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Les abbayes bretonnes des Cisterciens

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Il est nécessaire d'avoir une idée précise de l'Ordre Cistercien (branche monastique issue de l'abbaye bénédictine de Cîteaux fondée en 1098 par Robert de Molesmes), de son esprit, de ses règlements, de son passé en général, et particulièrement sur notre terre bretonne, jusqu'à la Révolution de 1789 ; d'assister à ses luttes pendant cette période funeste, ainsi qu'à son relèvement providentiel à la chute du Premier Empire. Sous l'impulsion de Bernard de Clairvaux, l'ordre connaît un essor extraordinaire en Europe. Il se caractérise alors par un retour strict à la règle de saint Benoît. A la fin du XVIIème siècle, l'abbé Armand Le Bouthillier de Rancé crée une branche réformée de cisterciens, les trappistes. Nous allons donc traiter au préalable ces divers points en nous efforçant de nous maintenir dans les limites d'une étroite concision. 

L'ORDRE CISTERCIEN

LES ABBAYES BRETONNES — LA TRAPPE

Le mot « Cistercien » vient du latin « Cistercium », qui signifie : lieu couvert de cistes ou d'osiers, et que l'on traduit en français par « Cîteaux ». Cîteaux est en effet le nom de cette solitude sauvage dans laquelle, en l'an de grâce 1098, se retirèrent, avec l'autorisation du Saint-Siège, quelques bons religieux, sous la conduite de saint Robert. Tous appartenaient à l'abbaye bénédictine de Molesmes, au diocèse de Langres ; et c'est parce qu'ils trouvaient que la Règle du Grand Législateur des Moines d'Occident n'y était pas assez scrupuleusement observée qu'ils en étaient partis.

Cîteaux se trouvait dans l'ancien diocèse de Chalon-sur-Saône, en Bourgogne. C'était, dit l'histoire, un lieu d'horreur, hérissé de bois et de broussailles, et servant de repaire aux bêtes les plus malfaisantes. C'est là que les hommes de Dieu bâtirent quelques huttes et jetèrent, le 21 mars, en la fête même de saint Benoît, les fondements du Nouveau-Monastère.

A saint Robert succéda dès l'année suivante saint Albéric, si justement appelé le zélateur de la Règle et de ses frères. Celui-ci, après avoir placé l'Ordre naissant sous la protection du pape Pascal II, pour le mettre à l'abri des attaques extérieures, se hâta de lui donner des règlements ayant pour unique base la pratique intégrale de la Règle de saint Benoît interprétée dans son sens le plus strict.

Cîteaux, en effet, n'a pas été fondé pour réaliser, magnifier le culte de Dame Pauvreté, ni le bien de la solitude, considérés comme fin. Il ne faut pas non plus y chercher comme raison d'être la mise en valeur d'un dogme chrétien, d'une dévotion catholique, pas même celle de Notre-Dame pourtant si aimée de ses nouveaux chevaliers.

Tout, le tout Cîteaux est dans cette idée : La Règle de saint Benoît donne l'exacte mesure des moyens qui conviennent aux moines d'Occident, en tout temps, en tout lieu, pour réaliser leur perfection ; être l'homme de la préoccupation exclusive de Dieu, le chrétien qui tend à la perfection de la pureté, à la perfection de l'union à Dieu. La Règle, à la lettre, assure l'observation de cette fin.

C'est bien aussi ce que pensait saint Albéric en établissant ses statuts. S'il prescrit, par exemple, l'extrême pauvreté, même en ce qui concerne les églises et les objets du culte, c'est pour que le religieux soit tout entier à son principal devoir, qui est l'acte de la contemplation divine, en même temps qu'à la pratique de la pénitence. Tout converge vers l'office divin, qui occupe la plus grande partie de la journée du moine. Il en résulte que pour celui-ci le travail des mains n'occupe qu'un temps très limité ; cependant, il faut qu'il vive. Saint Albéric lui assure le nécessaire par l'institution des frères convers. Ceux-ci, dispensés du choeur, sont, à la vie, à la mort, traités absolument comme les moines ; ils s'occupent surtout des travaux des champs et des ouvrages extérieurs. Dès les premiers jours de Cîteaux, on y rencontre donc comme aujourd'hui les choristes, dont la part est plutôt celle de Marie, et les convers, dont le rôle ressemble davantage à celui de Marthe.

C'est aussi du temps de saint Albéric qu'une nouvelle couleur fut adoptée pour les vêtements des moines. « On délaissa le noir, dit un vieil auteur, pour prendre le gris ». Robes et coules furent au début ; et pendant une assez longue période d'années, confectionnées avec de la laine blanche écrue, ce qui leur donnait une couleur douteuse, se rapprochant un peu de celle du son. Mais l'intention de nos premiers Pères était bien de se revêtir de blanc.

Voici d'ailleurs, au sujet de ce changement, la délicieuse légende que l'on raconte : « C'était en l'an 1101, au cinquième jour du mois d'août. Avec une grande dévotion, les moines chantaient les Vigiles. Tout à coup, l'église parut s'entr'ouvrir sur leurs têtes. La sainte Mère de Dieu descendait du ciel, portée sur un nuage de parfums, entourée d'une légion d'anges, et tenant en ses mains une belle coule blanche. Elle vint droit au bienheureux Abbé, qui, ravi en extase, se laissa mettre cette précieuse coule par son auguste protectrice. Les religieux, saintement jaloux, contemplaient cette merveille. Par un nouveau miracle, la douce Vierge Marie fit qu'en un instant toutes les coules devinrent blanches, de noires qu'elles étaient ».

De nos jours, les vêtements des Cisterciens, faits avec de la laine bien préparée, sont d'un blanc plus parfait ; mais leur forme primitive, qui paraît maintenant si insolite, n'a pas changé ; ils ont toujours su se mettre à l'abri des emprises de la mode, et nul n'aurait bonne grâce à le leur reprocher. C'est évidemment la tendre dévotion de quelques bons Cisterciens d'antan qui leur a inspiré la légende citée plus haut. Il est certain, en effet, que, dès les premiers jours de son existence, Cîteaux avait voué à la Très Sainte Vierge un culte tout filial, culte qui d'ailleurs n'a fait que s'affirmer davantage et se fortifier avec le temps. Tous les monastères cisterciens ont Marie pour patronne, tous lui sont consacrés et portent le nom de Notre-Dame.

Cependant, la rigidité du programme cistercien déconcerta d'abord le monde monastique de cette époque ; quelques aspirants venaient voir cette solitude et fuyaient aussitôt, frappés d'effroi ; quelques-uns des fondateurs retournèrent à Molesmes ; une épidémie décima les autres. Saint Albéric mourut en 1109 dans la tristesse. L'oeuvre paraissait tomber et le nouvel abbé, saint Etienne Harding, s'en lamentait amèrement lorsque, au mois d'avril 1112, avec trente compagnons d'élite, saint Bernard vint frapper à la porte du Nouveau-Monastère et y fit son entrée comme novice.

Dès lors Cîteaux tressaillit comme une mère heureuse ; les enfants lui vinrent de tous côtés, et quels enfants !... Il était désormais révélé aux âmes généreuses ; celles-ci étaient en grand nombre ; Bernard fut le chef qui leur montra la voie et les entraîna à sa suite.

Au bout d'une année, le berceau déborde. En 1113 commencent les fondations. C'est d'abord La Ferté-sur-Grosne, le 17 mai 1113 ; Pontigny-sur-le-Serein, le 31 mai 1114 ; puis, le 25 juin 1115, Morimond et Clairvaux. Après Cîteaux, ses quatre " filles " essaimèrent à leur tour. En huit ans, on atteignait le nombre de douze abbayes.

Saint Bernard avait été l'initiateur du mouvement ; il en resta l'apôtre, et Clairvaux, dont il devint le fondateur, ne tarda pas à faire plus de bruit dans le monde que Cîteaux lui-même.

Cependant, le nombre des filiales du Nouveau-Monastère croissait toujours, et il fallut bientôt songer à une organisation qui tînt le corps entier dans son unité et sa force. Pour cela, les fondateurs de Cîteaux constituèrent un Ordre régulier, un Ordre proprement dit. La charte fondamentale de cet Ordre s'appelle Charte de Charité. Elle fut édictée par le Chapitre Général de 1119 et approuvée par le Pape Calixte II, le 20 septembre de la même année.

La Charte dé Charité se compose de deux parties. La première comprend l'interprétation de la Règle, et la seconde, les liens juridiques qui rattachent les maisons entre elles.

« La première chose que nous voulons, dit-elle, et que nous ordonnons à nos frères, c'est qu'ils observent la Règle de saint Benoît de la même manière qu'elle est observée dans le Nouveau-Monastère (Cîteaux), et que, sans en altérer le sens par de nouvelles interprétations, ils l'entendent et la pratiquent ainsi que les saints Pères, nos prédécesseurs, l'ont entendue et pratiquée et que nous-mêmes l'entendons et pratiquons à présent ».

La seconde partie traite du gouvernement. Chaque abbaye conserve une réelle autonomie ; elle a son Abbé, vrai chef d'Eglise au spirituel et au temporel ; elle a son personnel attaché au lieu par la stabilité ; elle a son temporel indépendant. Les écarts qui pourraient naître de cette autonomie sont surveillés par l'Abbé de la maison fondatrice : l'Abbé Père... Pater Abbas.

Pour assurer partout la régularité et l'uniformité, deux organismes sont établis. Dans chaque maison, il y aura tous les ans une visite régulière de l'Abbé Père ; pour l'Ordre entier, se tiendra, annuellement aussi, le Chapitre Général. On y traitera de ce qui regarde le salut des âmes, de l'observation de la Règle et des statuts de l'Ordre, afin d'arrêter les améliorations à apporter en chacun de ces points particuliers.

La Charte de Charité est vraiment la Règle d'or de l'Ordre de Cîteaux. Tant qu'elle est scrupuleusement observée, l'Ordre prospère ; sitôt qu'on la néglige, il y a besoin de réformes. La sagesse est dans la juste proportion d'autonomie de chaque famille, et de vigilance de l'autorité supérieure : visite régulière et Chapitre Général.

L'oeuvre de saint Etienne fut estimée si sage, si géniale, que cette législation du Chapitre Général, telle que l'entendait la Charte des Cisterciens, fut imposée à tous les religieux.  

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Etabli sur une telle constitution, l'Ordre de Cîteaux connut pendant un siècle une expansion prodigieuse, et parmi les deux cent quarante et un monastères dont il parsema la France, quatorze s'élevèrent sur cette noble terre bretonne.

Au commencement du XIIème siècle, s'était fondée, au diocèse de Chartres, une abbaye nommée l'Aumône, de la filiation de Cîteaux, qui se trouvait en grand renom dans tout le nord-ouest du pays des Francs. C'est de là qu'en 1130 Geoffroi, fils d'Etienne, comte de Penthièvre, voulant avoir des Cisterciens dans ses domaines, fit venir quelques religieux. Il les établit dans la forêt de Pluscoat, au diocèse de Tréguier, en un lieu habité par un ermite fameux, nommé Bégar (Note : L'orthographe primitive de ce mot n'admettait pas le « d » final). D'où le nom du monastère dont ils prirent possession le 10 septembre. La nouvelle abbaye de Bégard acquit en très peu de temps une étonnante prospérité ; on l'appela la reine des abbayes de Bretagne, tant elle éclipsa toutes les autres pendant plusieurs siècles par l'éclat de sa renommé. Le dernier abbé commendataire de Bégard fut Ignace Chaumont de la Galaizière (1742-1785). A sa mort, on appliqua aux économats les revenus de la mense abbatiale. Le Chapitre de Tréguier était en instance pour faire réunir cette mense abbatiale à la mense capitulaire lorsque la Révolution de 1789 éclata. Le dernier prieur prêta serment à la Constitution civile du clergé, se maria et périt bientôt après de mort violente. L'abbaye est occupée en 1927 par les religieuses du Saint-Sauveur de Caen, qui ont ajouté aux constructions monastiques un grand nombre de nouveaux bâtiments. Il ne reste guère d'ancien, d'ailleurs, que ce qui fut rebâti au XVIIème siècle, à l'est de l'église. Celle-ci datait du XIIème siècle. Belle et spacieuse, elle était devenue paroissiale. Incendiée vers l'an 1900, elle a actuellement tout à fait disparu.

En l'espace de dix années, de 1132 à 1142, Bégard devint mère de cinq abbayes dispersées dans les divers diocèses de Bretagne. Ce furent : Le Relec, Boquen, Saint-Aubin-des-Bois, Lanvaux et Coëtmaloën.

L'aînée des filles de Bégard fut l'abbaye du Relec, au diocèse de Léon. Ce monastère, qui avait été fondé dès VIème siècle par un certain Tanguy, depuis longtemps périclitait. Il allait sans doute disparaître, quand les vicomtes de Léon y appelèrent les moines de Bégard. Ceux-ci arrivèrent le 21 juillet 1132, apportant à la vieille abbaye ce regain de vie dans lequel elle s'épanouira jusqu'en 1789. Elle était située dans la paroisse de Plounéour-Menez, dans le département du Finistère [Note : Le dernier abbé du Relec fut N. du Vivier de Lansac (1740-1784). A sa mort, on affecta ce monastère aux économats jusqu'à la Révolution]. De cette abbaye, l'église, du XIIème siècle, subsiste seule en bon état, bien qu'elle ait été un peu diminuée au XVIIIème siècle. On remarque aussi quelques ruines informes à l'endroit où s'élevaient jadis la sacristie et le Chapitre.

La seconde des filles de Bégard fut l'abbaye de Boquen, en la paroisse de Pléné-Jugon, au diocèse de Saint-Brieuc. Cette abbaye fut fondée par Olivier, seigneur de Lamballe, et les moines en prirent possession le 10 octobre 1137. Adonias, frère d'Olivier, fut d'abord désigné comme abbé ; mais son incapacité et son ignorance le firent déposer. Il fut remplacé par Guéthénoc, homme très pieux en même temps que très versé dans les sciences divines et humaines [Note : N. Le Mintier (1757-1789) fut le dernier abbé de Boquen. Ce fut dans cette abbaye que, l'an de grâce 1450, fut inhumé Gilles de Bretagne, assassiné au château de la Hardouinaye, où le tenait captif son frère, le duc François Ier]. L'église de Boquen était un spécimen remarquable de l'architecture monastique en Bretagne. Edifiée au XIIème siècle, elle formait une croix latine d'une longueur de 54 mètres et dont les bras avaient 30 mètres de développement. Il n'en reste plus que les murs. A l'ancienne abbaye de Boquen on peut voir encore les ruines de la sacristie, du chapitre, des appartements des convers. Il n'y a plus de trace du cloître ; le côté du réfectoire rebâti au XVIIème siècle existe toujours, mais se trouve en très mauvais état. L'enclos n'a pas disparu ; les communs sont en ruines. Boquen n'avait pas tardé à prospérer, et c'est de cette abbaye que plus tard naquit l'abbaye du Bon Repos, au diocèse de Quimper.

Voici ce qu'on raconte à ce sujet : « Entre les landes arides de Laniscat et les mystérieuses profondeurs de Quénécan, au confluent de deux vallées étroites, celle du Doulas (le ruisseau de la mort) et celle du Blavet ; sur les rives mêmes de cette abondante et sinueuse rivière, au lieu le plus frais, le plus calme, le plus ombreux, le plus mystique, là est venue s'asseoir, à la fin du XIIème siècle, la bienheureuse Sancta Maria de Bona Requie, si digne de son nom ».

Au récit de la fondation qu'en fait un gentilhomme du XVème siècle, Jean de Rostrenen, comment douter de l'intervention de la Providence dans le choix de ce lieu de paix et de méditation?... « Un vicomte, dit-il, étant à la chasse dans la forêt de Quénéguen, travailla fort à poursuivre un grand cerf, lequel s'enfuit jusques à la rivière du Blavet en laquelle l'animal se mit, et illec fut pris et tiré hors ; et, ce fait, le dit Vicomte se sentant lassé et travaillé à la ditte poursuite, s'endormit au lieu où est située à présent l'abbaye ; et, prenant son repos, en son dormir lui vint en vision qu'il fondât illec une abbaye. Etant après qu'il fut réveillé, fit illec édifier la ditte Abbaye et voulut qu'elle fut appelée l'Abbaye de Bon Repos, pour ce qu'il s'y estait très bien reposé et pris grand plaisir en cette vision et songe ». La charte de la fondation de l'abbaye de Bon Repos, qui devait devenir la nécropole de la maison de Rohan, fut signée la veille de la fête de saint Jean-Baptiste de l'an 1184, par Alain III de Rohan et Constance de Bretagne, son épouse, qui en étaient les généreux donateurs, du consentement de leurs fils et petit-fils, et en présence des abbés de Clairvaux et de Savigny, des sires de Vitré, de Fougères, de Mayenne, de Daniel, sénéchal, et de plusieurs autres témoins qui apposèrent leurs sceaux. Le premier abbé de Bon Repos fut Gauthier ; le dernier avait nom Jean-Hyacinthe Colin de la Biochaye, vicaire général de Saint-Malo, 1776-1789. Du monastère de Bon Repos, reconstruit au XVIIIème siècle, il ne reste aujourd'hui que les murs, ainsi que quelques traces du cloître, appartenant à la même époque. Restent encore debout le mur du bas-côté du midi de l'église, l'un et l'autre arceau de ce même bas-côté. La porte d'entrée a été restaurée, mais c'est la même que jadis. La tour de l'église fut transportée à Saint-Mayeux (Côtes-du-Nord), où elle fut reconstruite pierre par pierre ; enfin, l'autel et les stalles sont maintenant au Quilio (Côtes-du-Nord).

Mais, bien avant Bon Repos, que nous n'avons pas cru devoir séparer de Boquen, dont elle était issue, d'autres abbayes s'étaient élevées sur le sol breton, indépendamment des trois dernières filles de Bégard, dont il nous reste à dire quelques mots.

Dans l'ordre chronologique, à Boquen avait succédé l'abbaye de Saint-Aubin-des-Bois au diocèse de Saint-Brieuc. Ce monastère fut fondé, le 3 février 1138, par Edouard de Tournemine, seigneur de la Hunaudaye, et compta parmi ses bienfaiteurs insignes les comtes de Lamballe. Brûlé entièrement en 1240, il fut rétabli peu à peu par les libéralités de Denise, dame de Matignon. Philippe, son premier abbé, lui fit, en 1147, confirmer, par le pape Eugène III, toutes les donations dont il avait été gratifié [Note : Le dernier abbé de Saint-Aubin-des-Bois fut M. Bonin de la Ville-Bouquay, vicaire général de Vannes (1787-1790)].

L'abbaye de Notre-Dame de Lanvaux, au diocèse de Vannes, était située dans la vallée du Loc, à l'extrémité occidentale de la paroisse de Grand-Champ, dans la section actuelle de Brandivy, tout près des limites de Pluvigner. Appelés par Alain, seigneur du pays, quatre moines de l'abbaye de Bégard vinrent, au mois de juillet 1138, s'y établir, et, le 11 septembre suivant, eut lieu l'inauguration du nouveau monastère, le 129ème, par rang de date, des maisons cisterciennes, et le 8ème de l'Ordre en Bretagne.

Son premier abbé fut Rotald ou Rouaud, qui devint évêque de Vannes en 1143. Consacré par l'archevêque de Tours, il conserva parmi les honneurs les habitudes d'un simple religieux ; il ne négligea rien pour faire avancer dans la vertu son clergé et son peuple. Remplissant généreusement tous ses devoirs, il mérita d'être appelé le justicier et la terreur des scélérats (Note : Il excommunia les gens de Crédin qui refusaient de payer une dîme qu'ils devaient aux moines de Saint-Martin-de-Josselin).

Il trépassa le 26 juin 1777 et fut inhumé dans l'église du monastère de Lanvaux. Les chanoines de Vannes voulaient qu'il reposât dans leur cathédrale, mais les moines de Lanvaux s'y opposèrent vivement, et gagnèrent leur cause. De nombreux miracles furent obtenus par son intercession, et sa mémoire est restée vivante. En juin 1888, des mains pieuses ont procédé à l'ouverture de son tombeau et à la recherche de ses restes précieux. Il est possible qu'un jour sa cause soit introduite en cour de Rome.

En 1145, Rouaud avait eu la joie d'aller saluer saint Bernard, lorsque celui-ci vint en Bretagne pour régler définitivement la question de la dotation de l'abbaye de Buzay, au diocèse de Nantes. Il signa cette charte avec les évêques Alain de Rennes, Itier de Nantes, et Jean de Saint-Malo, plus connu sous le nom de Jean de la Grille.

En 1233, Olivier, baron de Lanvaux, se révolta contre le duc de Bretagne Jean Ier, dit le Roux. Il fut battu, dépouillé de ses terres et enfermé au château de Succinio. L'abbaye de Lanvaux, fondée seulement depuis un siècle, éprouva le contre-coup de cette confiscation, parce que les seigneurs de cette maison ne purent lui faire aucune libéralité nouvelle. Elle ne jouit jamais d'une véritable prospérité. Le dernier abbé de Lanvaux fut Jean-Baptiste-Marie de Corcin, chanoine de Rennes (1786-1791). Au Concordat, il fut nommé recteur de l'importante paroisse du Sel, au diocèse de Rennes. Il y mourut en 1816. La maison abbatiale, bâtie au nord du couvent, vers 1680, par l'abbé Dom Caurel de Tagny, est tout ce qui reste de l'ancien monastère.

L'abbaye de Coatmalouen (ou Coëtmaloën) dernière fille de Bégard, fut fondée, au diocèse de Quimper, dans la paroisse de Saint-Gilles-Pligeaux, le 27 juin 1142, par Alain le Noir, comte de Penthièvre et de Richemond. Cette fondation fut ratifiée par le duc Conan IV, en présence de Rouaud, évêque de Vannes, et de Guillaume, évêque de Tréguier. Son premier abbé fut Daniel, qui souscrivit à la charte du duc Conan IV. N. de Goyon, nommé commendataire en 1786, se vit, quatre ans plus tard, dépouiller de ce bénéfice.

Mais le monastère de l'Aumône ne donna pas seulement le jour à Bégard, il eut en Bretagne une seconde fille dans l'abbaye de Langonnet, au diocèse de Quimper.

Celle-ci fut érigée par le duc Conan III, le 20 juin 1136. Elle était située à une lieue à l'est du bourg, sur la rive droite de l'Ellé et aux confins des paroisses de Plouray et de Priziac, du diocèse de Vannes. Le lieu par lui-même était silencieux et pittoresque ; des collines le protégeaient et l'eau de la rivière permettait d'établir de verdoyantes prairies.

Nous n'avons pas le nom de l'abbé fondateur, mais nous savons qu'à son décès la communauté choisit unanimement le moine Maurice pour lui succéder et la diriger dans les voies de la perfection (1145). Celui-ci, que l'Eglise a placé sur les autels, était né au village de Groshanec, dans la paroisse de Noyal-Pontivy, au diocèse de Vannes. A noter que Groshanec, devenu aujourd'hui Croixanvec, faisait partie du comté de Porhoët, dont le possesseur d'alors, Eudon, se montra le défenseur intrépide de la Bretagne contre la rapacité anglaise des Plantagenets. Dès sa tendre jeunesse, Maurice avait suivi ses parents à Loudéac. Après de brillantes études dans cette localité, il s'était rendu à l'Université de Paris pour y conquérir ses grades, avait reçu la prêtrise, et enfin s'était retiré à Langonnet vers 1142. Il fut abbé de ce monastère jusqu'à l'année 1174, époque à laquelle il résilia ses fonctions pour s'adonner plus entièrement à la vie contemplative (Note : Notre-Dame de Langonnet, occupée en 1927 par les Pères du Saint-Esprit, possédait une partie des reliques de saint Maurice, et il s'y célébrait chaque année un magnifique pardon).

Cependant le duc de Bretagne Conan IV, qui avait une grande affection pour le saint, avait donné aux religieux de Langonnet ses terres de la forêt de Carnoët, au diocèse de Quimper. Sa mort, survenue en 1171, avait empêché l'établissement immédiat d'un nouveau monastère en cet endroit. En 1177, sur les instances de ses moines, saint Maurice reprit les fonctions d'abbé et réalisa le voeu de Conan IV en fondant l'abbaye de Notre-Dame de Carnoët. Il la gouverna pendant plus de quinze ans et quitta la terre en 1191. Le pape Honorius III l'inscrivit au catalogue des saints, et c'est depuis lors que Notre-Dame de Carnoët a pris le nom de Notre-Dame de Saint-Maurice de Carnoët. Cette abbaye, achetée en 1790 par un brasseur de Lorient, passa un peu plus tard en la possession de Mme Lenormand de Kergré, qui la transforma en château. Elle fut acquise en 1873 par M. Lorois, député du Finistère, et appartient vers 1927 à Mme Le Rodellec de Portzic. La chapelle du château n'est autre que le transept sud de l'ancienne église abbatiale. On y voit un monument élevé de terre que les pèlerins appellent le tombeau de saint Maurice, et composé de quatre piliers de pierre blanche supportant une belle table de marbre. Sur cette table repose le grand reliquaire du XVIIème siècle, en bois sculpté et doré, qui renferme le chef et des ossements du saint Abbé. Le reliquaire a été ouvert le 4 juillet 1923, avec la permission de Mgr Duparc, évêque de Quimper, dans le but d'y prélever des reliques du saint pour chacun des 80 monastères cisterciens. Assistaient à la cérémonie, les RRmes Pères : Dom Jean-Baptiste de Kéryvallan, abbé général de Cîteaux ; Dom Dominique Nogues, abbé de Thymadeuc (Timadeuc) ; Dom Fabien Dutter ; l'abbé Perrot, secrétaire général de l'évêché, et la famille Le Rodellec de Portzic.

L'abbaye de Melleray, au diocèse de Nantes, à proximité de Châteaubriant, appartient aussi à la filiation de Cîteaux. Elle est issue, en effet, de l'abbaye de Pontron, fille elle-même de l'abbaye du Loroux, au diocèse d'Angers, laquelle avait pour mère Cîteaux.

Il y avait quelques années que Foulques, abbé de Pontron, avait envoyé deux de ses religieux en Bretagne, pour y chercher un lieu propre à y établir une nouvelle colonie de l'Ordre. Ces deux religieux s'arrêtèrent dans un lieu nommé le Vieux Melleray, dont la situation leur parut si commode, qu'ils résolurent de s'y fixer. Alain de Maidon, seigneur de l'endroit, leur en accorda la permission.

Tels furent les commencements de cette abbaye, que l'auteur d'une ancienne notice place en l'année 1142, mais que la chronique de Melleray fixe au 28 juillet 1145.

Son premier abbé fut Guntern, qui obtint du pape Eugène III une bulle confirmant toutes les donations faites à son abbaye et lui accordant plusieurs privilèges. Lorsque survint la Révolution de 1789 Mgr Le Mintier, évêque de Tréguier, en était commendataire, et il la vit subir le sort des autres monastères cisterciens bretons. Plus heureuse que les autres cependant, l'abbaye de Melleray retrouva, après l'orage, une vie nouvelle. Ses enfants, exilés en Angleterre, revinrent, sous la conduite de leur abbé Dom Antoine Saulnier de Beauregard, s'y établir.

Toutes ces abbayes, nous l'avons dit, appartenaient à la filiation de Cîteaux ; les quatre suivantes faisaient partie de celle de Clairvaux.

Le duc de Bretagne Conan III et sa pieuse mère Ermengarde ayant demandé directement des moines à saint Bernard, celui-ci les amena lui-même et les installa dans la paroisse de Rouans, au diocèse de Nantes, en un lieu nommé Buzay, sur la rive gauche de la Loire. Ce fut Nivard, le plus jeune frère du grand abbé de Clairvaux, qui reçut des mains du duc l'investiture du domaine. Mais, quelque temps plus tard, le prince breton ayant repris au monastère une partie des biens qu'il lui avait octroyés, saint Bernard lui fit de vifs reproches et rappela ses religieux à Clairvaux.

Conan III reconnut sa faute ; en 1145, il établissait une charte d'après laquelle il restituait aux moines les terres et les dîmes qu'il leur avait enlevées ; il y ajouta même cinq cents sous pour achever les édifices. Pierre fut choisi par saint Bernard lui-même pour gouverner l'abbaye de Buzay ; son nom se trouve dans la charte de Conan III (1145), citée plus haut. Jean-Georges Le Franc de Pompignan, archevêque de Vienne, en fut le dernier abbé commendataire. Il mourut le 30 décembre 1790.

En 1155, Hoel, seigneur de Nantes, donna, dans le diocèse du même nom, à l'abbé de Buzay, un lieu nommé Villeneuve, situé sur la rive gauche de la Loire, à la condition d'y bâtir un monastère. Ce voeu ne fut accompli qu'en l'an 1200, époque à laquelle des moines de Buzay furent appelés par Constance, duchesse de Bretagne. Les religieux furent introduits dans leur nouvelle maison le 25 mars, en la fête de l'Annonciation de la Très Sainte Vierge. Le premier abbé de l'abbaye de Villeneuve fut Bertrand, qui démissionna vers 1214 et mourut en 1218.

L'abbaye de la Vieuville n'appartint pas d'abord à l'Ordre Cistercien. Elle fut fondée en 1137 par Gilduin de Montsorel, pour recevoir des moines de Savigny. Ce ne fut qu'en 1147 qu'elle entra, avec sa maison-mère, gouvernée alors par le bienheureux Serlon, dans la filiation de Clairvaux. Elle eut pour premier abbé Robert, qui fut béni par Geoffroy Le Roux, archevêque de Dol. De cette abbaye, qui fut vendue en 1791 pour la somme de 200.000 livres, il ne reste de véritablement ancien que la salle capitulaire, qui appartient au XIIème siècle. Voûtée en plein cintre, elle forme deux nefs parallèles, séparées par cinq colonnes trapues dont les chapiteaux ne sont ornés que de simples volutes. L'église et le cloître ont disparu.

En 1252, le duc de Bretagne Jean Ier, dit le Roux, voulut avoir, sur les bords de l'Océan, une communauté de moines cisterciens qui prierait pour les naufragés. Il construisit un monastère à Prières, dans la paroisse de Billiers, au diocèse de Vannes. Comme il était excommunié, pour avoir confisqué les revenus de l'évêque Cadioc, il obtint l'approbation de ce dernier par l'intermédiaire de sa femme Blanche de Navarre. Lorsque toutes les autorisations canoniques furent obtenues, le Chapitre Général de Cîteaux, par l'intermédiaire des abbés des Chateliers et de Moreuil, ordonna à l'abbé de Buzay d'y envoyer des religieux. L'abbé Geoffroi avec sa communauté s'y établit le 31 octobre 1252, veille de la Toussaint.

L'abbaye de Prières se fit toujours remarquer par son zèle pour la discipline, et s'il s'y produisit quelque relâchement au moment des troubles occasionnés en France par le Calvinisme, il ne fut pas de longue durée.

Au XIVème siècle, l'un de ses abbés, Guillaume Elen, fut commis par le Chapitre réuni à Cîteaux pour visiter et réformer, s'il en était besoin, les maisons du duché de Bretagne. A noter que vers cette époque, l'abbaye de Prières fournit deux évêques à la Bretagne : Henri le Barbu, qui monta successivement sur les sièges épiscopaux de Vannes et de Nantes (1383-1419) et Vincent de Kerleau, qui devint en 1472 évêque de Léon. Mais c'était seulement deux cents ans plus tard, avec son prieur Bernard Carpentier, ses abbés Jean Jouaud, Hervé du Tertre, Joseph Melchior de Sérent qu'elle devait atteindre l'apogée de sa gloire.

En 1613, Bernard Carpentier établit la réforme dans son monastère, donnant ainsi à toute la Bretagne un exemple dont elle sut profiter.

Jean Jouaud, élu abbé en 1631, gouverna saintement son monastère pendant quarante-deux ans. Les abbayes cisterciennes de France se partageaient alors en deux Observances : l'Etroite et la Commune ; toutes les deux autorisées du reste par le Saint-Siège. Jean Jouaud, nommé vicaire général de l'Etroite Observance, fut sur le point en 1646 d'être élu abbé de Cîteaux et général de tout l'Ordre. Il trépassa en 1673. A noter que Jean Jouaud introduisit la réforme dans dix des monastères cisterciens bretons : à Prières d'abord, puis à Lanvaux, Langonnet, Carnoët, Coëtmaloën, Bégard, Boquen, Saint-Aubin-des-Bois, Melleray et Villeneuve. Les quatre autres continuèrent à user des mitigations accordées par le Souverain Pontife.

Henri du Tertre succéda à Jean Jouaud dont il avait été le coadjuteur intrépide. Il visita avec grand fruit les maisons de Bretagne et de Normandie et se rendit deux fois au célèbre monastère de la Trappe, que venait de réformer l'abbé de Rancé.

Ce fut Joseph-Melchior de Sérent qui le remplaça. Celui-ci fut l'un des plus saints abbés de ce fervent monastère de Prières. Il restaura les édifices, bâtit une église, merveille de la contrée. Il s'appliqua surtout à faire fleurir dans la maison la discipline et la piété. Dieu récompensa ses efforts. Joseph-Melchior de Sérent avait trouvé, en entrant en charge, quarante religieux, il en compta bientôt une centaine. De plus, il établit dans son monastère une école de science et de vertu, pour les enfants de la noblesse pauvre de la province. 

Pendant la Révolution, l'abbaye de Prières servit de caserne à la troupe. L'église fut transformée en magasin à fourrage et en écurie pour les chevaux. Le plomb qui couvrait le dôme fut enlevé pour faire des balles, de sorte que la pluie passait partout.

En 1801, M. Le Masne acquit l'abbaye. Ne pouvant en réparer toutes les ruines, il se décida à démolir les édifices situés au nord de l'église. En 1832, le plan cadastral de la commune de Billiers donne la configuration de l'immeuble à cette époque ; on y voit l'église, l'hôtellerie, les écuries, etc. ; mais le couvent des religieux n'y est plus. L'église elle-même disparut en 1839. Le propriétaire ne conserva que la tour et un bras de l'édifice, qu'il transforma en chapelle, dans laquelle il fit déposer, du côté de l'Evangile : 1° sous la même pierre, les restes du duc fondateur et d'Isabelle de Castille ; 2° ceux de Joseph-Melchior de Sérent ; du côté de l'épître, ceux de Jacques Nouel et d'Abel Bolle (21 décembre 1842). Les stalles de l'ancienne abbaye de Prières sont actuellement dans la chapelle du Mené, à Vannes.

A côté de ce nombre imposant de monastères d'hommes, l'Ordre de Cîteaux n'eut en Bretagne que deux abbayes de filles.

La première fut l'abbaye Notre-Dame de la Joie, fondée aux portes d'Hennebont, dans le diocèse de Vannes, par Blanche de Navarre, épouse de Jean Ier Le Roux, duc de Bretagne, en 1260. Ce monastère reçut d'abord le nom de : Joie de Notre-Dame, qui devint plus tard par inversion : Notre-Dame de la Joie. Ce nom de : Joie de Notre-Dame se trouve dans une note du mois de septembre 1276 : « A touz-céans qui orront ou verront ces présentes lettres, Jehan, fiz enné au duc de Bretaingne, conte de Richemont, saluz en Deu. Sachient touz que nous avons gréé et ottrée, gréons anquore et ottréons, que nostre chière mère, Blanche, duchesse de Bretaingne, denge (donne) et puisse donner, en sa terre et en son héritage don Perche, à s'abbaie, nommée La Joie Nostre-Dame de lez Henbont, à la dyocèse de Vanes, cent livres de rente en pure aumonne à jamès, sanz riens que nos né nos hoirs puissions demander en icéans cent livres de rente par auqune réson ; et que encontre des dittes choses n'irons jamès, né nos né nos hoirs. Donné le mois de septembre en l'an de grâce mil dous cenz soixante sèze ».

Sa première abbesse fut Sibile de Boisgency, nièce de la duchesse Blanche de Navarre et religieuse du couvent de Saint-Antoine, à Paris.

Un terrible incendie y ayant éclaté le 25 juillet 1510, l'église, la trésorerie, le dortoir, une partie du cloître, furent consumés par le feu. La portion de la Vraie Croix que l'on y possédait fut miraculeusement conservée et retrouvée intacte dans les flammes. En 1740, à une époque bien mauvaise pourtant, l'abbaye comptait encore cinquante religieuses. De nos jours, il ne reste aucune trace de l'ancien couvent de Notre-Dame de la Joie. Seul un corps de bâtiment, construit en 1692 et en 1693, par l'abbesse Suzanne de Ploeuc, et qu'on appelle encore l'abbatiale, subsiste. Entre la maison abbatiale et l'entrée principale de l'église, on construisit un portique et, au-dessus, une salle capitulaire qui servait de trait d'union entre les deux parties du monastère. C'est grâce à ce trait d'union, qui existait encore en 1835 qu'on a pu reconstituer sur le papier l'axe de l'église et l'emplacement de l'ancien couvent. Cet emplacement est converti en 1927 en parc anglais. On n'a conservé, que les édifices et quelques vieux arbres de l'allée grandiose qui traversait l'enclos du nord au sud. Le corps du martyr, saint Clément Alacrius, que possédait cette abbaye, est conservé en 1927 dans la chapelle de l'hôpital d'Hennebont.

Au XVIIème siècle, 26 mars 1652, un second monastère de Cisterciennes fut fondé en Bretagne. Situé d'abord dans la paroisse de Plomelin, au diocèse de Quimper, il fut transféré au siège même de l'évêché par la seconde abbesse, Anne Le Coigneux, en 1668. On l'appela l'abbaye Notre-Dame de Kerlot, du nom de son fondateur, Pierre de Jégado, chevalier, seigneur de Kerollain, de Kerlot et autres lieux. Elisabeth de Jégado, soeur de Pierre, en fut la première abbesse. Elle mourut en 1657.

Par ce que nous venons d'exposer, on voit aisément que, si Bretons et Bretonnes avaient la vocation cistercienne, ces dernières n'étaient, pas plus que maintenant, forcées de s'expatrier, et que les premiers avaient le choix entre quatorze monastères. Vers 1920, il s'est fondé à Sainte-Anne-d'Auray, au diocèse de Vannes, un monastère de Cisterciennes, nommé Notre-Dame de Bonne Garde ; mais, dès le milieu du XIXème siècle, il s'en était érigé, à Vannes même, un premier qui dura peu, le fondateur de Thymadeuc, Dom Bernard, n'ayant pu en assumer la direction.

Ces maisons se maintinrent longtemps dans leur ferveur primitive ; puis vinrent des périodes de trouble, pendant lesquelles certains points de la Règle ne furent pas aussi scrupuleusement observés. L'esprit de parti a d'ailleurs singulièrement exagéré le relâchement et les désordres des moines. Les monastères cisterciens, même aux époques les moins bonnes, renfermèrent toujours de fervents religieux.

Quoi qu'il en soit, des jours arrivèrent où il sembla que tout fût fini. En 1789, la Révolution éclatait en France et, l'année suivante, tous les monastères du pays étaient sécularisés et vendus. En 1792, les derniers religieux furent brutalement expulsés, traînés devant les tribunaux, guillotinés... Cîteaux allait-il disparaître pour jamais dans le naufrage universel?... Dieu ne le souffrit pas. De l'une des plus célèbres abbayes cisterciennes de cette époque, et au plus fort de la tourmente, il sut prélever et mettre à l'abri une semence forte et vigoureuse qui, trente ans plus tard, au souffle vivificateur de la liberté enfin rendue, s'épanouit partout et devint, surtout en France, plus florissante que jamais.

Cette sainte maison, dont la Providence se servit pour la conservation de l'Ordre de Cîteaux, fut le monastère de Notre-Dame de la Trappe, au diocèse de Séez, en Normandie.

L'abbaye de Notre-Dame de la Trappe, fondée en 1120 et appartenant à la congrégation de Savigny, se soumit avec cette dernière à l'Ordre et à l'Observance de Cîteaux, sous la filiation de Clairvaux, en l'année 1147. En 1662, elle comptait seulement dix religieux et avait pour abbé Armand Le Bouthillier de Rancé.

Celui-ci était né le 9 janvier 1626, d'une famille noble et distinguée. Filleul de Richelieu, émule de Bossuet sur les bancs de la Sorbonne, docteur de cette université, ami du faste et de la cour, doté en commende de plusieurs abbayes, il s'était toujours senti favorisé de la fortune, et celle-ci continuait à lui sourire. Il s'abandonnait avec entraînement aux vanités et aux délices du monde. Un jour, la grâce le toucha : « Ou l'Evangile nous trompe, ou c'est ici la demeure d'un réprouvé ! » s'écria-t-il. Il vendit son magnifique château de Vérets, se démit peu à peu de tous ses bénéfices, ne gardant que son abbaye de la Trappe, dont il prit la direction effective après son noviciat, sa profession et la bénédiction abbatiale qui lui fut donnée le 13 juillet 1664, au monastère de Perseigne.

Dès la première année, il introduisit dans son abbaye l'Etroite Observance de France, telle qu'on la pratiquait à Clairvaux, à la Charmoye, à Prières et dans la plupart des monastères bretons.

Dans l'Ordre de Cîteaux, son zèle et ses qualités éminentes le placèrent immédiatement au premier rang ; l'Etroite Observance le considéra comme la colonne de la réforme. Au Chapitre Général de 1664, le premier auquel il assista, il fut désigné par ses pairs pour aller défendre à Rome les droits de son observance à suivre la Règle dans toute sa pureté. Il y résida une année, sujet tour à tour d'admiration et de contradiction, édifiant toujours par son austérité et son zèle.

Après le Chapitre Général de 1667, fatigué de ces querelles sans aboutissement, il résolut de s'adonner au seul bien de sa maison ; il y renforça la réforme ; il rédigea des règlements particuliers, et s'appliqua, dans sa vie et sa doctrine, à reproduire l'oeuvre des Pères des déserts d'Orient.

Enfin, riche de vertus et d'épreuves, démissionnaire de la charge abbatiale pour cause de santé, aux dernières années de sa vie, le pieux réformateur s'endormit au milieu d'une nombreuse postérité, la main dans la main de son évêque, le 27 octobre 1700. Bossuet a porté sur lui ce jugement : « C'était un autre saint Bernard, en doctrine, en piété, en mortification, en humilité, en zèle, en pénitence ; et la postérité le comptera parmi les restaurateurs de la vie monastique ».

La Réforme de l'abbé de Rancé se maintint austère et fervente jusqu'aux jours de la Révolution française. Lors de la suppression des ordres religieux, le siège abbatial étant vacant, Dom Augustin de Lestrange était maître des novices. Il obtint la permission d'émigrer avec vingt-quatre de ses frères. Il se dirigea vers la Suisse et, le 1er juin 1791, occupa la Val-Sainte, ancienne chartreuse du diocèse de Lausanne, qu'il avait obtenue des magistrats de Fribourg.

A l'occasion de la fête de saint Etienne, 16 juillet, les compagnons de Dom Augustin, à peine installés, eurent la pensée de compléter l'oeuvre de l'abbé de Rancé et de revenir à la pratique exacte et littérale de la Règle de saint Benoît, pratique qui, jusque-là, malgré les efforts du réformateur, n'avait pas encore été véritablement atteinte. Le digne supérieur en bénit Dieu, et, dès le 19, commencèrent les Chapitres pour la réalisation de cette oeuvre importante. On reprit donc l'horaire de saint Benoît, on rétablit toutes les peines prescrites par lui, ainsi que les usages primitifs de Cîteaux. Sur plusieurs points on dépassa même ces derniers ; on entra dans la voie de la réforme avec une ardeur quelque peu indiscrète ; aussi certaines modifications devinrent-elles bientôt nécessaires.

Le 31 juillet 1794, un bref du pape Pie VI encouragea les vaillants religieux, et, le 8 décembre de la même année, un décret du nonce apostolique, en application du bref précédent, constitua la Val-Sainte en abbaye et en chef-lieu de la Congrégation des Trappistes, sous l'autorité du R. P. Augustin de Lestrange. Déjà, en effet, de petites colonies, sorties de la Val-Sainte, s'étaient fixées en Espagne, en Angleterre, en Belgique, et formaient autant de vaillantes communautés de Trappistes.

Il y avait six ans que le nouveau monastère était établi et prospérait dans la pauvreté et la régularité. Outre ses fondations déjà nombreuses, Dom Augustin se voyait à la tête d'une abbaye florissante, lorsque l'invasion de la Suisse par les Français le força à partir avec tous ses religieux. Alors commencèrent ces longs et merveilleux voyages, où se manifestèrent de plus en plus la foi profonde, le courage indomptable du Père, en même temps que la généreuse fidélité, l'inaltérable patience des enfants.

Par intervalles cependant, la Val-Sainte voyait revenir à elle ses pieux habitants. Ceux-ci s'y trouvaient à la chute de Napoléon Ier, qui, tour à tour, les avait tolérés et persécutés.

Durant les dernières années de l'Empire, une scission regrettable se produisit dans la Congrégation de la Trappe. Quelques maisons rétablirent l'ancienne observance de l'abbé de Rancé, tandis que les autres monastères conservèrent les règlements de Dom Augustin de Lestrange. Les grandes différences se trouvaient dans l'heure des repas, aux jours de jeûne surtout, et dans la durée du travail des mains. On revint à l'unité en 1834, pour s'en écarter à nouveau en 1847. Ce n'est qu'en 1892 que l'union se fit définitivement, au Chapitre Général solennel tenu à Rome, sur l'invitation du pape Léon XIII.

Cependant, avec la Restauration, les Trappistes purent rentrer en France. Les moines de la Val-Sainte quittèrent cet asile le 16 novembre 1815, pour aller reprendre possession de Notre-Dame de la Grande-Trappe qui devint, comme il convenait, le chef-lieu de la Congrégation, jouissant de tous les droits et privilèges conférés à la Maison-Mère par le bref du pape Pie VI.

Dans la personne des Trappistes, Cîteaux se trouvait donc à nouveau sur le sol de France. L'antique abbaye de Melleray, au diocèse de Nantes, mais tout aux confins de la Bretagne, n'allait pas tarder à refleurir. Le 8 février 1817, Dom Antoine, abbé de Lullworth, en prenait possession, et s'y installait solennellement le 7 août de la même année. En 1841, les Cisterciens allaient fonder, au coeur même du pays, l'abbaye de Notre-Dame de Thymadeuc.

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