baptiste. Pour le service de laquelle églize, le commendeur substitue un vicaire parce qu'il arrive quelquefois que le commendeur n'est pas prestre et peut estre homme portant les armes. Auquel commendeur appartiennent les honneurs et prééminences en ladite église, au hault de laquelle et à costé du maistre-autel est le banc des commandeurs, et les armes de leur Ordre et les leurs sont dans les principalles vitres. Et prend ledit commendeur ou son vicaire, toutes les oblations qui tombent journelle­ment en ladite église".

Comme l'on voit, le commandeur de Carentoir était en réalité recteur du Temple à cette époque, il était ce qu'on appelait alors curé primitif et se faisait remplacer au besoin par un vicaire, qui prenait fort improprement le titre de recteur. 

Le bourg du Temple était en ce temps-là plus important qu'il n'est maintenant, il était divisé par trois rues : "la rue d'Aval" descendant au sud vers le manoir du Val, — "la rue du Chauffault" conduisant au cimetière, au four banal, et au manoir de Rollienne, — et "la rue de Marsac" se dirigeant au nord vers cet antique lieu de Marsac, qu'habita le roi gallo-romain Eusèbe (Vita S. Melanii, apud Bollandum). Non loin du bourg se groupaient "les villages du Bourg-Neuf, des Landes-Rouxel , de la Porte-aux-Gugnaux, du Boiffaux et de la Gillardais". Enfin nous venons de nommer les maisons nobles de Rollienne et du Val, également voisines du bourg et appartenant la première à Paul du Bezit, seigneur de Bray, marié à Julienne de Kerveno, et la seconde à Jean Marcadé et à Perronnelle Hudelor, sieur et dame du Val (1676). Ces deux manoirs devaient au commandeur de Carentoir "obéissance, foy et rachapt".

Il n'est pas étonnant de voir le bourg du Temple jouir, à cette époque, d'une grande prospérité : ses habitants possédaient, en effet, de beaux privilèges malheureusement négligés, paraît-il, dès 1677 : "avait ledit commandeur droit et privilège que tous et chacun ses hommes estaient francs et exempts de tous debvoirs de coustume, péages et guetz ; et mesme portaient une croix cousue sur leurs vestements, comme plusieurs anciens affirment, et mesme encores de présent il y a presque sur touttes les portes des maisons tenues de ladite commanderie une croix gravée dans la pierre pour marque des franchises, lesquels privilèges et franchises se discontinuent, presque partout, tant par la négligence des subjets que des officiers" (Aveu de 1677).

J'ai retrouvé dans le village de la Gillardais de curieuses maisons du XVIème siècle dont les cheminées sont ornées d'un écusson chargé de cette croix, signe de franchise. La maison appelée le Grand-Hôtel, appartenant, au XVIIIème siècle, au sénéchal Jean Bouschet, marié à Jacquette Brénugat, est particulièrement remarquable ; on y voit deux fois cette croix et une inscription de 1516.

La tradition a également gardé souvenir du droit d'asile du Temple. On y montrait encore naguères l'emplacement d'un arbre appelé le chêne de la Sauvegarde : nul n'avait droit de saisir l'accusé qui se réfugiait sous l'ombrage de cet arbre protecteur et embrassait son tronc.

Mais si les sujets du commandeur était privilégiés, celui-ci avait cependant des droits sur eux. Outre ceux que nous avons déjà signalés, il faut noter le suivant : "Par tous les lieux de la commanderie où il y a assemblée, à quelque feste de l'année que ce soit, ledit commandeur a droit et est en possession de prendre un pot par pipe sur les vins et cidres et debvoirs de coustume sur les autres marchandises et menues denrées qui s'y vendent et débitent".

De son côté le commandeur de Carentoir "advoue tenir prochement du Roy sa commanderie à devoir de prières et oraisons".

Enfin le temple de Carentoir avait à cette époque "un trait de dixme à la trente-sixiesme gerbe s'extendant en la paroisse de Plélan, ressort de Ploërmel, au fief et frairie du Tellivet ; laquelle se départ annuellement entre ledit commandeur, le recteur dudit Plélan et le prieur de Saint-Barthélemy, tiers-à-tiers".

Telle est la physionomie toute particulière du Temple de Carentoir aux XVIème et XVIIème siècles. Il nous faut parler maintenant des autres membres de cette commanderie et faire tout d'abord remarquer que le plus grand nombre de possessions de Carentoir se trouvaient au diocèse de Vannes et étaient presque toutes d'anciennes templeries, aussi allons nous commencer par étudier ces dernières. 

 

Bretagne : Templiers de Malte et Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem

IV - Les Temples, membres de Carentoir, dans le diocèse de Vannes

 

Dans le diocèse de Vannes :

1° Le temple de Carentoir (voir commune de Carentoir);

2° Le temple du Guerno (voir commune de Guerno) ;

3° Le temple de Questembert (voir commune de Questembert) ;

4° Les deux temples de Limerzel (voir commune de Limerzel) ;

5° Le temple de Fescal (voir commune de Péaule) ;

6° Le temple de Lantiern (voir commune d'Arzal) ;

7° Le temple de la Vraie-Croix (voir commune de Vraie-Croix), et les temples de Gorvello, (voir commune de Sulniac) et de Molac (voir commune de Molac) ;

8° L'hôpital de Malansac (voir commune de Malansac) ;

9° L'hôpital de Villenart (voir commune de Ploërmel), et le temple de Guillac (voir commune de Guillac) ;

10° Le Pont-d'Oust (voir commune des Fougerêts), et le temple de Saint-Congard (voir commune de Saint-Congard) ;

 

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V - Les Temples, membres de Carentoir, dans le diocèse de Saint-Brieuc et autres diocèses

 

Dans le diocèse de Saint-Brieuc et autres diocèses :

11° L'hôpital de Quessoy (voir commune de Quessoy) ;

12° L'hôpital de la Croix-Huis (voir commune de Pléboulle) ;

13° Saint-Jean de Port-Stablehon (voir commune de Saint-Suliac), diocèse de Saint-Malo ;

14° Roz-sur-Couesnon (voir commune de Roz-sur-Couesnon), diocèse de Dol ;

15° Le temple de la Coëffrie (voir commune de Messac), diocèse de Rennes.  

 

Bretagne : Templiers de Malte et Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem

VI - Les chevaliers de Malte - Commandeurs de Carentoir


Nous allons seulement citer les commandeurs de Carentoir dont les noms sont parvenus jusqu'à nous.

Jean PELLETIER : Ce commandeur rendit aveu au roi le 17 mars 1574, pour la commanderie du Temple de Carentoir et de l'Hôpital de Quessoy. Il est accusé par ses successeurs d'avoir aliéné quelques parties de son bénéfice sans autorisation.  

N… LE BRETON : En 1609 fut faite une enquête par un délégué du Présidial de Vannes, à propos d'une contestation entre le frère Le Breton, chevalier de Saint-Jean-de-Jérusalem, commandeur des Temples de Carentoir et du Guerno, et le recteur de Noyal-Muzillac, au sujet de leurs droits respectifs au Guerno (Le Morbihan et ses monuments, par Cayot-Délandre).  

François ROGERON : Un monitoire de Mgr Cornulier, évêque de Rennes, en date de 1620, nous apprend que, dès le 13 février 1617, messire François Rogeron, commandeur de Carentoir, se plaignit de ce que des gens de mauvaise volonté s'étaient "emparez des biens tant meubles qu'immeubles de la commanderie de Carentoir comme des maisons et terres, et (avaient) emporté des toilles, draps, serges tant de laine que de soye, papiers de ladite maison, grande somme d'or et d'argent, vin, huile, orge, froment et grande quantité d'autres blatiers, pesles et ustensiles dudit logis, le tout à son grand préjudice". Il paraît, d'après ce titre, que le commandeur Rogeron fut contemporain de la ruine du manoir de Carentoir. Il n'y survécut pas longtemps et dut mourir peu après la publication de ce monitoire (Archives du temple de la Coëffrie).

Gilles DU BUISSON : Messire Gilles du Buisson, commandeur de Carentoir, présenta en effet, le 26 novembre 1621, une requête au Parlement de Bretagne, pour avoir une main-levée des meubles délaissez par feu frère François Rogeron, commandeur de Carentoir son prédécesseur. Sa demande fut exaucée, et l'année suivante il fut mis en possession de tous les biens de la commanderie. Frère Gilles du Buisson fit de fréquents séjours au manoir de la Coëffrie ; il y reconstruisit en partie la chapelle où l'on voit encore son nom sculpté sur la charpente ; il s'occupa également avec soin de tous les membres de sa commanderie, relevant les édifices qui menaçaient ruine, faisant rentrer les rentes qui avaient été injustement aliénées, recueillant avec soin les titres de son bénéfice, embellissant même sa résidence champêtre de la Coëffrie. C'est lui qui fit faire, vers 1644, l'état des améliorissements de la commanderie de Carentoir (Archives du temple de la Coëffrie).  

Jacques COUSTARD DU MOULLINET : Plusieurs aveux rendus en 1645 à frère Jacques Coustard du Moullinet nous apprennent qu'à cette époque la commanderie de Carentoir était entre les mains de ce chevalier. Il eut un différend avec Jean Coué "recteur ou vicaire perpétuel du temple de Carentoir", au sujet des dîmes de cette paroisse. Il mourut en 1649, car nous avons un "inventaire des biens meubles trouvez au lieu et manoir de la Couëfferye, après le décès de feu frère Jacques Coustard du Moullinet, cy-devant commandeur de ladite commandrye de Carentoir". Cet inventaire est daté du 8 octobre 1649 et nous apprend aussi que le commandeur Coustard "s'était retiré à Angers" où probablement il mourut (Archives du temple de la Coëffrie).  

N …. LAURENCIN : Je ne connais le chevalier que par un relevé de 40 aveux rendus, de 1651 à 1667, à "Monsieur Laurencin, commandeur de la commanderie de Carentoir" (Archives du temple de la Coëffrie).  

René CHEVRIER : "Frère René Chevrier, chevalier magistral de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem", rendit aveu au Roi le 3 juillet 1677 pour la commanderie du temple de Carentoir, et le 3 janvier 1681 pour le temple de la Coëffrie en particulier. A cette dernière époque le commandeur de Carentoir habitait "ordinairement en la ville d'Angers, paroisse de Saint-Auron", mais nous voyons qu'il venait assez souvent visiter son manoir de la Coëffrie. Il semble même que René Chevrier fit de notables réparations à ce manoir. La date de 1682 qui se voit sur les fenêtres du rez-de-chaussée de la Coëffrie nous permet d'attribuer à ce commandeur la construction de la salle et du salon qui subsistaient naguères encore et qui n'existaient pas du temps de Gilles du Buisson. On dut faire en même temps une nouvelle chambre haute et l'escalier intérieur actuel. Le commandeur Chevrier soutint un long procès contre les paroissiens de Messac, relativement aux dîmes dues par eux au temple de la Coëffrie. Chose assez singulière, ayant été transféré de la commanderie de Carentoir à celle de Perros et Launay, René Chevrier continua à procéder au nom de son successeur.  

Jacques ARNAULT : Nous avons une lettre de ce commandeur "traité d'infirme et éloigné de Bretagne" par René Chevrier, dans laquelle il dit "qu'il est surpris d'apprendre que depuis 1696 qu'il est titulaire de la commanderye de Carentoir il se poursuit un procès en la Cour, sous le nom de frère René Chevrier ; cy-devant commandeur de la même commanderye". Frère Arnault supplie en conséquence les membres du Parlement de Bretagne de ne pas terminer ce procès sans l'entendre, puisqu'il s'agit de son propre bénéfice (Archives du temple de la Coëffrie).  

François COUPPERIE DE BEAULIEU : Ce commandeur reçut au temple de Carentoir, le 6 juillet 1717, le commandeur de la Guerche, Gabriel du Chilleau, faisant la visite priorale ordonnée par les statuts de l'Ordre. La même année le commandeur Coupperie vint à la Coëffrie et les registres de Messac nous apprennent qu'il était prêtre. Nous avons vu plusieurs aveux qui lui furent rendus depuis 1717 jusqu'en 1720 (Registres paroissiaux de Carentoir et de Messac).  

Simon BOUCHEREAU : Le 7 juin 1729 "frère Simon Bouchereau, religieux de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem et commandeur de Carentoir, demeurant en son manoir de la Coëffrie", afferma sa métairie du temple de la Coëffrie à Jean Volant. Ce commandeur dut mourir à la fin de 1738, car le 22 janvier 1739, on procéda "à la vente des biens meubles délaissés par feu Monsieur Bouchereau, vivant chevalier, commandeur de Carentoir" (Archives du temple de la Coëffrie).  

Jacques FRIN DES TOUCHES : Nous possédons un document très curieux émané de ce commandeur : c'est un état des améliorissements faits par lui dans sa commanderie de Carentoir, en 1745. Frère Jacques Frin était encore commandeur de Carentoir, en 1750.  

Claude LE NORMAND :  "Frère Claude Le Normand, prêtre conventuel de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, commandeur de Carentoir, demeurant présentement au temple de la Coëffrie" afferma, le 9 novembre 1754, tous les biens de sa commanderie à Léonard Rozy et à Françoise de Cérizay sa femme, demeurant à leur manoir du Bois-au-Fût, en Maure. Ce même commandeur fit la déclaration de sa commanderie de Carentoir le 30 janvier 1755. Il est qualifié en 1776 du titre de chancelier de l'Ordre au grand prieuré d'Aquitaine. Cette année-là au mois de septembre, il vint visiter sa commanderie de Carentoir (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine).

 

Bretagne : Templiers de Malte et Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem

VII - Visite de la commanderie de Carentoir par trois Chevaliers de Malte , en 1745


Le 3 mai 1745, le chapitre provincial du grand prieuré d'Aquitaine se tenant à Poitiers, en l'hôtel du grand prieuré, sous la présidence du Bailli de Choizy, grand prieur d'Aquitaine, frère Louis-Jacques-René Frin des Touches, commandeur de Carentoir, fit "dire et remontrer aux chevaliers ses frères, que depuis qu'il était pourvu d'icelle commanderie de Carentoir, il avait fait de belles et grandes améliorations, augmentations et réparations, lesquelles, selon les usages et coustumes de la Religion, il désirait faire apparaître authentiquement pour s'en aider et prévaloir à future promotion". Sa requête fut entendue et une commission "signée de frère Jan de Montenay, chancellier au grand prieuré d'Aquitaine et scellée du grand sceau à l'aigle", fut donnée à frère René de Brilhac, chevalier commandeur d'Amboise et à frère Jacques Guinebauld de la Grostière, chevalier commandeur d'Ansigny et de la Guerche et receveur général au grand prieuré d'Aquitaine, de visiter, selon les règles de l'Ordre, la commanderie de Carentoir toute entière. Le 25 mai suivant, le commandeur de Carentoir se réunit aux commandeurs d'Amboise et de la Guerche "dans la ville de Moncontour, à l'auberge de l'image Saint-Jan". Il avait amené avec lui, pour dresser le procès-verbal de l'état de sa commanderie "maître Jean-Baptiste Janvier, procureur fiscal de la baronnie de Bossac et la Thébaudaye".
Ce fut donc de Moncontour que partirent nos trois chevaliers de Malte, après avoir "pris serment entre les mains l'un de l'autre sur leurs croix de bien exactement vacquer à l'exécution de la commission" (Outre la croix blanche cousue sur leurs vêtements, les chevaliers de Malte portent une croix d'or suspendue sur la poitrine).
Ils se rendirent tout d'abord "à la chapelle de l'hôpital de Quessoy distante de deux lieues et demye de Moncontour", et y rencontrèrent "Mre Pierre Morin, prêtre chapelain d'icelle, qui leur présenta de l'eau bénite, et après avoir fait leur prière à Dieu, ils remarquèrent, sur le le milieu de l'autel une statue de sainte Anne, du costé de l'évangile une statue de saint Jean et du costé de l'épître une autre statue sans inscription". (Suit l'inventaire de la décoration de l'autel, des ornements et du linge de la chapelle) ... Ils signalèrent également "dans le sanctuaire un banc de la commanderie au-dessous duquel il s'en trouve un autre appartenant à M. de la Houssais-le-Vicomte ... Tous les murs de la chapelle reblanchis à neuf, et sur lesquels est une lizière avec les armes de la Religion, peintes sur icelle ; la chapelle pavée de briques et de plusieurs tombes ... Au-dessus de la porte, deux cloches bien sonnantes ... Vis-à-vis de ladite chapelle un cimetière entouré de murs, planté de plusieurs arbres fruitiers et en dehors de chênes ...". Ils demandèrent ensuite "audit sieur Morin, chapelain, quel service se faisait dans ladite chapelle ; il leur dit qu'il y disait la messe deux fois par semaine, au moyen des oblations que donnaient les voisins".
Les commandeurs visitèrent ensuite la tenue de la vigne, la métairie de la Rue-Cochart, le moulin de l'hôpital, la métairie des Granges qui formaient le domaine du Quessoy, puis ils s'informèrent du droit de juridiction que possédait le commandeur de Carentoir en ce lieu, et on leur répondit que c'était "une haute, moyenne et basse justice, qu'elle était pourvue d'officiers et qu'elle s'exerçait tous les quinze jours". Enfin, les commissaires trouvant toutes choses en bon état et considérablement améliorées par le frère Frin des Touches "remontèrent à Cheval et retournèrent à la ville de Moncontour pour y coucher".
Le lendemain, 26 mai, environ les sept heures du matin, nos voyageurs reprirent leurs chevaux et galopèrent "vers la ville de la Trinité, en Porhoët, distante de Moncontour de six bonnes lieues, où étant arrivés environ midi, ils descendirent à l'auberge du Lion d'Or ; ils y dînèrent et ensuite tous de compagnie remontèrent à cheval environ les deux heures de l'après-midi et se rendirent au château de Crévy, distant de la Trinité de six bonnes lieues, où ils arrivèrent environ les huit heures du soir".
La famille de Brilha, à laquelle appartenait le commandeur d'Amboise, possédait au siècle dernier le château et le comté de Grévy, importante seigneurie située dans la paroisse de La Chapelle-sous-Ploërmel. Ce fut très préalablement pour cette raison que les trois chevaliers allèrent demander l'hospitalité à Crévy ; ils avaient longuement chevauché toute la journée et c'était d'ailleurs le lendemain fête de l'Ascension, aussi remirent-ils la suite de leur procès-verbal au vendredi suivant.
Ce jour-là, 28 mai, ils montèrent à cheval de nouveau pour aller au temple de Carentoir, "distant dudit château de Crévy d'environ cinq lieues, et ils y arrivèrent sur les onze heures du matin". Entrés dans l'église paroissiale du temple de Carentoir, ils rencontrèrent "Mre Jean Marot, recteur de ladite paroisse" qui leur présenta l'eau bénite et leur ouvrit le tabernacle. Après avoir "fait leurs adorations", ils reconnurent que "le Saint-Sacrement reposait dans un ciboire d'argent, ... Le tabernacle doublé convenablement et doré en dehors également que les deux gradins d'autel sur lesquels sont deux statues, l'une représentant saint Jean-Baptiste du côté de l'Evangile et l'autre sainte Magdeleine du côté de l'épître ; au-dessus du tabernacle est un grand tableau de sept pieds en carré, représentant le baptême de Notre-Seigneur". Aussi sur les gradins un crucifix avec son Christ d'ivoire et six chandeliers de bois doré. Mre Marot conduisit ensuite ses visiteurs à la sacristie, et leurs montra trois calices d'argent dont deux étaient dorés, une croix processionnelle d'argent "d'environ deux pieds de haut dans laquelle est une relique de la Vraie-Croix", et une assez grande quantité d'ornements sacerdotaux. Il n'est point question dans cet inventaire d'un très curieux reliquaire que possède maintenant encore l'église du temple et que personne n'a cependant signalé, à ma connaissance, aux archéologues. Ce reliquaire offre une grande analogie avec celui de la Vraie-Croix de Sulniac : il a la même forme, celle d'une croix à double branche ; il a la même hauteur, 20 centimètres ; il est de même matière, cuivre doré ; il offre enfin la même décoration, composée de pierres incrustées. Le Christ est revêtu d'un jupon bleu en émail, il  est couronné d'une couronne royale ouverte et est étendu sur la plus grande branche de la croix. Au milieu du petit croisillon supérieur est un petit reliquaire ovale ; deux autres semblables se trouvent l'un au-dessus de la tête du Christ, l'autre à ses pieds ; des cabochons verts, sortes d'émeraudes, ornent le pied et le sommet de la croix, ainsi que chaque extrémité des branches. Cette croix elle-même est en bois revêtu de cuivre doré et gravé en creux présentant un dessin de feuillages : une boucle placée au haut du reliquaire prouve qu'il est destiné à être suspendu. Je crois que cette croix, vraiment intéressante, peut remonter au XIIIème siècle comme celle de Sulniac, mais elle a été évidemment ouverte à une époque postérieure, car le revers est une plaque de cuivre grossièrement clouée au mépris d'une vis qui autrefois ouvrait certainement le reliquaire. On ne peut plus l'ouvrir maintenant sans s'exposer à le détériorer et l'on ne peut savoir ce que renfermaient les trois reliquaires qui accompagnent le Christ ; toutefois l'oubli où le procès-verbal de 1745 laisse cet antique reliquaire, et la mention de la présence d'une vraie-croix dans une croix processionnelle joints à la rupture évidente de ce reliquaire, faite au siècle dernier (XVIIIème siècle), nous autorisent à croire que l'on a détaché de la primitive croix à double branche la relique de la Vraie-Croix, pour la placer dans une autre croix plus grande, dans "cette croix d'argent de deux pieds de hauteur". A l'époque de la Révolution, M. René Auvray, procureur fiscal de la commanderie du temple de Carentoir, sauva du pillage la relique de la Vraie-Croix, renfermée dans la grande croix d'argent ; Madame Orinel, sa fille, s'empressa de la remettre au recteur du Temple, lorsque cette paroisse fut rétablie ; il y a tout lieu de penser que c'était la relique principale de cet intéressant reliquaire du XIIIème siècle. Mais il est temps de revenir à nos commissaires. En sortant de la sacristie, ces derniers notèrent le banc du commandeur, au côté de l'Evangile, dans le sanctuaire, mais ils ne mentionnèrent point près de ce banc, un tombeau qui méritait un peu plus d'égards. Ce tombeau, qui existe encore maintenant, est celui d'un chevalier de Saint-Jean-de-Jérusalem. Qu'elle était sa forme primitive, nous ne pouvons le savoir ; car le commandeur Frin des Touches reconstruisit entièrement le chanceau de l'église du temple de Carentoir, en 1744. Il est évident qu'il démolit alors ce tombeau, dont il conserva seulement la statue tumulaire, qu'il plaça dans une niche grossièrement ouverte dans le mur, à droite du maître-autel. L'ancien monument devait, au reste, occuper la même place, car, on a trouvé depuis peu un caveau sépulcral sous cette statue. Je pense même que le mausolée primitif était un tombeau-arcade renversé avec l'antique muraille du chanceau. Quoi qu'il en soit, cette statue tumulaire est en bois, et paraît fort ancienne : le chevalier qu'elle représente est de grandeur naturelle, revêtu d'une robe et couché, les mains jointes sur la poitrine ; sa tête est nue et ornée d'une longue chevelure. On voyait naguères à côté un écusson sur bois, paraissant beaucoup moins ancien et dont les émaux avaient disparu, sauf le champ qui paraissait d'or. Cet écusson devait être à l'origine attaché au-dessus du mausolée, je crois qu'il fut placé par ordre du commandeur Frin des Touches lorsque le tombeau fut relevé, en 1744. Avec la disparition des armes de ce chevalier se perd tout espoir de connaître son nom, puisque le tombeau n'offre point d'inscription et n'est point signalé dans les titres de la commanderie. On a également trouvé dans le sanctuaire du temple un autre caveau sépulcral et deux pierres tombales, sans épitaphes. C'était peut-être l'enfeu des seigneurs de la Chouasnière, qui se faisaient enterrer dans l'église du temple, au XVIIIème siècle, avec la permission des commandeurs.

Les commissaires signalèrent dans leur procès-verbal "un grand vitrage, du côté de l'épître, dans lequel sont les armes de la Religion, et dans ledit chanceau plusieurs bancs appartenant à différents particuliers (c'était les bancs des manoirs voisins de La Poupinais, de la Chouasnière, etc ...), et aussi un banc tenant lieu de chœur pour les prêtres, devant lequel est un pupitre, de plus un confessionnal". De là étant entrés dans la nef, ils remarquèrent "cinq autels avec leurs pierres sacrées, chaque leurs trois nappes, leurs crucifix, leurs chandeliers, etc ….., à chaque autel différentes statues de saints …., une chaire pour le prédicateur, des fonts baptismaux …, et au-dessus du milieu de la nef un clocher où son deux cloches biens sonnantes". Ces autels subsistent encore : ce sont de grossiers blocs de maçonnerie sans aucun style, surmontés de statues grotesques. Des deux côtés de l'arcade romane, qui sépare le choeur de la nef, sont les autels du Rosaire et de Saint-Louis ; dans la nef sont ceux de Notre-Dame de Pitié et de Sainte-Emérance. La dévotion à la sainte Vierge est très vieille dans cette paroisse, car la chapellenie de Notre-Dame, dont le commandeur était présentateur, fut fondée, le 27 avril 1523, par Guillaume Launay (Déclaration de 1680), et le Rosaire y fut établi le 8 octobre 1634. Aussi, au XVIIIème siècle, continuait-on d'aller en pèlerinage à Notre-Dame du Temple. Saint-Louis et surtout sainte Emérance y étaient aussi l'objet d'une pieuse vénération fort ancienne. 

Les commandeurs visitèrent ensuite la grange, le moulin seigneurial et les quelques pièces de terre dépendant de la commanderie de Carentoir, dont le titulaire déclara, en outre, posséder "droit de dimes sur tous les vassaux, un rolle montant à 18 livres et une livre de cire due sur une maison à Malestroit, de plus haute, moyenne et basse justice, s'exerçant tous les quinze jours et pourvue d'officiers". Leur examen étant terminé, nos chevaliers se rendirent au presbytère chez Mre Marot pour y dîner ; il parait que leur repas y fut très court, car, arrivés au temple à onze heures, comme nous l'avons vu, ils en repartirent, leur visite faite, leur-procès-verbal signé et leur dîner couru, à deux heures de l'après-midi le même jour. Remontés à cheval, ils se rendirent au Pont-d'Oust "distant de Carentoir d'une lieue et demie, où étant arrivés environ trois heures, ils entrèrent dans la chapelle". Le procès-verbal de cet édifice n'offre rien de remarquable, si ce n'est "un tableau peint sur du bois où il y a un écusson armorié d'une croix de Malte ... , au-dessus du maître-autel deux statues dont l'une est saint Jean-Baptiste et l'autre saint Jacques..., au-dessous de la voûte deux (autres) autels ... Ladite chapelle entretenue par les habitants du lieu, et la messe, qui s'y célèbre fêtes et dimanches, payée par les frairiens".
Les commissaires apprirent ensuite du commandeur Frin des Touches que tout le revenu du Pont-d'Oust était affermé 25 livres, ce qui était bien peu de chose, puis ils remontèrent à cheval et gagnèrent la ville de Rochefort, où ils trouvèrent un repos bien mérité, à l'auberge de la Croix-Blanche, dans laquelle ils entrèrent à huit heures du soir. Le lendemain matin, samedi, 29 mai, nos voyageurs étaient en selle dès huit heures et chevauchaient de compagnie, "pour aller au temple de Malansac, distant dudit Rochefort d'une lieue". Arrivés là et ayant mis pied à terre, ils allèrent à la chapelle, prirent de l'eau bénite et firent leur prière ; puis ils examinèrent l'autel sur le gradin duquel était "un crucifix et deux statues de plâtre, l'une de la Vierge et l'autre de saint Jean-Baptiste". Ils notèrent au-dessus dudit autel une grande vitre où sont les armes de la Religion, et quittèrent ensuite cette chapelle, pour visiter la maison du fermier. Le commandeur de Carentoir dit alors à ses compagnons de route qu'il affermait tout son domaine de Malansac 84 livres, qu'il était "obligé à deux messes par semaine desservies par Mre Louis Chevreuil, auquel il payait par an la somme de cinquante livres", et qu'il y faisait enfin exercer régulièrement la justice. .
Cela fait, nos commissaires, qui ne perdaient point le temps, comme on voit, remontèrent à cheval et vinrent dîner au manoir de la Chouasnière, en Carentoir, à quatre lieues de Malansac. Ce château appartenait alors à écuyer Jean-Victor de Marnière, qui avait épousé, en 1713, Marie de Tanouarn : c'était un voisin et un ami du commandeur du temple de Carentoir dans l'église duquel il reçut plus tard la sépulture, en 1755.
Après avoir pris leur repas chez le seigneur de la Chouasnière, les commandeurs, qu'accompagnait toujours maître Janvier, repartirent à deux heures de l'après-midi, pour se rendre au temple de la Coëffrie, en Messac. Ils y arrivèrent à sept heures du soir, et purent enfin prendre un peu de relâche, le lendemain, qui se trouvait le saint jour du dimanche. Le lundi, 31 mai, dès huit heures du matin commença l'inspection du manoir de la Coëffrie. Ils visitèrent d'abord la chapelle, édifice assez remarquable pour nos campagnes, composée d'un rectangle de 15 mètres 50 centimètres de longueur intérieure ; avec une grande aile méridionale en équerre. Tout le monument appartient au style ogival, sauf le campanier qui fut reconstruit au XVIIIème siècle par le commandeur du Buisson. Ce campanier, composé de deux arcades sous le même fronton, offre la plus grande analogie avec celui de la Vraie-Croix, près de Sulniac. Au-dessus du maître-autel et au bas de la nef s'ouvrent de longues fenêtres ogivales qui rappellent le XIIIème siècle : une large arcade de même style fait communiquer avec la nef, l'espèce de chœur méridionale, que se réservaient peut-être les commandeurs, mais qui semble un peu moins ancien que le reste de l'édifice. Les commissaires remarquèrent dans cette chapelle "l'autel entièrement boisé, garni d'un gradin avec deux statues de la sainte Vierge et de sainte Anne, de six chandeliers, de dix bouquets et d'un crucifix d'ivoire, qui est sur le couronnement du tabernacle avec trois statues, représentant saint Jean au milieu, saint Fiacre du côté de l'évangile et saint Etienne du côté de l'épître ; au-dessus duquel autel il y a une niche avec une croix de bois au-dessus de laquelle il y a une petite statue de la Vierge ... une chaire de bois à prescher..., une, cloche bien sonnante ..., deux pierres tomballes, .... deux écussons, des deux côtes dudit autel, des armes de la Religion". Le commandeur de Carentoir dit ensuite à ses compagnons de voyage "qu'il était tenu à une messe par semaine en ladite chapelle et qu'il la faisait dire par le curé de Guipry, et lui payait peur cet effet, trente quatre livres par an".

Le chevalier Frin des Touches introduisit ensuite les commandeurs de la Guerche et d'Amboise, dans son-manoir, modeste logement composé d'une cuisine avec son office, d'une salle et d'un salon au rez-de-chaussée, et de trois chambres avec un cabinet à l'étage supérieur, ce cabinet "servant d'archivier". Mais les commissaires voyant l'heure de midi près d'arriver descendirent alors au salon "pour prendre la réfection" que leur offrait leur hôte. A deux heures, ils remontèrent l'escalier et visitèrent les greniers et le cabinet "servant à coucher les domestiques ; cabinet blanchi à neuf, bien carrelé et ouvert de deux fenêtres". Puis revenus, dans la cour, ils parcoururent la boulangerie, les celliers, les écuries "contenant cinq chevaux", les fanneries, etc.., et remarquèrent au-dessus du grand portail un pavillon servant de colombier et au-dessus dudit colombier est située l'horloge qui est en bon état. On lit encore sur ce colombier l'inscription suivante : FAICT REBASTIR CE COULOMBIER, 1668. Les chevaliers se promenèrent ensuite dans les trois jardins réservés aux commandeurs et entrèrent chez son fermier Guillaume Voland qui habitait "une grande chambre" à laquelle on parvenait par un escalier de pierre. Puis ils visitèrent les écuries, grange, fanneries, greniers, fours et autres dépendances de la métairie, sans oublier "à une portée de fusil une petite chambre à ramasser les moutons, appelée sans doute par dérision le grand château". Le fermier interrogé par les commissaires, leurs dit après cela qu'il payait un commandeur "100 boisseaux de bled-seigle, 50 boisseaux de bled-noir, 78 livres d'argent, 5O livres de beurre grand poids, et 400 fagots". Quant aux chevaliers, ils terminèrent leur journée par visiter les bois de haute futaie et de taille, et les prairies qui composaient la retenue de messire Frin des Touches.

Le lendemain, mardi 1er juin, les commissaires demandèrent au commandeur de Carentoir, après avoir pris de lui le serment sur sa croix, s'il leur avait fait voir toutes les maisons, terres et dépendances de sa commanderie de Carentoir. Il leur répondit que oui, mais "qu'il dépendait, de ladite commanderie plusieurs fiefs et baillages sur lesquels sont plusieurs chapelles qui sont entretenues par les habitants des lieux et où il ne doit aucun service ni entretien, n'y ayant sur lesdits lieux aucune maison ni domaine ; sur lesquels fiefs, sont deubs seulement à ladite commandrie plusieurs rentes tant en deniers, bleds, que volailles et droit de dixme sur la plupart, lods et ventes et plusieurs autres droits seigneuriaux avec droit de justice sur les vassaux habitant dans lesdits fiefs et baillages". Le commandeur de Carentair, entrant ensuite dans les détails ajouta "qu'il était dû sur ces fiefs et baillages : en deniers, 170 livres, - en froment, 95 boisseaux, - en seigle, 15 boisseaux, - en avoine, 120 boisseaux, - en volailles 9 chapons, 42 poules et 2 poulets". Il mentionna aussi les 3 livres 10 sols dus par les barons de Châteaubriant, et la rente due par l'évêque de Saint-Malo, consistant alors en "100 boisseaux de seigle, 100 boisseaux d'avoine et 24 boisseaux de froment, le tout, mesure de Lohéac, rendu sur le bout du pont de Guipry". Il dit ensuite que douze chapelles dépendaient de Carentoir, mais qu'il n'y en avait que trois à sa présentation : la cure du temple de Carentoir et les chapelles de Malansac et de la Coëffrie. Il termina en disant qu'il était dû un rachat sur la chapellenie de Baulon (cette chapellenie fondée par un religieux de l'abbaye de Montfort, était établie sur la maison du Temple de Baulon relevant de Carentoir ; il y eut un procès entre le titulaire dom Vincent Le Prins et le commandeur du Buisson, et ce fut ce rachat qui termina le procès - Voir l'Etat de 1644). 

Les commissaires firent après ces déclarations l'inventaire du mobilier de la Coëffrie dont nous dispenserons nos lecteurs, puis, ils firent venir quelques paroissiens de Messac, qui rendirent le meilleur témoignage du commandeur Frin des Touches, disant que le service divin se faisait très décemment dans la chapelle de Coëffrie, et que le commandeur résidait en son manoir tout le temps qu'il n'était pas appelé, ailleurs par ses supérieurs, et "que même depuis le mois d'août qu'il est revenu de Malte il y a toujours fait sa résidence".
Les commissaires terminèrent alors leur procès-verbal, certifiant "à Son Altesse Eminentissime Monseigneur le Grand-Maître de Malte, et à Nos Seigneurs de la vénérable langue de France au Grand-Prieuré d'Aquitaine ...  avoir travaillé le plus exactement possible conformément à la commission donnée ....., et être d'avis que les améliorissements faits par ledit commandeur de Carentoir soient reçus pour bons et valables". Les commandeurs. d'Amboise et de la Guerche signèrent ensuite, ainsi que Maître Janvier, puis, ils apposèrent leur sceau et datèrent l'acte : de la Coëffrie, en Messac, 1er juin 1745. Le sceau du chevalier de Brilhac, commandeur d'Amboise est brisé, mais celui du chevalier Guinebault de la Grostière, commandeur de la Guerche est intact ; il est de cire rouge et porte : de gueules à trois quintefeuilles posées 2, 1 ; au chef cousu de gueules à la croix d'argent, qui est de Malte ; l'écusson rond et placé sur une croix à huit pointes, entouré d'une patenôtre et couronné d'une couronne de marquis.
Le 9 novembre suivant, "en l'assemblée provinciale du Grand-Prieuré d'Aquitaine, tenant à Poitiers, sous la présidence d'Illustrissime frère Philippe de Lesmerye, bailli de Choizy et grand prieur d'Aquitaine", le chevalier de Martel, commandeur de Loudun, et le chevalier du Chaffault, déclarèrent avoir examiné le précédent procès-verbal de la Commanderie de Carentoir et l'avoir trouvé bon et valable. En conséquence, ce procès-verbal fut reçu et copie en fut envoyée à Malte. Deux autres copies furent également déposées aux archives du Grand-Prieuré et aux archives de la commanderie de Carentoir. C'est cette dernière que nous venons de résumer.

Bretagne : Templiers de Malte et Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem

VIII - Conclusions sur la Commanderie du Temple de Carentoir

Terminons enfin cette longue étude sur la Cammanderie du temple de Carentoir. Cette commanderie renfermait aux XVIème et XVIIème siècles, comme nous l'avons vu, trois manoirs, sept juridictions seigneuriales, une église paroissiale, quatre églises tréviales et treize chapelles.
Au milieu du XVIIIème siècle elle ne contenait plus qu'un manoir, et douze églises et chapelles, dont trois seulement étaient à la présentation du commandeur. A noter que, d'après une déclaration du 30 janvier 1755, la commanderie de Carentoir ne renfermait plus alors que huit membres, savoir : 1°- le temple de La Coëffrie, 2° le temple de Carentoir, 3° l'hôpital de Malansac avec les temples de Limerzel, de La Vraie-Croix et du Guerno, 4° l'hôpital de Villenart, 5° l'hôpital de Quessoy, 6° La Croix-Huis, 7° Saint de Port-Stablehon, 8° Roz-sur-Couesnon (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine). 
Si l'on veut maintenant savoir ce que rapportait de revenu la commanderie de Carentoir à cette époque, il suffit de consulter les baux à ferme faits par les titulaires. Prenons pour exemple celui de 1745 passé à la Coëffrie, le 24 février, entre le commandeur Frin des Touches et Léonard Rozy, sieur du Bois-au-Fût. Il y est dit que le commandeur afferme "pour six ans, tous les revenus de sa commanderie de Carentoir et membres y annexés pour la somme de quinze cents livres, et sans diminution dudit prix cent trente livres treize sols quatre deniers pour la desserte des messes dues à Pléboulle, à Malansac et à Coëffrie". A savoir : -1° au chapelain de Malansac : 50 livres, -2° au recteur de Pléboulle pour la chapelle de La Croix-Huis : 46 livres 13 sols et 4 deniers, -3° au chapelain de La Coëffrie, en Messac : 34 livres, d'où un total de 130 livres 13 sols et 4 deniers. Le commandeur Le Normand renouvela ce bail au même Léonard Rozy et Françoise de Cérizay, sa femme, en 1754 ; le prix de la ferme y fut porté à dix-sept cents livres, les 130 livres pour messes comprises (précédemment Joseph Berridel, sieur de La Guichardaye, demeurant au Bourg-neuf, au Temple de Carentoir, avait pris la ferme de la commanderie au même prix, en 1739 : 1600 livres en argent et 100 livres pour les messes - Archives départementales d'Ille-et-Vilaine).
C'est sur ce bail que s'appuyait, le 28 avril 1750, Messire René Frin de Neuville, pour établir le revenu définitif du commandeur Frin des Touches. Son calcul est assez curieux pour être brièvement reproduit ici : le revenu annuel de la commanderie de Carentoir tout entière est de 1500 livres. "Sur laquelle somme ledit commandeur paie pour charges annuelles à Malte : 440 livres . Plus pour réparations annuelles aux bâtiments, églises et chapelles de ladite commanderie : 350 livres. Plus pour frais et descente de commissaire ad hoc : 150 livres. Plus les réparations du moulin du temple de Carentoir : 51 livres 15 sols. Plus les frais de visite procurale qui doit être faite tous les cinq ans, conformément aux statuts de l'Ordre, lesquels montent à la somme de 500 livres, laquelle étant répartie en cinq ans fait une diminution de revenu par an de 100 livres. Plus il est obligé (le commandeur) par les mêmes statuts de faire tous les vingt-cinq ans le papier terrier, pour celui qu'il a fait faire en 1748, il a coûté 2500 livres, de laquelle somme répartie par vingt-cinq ans, il résulte une diminution de revenu annuel de 100 livres. Total des dépenses : 1191 livres 15 sols. Produit de la ferme : 1500 livres. Dépenses : 1191 livres 15 sols. Revenu net : 300 livres 5 sols. Partant , il reste de revenu net audit commandeur de Carentoir, pour son entretien et pour solde en qualité de chevalier de Malte, la somme de trois cents huit livres, cinq sols". (Déclaration de M. René Frin de Neuville, faisant au nom du commandeur Frin des Touches - Archives départementales d'Ille-et-Vilaine).
C'est le cas d'avouer que la position de commandeur de Carentoir était plus honorable que lucrative à cette époque.

(l'abbé Guillotin de Corson)  

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